Les processus géochimiques de la salinisation des sols
Définitions préalables
Les définitions des termes relatifs au mécanisme général de la salinisation des sols sont multiples comme le montre Tabet (1999). Dans cette étude, la salinisation sera considérée comme le processus général regroupant trois grands types de phénomènes : la salinisation neutre, la salinisation alcaline ou alcalinisation et la sodisation. Ces trois mécanismes peuvent apparaître lorsque la solution du sol se concentre. Le faciès chimique de cette dernière détermine alors la voie empruntée : soit la voie saline neutre, soit la voie alcaline. La sodisation est une résultante de ces dernières et traduit le phénomène de fixation d’ions sodium sur la matrice solide. Les états résultants de ces processus de salinisation neutre, d’alcalinisation et de sodisation sont qualifiés de salés, d ’alcalins et de sadiques. Lorsque les sols sodiques se trouvent au contact d ’une eau peu concentrée cela peut conduire à la dégradation de leurs propriétés physiques. La salinisation peut affecter des milieux naturels sans qu’il y ait intervention directe de l’homme : on parle de salinisation primaire. Elle peut aussi être une résultante de pratiques agricoles et d’irrigation sur des sols cultivés : on parle alors de salinisation secondaire. Les pratiques d ’irrigation agissent comme catalyseur du phénomène naturel de concentration lorsque les quantités de sels apportées par l’eau d’irrigation dans un sol ou un périmètre sont supérieures à celles qui sont exportées. Indirectement, en provoquant la remontée de nappe, elles accentuent aussi les remontées de sels des horizons profonds. 4 I n t r o d u c t i o n La salinisation est une résultante globale de plusieurs processus chimiques et hydrologiques qui se produisent dans les sols. Il est impossible de prendre en compte les processus sans caractériser l’environnement physique et bio-géo-chimique ainsi que les pratiques hydro-agricoles qui peuvent avoir un impact sur ces derniers. C ’est dans cette optique que nous présentons ici brièvement les caractéristiques du milieu étudié.
La salinisation des sols à l’Office du Niger
Une étude récente menée au niveau de 1316 exploitations réparties sur l’ensemble de la zone Office du Niger et représentant 15 % des surfaces cultivées, indique que seuls 7.5 % des surfaces montrent, au cours de l’année, des efflorescences salines ou des salants noirs. Ces manifestations traduisent des phénomènes de forte concentration ou de fortes élévations de pH que l’on peut, dans une première approximation, attribuer aux phénomènes de salinisation neutre ou d’alcalinisation (Bas, 1998). Ces résultats semblent démentir les prévisions alarmistes qui avaient cours au milieu des années 1980 quant à la viabilité du périmètre. Il reste cependant aujourd’hui beaucoup d’interrogations sur l’ampleur du phénomène, la nature et la vitesse d’évolution des processus. Les enseignements des recherches menées sur ce thème ces quinze dernières années sont les suivants. Les eaux du Niger utilisées pour l’irrigation présentent une faible concentration (CE=0.040 dS/m) mais sont alcalines : par concentration, elle peuvent mener aux phénomènes d ’alcalinisation et, par conséquence, de sodisation. La qualité d ’une partie des eaux de nappes peut être attribuée à la seule concentration des eaux du Niger; en revanche, d’autres nappes montrent une salinité neutre élevée qui ne peut résulter d’une concentration des eaux du Niger et qui serait attribuée à des mélanges avec les eaux de nappe profonde, au contact de couches salines du Continental terminal (Bertrand, 1985; Barrai & Dicko, 1996; Barrai et al 1996). Le concept de « concentration » des eaux superficielles qui aurait imprimé leurs caractéristiques aux eaux de nappe et des sols est donc remis en question. Les caractéristiques chimiques des eaux de nappe et des sols affichent une variabilité spatiale très forte à toute échelle (aménagement et arroseur) : la conductivité électrique (CE) et le pH des sols varient, respectivement, dans les gammes de valeurs suivantes : 0.11 à 1.9 dS/m (médiane 0.16 dS/m) et de 4.22 à 9.82 (médiane 7.21) (Marlet & N ’Diaye, 1998). Les mêmes études montrent que les indicateurs chimiques de la dégradation apparaissent sous la dépendance de la situation topographique du sol, sa texture et la gestion de l’eau qui y est appliquée : trois facteurs, parmi d ’autres, puisqu’ils n ’expliquent que 20 % de la variabilité observée. Le pH des sols a connu une augmentation significative au cours de l’aménagement (comparaison 1957-1980) qui n ’est pas reliée systématiquement à une élévation de la sodicité ; après réaménagement des terres (comparaison 1987 et 1997), le pH et la conductivité électrique ont augmenté significativement pour l’horizon 0-20 cm mais, en revanche, aucune évolution n’est observée en profondeur. Cette modification des caractéristiques chimiques est attribuée, après les réaménagements (1987), à la progression des surfaces cultivées en hivernage et en contre-saison (maraîchage) et au maintien de la nappe en position sub-affleurante pendant toute l’année, induisant des remontées capillaires plus fortes ; l’effet du réseau de drainage sur la concentration des sels ne semble pas avoir été suffisamment important (Marlet & N ’Diaye, 1998). Les bilans salins annuels effectués sur deux années à l’échelle du périmètre apparaissent équilibrés (Zimmer, 1997; Barrai, 1997; Ouvry & Marlet, 1999). Compte tenu des volumes d’eau importants qui transitent, le système de drainage superficiel apparaît efficace pour l’évacuation des sels. Les rendements de riz n ’ont cessé de progresser depuis 20 ans (+250 % entre 1980 et 1996) ; les raisons sont à trouver, notamment, dans la systématisation du repiquage et le réaménagement des surfaces. La croissance du riz ne semble pas être sensible à la dégradation chimique du sol (Barrai, 1997) et, de part sa nature de culture submergée, n’est pas du tout affectée par la dégradation des propriétés physiques (réduction de la conductivité des sols). En revanche, les cultures de maraîchage, en contre-saison, pourraient être affectées par la dégradation des sols.
|
Table des matières
0.1 Définitions préalables
0.2 Contexte physique de l’é tu d e
0.2.1 Localisation de la zone d’étu d e
0.2.2 Contexte climatique
0.2.3 Contexte géologique et pédologique
0.2.4 Contexte hydrologique et h ydraulique
0.2.5 La salinisation des sols à l’Office du Niger
0.3 Problém atique
0.4 O bjectifs
0.5 L’approche a d o p té e
0.6 Présentation du docum ent
I B ases th é o riq u e s et b ib lio g ra p h iq u e s 17
1 Les processus géochimiques de la salinisation des sols
1.1 Nature des processus géochimiques
1.1.1 La précipitation et dissolution des minéraux alcalins
1.1.1.1 Concepts théoriques
1.1.1.2 Précipitation-dissolution de minéraux dans les sols s a lé s
1.1.2 Les échanges cationiques
1.1.2.1 Concepts théoriques
1.1.2.2 Echanges cationiques dans les sols s a l é s
1.1.3 Les processus d’oxydro-réduction
1.1.3.1 Concepts théoriques
1.1.3.2 Cas des sols rizicoles
1.2 Dynamique des phénomènes de salinisation dans les sols cultivés
1.2.1 Cinétique des processus géochimiques
1.2.1.1 Cinétique dans un système hétérogène
1.2.1.2 Cinétique des processus de précipitation et dissolution des minéraux .
1.2.1.3 Cinétique des processus d’échanges cationiques stricts
1.2.1.4 Cinétique des processus d’oxydo-réduction
1.2.2 Les n o n -éq u ilib res
1.2.2.1 Les c a u s e s
1.2.2.2 Le form alism e
1.2.3 Evolution des phénomènes de salinisation dans le cas des sols rizicoles
2 Modélisation des processus hydro-géochimiques
2.1 Définitions et classification2.1.1 Classification des m o d è le s
2.1.2 Validation des m o d è le s
2.2 Les modèles de transport non r é a c tif
2.2.1 Le formalisme
2.2.2 Confrontation à des données expérimentales
2.3 Les modèles g éo chim iques
2.3.1 Nature des processus m o d é lis é s
2.3.2 Formalisme statique des processus géochim iques
2.3.3 Formalisme dynamique des processus g éo ch im iq u es
2.3.4 Confrontation des modèles à des données expérimentales
2.4 Les modèles couplés
2.4.1 Procédure de c o u p la g e
2.4.2 Les modèles de transport réactifs avec modèle géochimique sta tiq u e
2.4.3 Les modèles de transport réactifs avec modèle géochimique d y n a m iq u e
2.4.4 Confrontation à des données expérimentales
II M atériel et m éthodes
3 Présentation des sols et sites d’étude
3.1 Localisation des s i t e s
3.2 Caractéristiques des sols
3.2.1 Caractéristiques minéralogiques, texturales et structurales
3.2.2 Caractéristiques hydrodynamiques
3.2.3 Faciès ch im iq u e s
4 Structure et fonctionnement du modèle hydro-géochimique
4.1 Le module de transfert d ’eau PASTIS
4.1.1 Equation de tra n s fe rt
4.1.2 Conditions aux lim ite s
4.1.3 Paramètres d’entrée et conditions in itiales
4.1.4 Résolution numérique
4.2 Le module de transport de solutés
4.2.1 Equation de transport
4.2.2 Conditions aux lim ite s
4.2.3 Paramètres d ‘e n tré e
4.2.4 Conditions initiales
4.2.5 Résolution numérique
TABLE DES MATIÈRES XIX
4.3 Le modèle géochimique
4.3.1 Calcul des activités des espèces en s o lu tio n
4.3.2 Formulation cinétique de la précipitation-dissolution des m inéraux
4.3.2.1 Formalisme cinétique général dans le m odèle
4.3.2.2 Lois cinétiques de précipitation-dissolution de m inéraux
4.3.2.3 Lois cinétiques d ’échanges cationiques
4.3.3 Paramètres d ’entrée
4.3.4 Conditions in itiales
4.3.5 Résolution numérique du modèle g é o c h im iq u e
4.3.5.1 Calcul des activités des éléments en s o lu tio n
4.3.5.2 Procédure de précipitation et dissolution des m inéraux
4.3.5.3 Procédure d’échanges binaires
4.4 Le modèle c o u p lé
4.4.1 Schéma de fonctionnement du modèle couplé à une profondeur z donnée et sur
un pas de temps d t
4.4.2 Procédure de c o u p la g e
4.4.2.1 Couplage à la première itération ( k = l )
4.4.2.2 Couplage à l’itération k
5 Protocoles expérimentaux 73
5.1 Expérimentations sur le sol au contact d’une lame d’eau ( b a c s )
5.1.1 Présentation du dispositif
5.1.2 Protocole de m e s u r e
5.1.3 Déroulement de l’expérimentation
5.2 Expérimentations sur monolithe de s o l
5.2.1 Description du dispositif expérimental
5.2.2 P ro to c o le
5.2.2.1 Mise à l’équilibre du s o l
5.2.2.2 Traçage par injection-échelon
5.3 Suivi de profils de sols cu ltiv és
5.3.1 Dispositif expérimental
5.3.2 Protocole de m e s u r e
III Analyse et m odélisation des processus hydro-géochim iques su r un m onolithe de sol
6 Nature et dynamique des processus hydro-géochimiques
6 .1 Résultats6.1.1 Méthode de description des é lu d o n s
6.1.2 Profil chimique initial du m o n o lith e
6.1.3 Elution des ions non ré a c tifs
6.1.4 Elution des ions réactifs à toutes les profondeurs
6.1.5 Evolution de la concentration des ions réactifs à une profondeur représentative
(15 c m )
6.2 Analyse des ré s u lta ts
6.2.1 Le transport de solutés non réactifs
XX TABLE DES MATIÈRES
6.2.1.1 Le transport convectif-dispersif
6.2.1.2 Les écoulements préférentiels
6.2.2 Les réactions hétérogènes
6.2.2.1 Les échanges c a tio n iq u e s
6.2.2.2 La précipitation-dissolution de m in érau x
7 Calage d ’un modèle couplé 97
7.1 Stratégie de calage
7.2 Calage du module de tra n s p o rt
7.2.1 Paramétrage
7.2.2 Résultats du c a la g e
7.2.3 Analyse des résultats du calage
7.3 Calage du modèle c o u p lé
7.3.1 Paramétrage du module géochimique
7.3.2 Ecarts au modèle et sensibilité aux paramètres géochim iques
7.3.2.1 La cinétique d’é c h a n g e
13.2.2 La composition initiale du complexe d ’échange
7.3.2.3 La constante cinétique de précipitation-dissolution
7.3.24 La pC 02
7.3.3 Résultats du calage retenu
7.4 Discussion sur les résultats de calage.
7.4.1 Sensibilité des simulations aux paramètres du m odèle
7.4.2 Analyse du calage re te n u
7.5 Discussion sur les options de paramétrisation et de m o délisation
7.5.1 La procédure de c a la g e
7.5.2 Choix du type de m o d è le
7.5.3 Choix des formalismes utilisés
IV A nalyse des processus hydro-géochim iques dans les sols rizicoles
8 Faciès hydro-géochimique des sols d ’étude
8.1 Faciès géochimique des eaux et des s o l s
8.1.1 Composition chimique des eaux et des s o l s
8.1.1.1 Les eaux d’irrigation et de n a p p e
8.1.1.2 La solution du sol en début de s a is o n
8.1.2 Saturation des sols par rapport aux minéraux a lc a lin s
8.1.2.1 La calcite
8.1.2.2 La sépiolithe
8.1.2.3 L’illite
8.1.3 Caractéristiques électro-chimiques
8.2 Evolution des conditions aux limites du p r o f i l
8.2.1 Phases hydrologiques au cours de l’année à l’échelle de l’a rro s e u r
8.2.2 Evolution des caractéristiques hydriques des sols et flux au cours de l’année à
l’échelle de la p a r c e lle
8.2.2.1 Evolution des caractéristiques h y d riq u e s
8.2.2.2 Bilan des flux à l’échelle de la parcelle au cours de la saison de culture
TABLE DES MATIÈRES XXI
8.3 Analyse des résultats et d isc u ssio n
8.3.1 Le faciès c h im iq u e
8.3.1.1 L’hypothèse d’alcalinisation des eaux par concentration
8.3.1.2 L’existence de faciès alcalins et neutres en début de saiso n
8.3.1.3 La présence de minéraux alcalins dans les sols au cours de la saison
de culture
. 8.3.1.4 Les états d’oxydation et de réduction du sol
8.3.2 Le fonctionnement hydrologique
8.3.2.1 Les périodes de pleine culture et de contre-saison
8.3.2.2 Les périodes de tran sitio n
9 Evolution des caractéristiques géochimiques des sols d ’étude 139
9.1 Evolution du p H , de la p C 0 2 et du E h
9.1.1 Evolutions en milieu contrôlé
9.1.2 Evolutions in s i t u
9.2 Evolution des caractéristiques chimiques de la solution du s o l
9.2.1 Evolution des index de saturation de la s o lu tio n
9.2.2 Evolution des éléments en solution et sur la matrice échangeable
9.2.2.1 Site 1
9.2.2.2 Site 2
9.3 Evolution des caractéristiques chimiques à l’interface lame-d’eau-sol
9.3.0.3 En milieu contrôlé sans flux convectif
9.3.0.4 Au champ suite aux préirrigations
9.3.0.5 Au champs pendant la saison de culture
10 Analyse couplée des processus hvdro-géochimiques
10.1 La phase de pré-irrigation.
10.1.1 La dissolution des m in é ra u x
10.1.1.1 La présence des minéraux alcalins
10.1.1.2 Les minéraux très solubles
10.1.1.3 Les minéraux a lc a lin s
10.1.2 Les échanges cationiques
10.1.3 Les processus d ’oxydo-réduction
10.1.4 Les mécanismes de trAn sf rt
10.2 La période de saturation du s o l
10.2.1 La dissolution des m in é ra u x
10.2.2 Les échanges cationiques
10.2.3 Les processus d ’oxydo-réduction
10.2.4 Les mécanismes de transfert
10.2.4.1 Les mélanges entre l’eau d’apport et le sol mis en boue
10.2.4.2 La dilution de la solution du sol par les irrigtions
10.2.4.3 La diffusion entre le sol et la lame d ‘ e a u
10.2.4.4 Le lessivage gravitaire
10.3 La phase d’assec suivant la vidange f i n a l e
10.3.1 La précipitation des m in é ra u x
10.3.2 Les échanges cationiques
10.3.3 Les processus d ’oxydo-réduction
10.3.4 Les mécanismes de tra n s fe rt
10.4 Impact des processus sur la salinisation des s o l s
10.5 Discussion des hypothèses retenues
Conclusion 171
10.6 Apports de l’é tu d e
10.6.1 La modélisation des processus hydro-géochimiques
10.6.2 Le fonctionnement hydro-géochimique des s o l s
10.7 Limites de l’é tu d e
10.7.1 La validation du modèle n u m é riq u e
10.7.2 L’étude des processus
10.8 Propositions pour des recherches fu tu re
10.8.1 La modélisation
10.8.2 L’étude des couplages entre pro cessu s
Bibliographie
Annexes
10.9 Principales classifications des m o d èles
10.l0 Comparaison de trois modèles mécanistes couplés
10.11 Détermination des coefficients de sélectivité
10.12Caractéristiques chimiques initiales et finales du monolithe de sol
10.13 Résultats des écarts entre simulations et tests de se n sib ilité
10.14Paramètres des courbes de succion pour les trois sols étudiés
10.15 Détermination de la conductivité hydraulique proche de la saturation par TRIMS …. xvii
10.16 Chimie des eaux et des solutions de sol en début de culture
10.17 Charges hydrauliques à différentes profondeurs -site 1
10.18Gestion de l’irrigation à la parcelle recommandée par l’Office du Niger
Télécharger le rapport complet