Dynamique des contaminants inorganiques dans les sédiments de dragage

De nombreux cours d’eaux, canaux, estuaires et ports sont sujets à des accumulations importantes de sédiments qui sont parfois des freins à la navigabilité. Des campagnes de dragages ou de curages des cours d’eaux et des ports doivent être régulièrement réalisées afin de développer et de maintenir leurs activités de navigation et d’aménagement des berges. Les sédiments sont cependant reconnus comme capables de piéger des teneurs importantes en contaminants métalliques, organiques d’origines naturelles ou anthropiques, et ainsi ils sont susceptibles d’impacter la qualité des écosystèmes. Avant l’arrêté du 14 juin 2000 , les sédiments marins, contaminés ou non, étaient clapés au large des côtes dans des fosses dédiées à l’immersion sans précaution particulière ni étude préalable pour connaître l’impact de ces rejets sur les écosystèmes. Ceci représentait la solution la plus simple et surtout la moins coûteuse. De même, les sédiments continentaux étaient davantage déposés sur les berges par régalage ou encore mis en dépôt sur des sites aménagés sans précautions particulières. S’agissant des sédiments dragués actuellement, il convient de mettre au point des filières de traitement les moins onéreuses possibles tout en assurant une gestion à long terme respectueuse de l’environnement.

Depuis l’arrêté de 2000, des analyses sont requises pour contrôler la qualité chimique des sédiments et le clapage des sédiments en mer a été fortement limité (il n’est pas interdit mais il doit faire l’objet d’autorisation). Maintenant, la majorité des sédiments de dragages sont gérés à terre et lorsqu’ils présentent de trop fortes contaminations, ils sont considérés comme des déchets et sont encadrés par le code de l’environnement . Pour que la gestion à terre des sédiments, marins et continentaux puisse devenir une solution robuste et durable, il est indispensable d’acquérir les connaissances les plus larges possibles sur la nature des sédiments à draguer, les caractéristiques physico-chimiques des sédiments, les différents modes de traitement à terre, les filières de valorisations possibles et le comportement à long terme des sédiments valorisés (notamment la lixiviation des contaminants en conditions spécifiques). C’est pourquoi, depuis une dizaine d’année, des projets se sont intéressés au comportement à long terme des sédiments contaminés et à l’impact de la réutilisation de ces  matériaux contaminés, on peut citer les projets français SEDIMARD83, PROPSED, SEDIGEST, SEDIMATERIAUX, SEDIMED, AXELERA, GEDSET, SETARMS,…

S’agissant de l’origine de la contamination des sédiments, il est largement reconnu que les activités industrielles et socio-économiques, accompagnées de rejets de divers polluants (métaux, hydrocarbures, HAP, PCB, organo-étains, substances pharmaceutiques, pesticides, …), sont à l’origine des dégradations des écosystèmes. Il est généralement observé une accumulation de ces polluants dans les sédiments côtiers et fluviaux, en particulier les métalloïdes et les métaux qui se retrouvent piégés [1-3]. Lors d’un dragage de sédiment de port ou d’un curage de canal/lac, la spéciation chimique des métaux distribués entre la phase solide du sédiment, l’eau interstitielle et la phase colloïdale, sera conditionnée par la variation des paramètres physico-chimiques et biologiques [4]. Par exemple, lors d’un dragage et dépôt de sédiments marins, exposés aux conditions climatiques et atmosphériques, (i) des variations de pH peuvent être observées pouvant entraîner la dissolution ou la précipitation de phases minérales; (ii) les espèces chlorées peuvent facilement être mobilisés et formés des complexes métalliques. Les associations entre les métaux, les métalloïdes, les composés inorganiques, la matière organique naturelle et les minéraux ont fait l’objet de nombreuses études [3,5] et des constantes thermodynamiques ont été définies. Cependant, les associations entre les métaux et la matière organique naturelle ne sont pas totalement établies car l’organisation structurale de la MON est très variable dans le temps, selon les milieux et son origine. En effet, de nombreuses difficultés se posent car la matière organique (MO) contenue dans les sédiments comme dans les sols, possède une structure complexe héritée des processus autochtones de transformation et de dégradation des molécules organiques dans le temps, d’apports allochtones, terrigènes et anthropiques. De plus, on la retrouve sous forme solide, dissoute et colloïdale ne simplifiant pas son étude. Les constantes publiées dans la littérature pour représenter le rôle de la matière organique sont associées le plus souvent aux acides humiques extraits pour lesquels quelques jeux de données thermodynamiques sont disponibles [6,7], bien qu’il s’agisse le plus souvent de constantes conditionnelles.

La problématique des sédiments de dragage 

Quantités de sédiments et qualité des sédiments 

Chaque année en France, les volumes de dragage des sédiments atteignent quelques 40 à 50 millions de m³ et le montant des opérations s’élève à 100M€, dont 60M€ financés par l’état dans le cadre de la réforme portuaire de juillet 2008 [2,8,9]. Environ 90% des volumes concernent les dragages maritimes des ports [9,8]. La contamination de ces sédiments, majoritairement d’origine tellurique, peut provenir d’activités « amont » dont les flux sont transportés par les cours d’eau, et, de manière plus locale, d’activités situées à proximité des zones sédimentaires [8].

Le CETMEF [8] relate que 91% des volumes de sédiments maritimes dragués sont immergés en mer (38,3 10⁶ m³ ). Ce sont généralement des sédiments non contaminés, mais certains sédiments contaminés sont encore clapés. Le volume restant de sédiments est géré à terre. En 2008, les sédiments clapés en mer pour 6 sites (pour un volume de 5,2 10⁶ m³ ) ont dépassé le seuil N1 et pour 2 sites (pour un volume de 0,037 10⁶ m³ ) étaient supérieurs au seuil N2 . Ces dépassements de seuil étaient constatés notamment pour le cuivre, le mercure, le zinc et le chrome. Concernant les sédiments continentaux (fleuves, canal, lac,…), quelques 7 10⁶ m³ de sédiments sont gérés à terre. Ils proviennent pour la grande majorité des Voies Navigables de France (VNF) et de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Contrairement à l’immersion en mer des produits de dragages, il n’existe pas de réglementation relative aux dépôts à terre des sédiments, notamment sur leur qualité physico-chimique. Les seuils référentiels relatifs à la problématique des sédiments de dragage sont les seuils de contamination N1, N2 et S1 proposés par le groupe GEODE, sur la base de calculs statistiques portant sur la composition chimique de sédiments portuaires, estuariens et fluviaux français. Ils ont ensuite été repris dans les arrêtés du 14 juin 2000, du 9 août 2006 et du 23 décembre 2009. D’autres critères de classification des sédiments existent , notamment le paramètre H14 concernant l’écotoxicité, mais ils ne sont pas encore clairement définis et un groupe de travail a été organisé pour fixer les paramètres de dangerosité et proposer une démarche méthodologique de caractérisation.

Réglementation nationale et internationale 

Un régime d’autorisation/déclaration doit être entrepris pour les opérations de dragage et d’immersion (articles L.214-1 repris en juillet 2005). L’arrêté interministériel du 14/06/2000 encadre le prélèvement des échantillons, les paramètres à rechercher et les niveaux de contamination N1, N2 et S1 relatifs à la caractérisation de la qualité géochimique des sédiments. Il est complété par l’arrêté du 9 août 2006. La caractérisation reste limitée aux ETM (As, Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb et Zn) et aux PCB. Plus récemment l’arrêté du 23/12/2009 a défini des valeurs seuils pour les TBT tandis que les HAP ne disposent pas à l’heure actuelle de seuils mais seulement de valeurs de références :

• Pour des valeurs < N1 pour l’ensemble des paramètres de l’arrêté du 14/06/2000, l’opération de dragage et l’immersion des déblais est jugée neutre ou négligeable, bien que dans certains cas des investigations sur l’évaluation des risques pourront être menées;
• Entre N1 et N2: il est nécessaire de mener des investigations complémentaires;
• Pour des valeurs > N2, des investigations seront entreprises afin de connaître l’impact de l’opération de dragage. Il faut mener une étude spécifique portant sur la sensibilité du milieu aux substances concernées, avec au moins un test d’écotoxicité globale, une évaluation des impacts prévisibles sur le milieu et, le cas échéant, affiner le maillage des prélèvements.

La problématique du dragage et de gestion des sédiments contaminés se positionne sur la protection des milieux naturels, la volonté de privilégier les transports fluviaux, maritimes et la volonté de valoriser les déchets. Elle dépasse la problématique maritime, puisqu’il s’agit aussi de la gestion terrestre des sédiments et des filières de valorisation. La réglementation actuelle permet de prendre en compte la protection de la santé humaine et de l’environnement, en évitant l’immersion de sédiments contaminés. Cette dernière n’est cependant pas soumise à interdiction formelle: il est possible de claper en mer des sédiments dont certaines valeurs guides peuvent être dépassées selon les autorisations s’il s’agit de la solution la moins contraignante pour l’environnement (principe de la convention de Londres). De plus, la France est partie prenante dans de nombreuses conventions internationales pour la protection du milieu marin. L’observation systématique de contamination des écosystèmes aquatiques et des risques sanitaires encourus a permis l’émergence, depuis les années 1970, de réglementations et de lois qui ont considérablement limité les rejets anthropiques et favorisé la préservation des milieux :

• La convention MARPOL 1973/1978 sur la prévention des pollutions batelières (notamment les rejets en mer, dégazage des hydrocarbures);
• La convention d’Oslo et de Paris (1974 et 1978) sur la protection de l’Atlantique Nord-Est
• La convention de Barcelone (1976) pour la préservation de la méditerranéen.
• La convention OSPAR sur la coopération internationale pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, 1992;
• La convention de Barcelone (1976) pour la protection et l’amélioration du milieu marin méditerranéen en vue d’un développement durable;
• La Directive Européenne 76/464/CEE cadre des actions prioritaires pour 132 substances (suite à leur toxicité, leur teneur dans les effluents et des quantités produites en Europe);
• La Directive Cadre sur l’Eau DCE (Directive 2000/60/CE) fixe d’ici 2015, l’atteinte d’un bon état des eaux de surfaces et souterraines sur base de critères écologiques et chimiques (annexe IX); Elle vise à donner une cohérence à l’ensemble de la législation pour une politique communautaire globale dans le domaine de l’eau. Elle définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux par grand bassin hydrographique au plan européen avec une perspective de développement durable. Elle fixe des objectifs pour la préservation et la restauration des milieux ainsi que le retour au bon état écologique des milieux aquatiques d’ici 2015. Elle encadre la gestion de substances prioritaires (Hg, Cd, Pb et Ni) dont les rejets vers l’environnement doivent être stoppés.
• La Directive Cadre Stratégie Milieu Marin (DCSMM) du 17 juin 2008, cadre pour la protection et la restauration des écosystèmes marins européens (atteinte du bon état écologique des milieux aquatiques marins d’ici 2020).

Bien que ces lois aient permis l’élaboration de techniques moins polluantes, de systèmes de traitements et d’épuration des eaux ou encore l’interdiction de certaines substances, certains milieux aquatiques sont toujours fortement impactés par les activités et les rejets anthropiques. C’est le cas de nombreux ports qui subissent depuis plusieurs décennies des rejets de divers contaminants qui ont pu s’accumuler dans les sédiments qui jouent alors le rôle de piège. Comme au cours du temps les conditions physico-chimiques sont susceptibles d’être modifiées, ces mêmes sédiments pourront constituer une source de contaminants pour la colonne d’eau et les organismes .

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Table des matières

Introduction générale
1 Etude bibliographique
1.1 La problématique des sédiments de dragage
1.1.1 Quantités de sédiments et qualité des sédiments
1.1.2 Réglementation nationale et internationale
1.1.3 Prétraitements, traitements et principales filières de gestion à terre
1.2 Caractéristiques générales des sédiments
1.2.1 Granulométrie
1.2.2 Les principaux composants des sédiments
1.3 Généralités sur les métaux
1.3.1 Cycle des ETM: Origines, transport, devenir, piégeage et remobilisation
1.3.2 Diagénèse Précoce
1.3.3 Conséquence de la diagénèse précoce sur la mobilité des ETM
1.4 Comportement environnemental à long terme des sédiments gérés à terre
1.4.1 Mécanismes d’interactions des métaux avec les constituants de la matrice sédimentaire
1.4.2 Approche empirique de l’adsorption
1.4.3 Facteurs influençant la spéciation, la libération des métaux et les interactions à
l’interface solide-liquide
1.4.4 Méthodes d’étude du comportement environnemental à long terme des sédiments
1.5 Modélisation hydrogéochimique
1.5.1 Objectifs et principes
2 Matériels et méthodes
2.1 Echantillonnage des sédiments
2.1.1 Sédiments marins de la Baie du Lazaret
2.1.2 Sédiments continentaux du canal de Lens mis en dépôt sur le site de Courrières-lesLens
2.2 Caractérisation des sédiments
2.2.1 Mesures des paramètres physico-chimiques (pH, Eh, EC)
2.2.2 Teneur en eau
2.2.3 Porosité Ø
2.2.4 Granulométrie
2.2.5 Analyse du Carbone Organique Total (COT) et du Carbone Inorganique (CI)
2.2.6 Teneurs des éléments dans les sédiments
2.2.7 Capacité d’Echange Cationique (CEC)
2.2.8 Extractions Sélectives
2.2.9 Caractérisation physique du sédiment
2.3 Caractérisation des eaux surnageantes, interstitielles, des lixiviats et des percolats
2.3.1 Analyse du Carbone Total (CT), Inorganique Dissous (CID) et Organique Dissous (COD)
2.3.2 Analyse des cations et anions majeurs par chromatographie ionique
2.3.3 Analyses des ETM et des Majeurs par ICP-AES et ICP-MS
2.3.4 Caractérisation de la matière organique dissoute (MOD)
2.4 Comportement à la lixiviation en conditions spécifiques: caractérisation de la mobilité des polluants inorganiques
2.4.1 Principes de la méthodologie
2.4.2 Essais de lixiviation en laboratoire
2.4.3 Essai de lixiviation en lysimètre extérieur
2.2 Modélisation : Présentation du Code ORCHESTRA
2.2.1 Approche de la modélisation géochimique sous ORCHESTRA
2.4.4 Détermination des paramètres pour les modélisations géochimiques: extractions sélectives et caractérisations
3 Les sédiments de la rade de Toulon
3.1 Introduction
3.2 Etude de l’influence des paramètres sur la mobilité des EPT
3.2.1 Influence du ratio L/S
3.2.2 Influence du temps de contact
3.2.3 Influence de la température
3.3 Caractérisation en laboratoire et lixiviation expérimentale des métaux – Article « Waste and Biomass Valorization »
3.4 Résultats complémentaires
3.4.1 Analyses minéralogiques
3.4.2 Test de lixiviation dynamique en colonne : cycle de séchage et de ressuyage
3.5 Evaluation environnementale : suivi de la lixiviation en lysimètre
3.6 Caractérisation de la MOND par MEEF
3.6.1 MOND lixiviée au cours du processus de désalinisation du sédiment Brut
3.6.2 MOND lixiviée au cours de l’essai de lixiviation en colonne
3.6.3 MOND lixiviée en fonction d’une gamme de pH
3.6.4 MOND lixiviée en sortie de lysimètre
3.7 Modélisation des résultats d’expériences de lixiviation – Article « Applied Geochemistry »
3.7.1 Introduction
3.7.2 Material and methods
3.7.3 Geochemical calculations and transport modeling.
3.7.4 Results and discussion
3.7.5 Conclusion
3.7.6 References
3.8 Résumé des résultats obtenus / Recommandations pour la gestion des sédiments de la rade de Toulon
4 Les sédiments de Courrières
4.1 Introduction
4.2 Procédure expérimentale d’extraction des hydrocarbures avec conservation structurelle de la MON: article-Analytical Chemistry
ABSTRACT
4.2.1 Introduction
4.2.2 Material and Methods
4.2.3 Results and Discussion
4.2.4 Conclusion
BIBLIOGRAPHY
4.3 Caractérisation des sédiments, Tests de lixiviation et modélisation: article-« Hazardous Materials »
4.3.1 Introduction
4.3.2 Materials and Methods
4.3.3 Results and Discussions
4.3.4 Conclusion
4.4 Conclusion
5 Conclusion générale et perspectives
6 Références

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