Comment propulser un avion tout en minimisant les nuisances sonores ? Comment mélanger des réactifs pour réaliser une combustion qui limite la génération de suies? Jets et couches de mélange sont impliqués dans des applications industrielles variées. De par la taille des objets considérés, la vitesse et la nature des fluides utilisés, les écoulements des applications sont très souvent turbulents.
Les jets et les couches de mélange appartiennent, avec les sillages, à la classe des écoulements turbulents cisaillés libres. La prédiction “au premier ordre” du comportement moyen de ces écoulements, basée sur l’utilisation de modèles de turbulence standards, ne pose pas de problème majeur. Mais une prédiction précise du taux de croissance spatial et du taux de turbulence de ces écoulements ou, de manière encore plus évidente, la prédiction de phénomènes instationnaires comme ceux responsables du bruit émis, se heurte à des difficultés. En effet, les jets et les couches de mélange s’avèrent très sensibles à leurs conditions aux limites, celles qui prévalent dans l’éjecteur, ainsi que dans leur environnement, à savoir l’écoulement dans lequel ils se développent. Ils sont en particulier sensibles aux sources de bruit, aux vibrations mécaniques et aux fluctuations du débit [11, 56, 58, 63]. Par ailleurs, si l’on connait toutes les sources de bruit, ces écoulements peuvent être affectés de façon importante par une petite modification de la géométrie, comme un faible changement de courbure [13].
Instabilités de jets et de jets tournants
Principe
La théorie de l’instabilité locale permet de d’établir l’évolution de perturbations infinitésimales dans un modèle parallèle d’écoulement supposé stationnaire, le champ de base. S’il existe un référentiel dans lequel une perturbation peut croître indéfiniment, l’écoulement est dit linéairement instable. Si toutes les perturbations tendent à décroitre dans tous les référentiels, il est linéairement stable [18]. Dans le cas de jets et de couches de mélange, qui sont des écoulements ouverts, les éventuelles instabilités peuvent être de deux types différents. Lorsque l’écoulement est instable, il est important de savoir si les perturbations qui croissent sont irrémédiablement advectées, ou si elles sont capables de remonter l’écoulement par leur vitesse de groupe. Dans le premier cas, l’écoulement est dit convectivement instable et il se comporte comme un amplificateur de bruit : il amplifie les perturbations amont mais n’a pas de dynamique propre. Dans le second cas, l’écoulement est dit absolument instable, et il est susceptible de développer un mode global qui oscille à sa propre fréquence [53]. En résolvant les équations de Navier Stokes linéarisées sur le champ de base et en utilisant une décomposition de Fourier dans chaque direction d’invariance, on obtient une relation de dispersion qui permet par exemple de déterminer la pulsation et l’amplification spatiale d’un mode propre de pulsation réelle 2πf, dans le cas d’une analyse spatiale. Dans la suite, nous nous plaçons dans ce cadre pour présenter quelques mécanismes et critères d’instabilités qui sont susceptibles de se produire dans un jet tournant.
Instabilité de Kelvin-Helmholtz
Couche de mélange et jet
L’instabilité de Kelvin-Helmholtz est observée sur la figure 2, près de la sortie de la conduite. Elle se manifeste à l’interface entre deux couches de fluide de vitesse différentes, par exemple dans les couches de cisaillement de l’atmosphère, voir figure 5. Une condition nécessaire d’instabilité est que le profil ait un point d’inflexion. Pour une couche de mélange plane d’épaisseur de vorticité δω entre un fluide au repos et un fluide à la vitesse U0 le taux d’amplification spatial maximal correspond à une fréquence réduite égale à f ≈ 0.034δω/U0 [84]. En l’absence d’un contre-courant suffisant, l’instabilité est convective [52]. Dans le cas d’un jet cylindrique, la décomposition en modes normaux s’effectue de manière discrète selon l’azimut qui est 2π périodique, et on note m le nombre d’onde azimutal. Dans les études de stabilité, la résolution par décomposition de Fourier mène à une écriture de la forme exp(i(kz + mθ − 2πf t)). Contrairement à la couche de mélange, un profil de vitesse de jet possède à priori deux échelles caractéristiques, à savoir δω qui caractérise le cisaillement et D la largeur du jet. La revue de Michalke [85] détaille l’évolution de la fréquence f et du mode m le plus amplifié en fonction de l’évolution du profil du champ de base lors du développement spatial d’un jet, c’est à dire de l’amont vers l’aval (voir figure 3 (b)). Cette étude montre que quand la couche de mélange est fine (δomega << D), le mode m = 0 domine et sa fréquence caractéristique dépend de δω comme pour une couche de mélange plane. Au-delà d’une certaine valeur de δω/D nait une dépendance de f à D, puis le mode m = 1 devient le plus instable. Dans un profil de jet pleinement développé et sous certaines conditions, le mode m = 0 peut même devenir stable.
Instabilité de Kelvin-Helmholtz dans le jet tournant
Dans le jet tournant, le mécanisme de Kelvin-Helmholtz reste à l’oeuvre, et le cisaillement acquiert une composante azimutale. Si on se limite à ce mécanisme d’instabilité, les modes azimutaux m > 0 doivent alors devenir plus instables que les modes m < 0 car leur vecteur d’onde est mieux aligné avec la direction du cisaillement local [37]. Ces modes m > 0 correspondraient à des hélices qui s’enroulent spatialement dans le sens opposé à la rotation du jet mais qui tournent temporellement dans le sens du jet. Cependant, une étude de stabilité complète révèle que ce sont les modes m < 0 qui dominent [39], l’instabilité de Kelvin Helmholtz n’étant pas le seul mécanisme d’instabilité dans un jet tournant.
Tourbillons longitudinaux
Couche de mélange plane
Comme cela a été extensivement décrit dans les couches de mélange planes, des tourbillons longitudinaux se superposent à l’instabilité primaire de Kelvin-Helmholtz [6, 9, 83]. La figure 8 représente la somme des modules des composantes de la vorticité dans une couche de mélange qui se développe, obtenue par simulation directe des équations de Navier-Stokes (DNS) par Metcalfe et al. [83]. Nous pouvons identifier les rouleaux de Kelvin-Helmholtz qui s’étendent dans la direction notée y sur la figure. On distingue aussi des tourbillons longitudinaux inclinés dans la région entre deux rouleaux de KelvinHelmholtz consécutifs. Des études théoriques ont permis d’identifier un mécanisme d’instabilité secondaire opérant sur les rouleaux issus de l’instabilité de Kelvin-Helmholtz [76, 90]. La longueur d’onde selon y des paires de tourbillons est fixée par l’épaisseur de la couche de mélange et leur origine semble liée à l’étirement intense de perturbations de vorticité axiale dans la zone située entre deux rouleaux de Kelvin-Helmholtz consécutifs.
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Table des matières
Introduction
0.1 Instabilités de jets et de jets tournants
0.2 Structures cohérentes dans les couches de mélange et les jets turbulents
0.3 Approche statistique de la turbulence dans les écoulements cisaillés et courbés
0.4 Organisation du manuscrit
I Moyens expérimentaux
1 La soufflerie R4Ch
1.1 Historique
1.2 Fonctionnement de l’installation
1.3 Définition de la configuration d’essai
1.4 Conditions de sortie
2 Vélocimétrie par Image de Particules (PIV)
2.1 Introduction
2.2 Mise en oeuvre expérimentale
2.3 Détermination des champs de vitesse
2.4 Conclusion
II Résultats
3 Etude expérimentale de l’hypothèse de Taylor
3.1 Cas du jet tournant
3.2 Vitesse de phase d’un mode POD
4 Dynamique d’une couche de mélange axisymétrique turbulente
5 La couche de mélange axisymétrique dans un jet tournant turbulent
Conclusion
5.1 Synthèse des principaux résultats
5.2 Perspectives
III Annexes
A Calculs PIV rapides et précis utilisant une maximisation massivement
parallèle et itérative de la corrélation
B Etude des incertitudes des mesures PIV
B.1 Sources d’erreurs
B.2 Convergence statistique
Bibliographie
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