Il est reconnu par tous les observateurs, depuis plusieurs années, que la dynamique régressive des écosystèmes arides n’est que la manifestation d’une dynamique socio-économique, caractérisée par une forte démographie et des méthodes d’exploitation du milieu de plus en plus agressives (Mederbal, 1992). Souvent des études, plus au moins sectorielles consacrées à la désertification, établissant des diagnostics à posteriori sur l’état du milieu peuvent conduire à des attitudes plus réparatrices que préventives: on agit sur les effets et non sur les causes (Regagba, 1999) ; par conséquent on en est en dessous des espérances pour différentes raisons essentielles:
– Les surfaces traitées ne peuvent être que marginales par rapport aux espaces dégradés. La situation économique du pays ne permet, en aucun cas, de dégager des ressources suffisantes pour infléchir une dynamique de dégradation par une dynamique de restauration;
– Le traitement technique de la dégradation n’est pas toujours accueilli favorablement par les populations qui peuvent le juger inadapté à leurs intérêts. Il s’ensuit que, tôt ou tard, la dynamique régressive revient ;
– Bien que disposant d’une certaine avance, les connaissances phytoécologiques ne permettent pas encore de maîtriser les espèces clées de voûte à introduire ou réintroduire pour rétablir l’ancien équilibre ou créer un nouvel équilibre mieux adapté aux modes d’utilisation de l’espace . Beaucoup de travaux consacrés à la mise au point de modèles de gestion rationnels ou de modèles prévisionnels des ressources, afin de réagir à temps par des actions de régulation, ont également connu peu d’application sur le terrain. On bute toujours sur les éternels problèmes de rigidités structurelles et de pénurie de moyens: passer de la compréhension d’un phénomène à l’action n’est pas évident. Aussi efficaces que soient les techniques, elles doivent, pour être appliquées, rencontrer sur le terrain des structures réceptives et propices au changement et c’est précisément là le principal blocage car bien souvent l’efficacité de la lutte contre la désertification dépend d’avantage de changements qualitatifs que du volume de ressources qui lui seront consacrées. Depuis la fin des années quatre-vingts, les approches holistiques des phénomènes de désertification et plus largement du développement agro-pastoral se sont bien répandues. On reconnaît désormais qu’il faut raisonner en termes de « développement participatif » et « durable ». En effet, en matière de lutte contre la désertification, en optant pour la voie de l’écodéveloppement, l’approche consiste essentiellement à stimuler et accompagner l’évolution des systèmes agro-pastoraux vers des formes d’exploitation qui concilient les intérêts des populations et l’équilibre écologique.
Exposé introductif sur les zones arides et la désertification
Préambule
Les zones arides correspondent à des territoires marqués par la présence d’un couvert végétal ténu mais régulièrement dispersé dans l’espace et par un déséquilibre marqué entre la quantité d’eau disponible et le pouvoir évaporant du climat (Bagnouls et Gaussen, 1953, 1957; Callot, 1987). Le premier paramètre étant en fait tributaire du second, la définition des terres arides se doit donc d’être avant tout climatique ou plus précisément pluviométrique. Délimiter clairement l’étendue couverte par ces zones est paradoxalement le premier handicap à franchir (Barry et al. 1974 ; Barry 1980). De manière arbitraire peut-être, mais en harmonie avec beaucoup de travaux, il ne sera ici question que des territoires recevant entre 400 et 100 mm de pluies par an. Ainsi défini, ce territoire se trouve modelé par une intense érosion éolienne et hydrique qui lui donne une morphologie bien particulière (Ramade, 1984). Les sols y sont minces voire même squelettiques. Le climat est bien tranché en deux périodes fort inégales en durée, dont la plus brève et humide favorise la photosynthèse (Bagnouls et Gaussen, 1953, 1957 Loc. Cit.). Seules les plantes adaptées à la longue sèche défavorable sont capables de s’y installer et de s’y multiplier (Ozenda, 1982). Par ailleurs, la productivité des écosystèmes arides est extrêmement faible en raison de l’insuffisance et de la variabilité des précipitations d’une part et du faible niveau de fertilité des sols d’autre part (Abdelguerfi ; Laouar, 2000). La maigre végétation qui se développe dans ces zones arides a été utilisée depuis les âges les plus reculés comme source d’alimentation pour la faune sauvage et pour les animaux domestiques. Ainsi différents systèmes pastoraux extensifs ont été établis dans ces territoires. Ces systèmes se basent sur l’élevage d’animaux rustiques capables de résister aux températures élevées et aux disettes fréquentes qui caractérisent ces zones. Les stratégies traditionnelles, qui ont permis l’adaptation des hommes et des animaux à de telles conditions difficiles, reposent sur certaines formes d’organisations sociales et sur une grande mobilité liée à la recherche de points d’eau et de sources d’alimentation. Associée à une faible pression humaine et animale, cette mobilité a permis, jusqu’à une période relativement récente, de maintenir l’équilibre des écosystèmes naturels. Mais avec l’accroissement démographique et par suite de la sédentarisation d’une grande partie de la population et de la réduction de l’amplitude de la transhumance, des modes d’exploitation agropastoraux se sont substitués aux modes pastoraux traditionnels et ont engendré une rupture de cet équilibre. En effet, on assiste à une extension progressive de l’agriculture au détriment des meilleurs espaces pastoraux dont la végétation a été détruite par des moyens mécaniques de plus en plus en plus puissants. Cette destruction est également aggravée par l’accroissement de la pression animale sur des surfaces pastorales de plus en plus réduites et par l’augmentation du prélèvement des produits ligneux destiné à la satisfaction des besoins en combustibles ainsi qu’à d’autres usages divers (artisanat, clôture…). Ces différents phénomènes ont conduit à accroître la fragilité des écosystèmes, à réduire leur capacité de régénération et à diminuer leur potentiel de production. Dans les zones les plus fragiles, la surexploitation des ressources naturelles a induit un accroissement de la sensibilité à la désertification et des formes de dégradations quasi – irréversible (Mederbal, 1996).
Les zones arides et semi-arides ont une grande importance parce qu’elles couvrent une grande partie des pays du pourtour méditerranéen (les pays du proche orient et de l’Afrique du nord : Arabie Saoudite, Iran, Irak, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie). Ces régions présentent entre elles de nombreuses similitudes en raison du climat, malgré leur grande diversité. Pour les régions semi-arides, les précipitations annuelles sont comprises entre 300 et 600mm et pour les régions arides, elles sont comprises entre 100 et 300mm. Par ailleurs, pour les régions qualifiées de désertiques, les précipitations sont inférieures à 100 mm. Globalement, dans l’ensemble de ces territoires, les pluies sont très irrégulières concentrées en hiver, alors que les étés sont longs chauds et secs. Ce type de régime climatique conditionne totalement la vie agricole et pastorale de ces régions. Toutefois « les spécialistes reconnaissent que l’aridisation s’accentue sous l’effet d’un mauvais aménagement, par l’homme, des ressources que la nature a mise à sa disposition » (Baumer, 1974 in Boulahoaut 1993).
Définition des zones arides et de la désertification
Globalement, les zones dites arides sont celles qui reçoivent en moyenne moins de 600mm de pluie par an. Elles représentent environ 1/3 de la planète et elles occupent:
– 52% du continent Africain;
– 14% du continent Américain;
– 34% de l’Asie;
– 61% de l’Australie.
En Europe le seul pays réellement concerné est l’Espagne (80% du territoire). Dans le climat aride en général, des nuances vitales sont reconnues; on distingue:
– Le désert érémitique total qui reçoit moins de 50mm d’eau par an;
– Le climat hyper-aride, dont la pluviosité annuelle oscille entre 50 et 100mm;
– L’aride, entre 100 et 400mm;
– Le semi-aride (400 à 600mm) .
Dans l’érémitique et l’hyper-aride, il n’y a pas grande chose à faire. La vie ne peut s’organiser qu’autour de points d’eau. On aura donc une agriculture oasienne ou des parcours exploités sur de courtes durées. Dans les zones semi- arides, l’agriculture pluviale est possible sur les meilleures terres. Des systèmes d’associations agriculture – élevage sont fréquents. Les régions dites arides sont quant à elles à vocation pastorales (quoique une agriculture marginale peut se rencontrer jusqu’à 250mm de pluie/an) Ces régions arides et semi-arides majoritairement situées de par et d’autre des tropiques sont des zones tampons entre les terres relativement bien arrosées et les déserts. Ces régions connaissent depuis plusieurs décennies des dégradations qui risquent de conduire à une stérilisation irréversible dont l’équation est simple: milieu naturel fragile + sécheresse épisodiques + fortes pressions humaines = désert. Dans les recherches sur les écosystèmes des régions arides et semi-arides, beaucoup de chercheurs ont essayé de définir la désertification:
– Pour Rozzanov (1977) in Mederbal, (1996), “ la désertification, un processus naturel ou anthropique, est un changement irréversible du sol et de la végétation des zones arides vers une irradication et la diminution de la productivité biologique. Dans les cas extrêmes, ce processus peut mener jusqu’à une désintégration totale du potentiel biotique et la transformation du territoire en désert ” ;
– Pour les scientifiques de l’institut des déserts à Achkhabad, “l’intensification ou/et l’élargissement des conditions désertiques constituent un processus qui mène à la diminution de la productivité des écosystèmes ; cette diminution, à son tour, mène à la diminution des ressources pastorales, de la productivité agricole et à la détérioration des conditions de la vie humaine ” ;
– Pour Zonn, “La désertification englobe tous les processus de dégradation biologique quel que soit leur facteur ou l’endroit où ils apparaissent. Pour Khellil (1995), “ la désertification est un phénomène complexe qui génère une dégradation irréversible du sol et de la végétation et qui a comme principale cause les activités humaines ”.
Importance du surpâturage, du défrichement et de la désertification et de leurs impacts sur la diversité biologique
Préambule sur le phénomène désertification, conséquence du surpâturage et du défrichement
La désertification, qui se manifeste donc par des paysages désertiques, est un ensemble d’actions impliquant la réduction plus ou moins irréversible du couvert végétal; Elle touche environ 70% de la totalité des terres arides (FAO, 1980, 1995). Les phénomènes de désertification ont été révélés au monde par la terrible sécheresse du Sahel qui a pratiquement duré de 1970 à 1985, avec deux culminations (1973 et 1985). On se rappelle tous des silhouettes faméliques que les médias ont longuement diffusées. En effet, l’accroissement de la production agricole et alimentaire dans les zones arides a été obtenu dans une faible mesure par l’augmentation des superficies irriguées et dans une large mesure par l’extension des superficies cultivées. L’accroissement des produits de l’élevage a été obtenu par l’accroissement de la charge des pâturages où les surfaces cultivées ont été implantées sur les terres marginales des zones montagneuses et sur les steppes des régions arides. L’augmentation de la production de viande a été obtenue par l’accroissement du cheptel et par conséquent les forêts, les maquis, les garrigues et les steppes arides ont été fortement perturbés. Donc, l’accroissement de la production agricole s’est effectué au détriment des ressources naturelles. Pour l’intensité de l’érosion (considérée comme forme de désertification) et son évolution les chiffres sont alarmants:
– Les pertes de sol dans certains versants sont de l’ordre de 1 à 7 mm/an;
– Les pertes de surface agricoles atteignent localement 3%/an;
– Dans les pays de l’Afrique du Nord seulement on remarque qu’environ 130.000ha de terres cultivées (0,6%) sont détruites annuellement par l’érosion hydrique (40.000ha pour l’Algérie seule).
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Table des matières
Introduction générale
PARTIE 1 : PROBLEMATIQUE DE LA DEGRADATION DES ZONES ARIDES
1- Exposé introductif sur les zones arides et la désertification
1.1- Préambule
1.2- Définition des zones arides et de la désertification
2- Importance du surpâturage, du défrichement et de la désertification et de leurs impacts sur la diversité biologique
2.1- Préambule sur le phénomène désertification, conséquence du surpâturage et du défrichement
2.2- Compréhension des mécanismes de la désertification des zones arides
2.2.1- Les ingrédients d’un milieu naturel fragile
2.2.2- Processus de la désertification
2.2.3- Crise du pastoralisme
3- Impact du phénomène désertification sur la diversité biologique
3.1- Impact du surpâturage sur la diversité biologique
3.2- Impact du défrichement sur la diversité biologique
3.3- Menaces de la désertification sur la biodiversité
4- Espoirs de retour à une dynamique progressive
4.1- Changements de mentalités (dans l’approche du pastoralisme)
4.2- Volet foncier et juridique
4.3- Progrès technique et scientifique
5- Approche possible pour le développement des zones arides
6- Objectifs visés
6.1- Objectifs principaux
6.2- Objectifs thématiques
6.3- Objectifs méthodologiques
PARTIE 2 : DIAGNOSTIC DU MILIEU ET ANALYSE DE LA VEGETATION DE L’INTERFACE STEPPE – SAHARA
Préambule (Présentation du cheminement méthodologique générale adopté)
1- Choix techniques et méthodologiques
1.1- Problématique, objectifs visés et résultats attendus
1.1 .1- Problématique
1.1.2- Objectifs visés
1.1.3- Résultats attendus
2- Diagnostic du milieu et analyse de la végétation
2.1- Approche globale envisagée
2.1.1- Les expériences internationales
2.1.2- Approche possible
2.2- Spécificités écologiques du territoire test retenu pour l’expérimentation
2.2.1- Présentation de la région steppique algérienne
2.2.1.1- Cadre général
2.2.1.2- Bref aperçu historique pour comprendre les causes passées et actuelles de la dégradation du tapis végétal
2.2.1.3- Présentation des principaux ensembles floristico-écologiques
2.2.2- Analyse globale des données du milieu du territoire test
2.2.2.1- Situation et critères de choix du territoire test
2.2.2.2- Diagnostic et analyse du milieu naturel de la région d’El Bayadh
2.3- Analyse écologique et synthèse des données du milieu à l’aide de la télédétection spatiale et des Systèmes d’Informations Géographiques
2.3.1- Analyse écologique à l’aide de la télédétection spatiale
2.3.1.1- Méthodologie
2.3.1.2- Résultats
2.3.2- Synthèse des données écologiques à l’aide des SIG (Systèmes d’Informations Géographiques)
2.3.2.1- Méthodologie
2.3.2.2- Résultats
2.3.2.3- Conclusion
2.3.3- Dynamisme de la végétation
2.3.3.1- Concept et méthodes d’étude de la dynamique de la végétation
2.3.3.2- Analyse de la végétation actuelle
2.3.3.3- Résultats de l’étude de la dynamique de la végétation steppique
2.3.3.4- Conclusion et perspectives
2.4- Valorisation et écophysiologie des espèces végétales phares
2.4.1- Valorisation des plantes steppiques d’intérêt médicinale
2.4.1.1- Méthodologie d’inventaire et de valorisation de quelques plantes médicinales
2.4.1.2- Valorisation de quelques plantes d’intérêt médicinal
2.4.2- Ecophysiologie et possibilités de multiplication des exspèces végétales steppiques d’intérêt écologique et pastoral
PARTIE 3 : SYNTHESE DES RESULTATS POUR LA PROPOSITION D’UN MODELE D’AMENAGEMENT
1- Etat actuel du milieu
1.1- Etat actuel des écosystèmes forestiers
1.2- Etat actuel des écosystèmes steppiques
2- Bilan des actions entreprises pour résoudre les problèmes de dégradation du milieu
2.1- Bilan du reboisement de Stitten (Nord du bassin versant)
2.2- Actions entreprises dans les nappes alfatières
3- Proposition d’un modèle d’aménagement
3.1- Schéma d’aménagement du bassin versant du barrage de Brézina
3.1.1- Problèmes posés et grandes lignes d’action pour l’aménagement du bassin versant
3.1.1.1- Le problème biologique de l’amélioration des parcours steppiques
3.1.1.2- Les grandes lignes d’action
3.2- Schéma d’aménagement du périmètre irrigué de Brézina
3.2.1- Amélioration des propriétés chimiques des sols
3.2.2- Amélioration de la vie biologique du sol
3.2.3- Amélioration des sols par les cultures
Conclusion générale
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