Dynamique des nutriments à la suite d’un forçage atmosphérique

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Climat d’aujourd’hui, climat du futur

L’histoire de la terre est régie par des fluctuations climatiques à différentes échelles, conduites par des forçages naturels tels que l’activité solaire, l’activité volcanique, etc. Ce qu’aujourd’hui la communauté scientifique appelle « changement climatique » est attribué à un dérèglement du système atmosphérique associé à l’activité humaine, et notamment à un réchauffement planétaire de l’atmosphère et de l’océan. De 1880 à 2012, une augmentation de la température de surface globale de la Terre (terrestre et océanique) autour de 0,85 °C a été observée (Figure I.5).

Zoom sur l’acidification des océans

Depuis le début de l’ère industrielle, le pH de la surface des océans a diminué d’environ 0,1 unité (Orr et al., 2005), et une baisse supplémentaire de de 0,06 à 0,32 unités est projetée pour la fin du siècle selon divers scénarios (Ciais et al., 2013 ; Figure I.9).
Il s’agit de « l’acidification des océans », mais à quoi cela est-il dû ?
La dissolution du CO2 atmosphérique conduit à la formation d’acide carbonique (H2CO3) se dissociant en ions bicarbonate (HCO3-) et ions carbonate (CO32-) et libérant des protons H+. L’équation I.1 représente le système de la chimie des carbonates de l’eau de mer à l’équilibre selon des conditions spécifiques de température, de salinité et de pression.
CO2(g) ↔ CO2(aq) + H2O ↔ H2CO3 ↔ HCO3- + H+ ↔ CO32- + 2H+.
La contribution des formes du carbone inorganique dissous (DIC = CO2 + HCO3+ + CO32-) dans l’eau mer est représentée sur lafigure I.10. Au pH actuel de l’eau de mer d’environ 8,1, 90 % du DIC est sous forme HCO3-, 9 % sous forme CO32- et seulement 1 % correspond au CO2 dissous (Doney et al., 2009).

Les apports atmosphériques

Les concentrations en macro-nutriments dans le bassin semi-clos méditerranéen sont fortement contrôlées par les apports fluviaux et atmosphériques d’origine naturelle et anthropique (e.g. Bethoux et al., 1992, Mermex Group, 2011). Lors de la stratification de la colonne d’eau, les apports autochtones des nutriments en surface via l’upwelling des eaux riches, deviennent négligeables dus à la thermocline impliquant une diffusion très faible. Ainsi, les apports allochtones en nutriments deviennent des sources prédominantes pour les eaux de surface appauvries.
Une des régions les plus productives en Méditerranée est le golfe du Lion influencé par les décharges du Rhône riches en NO3- et PO43- (Lefèvre et al., 1997) permettant d’assurer ~ 50 % de la production primaire annuelle (Mermex Group, 2011). Du fait de l’activité biologique dans les estuaires et zones côtières, l’apport de nutriments biodisponibles via les dépôts atmosphériques aurait un rôle prépondérant dans les eaux du large (Martin et al., 1989 ; Guerzoni et al., 1999). L’atmosphère est donc une excellente voie pour transporter du matériel naturel et anthropique tel que N, P et Fe au domaine hauturier peu influencé par les apports fluviaux. On estime des flux atmosphériques pour DFe, PO43-, NO3- dans le bassin nord-ouest méditerranéen de 32-140 µmol m-2 an-1, 243-608 µmol m-2 an-1 et 18.1-47.7 mmol m-2 an-1, respectivement (Guieu et al., 1997 ; Markaki et al., 2010). Alors que 90 % des flux de NO3- et 70 % des flux de PO43- sont d’origine anthropique, 89 % des flux de Fe proviennent de sources naturelles (Guieu et al., 2010b). La composition des dépôts atmosphériques est contrôlée par 1) les masses d’air provenant des pays européens industrialisés entourant le bassin méditerranéen occidental, et 2) les évènements de poussières sahariennes dont les flux sont les plus importants dans cette région du globe (Guerzoni et al., 1999 ; Guieu and Shevchenko, 2015). En moyenne, le flux annuel de dépôts de poussières sahariennes dans le bassin nord-ouest méditerranéen est de l’ordre de 12 g m-2 an-1 (Löye-Pilot et Martin, 1996 ; Ternon et al., 2010). Toutefois, les dépôts de poussières sahariennes présentent une forte variabilité intra et inter annuelle. Selon deux suivis temporels (1985-2002 : Guieu et al., 2010b et 1984-1994 : Löye-Pilot et Martin, 1996), les flux de poussières oscillent entre 2,5 et 27 g m-2 an-1, ponctués par des évènements sahariens pouvant atteindre des flux de 22 g m-2 (sur 1 à 2 jours). L’intensité et la fréquence de ces évènements sont majoritairement maximales au printemps-été, et minimales en hiver dont 95 % sont des dépôts humides.

Un bassin sous pression anthropique

L’explosion démographique autour du bassin méditerranéen, qui a lieu durant le 20ième siècle, a conduit à une élévation de l’urbanisation, de l’industrialisation, du tourisme, de l’agriculture et la pêche intensive, et des apports anthropiques atmosphériques et fluviaux (Groupe Mermex, 2011). Cette forte pression anthropique que subit la mer Méditerranée, l’a menée à être considérée comme un « hot spot » du changement climatique (Giorgi, 2006, IPCC), c’est-à-dire une région particulièrement sensible aux forçages naturels et anthropiques. Selon des modèles de prédiction, le climat de la région ouest méditerranéenne deviendrait plus chaud et plus sec (Giorgi et Lionello, 2008 ; Somot et al., 2008).
D’un point de vue théorique, l’alcalinité plus élevée en Méditerranée que dans le reste de l’océan mondial, la conduirait à être un puits de CO2 atmosphérique et une source de DIC pour l’océan Atlantique (Ait-Ameur et Goyet, 2006). Cette capacité à absorber relativement plus de CO2 atmosphérique expliquerait pourquoi la mer Méditerranée apparaît comme une des régions les plus impactées par l’acidification. En effet, d’après les estimations de Touratier et Goyet (2011), le pH des eaux de surface du bassin ouest méditerranéen aurait déjà diminué de 0.15 unités depuis l’ère industrielle (comparé à une diminution moyenne dans l’océan mondiale de 0.1 unités, voir section 2.2).

Prélèvement à l’aide de l’IWS III « Integrating Water Sampler »

Dans le cadre du projet MedSea (voir section 4.1), les prélèvements ont été réalisés grâce à l’IWS III (Hydro-Bios©) (Figure II.). Un moteur, alimenté par une batterie rechargeable en lithium, actionne un piston et permet un prélèvement automatique sur une profondeur intégrée de 10 mètres. Avant chaque prélèvement, l’ISW III est rincé à l’eau de mer.

Prélèvement à l’aide de bouteilles GO-FLO

Afin de réaliser des profils d’éléments à l’état de traces tels que le fer (campagne OUTPACE), une rosette « TMC » (Trace Metal Clean) dite « rosette propre » est équipée de bouteilles GO-FLO (Figure II.). Contrairement aux bouteilles Niskin, l’intérieur des bouteilles GO-FLO est recouvert de téflon, l’accastillage est en matière plastique, et les bouteilles sont mises à l’eau fermée (pour éviter des contaminations en surface). Le treuil de la rosette « TMC » est équipé d’un câble en Kevlar® (fil gainé en polyester).
Les bouteilles GO-FLO sont ensuite installées dans un containeur propre à bord du navire et mises sous pression par de l’azote filtré pour effectuer les prélèvements (Figure II.).

Acidification de l’océan : augmentation de la pression partielle en dioxyde de carbone (pCO2)

Afin d’étudier l’effet de l’acidification de l’océan, des expériences ont simulé des scénarios de pCO2 perturbée, via des minicosmes (projet CHIPIE, section 4.2) et via des mésocosmes (projet MedSea, section 4.1). Pour diminuer le pH de l’eau de mer, ou autrement-dit augmenter la pCO2, un volume d’eau de mer filtrée et saturée en CO2 (bullage pendant plusieurs minutes) a été ajouté dans le milieu (Figure II, C). Selon les caractéristiques physico-chimiques du milieu et la perturbation souhaitée, le volume d’eau de mer saturée en CO2 à ajouter a été déterminé avec le « package » Seacarb du logiciel R (Lavigne et al., 2014). Afin d’homogénéiser, un système de diffusion a été utilisé pour l’addition d’eau de mer saturée en CO2 sur toute la profondeur du mésocosme (Projet MedSea) (Figure II, A). Dans le cadre du projet CHIPIE, le minicosme était équipé d’une hélice motorisée permettant une légère agitation horizontale (Figure II, B).

Simulation d’un dépôt humide de poussières sahariennes

Dans le bassin nord-ouest méditerranéen, le flux annuel moyen de dépôt de poussières sahariennes a été estimé à 12,5 g m-2 an-1 sur une série temporelle de 11 ans (Loÿe Pilot and Martin, 1996) et 11,4 g m-2 an-1 sur 4 années (Ternon et al., 2010). Les expériences d’ensemencements artificiels de poussières sahariennes conduites en minicosme (section 4.2) ont simulé un dépôt humide de 10 g m-2. Avec une surface de 0,36 m², 3,6 g d’analogue d’aérosol saharien « vieillit » dilués dans 2 L d’eau ultra-pure, ont été pulvérisés à la surface du minicosme (Figure II.8).

Caractéristiques et utilisation des mésocosmes

Afin de simuler des scénarios d’acidification dans des conditions insitu, des mésocosmes « propres » conçus dans le cadre du projet ANR DUNE (http://www.obs-vlfr.fr/LOV/DUNE/) ont été utilisés. Ils ont été fabriqués à partir de matériaux plastiques uniquement afin d’éviter toutes contaminations métalliques. Avec un diamètre de 2,5 m et une hauteur de 12 m, ils ont permis de « piéger » un volume d’eau de mer de 52 m3. Afin de se protéger des apports atmosphériques, les mésocosmes ont été recouverts d’un toit en ETFE10 (Figure II.10, B) transparent ne modifiant pas le rayonnement solaire incident et surélevé de 10 cm. Un piège à particules a été installé à la base de chaque mésocosme (Figure II.10 , A).
Pour les deux expériences, 9 mésocosmes ont été déployés sur une période de 20 jours (BC) et de 11 jours (BV) permettant d’avoir 3 mésocosmes non perturbés utilisés comme contrôles (C1, C2 et C3) et 6 mésocosmes perturbés avec 6 niveaux différents de pCO2 (P1 à P6) (Tableau II.2). L’acidification des mésocosmes s’est déroulée sur une période de 4 jours (méthodologie section 3.1). Lorsque les pCO2 souhaitées ont été atteintes, nous avons noté « jour 0 » le début de chaque expérience (24 juin 2012 pour BC ; 21 février 2013 pour BV).

Analyse des phosphates (PO43-) et des nitrates (NO3-)

– Une approche alternative : utilisation d’un capillaire optique appelé « LWCC11 ».
Typiquement les eaux de surfaces en mer Méditerranée sont appauvries en nutriments au cours de la période de stratification. Les concentrations en NO3- et PO43- sont en dessous de 0,05 µM au cours de l’été (Marty et al., 2002). Elles sont donc difficilement mesurables avec des techniques traditionnelles comme les analyses automatiques par flux continu (CFA) avec des limites de détection de 0,1 et 0,03 µM pour NO3- et PO43- respectivement (Patey et al., 2008). Dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé une technique alternative manuelle pour l’analyse de PO43- et NO3- à niveau nanomolaire via un capillaire optique « LWCC » installé en salle blanche (Figure II.15). Les méthodes d’analyses pour PO43- et NO3- étant spectrophotométriques, nous augmentons la sensibilité analytique via un chemin optique (longueur du capillaire) entre 1 et 2,5 m (avec le Technicon AutoAnalyser, la cellule optique est de 1 cm). Le capillaire fabriqué en quartz est rigoureusement nettoyé avec une solution diluée d’hydroxyde de sodium NaOH à 1M, de l’acide chlorhydrique Merck™ Suprapur® à 1% et de l’eau ultra-pure.

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Table des matières

Chapitre I : Introduction générale
Chapitre II : Matériels et méthodes
1. Les cycles biogéochimiques dans l’océan
1.1. Le cycle du carbone
1.2. Le cycle de l’azote
1.3. Le cycle du phosphore
1.4. Le cycle du fer
2. Le climat et l’océan
2.1. Climat d’aujourd’hui, climat du futur
2.2. Zoom sur l’acidification des océans
3. La Méditerranée, une zone Low Nutrient Low Chlorophyll (LNLC) sous pressions naturelles et anthropiques
3.1. La Méditerranée, une zone LNLC
3.2. Les apports atmosphériques
3.3. Un bassin sous pression anthropique
4. Objectifs de la thèse
1. Introduction
2. Conditions ultra-propres pour l’analyse des éléments au niveau nanomolaire
2.1. Prérequis des conditions de travail en salle blanche
2.2. Du prélèvement à l’échantillonnage
2.2.1. Prélèvement à l’aide de pompe à soufflet en Teflon®
2.2.2. Prélèvement à l’aide de l’IWS III « Integrating Water Sampler »
2.2.3. Prélèvement à l’aide de bouteilles GO-FLO
2.2.4. Filtration et échantillonnage
3. Simulation de forçages atmosphériques
3.1. Acidification de l’océan : augmentation de la pression partielle en dioxyde de carbone (pCO2)
3.2. Ensemencement artificiel de poussière saharienne
3.2.1. Production d’un analogue d’aérosol saharien
3.2.2. Caractéristiques de l’analogue
3.2.3. Simulation d’un dépôt humide de poussières sahariennes
Chapitre III : Dynamique des nutriments à la suite d’un forçage atmosphérique : l’acidification des océans
Chapitre IV : Dynamique des nutriments à la suite de deux forçages atmosphériques : Acidification et Evènement Saharien
4. Méthodologie pour les expériences de simulation de forçages atmosphériques
4.1. En condition biotique : expériences en mésocosme (projet MedSea)
4.1.1. Objectif et site d’étude
4.1.2. Caractéristiques et utilisation des mésocosmes
4.2. En condition abiotique : expériences en minicosme (projet CHIPIE)
4.2.1. Objectif et site d’étude
4.2.2. Caractéristiques du minicosme
4.2.3. Méthodologie de l’expérience (Figure II.13)
5. Méthodes d’analyses
5.1. Analyse des éléments nutritifs sous forme inorganique dissoute
5.1.1. Analyse des phosphates (PO4
3-) et des nitrates (NO3 -)
5.1.2. Analyses du fer dissous (DFe)
5.2. Analyses de la matière organique dissoute
5.2.1. Analyses du phosphore et azote organique dissous
5.3. Analyse du carbone organique dissous
5.4. Analyse de la matière colloïdale et particulaire
5.2.2. Analyse des particules exopolymériques transparentes (TEP)
5.2.1. Mesure de l’export de carbone
1. Introduction
2. Dynamique des nutriments sous différents scénarios d’acidification de l’océan dans un système oligotrophe (projet MedSeA)
2.1. Résumé
2.2. Article
3. Conclusions et perspectives
3.1. Conclusions et perspectives vers des études multi-facteurs
3.2. Effet de la température et de l’acidification sur la dynamique des nutriments après un bloom printanier en baie de Villefranche sur mer
1. Introduction
2. Le devenir des nutriments inorganiques à la suite d’un dépôt de poussières sahariennes
2.1. Résumé
5.2.2 Analyse du carbone organique
5.3.1
5.3.2
5.3
Chapitre V : Dynamique de la matière organique à la suite de deux forçages atmosphériques : Acidification et Evènement Saharien
Conclusions générales et perspectives
Bibliographie

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