Au début XVII siècle Kepler trouva, en analysant les observations de Tycho Brahe, trois lois décrivant le mouvement des planètes autour du soleil. Quelques décennies plus tard, Newton développa la théorie de la gravitation : les équations du mouvement de corps à symétrie sphérique soumis uniquement à leur attraction gravitationnelle mutuelle. Appliquant sa nouvelle théorie au cas du problème à deux corps, Newton intégra les équations du mouvement et trouva des trajectoires suivant les lois décrites par Kepler. Il fut cependant démuni face au problème à trois corps, comme de nombreux mathématiciens après lui jusqu’à ce que Poincaré montre en 1892 que ce problème n’était pas intégrable. Si les observations de notre système solaire multi-planétaire ont permis à Kepler d’établir des lois décrivant le problème à deux corps, c’est parce que les perturbations mutuelles des planètes sont suffisamment faibles pour que sur des temps courts les trajectoires ne diffèrent pas significativement de celles de corps isolés. En effet, si les masses des planètes sont faibles par rapport à celle de l’étoile et que leurs distances mutuelles ne deviennent pas trop petites, les équations du mouvement de ce système sont proches d’une somme de problèmes à deux corps. Cette approche, dite perturbative, a été utilisée par Lagrange en 1778 afin de donner des solutions approchées du problème à deux corps perturbé.
Mais si il n’est pas possible d’obtenir une solution analytique générale et exacte du problème à trois corps, cela n’exclut évidemment pas la possibilité d’identifier des solutions particulières de ce problème. Dès 1767, Euler en trouva trois : trois configurations où les corps sont alignés et sont sur une orbite périodique. En 1772, Lagrange porta ce nombre à 5 : il ajouta aux configurations d’Euler deux nouvelles configurations où les trois corps sont au sommet d’un triangle équilatéral indéformable tournant autour du centre de gravité du système à une vitesse constante. Soit m0, m1 et m2 les masses de ces trois corps, avec m0 ≥ m2 ≥ m1. Nous notons L1 et L2 les configurations alignées où les corps 1 et 2 sont du même côté du corps 0, L3 la configuration où m1 et m2 sont chacun d’un côté de m0, L4 la configuration équilatérale où m1 est en avance sur m2 et L5 l’autre configuration équilatérale. On appellera également ces 5 orbites les ‘équilibres de Lagrange’, car ce sont des points fixes dans le repère tournant avec chacune de ces configurations. L1, L2 et L3 sont des équilibres instables. En 1843, Gascheau montra que la stabilité (linéaire) des équilibres L4 et L5 dépendait de la répartition de masse entre les trois corps : ces configurations sont stables si m1 et m2 sont suffisamment faibles devant m0. Quand cette condition est vérifiée, il existe un ensemble de conditions initiales non vide pour lesquelles un système de trois corps libre au voisinage de cet équilibre sur des temps longs (où ‘long’ reste ici à définir). Il fallu attendre 1906 pour que le premier corps dans cette configuration, Achille, soit découvert par Wolf (1906) au voisinage du point L4 de Jupiter. Depuis, des milliers d’astéroïdes ont été découverts dans le voisinage des points L4 et L5 des planètes du système solaire, principalement de Jupiter . Par analogie au nom donné aux premiers de ces astéroïdes découverts, nous appellerons cette configuration ‘troyenne’, où les corps librent autour des sommets d’un triangle équilatéral.
Stabilité des orbites coorbitales quasi-circulaires
Les systèmes fortement chaotiques qui quittent la résonance coorbitale avant la fin de l’intégration ou dont la variation relative d’énergie dépasse 10−6 sont retirés de l’intégration. Dans ce cas, la couleur blanche est assignée à leurs conditions initiales (ζ0, µ) sur les figures (1.3). Ces instabilités à court terme sont principalement dues au recouvrement de résonances secondaires (Robutel et Gabern, 2006; Páez et Efthymiopoulos, 2015). Après l’élimination de ces conditions initiales, la diffusion à long terme le long de ces résonances secondaires peut déstabiliser les configurations coorbitales sur des temps beaucoup plus longs. Une façon d’identifier cette diffusion est de mesurer la variation temporelle de la fréquence de libration (Laskar, 1990, 1999). La couleur noire est assignée aux conditions initiales pour lesquelles la fréquence ν a une variation relative de plus de 10−6 entre la première moitié et la seconde moitié des 5 millions d’années d’intégration. Les trajectoires ainsi identifiées sont principalement situées le long de la séparatrice et proches des configurations éjectées. Dans les régions restantes, les faibles variations de ν garantissent, dans la plupart des cas, la stabilité sur des milliard d’années (Laskar, 1990; Robutel et Gabern, 2006). Pour les systèmes stables sur le long terme, la couleur assignée représente la valeur de la fréquence de libration .
Nous observons que pour des masses proches de µ ≈ 0.037 (Gascheau, 1843), l’amplitude de libration des orbites stables est très faible et le domaine de stabilité est fortement perturbé par des résonances secondaires. Le chaos induit par ces résonances (ν = η/2, ν = η/3, et ν = η/4) réduit la région de stabilité significativement, la confinant au voisinage des configurations équilatérales L4 et L5 (voir Roberts, 2002; Nauenberg, 2002). Quand µ diminue, la région troyenne stable s’élargit dans la direction des ζ0, augmentant l’amplitude de libration maximale que peuvent atteindre les configurations troyennes. L’influence déstabilisatrice des résonances secondaires ne reste dominante qu’au bord des régions stables (voir Páez et Efthymiopoulos, 2015; Robutel et Gabern, 2006; Érdi et al., 2007, pour le problème restreint).
Quand µ ≈ 3 × 10−4 ≈ 2MSaturne/M, l’ensemble du domaine troyen devient stable à l’exception d’une petite région au voisinage de la séparatrice (ζ0 = ζs ≈ 23.9◦ ). De l’autre coté de la séparatrice, pour ζ0 < ζs, des fers à cheval stables commencent à apparaître (voir Laughlin et Chambers, 2002). Pour des masses plus faibles, La taille du domaine des fers à cheval augmente quand µ diminue jusqu’à atteindre la limite extérieure de la sphère de Hill à une distance de la collision de l’ordre de µ 1/3 (voir Robutel et Pousse, 2013). La comparaison des figures (a), (c) et (d) montre que la répartition de masse entre les deux coorbitaux n’a que peu d’influence sur la stabilité. On constate cependant une légère diminution des domaines de stabilité, notamment dans le voisinage immédiat de la séparatrice.
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Table des matières
Introduction
1 Coorbitaux quasi-circulaires coplanaires
1.1 Formulation hamiltonienne de la résonance 1 :1 pour des orbites quasicirculaires
1.1.1 Formulation hamiltonienne du problème planétaire moyen général
1.1.2 Invariance des variétés circulaire et plane
1.1.3 Stabilité des variétés circulaire et plane
1.2 Dynamique sur la variété circulaire plane
1.2.1 Modèle à un degré de liberté
1.2.2 Portrait de Phase sur la variété circulaire plane
1.2.3 Évolution des élément orbitaux dans le cas quasi-circulaire
1.3 Stabilité des orbites coorbitales quasi-circulaires
2 Dynamique des co-orbitaux excentriques coplanaires
2.1 Approche du problème
2.2 Dynamique au voisinage des points fixes circulaires Lk
2.3 Dynamique au voisinage d’un point fixe
2.3.1 Approximation quadratique
2.3.2 Au-delà de l’approximation quadratique
2.3.3 Dynamique le long des familles F 2k
2.3.4 Approximation quadratique des familles F et F au voisinage des équilibres de Lagrange circulaires
2.4 Réduction du problème
2.4.1 Variété de référence
2.4.2 Séparation des échelles de temps et invariance adiabatique
2.4.3 Variété de référence au voisinage de l’équilibre de Lagrange circulaire
2.4.4 Variété de référence pour des coorbitaux à masses égales
2.4.5 Identification des familles F
2.5 Étude des coorbitaux excentriques à deux masses égales
2.5.1 Dynamique des coorbitaux excentriques à masses égales
2.5.2 Stabilité
2.6 Étude des coorbitaux excentriques de masse quelconque
2.6.1 Étude de l’espace des phases
2.6.2 variété de référence pour m2 6= m1
2.7 Dynamique au voisinage des équilibres elliptiques F2k
2.7.1 Hamiltonien au voisinage de la famille F24
2.7.2 Direction des familles Flk
2.7.3 Forme normale au voisinage d’un point de F24
2.7.4 Fl4 au voisinage de F24
3 Co-orbitaux circulaires inclinés
3.1 Réduction du problème
3.2 Familles émergeant des équilibres de Lagrange circulaire
3.3 Dynamique et stabilité des co-orbitaux circulaires inclinés
3.3.1 Limite du domaine troyen
4 Détection des coorbitaux quasi-circulaires
4.1 Mouvement du barycentre
4.2 Transit
4.2.1 transit des deux coorbitaux
4.2.2 transit d’un des coorbitaux
4.3 Transit et vitesse radiale
Conclusion
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