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Le rรดle des parasites dans les รฉcosystรจmes
Par dรฉfinition, les parasites sont des exploiteurs car ils vivent au dรฉtriment de leurs hรดtes, qui leur fournissent le gรฎte, le couvert et le lieu de multiplication (Price 1980), mais des recherches rรฉcentes montrent le rรดle majeur qu’ils jouent comme catalyseurs (Figure 1). Par exemple, ils jouent un rรดle important dans l’รฉvolution de l’immunitรฉ de l’hรดte, notamment ร travers leurs interactions avec le complexe majeur d’histocompatibilitรฉ (Kamath et al., 2014). De plus, dans les populations humaines, la thรฉorie hygiรฉniste suggรจre que la diminution des infections liรฉes aux agents pathogรจnes grรขce aux nouveaux moyens de lutte contre les maladies et au dรฉveloppement de lโhygiรจne a conduit, dans les pays dรฉveloppรฉs, ร une forte augmentation de la frรฉquence des allergies et des maladies auto-immunes telles que le diabรจte de type 1 et la sclรฉrose en plaques (Okada et al., 2010; Rook, 2009; Yazdanbakhsh et al., 2002). Une autre รฉtude a montrรฉ qu’en Amรฉrique, les Afro-Amรฉricains sont plus exposรฉs au risque de cancers et maladies auto-immunes que les personnes de type caucasien car ils ne subissent plus rรฉguliรจrement des infections par des helminthes sous la pression desquelles leur systรจme immunitaire a รฉvoluรฉ. Cette absence dโinfections entraรฎne pour certains dโentre eux un dysfonctionnement ร lโorigine de diffรฉrentes maladies dont des cancers (Jacqueline et al., 2017). Ainsi, lโรฉradication de certains agents pathogรจnes, notamment ceux qui ont coรฉvoluรฉ avec nous, peut avoir des consรฉquences sur notre vulnรฉrabilitรฉ ou notre rรฉsistance face ร diverses maladies.
Bien que le parasitisme induise des coรปts directs sur la condition physique et sur les traits dโhistoire de vie de lโhรดte, dans certaines situations, l’infection peut indirectement entraรฎner des avantages sur la condition physique qui dรฉpassent ces coรปts directs (Thomas et al., 2000). Dans le cas de l’immunitรฉ croisรฉe, l’infection par un parasite de pathogรฉnicitรฉ faible peut protรฉger les hรดtes dโautres pathogรจnes, apparentรฉs ou non, de virulence plus forte (Cox, 2001). Par exemple, la prรฉsence de la bactรฉrie Wolbachia chez les drosophiles peut avoir un effet protecteur contre certains virus (Hedges et al., 2008).
Depuis quelques annรฉes, de nouvelles thรฉrapies impliquant des helminthes, sont en cours de dรฉveloppement pour lutter contre des maladies auto-immunes. Par exemple, l’introduction des trichures (Trichuris suis) est testรฉe pour rรฉguler la rรฉponse immunitaire de patients atteints de la maladie de Crohn (Summers et al., 2005). Il a aussi รฉtรฉ montrรฉ que certains helminthes intestinaux peuvent bioaccumuler des mรฉtaux lourds, permettant l’รฉlimination de quantitรฉs importantes de contaminants des tissus de l’hรดte (Pascual and Abollo, 2005; Sures, 2004, 2003).
Certains chercheurs tentent de domestiquer les virus pour sโen servir comme mรฉdicament afin de les utiliser contre le cancer : la stratรฉgie consiste ร attรฉnuer un virus pour quโil puisse se rรฉpliquer seulement dans les cellules cancรฉreuses (Bourke et al., 2011; Tedcastle et al., 2012). De mรชme, lโutilisation des phages, virus attaquant spรฉcifiquement certaines bactรฉries, est mise en ลuvre par certains pays comme alternative aux antibiotiques dans le contrรดle des infections bactรฉriennes (Ravat et al., 2015; Wittebole et al., 2014).
Il a aussi รฉtรฉ mis en lumiรจre que les parasites peuvent avoir une importance fonctionnelle dans les รฉcosystรจmes ร diffรฉrentes รฉchelles spatiales et temporelles (Cleaveland et al., 2001). Ils peuvent en effet contribuer aux efforts de conservation en fournissant des informations sur l’รฉtat de ces รฉcosystรจmes. En raison de leur rรดle dans les rรฉseaux trophiques, les parasites peuvent notamment รชtre des indicateurs de la structure des rรฉseaux alimentaires (Lafferty et al., 2006; Marcogliese, 2004). Par exemple, les parasites constituent une grande partie de la biomasse dans la plupart des รฉcosystรจmes et peuvent รชtre responsables de 78 % des interactions dans certains rรฉseaux trophiques (Lafferty et al., 2006). Ils peuvent รฉgalement รชtre des indicateurs efficaces du stress environnemental, du bon รฉtat des rรฉseaux trophiques et de la biodiversitรฉ (Marcogliese, 2005). Des รฉtudes, se sont servies des parasites comme bio indicateurs de lโรฉtat de santรฉ des รฉcosystรจmes aquatiques (Palm and Rรผckert, 2009; Sasal et al., 2007). Plusieurs travaux sur les parasites de poissons ont montrรฉ que les populations parasitaires peuvent augmenter ou diminuer lorsqu’elles sont confrontรฉes ร des changements environnementaux, en fonction ร la fois de leur cycle de vie et de la nature du changement. Les facteurs de stress environnementaux, tels que les eaux usรฉes ou les polluants industriels, peuvent entraรฎner une modification dans la communautรฉ de parasites (Mackenzie et al., 1995; Snieszko, 1974).
Lโรฉtude des parasites peut รฉgalement faire la lumiรจre sur l’รฉvolution de l’hรดte et sa dรฉmographie, son histoire gรฉographique (Nieberding and Olivieri, 2007), ses schรฉmas migratoires (Killingley, 1980) et aider ร identifier les origines de l’hรดte (Harris et al., 2013). Une รฉtude sur lโagent bactรฉrien de la lรจpre, Mycobacterium leprae, a montrรฉ que ce parasite pouvait รชtre utilisรฉ comme un marqueur utile pour tracer la migration des peuples et retracer les รฉtapes menant aux populations modernes (Monot et al., 2008). Une autre รฉtude phylogรฉographique sur Helicobacter pylori, bactรฉrie gastrique humaine a permis รฉgalement de fournir une signature gรฉnรฉtique de certaines migrations humaines majeures, comme l’introduction nรฉolithique de l’agriculture en Europe, lโexpansion des populations Bantu en Afrique ou encore la traite des esclaves (Falush et al., 2003).
Il est ainsi important de prendre en compte lโimportance des parasites dans les รฉcosystรจmes et les avantages dรฉcrits plus haut quโils peuvent apporter ร lโHomme. Actuellement, lโimportance des รฉcosystรจmes tend ร se mesurer au moyen des valeurs utilitaires associรฉes, cโest-ร -dire les services et bien รชtre que les รฉcosystรจmes fournissent aux humains. Cโest la notion de service รฉcosystรฉmique qui renvoie donc ร la valeur (monรฉtaire ou non) des รฉcosystรจmes (http://www.millenniumassessment.org/fr/Synthesis.html). Cette idรฉe a รฉtรฉ dรฉveloppรฉe dans les annรฉes 80.
Bien que les parasites fassent entiรจrement partie des รฉcosystรจmes, le maintien de la biodiversitรฉ parasitaire nโa jamais รฉtรฉ une prioritรฉ de conservation (Dunn et al., 2009; Gompper and Williams, 1998; Griffith, 2012). Lโobjectif de la biologie de la conservation est de maintenir la biodiversitรฉ, y compris les processus รฉvolutifs qui l’animent et la soutiennent (Gรณmez et al., 2011). Or, les parasites ont un rรดle majeur dans l’รฉvolution de leurs hรดtes. Ignorer la conservation des parasites, c’est donc ignorer l’รฉtat de conservation de la majoritรฉ de la vie sur Terre, car le parasitisme reprรฉsente la stratรฉgie la plus courante sur la planรจte (Dobson et al., 2008; Poulin and Morand, 2000). Cela signifie aussi nรฉgliger une relation biologique fondamentale, car les interactions hรดte parasite jouent un rรดle fondamental dans les processus รฉcologiques et รฉvolutifs de la diversitรฉ biologique et de l’organisation de l’รฉcosystรจme (Marcogliese, 2004). Toutefois, ces ยซ services ยป sont difficiles ร รฉvaluer : mesurer lโimpact positif des parasites sur leurs hรดtes, leurs rรฉseaux trophiques et leurs rรดles fonctionnels nรฉcessitera probablement de nombreuses expรฉriences pour attribuer des valeurs, monรฉtaires ou non.
Depuis, la nuit des temps, lโHomme a toujours cherchรฉ de faรงon empirique ร soigner les maladies, que ce soit avec lโutilisation des plantes ou des interventions chirurgicales (Halberstein, 2005; Rifkinson-Mann et al., 1988). Les premiers documents รฉcrits sur les maladies infectieuses proviennent de la mรฉdecine รฉgyptienne de 3000 ร 400 avant Jรฉsus-Christ ; des traces de lโutilisation de peignes ร poux ont aussi รฉtรฉ retrouvรฉes (Mumcuoglu, 1996). D’autres descriptions proviennent de mรฉdecins grecs de 800 ร 300 av J.-C et de mรฉdecins romains de 700 avant J.-C ร 400 aprรจs J.-C (Simpson et al., 2002). En Europe, il faut attendre la fin du XIXe et dรฉbut du XXe siรจcle, avec la dรฉcouverte par Pasteur que les maladies peuvent รชtre causรฉe par des bactรฉries, puis la dรฉcouverte des virus par Pierre-Paul Emile Roux et les premiรจres mรฉthodes de prรฉvention contre les maladies par Robert Koch (Simpson et al., 2002).
Ensuite, lโarrivรฉe du premier antibiotique, dรฉcouvert par Fleming en 1928, et seulement exploitรฉ dix ans aprรจs par une รฉquipe amรฉricaine et anglaise, permettra de sauver des millions de personnes (Encyclopรฆdia Universalis). Mais, deux ans aprรจs lโutilisation intensive de la pรฉnicilline, des souches de Staphylocoque rรฉsistantes ont รฉtรฉ identifiรฉes et leur nombre nโa cessรฉ dโaugmenter (Alizon et al, 2016). La dรฉcouverte dโautres antibiotiques n’a fait qu’amplifier le problรจme et on connaรฎt aujourd’hui des souches multirรฉsistantes, qui posent d’รฉnormes problรจmes en santรฉ publique (OMS, 2000). Nรฉanmoins, le problรจme de lโรฉmergence de rรฉsistances ne se pose pas qu’avec les antibiotiques, mais aussi avec d’autres mรฉdicaments tels que les antihelminthiques ou les antiviraux. Avec lโรฉpidรฉmie de Sida dans les annรฉes 1980, on a vu apparaรฎtre des rรฉsistances chez le virus du VIH qui est capable de muter rapidement ; les premiers mรฉdicaments antiviraux dรฉveloppรฉs sont devenus inefficaces et il a fallu mettre en place des trithรฉrapies, voire des multi-thรฉrapies pour contrer les rรฉsistances (OMS, 2012).
Malgrรฉ ce que les scientifiques pensaient au dรฉbut du 20e siรจcle, et ce que disait Pasteur : ยซย Il est dans le pouvoir de l’Homme d’รฉradiquer l’infection de la Terreย ยป. Seul un trรจs petit nombre de parasites ont รฉtรฉ รฉradiquรฉs par lโHomme ร ce jour, notamment grรขce aux vaccins. On peut citer la variole, รฉradiquรฉe en 1980 (Breman and Arita, 1980) ou encore la peste bovine en 2011 (OIE, 2011). Il est important de continuer ร lutter contre des maladies ayant des impacts importants sur la santรฉ humaine et animale. Toutefois, il est crucial de se poser les bonnes questions sur les moyens mis en place, notamment afin dโรฉviter dโengendrer des problรจmes de rรฉsistance et pour limiter les consรฉquences nรฉgatives sur la biodiversitรฉ des programmes de lutte. Pour cela, il faut apprรฉhender le systรจme dans son ensemble et bien faire la distinction entre la prรฉsence dโun parasite dans un รฉcosystรจme (l’alรฉa) et le risque, qui est dรฉpendant du contexte, que la maladie reprรฉsente pour lโHomme (Hosseini et al., 2017).
Il existe un lien trรจs รฉtroit entre lโhรดte et le parasite, qui peut รชtre rapidement modifiรฉ et qui est trรจs sensible aux perturbations. Ainsi, Emile Duclaux en 1882 a proposรฉ une nouvelle approche intรฉgrative, lโรฉpidรฉmiologie. Il ne considรจre plus que cโest lโapparition dโun micro-organisme qui engendre une รฉpidรฉmie mais que, trรจs souvent, cโest la perturbation de lโรฉquilibre entre lโagent pathogรจne et ses hรดtes naturels qui fait naรฎtre lโรฉpidรฉmie (Guegan et al., 2008).
Les perturbations anthropiques ร lโorigine de lโรฉmergence et de la rรฉรฉmergence
Le monde connaรฎt depuis ces cent derniรจres annรฉes, une nouvelle รจre ยซ dโรฉmergence des maladies infectieuses ยป (Jones et al., 2008; Taylor et al., 2001). La prรฉvalence et lโimpact des maladies transmissibles sur nos sociรฉtรฉs avaient fortement diminuรฉ dans la pรฉriode de lโaprรจs-guerre, grรขce notamment ร lโintroduction massive de la vaccination et des antibiotiques. Cependant, depuis ces derniรจres dรฉcennies, on observe, lโรฉmergence de maladies inconnues jusquโร une date rรฉcente (Sras, grippe aviaire, Ebola etc.) et la rรฉรฉmergence de maladies que lโon pensait presque รฉradiquรฉes (tuberculose, cholรฉra), ainsi que des difficultรฉs pour enrayer certaines pandรฉmies comme celle du Sida (Woolhouse and Gowtage-Sequeria, 2005; World Health Organization, 2008)
Plusieurs hypothรจses ont รฉtรฉ avancรฉes pour expliquer cette nouvelle crise sanitaire. La responsabilitรฉ de la rรฉsistance aux antibiotiques et aux autres mรฉdicaments, rendant les diffรฉrentes thรฉrapies existantes moins efficaces, a souvent รฉtรฉ pointรฉe du doigt par les milieux mรฉdicaux (Alizon et al., 2016). Nรฉanmoins, il est de plus en plus รฉvident que cette crise est aussi liรฉe ร la modification des รฉcosystรจmes due aux perturbations anthropiques (Jones et al., 2008). En effet, aujourdโhui, lโรฉrosion de la diversitรฉ biologique continue de sโaccรฉlรฉrer du fait dโun nombre considรฉrable de processus humains, tels que la mondialisation des รฉchanges, lโanthropisation des habitats ou le rรฉchauffement climatique. Toutes ces modifications ont un effet sur les dynamiques รฉpidรฉmiologiques des maladies infectieuses en crรฉant de nouveaux contacts entre populations, en favorisant la diffusion des parasites, en concentrant les populations dโhรดtes, en crรฉant ou intensifiant des pressions de sรฉlection sur les parasites et en modifiant la distribution gรฉographique de vecteurs potentiels et/ou dโespรจces hรดtes compรฉtentes (Budischak et al., 2015; Morse, 1995; Smith and Guรฉgan, 2010; Wolfe et al., 2007).
Les maladies liรฉes ร lโeau sont particuliรจrement sensibles ร ces perturbations anthropiques. En effet, les milieux aquatiques sont les plus touchรฉs par la perturbation des รฉcosystรจmes et cette situation est en constante dรฉgradation. On considรจre qu’en 2025, plus de la moitiรฉ de la population mondiale sera confrontรฉe au stress de l’approvisionnement en eau et/ou de la qualitรฉ de l’eau (OMS, 2018). Les besoins en eau dans le monde sont importants, qu’il s’agisse des besoins pour l’Homme, pour l’agriculture ou lโรฉlevage. Des modifications de la gestion de lโeau et de la qualitรฉ de lโeau peuvent engendrer lโรฉmergence de maladies (Petney and Taraschewski, 2010). Johnson and Chase (2004) ont mis en รฉvidence une relation entre lโaccroissement des activitรฉs agricoles et lโaugmentation de la prรฉvalence de malformations chez les amphibiens. Ces auteurs montrent que l’eutrophisation des eaux due aux activitรฉs agricoles bouleverse la composition des communautรฉs d’eau douce. Cela se traduit par une modification des rรฉseaux trophiques, qui favorise la prolifรฉration des mollusques du genre Planorbella. Ceci profite au parasite Ribeiroia ondatrae, dont les planorbes sont les premiers hรดtes intermรฉdiaires.
La construction de barrages ou de systรจme dโirrigation peut avoir รฉgalement une incidence sur lโรฉmergence ou la rรฉรฉmergence de certaines maladies tropicales nรฉgligรฉes, car leur รฉpidรฉmiologie est liรฉe ร lโรฉcologie des zones humides et ร la gestion de lโeau. Par exemple, la construction d’un barrage peut crรฉer des nouveaux habitats pour la survie et/ou la reproduction de vecteurs ou hรดtes intermรฉdiaires (Petney and Taraschewski, 2010; Steinmann et al., 2006). Des chercheurs ont montrรฉ que des ouvrages hydriques ont permis l’augmentation de la densitรฉ de (nouvelles) espรจces vectrices, ce qui entraรฎne gรฉnรฉralement une augmentation de l’incidence du paludisme (Ijumba and Lindsay, 2001), par exemple en Ethiopie (Ghebreyesus et al., 2002). Il a aussi รฉtรฉ montrรฉ que les cas de schistosomiase augmentent souvent dans les populations vivant ร proximitรฉ de grands barrages en Afrique de lโouest (Sokolow et al., 2017; Steinmann et al., 2006). Au Laos, la construction de routes et de bassin dโaquaculture ont entraรฎnรฉ une recrudescence de cholangiocarcinome causรฉ par le trรฉmatode Opisthorchis viverrini (Ziegler et al., 2013).
Plusieurs maladies comme le cholรฉra ou encore la bilharziose, dans les pays en voie de dรฉveloppement, sont liรฉs directement au stress hydrique. Les populations ont un accรจs limitรฉ aux sanitaires et n’ont souvent pas dโaccรจs ร lโeau potable, ce qui contribue ร la progression rapide dโรฉpidรฉmies (Grimes et al., 2015; Taylor et al., 2015). Les populations humaines et les animaux domestiques sont parfois trรจs proches ce qui entraรฎne la transmission de maladies zoonotiques ร lโHomme via lโeau. Cโest le cas des schistosomiases mais aussi de la cryptosporidiose (Huyse et al., 2009 ; Soba et al., 2008).
Beaucoup dโexemples de maladies dโorigines hydriques dรฉcrites plus haut sont causรฉes par des trรฉmatodes ; c’est le cas des schistosomiases ou de lโopisthorchiase. Les trรฉmatodoses sont prรฉsentes dans le monde entier et ont un impact important sur l’รฉconomie et la santรฉ (Rim et al., 1994; Taylor et al., 2001). Leur transmission, essentiellement liรฉe ร lโeau ou ร la nourriture, fait que ces parasites sont parmi les plus rรฉpandus dans les populations humaines et animales. Les trรฉmatodes ont des cycles de vie complexes impliquant des vertรฉbrรฉs comme hรดtes dรฉfinitifs et gรฉnรฉralement, des mollusques comme premier hรดte intermรฉdiaire (Keiser and Utzinger, 2009). Les trรฉmatodes infectent plus d’un milliard de personnes dans le monde et causent plus de 600 millions DALYs (disability-adjusted life years) chaque annรฉe (Fรผrst et al., 2012; Hotez et al., 2008).
De plus, les trรฉmatodes jouent aussi un rรดle important dans les rรฉseaux trophiques. Dans des รฉcosystรจmes tels que des mares leur biomasse est comparable ร celle des insectes trรจs abondants dans ces รฉcosystรจmes comme les colรฉoptรจres, les รฉphรฉmรฉroptรจres ou encore les odonates ((Preston et al., 2013). Une autre รฉtude, en Nouvelle Zรฉlande, a montrรฉ que le trรฉmatode Curtuteria australis joue un rรดle sur la prรฉdation de son hรดte intermรฉdiaire (Thomas and Poulin, 1998). En effet, lโรฉtude suggรจre que les mรฉtacercaires ont un impact important sur la croissance du pied de son hรดte intermรฉdiaire empรชchant son enfouissement correct dans les sรฉdiments, il est donc plus facilement prรฉdater.
Mollusques et trรฉmatodes, des interactions anciennes en plein bouleversement
Les mollusques et les trรฉmatodes digรจnes sont associรฉs depuis au moins 200 millions dโannรฉes (Blair et al., 2001). En effet, les digรจnes ont besoin dโutiliser exclusivement les mollusques pour effectuer une partie de leur cycle, puis leur reproduction sexuรฉe se rรฉalise chez des hรดtes vertรฉbrรฉs dont lโHomme.
Lโinteraction entre le parasite digรจne et son hรดte intermรฉdiaire est trรจs รฉtroite (Lockyer et al., 2004). Premiรจrement, l’attraction de la larve miracidium (ie. stade infectant) vers lโhรดte intermรฉdiaire se fait par chimiotactisme. Les digรจnes ont gรฉnรฉralement une gamme dโhรดtes intermรฉdiaires restreinte ร un groupe dโespรจces phylogรฉnรฉtiquement proches (ie : stรฉnoxรจne) voire ร mรชme une seule espรจce (ie oioxรจne). Une fois entrรฉ dans le mollusque, le parasite l’infecte en causant des dommages importants : il envahit littรฉralement les glandes digestives et le systรจme gรฉnital provoquant une castration (Gutierrez et al., 2001; Gutiรฉrrez et al., 2002; Sorensen and Minchella, 2001). Par exemple, le parasite Trichobilharziaocellata inhibe le dรฉveloppement du tractus reproductif de Lymnaea stagnalis (Schallig et al., 1991).
Les traits dโhistoire de vie du mollusque en sont bouleversรฉs : sa fรฉconditรฉ et sa survie sont menacรฉes, sa fitness ou valeur sรฉlective est diminuรฉe de faรงon consรฉquente. Dans la course aux armements entre l’hรดte et le parasite, des mรฉcanismes de dรฉfense immunitaire (van der Knaap and Loker, 1990) ou de polymorphisme de compatibilitรฉ (Bouchut et al., 2008)se mettent en place chez le mollusque. En parallรจle des mรฉcanismes dโรฉvitement du systรจme immunitaire se mettent en place chez le parasite (Walker, 2006).
Les mollusques sont prรฉsents sur toute la planรจte et ils prรฉsentent souvent une grande capacitรฉ dโinvasion. De plus, les รฉcosystรจmes dโeau douce sont particuliรจrement vulnรฉrables aux invasions biologiques (Lodge et al., 1998). Les activitรฉs humaines liรฉes ร ces รฉcosystรจmes comme lโaquariophilie, la pรชche, ou encore les balades en bateau sont des facteurs de dispersion important. Les connexions naturelles qui existent entre les riviรจres sont aussi des facteurs qui facilitent lโinstallation des mollusques (Lodge et al., 1998; Loo et al., 2007). Plusieurs familles dโescargots (Physidae, Thiaridae, Planorbidae et la Lymnaidae) ont รฉtรฉ introduites accidentellement, en Amรฉrique du Nord et dans beaucoup dโautres rรฉgions du monde via le marchรฉ de lโaquariophilie (Cowie and Robinson, 2003; Pointier and Augustin, 1999).
Plusieurs, espรจces de mollusques sont impliquรฉes dans la transmission de nombreuses maladies infectieuses pour lโHomme et lโanimal. Des espรจces jouant un rรดle comme hรดtes intermรฉdiaires ont colonisรฉ de nouvelles aires gรฉographiques sur de trรจs grandes distances et en trรจs peu de temps. Par exemple Melanoides tuberculata qui est lโhรดte intermรฉdiaire de deux parasites zoonotiques, Centrocestus formasanus et Haplochispumilio (Pulido-Murillo et al., 2018), sโest installรฉ sur le continent amรฉricain et dans les รฎles caraรฏbes depuis lโAsie de lโEst ร partir des annรฉes 50 (Facon et al., 2003). Les mollusques dโeau douce du genre Biomphalaria, hรดte intermรฉdiaire de Schistosoma mansoni ont aussi envahi de faรงon spectaculaire les caraรฏbes et Madagascar. Leur introduction a posรฉ des problรจmes dโรฉmergence de bilharzioses (Charbonnel et al., 2002).
Parmi les trรฉmatodoses dont la rรฉรฉmergence est liรฉe, entre autres, ร lโinvasion rรฉcente de nouveau milieux par des mollusques dulรงaquicoles, la fasciolose est celle dont la distribution gรฉographique est la plus large (Fรผrst et al., 2012). De plus, elle est aussi favorisรฉe par certains changements de pratiques agricoles citรฉs plus haut (Article 1).
En effet, les Lymnaeidae, hรดtes intermรฉdiaires les plus courants des parasites Fasciola spp. nโรฉchappent pas ร la rรจgle et plusieurs espรจces reprรฉsentent des menaces en termes dโinvasion et de risques รฉpidรฉmiologiques associรฉs. Par exemple, Galba truncatula, hรดte majoritaire de la grande douve du foie en Europe, Afrique du Nord et Russie a rรฉcemment, au cours des derniรจres dizaines dโannรฉes, envahi la Cordillรจre des Andes au Venezuela, en Bolivie, au Pรฉrou, au Chili et en Argentine (Pointier., 2015, Article 4 soumis). Cette invasion a notamment induit sur lโAltiplano bolivien, la plus forte hyperendรฉmie de fasciolose connue au monde (Meunier et al., 2001). Un autre vecteur de la fasciolose, Pseudosuccinea columella, probablement originaire dโAmรฉrique du Nord, a colonisรฉ lโAmรฉrique du Sud, lโAfrique, lโEurope ou encore les รฎles Pacifique en moins dโun siรจcle (Article 5 soumis, Lounnas et al., 2017; Pointier et al., 2007). Cette espรจce fait maintenant partie des mollusques dโeau douce les plus largement rรฉpandus avec le physidรฉ Physa acuta et le planorbidรฉ Helisoma duryi (Pointier., 2015).
La fasciolose, une maladie nรฉgligรฉe rรฉรฉmergente
La fasciolose est une maladie d’origine hydrique et alimentaire causรฉe par deux espรจces de trรฉmatodes : les grandes douves du foie Fasciola hepatica et Fasciola gigantica. Fasciola hepatica a une distribution mondiale, tandis que la transmission de F. gigantica est limitรฉe ร certaines rรฉgions d’Afrique et d’Asie (Chen et al., 2013; Dreyfuss et al., 2005; Keyyu et al., 2005; Mekky et al., 2015; Morozova et al., 2004; Nzalawahe et al., 2015; Rojas et al., 2010; Walker et al., 2011). Il y a aussi des zones oรน les deux espรจces de Fasciola spp coexistent (Ashrafi et al., 2015; Bui et al., 2015; Fentie et al., 2013). Ces parasites sont des vers plats (embranchement des Platelminthes) appartenant aux groupes des Trรฉmatodes Digรจnes. Contrairement, ร la plupart des autres trรฉmatodes, qui ont une spรฉcificitรฉ รฉtroite vis-ร -vis de leurs hรดtes intermรฉdiaires, les Fasciola spp. infectent une large diversitรฉ dโhรดtes intermรฉdiaires. Le cycle de vie des Fasciola spp. implique, en tant qu’hรดte dรฉfinitif, une trรจs large gamme de mammifรจres domestiques et sauvages (moutons, bovins, chevaux, chameaux, chameaux, ragondins, lapins, Homme, etc.) (Cotruvo et al., 2004)(Figure 3). Les principales sources d’infection pour les hรดtes dรฉfinitifs sont les plantes associรฉes ร l’eau ou l’eau de source (Hurtrez-boussรจs et al., 2001). En effet, les mรฉtacercaires (c’est-ร -dire les stades infectieux) peuvent s’enkyster sur les plantes aquatiques et la surface de l’eau. a La douve adulte se reproduit et ses ลufs quittent lโhรดte via les fรจces ; Les ลufs sont non embryonnรฉs puis le deviennent dans lโeau. Ensuite, l’รฉclosion des ลufs de douve donne lieu au premier stade larvaire (miracidium). b. La larve ciliรฉe (miracidium) va rechercher activement lโhรดte intermรฉdiaire, un mollusque de la famille des Lymnaidae. Une fois entrรฉe dans son hรดte intermรฉdiaire, la douve effectue une importante multiplication asexuรฉe et envahit le systรจme digestif et gรฉnital de lโhรดte (400 mรฉtacercaires pour un miracidium). Lestade miracidium รฉvolue en sporocytes, puis rรฉdies. c. Les rรฉdies donnent naissance ร des cercaires, dernier stade larvaire. Les cercaires sortent du mollusque et sโenkystent sur des vรฉgรฉtaux et deviennent des mรฉtacercaires (forme rรฉsistante) prรชtes ร รชtre ingรฉrรฉes (Andrew, 1999; Hurtrez-boussรจs et al., 2001). d. Ingestion de mรฉtacercaires par lโhรดte dรฉfinitif, un vertรฉbrรฉ. Le dรฉveloppement adulte de la douve commence ici. Le dรฉsenkystement donne une douve juvรฉnile et la douve migre jusque dans les canaux biliaires. Lien pour voir le cycle dans sa version animรฉe rรฉalisรฉe pendant ma thรจse : https://www.youtube.com/watch?v=oUHynn4fS-s.
La fasciolose est ร lโorigine de graves problรจmes de santรฉ publique dans plusieurs rรฉgions du monde. Elle touche principalement les personnes vivant dans la pauvretรฉ, qui nโont pas accรจs ร lโeau potable, aux รฉquipements dโassainissement adรฉquat et qui sont en contact รฉtroit avec le bรฉtail. Elle est considรฉrรฉe comme รฉtant une maladie tropicale nรฉgligรฉe (WHO, 2007). A l’heure actuelle, on estime que 17 millions de personnes sont infectรฉes sur lโensemble des continents (Valero et al., 2009). Cependant, ce nombre est probablement sous-estimรฉ dans de nombreux pays, en particulier en Asie et en Afrique (Mas-Coma, 2005). Le nombre rรฉel de cas pourrait se situer entre 35 et 72 millions de personnes, avec plus de 180 millions de personnes vivant dans des zones oรน il y a un risque d’infection (Nyindo and Lukambagire, 2015). Comme pour les autres maladies nรฉgligรฉes, les fascioloses sont gรฉnรฉralement non mortelles (au moins ร court terme), cliniquement bรฉnignes et non dรฉclarรฉes, mais ce sont des maladies invalidantes qui maintiennent ou augmentent la pauvretรฉ avec 197 000 DALYs estimรฉes (Fรผrst et al., 2012).
La fasciolose est รฉgalement considรฉrรฉe comme un problรจme vรฉtรฉrinaire majeur, puisqu’elle est responsable de pertes importantes dans la capacitรฉ de production du bรฉtail (viande et lait) (Torgerson and Claxton, 1999). Elle entraรฎne des pertes รฉconomiques annuelles de plus de 3 milliards de dollars US en agriculture car elle affecte des millions de ruminants dans le monde entier. Ces coรปts sont en grande partie non quantifiรฉs au niveau national ou rรฉgional, alors qu’au niveau des exploitations agricoles, il a รฉtรฉ rapportรฉ que la douve affecte le rendement laitier, la composition de la carcasse et prolonge le temps nรฉcessaire pour atteindre le poids d’abattage (Johannes Charlier et al., 2014b; Howell et al., 2015). La fasiolose est actuellement en augmentation dans certains pays d’Europe, probablement en raison du changement climatique, de l’รฉvolution des pratiques agricoles, des dรฉplacements d’animaux et de l’utilisation des terres, et de l’รฉmergence de rรฉsistances aux traitements, notamment ร la molรฉcule la plus utilisรฉe, le Triclabendazole (Cwiklinski et al., 2015).
Les douves ont la capacitรฉ de prolifรฉrer dans un large รฉventail d’รฉcosystรจmes d’eau douce. En effet, la fasciolose est reconnue pour รชtre la trรฉmatodose qui a la plus large distribution latitudinale et altitudinale ร l’รฉchelle mondiale (Fรผrst et al., 2012)(Carte 1). Cette large distribution permet d’รฉtudier la dynamique de son parasite dans diffรฉrents habitats avec divers hรดtes dรฉfinitifs et intermรฉdiaires. Pourtant, cela complique grandement la lutte contre cette maladie, car les solutions doivent รชtre adaptรฉes ร des contextes environnementaux et socio-รฉconomiques trรจs diffรฉrents. Que ce soit pour son hรดte intermรฉdiaire ou son hรดte dรฉfinitif, la fasciolose peut avoir un large spectre dโhรดtes. Afin de lโapprรฉhender pour la contrรดler, il est crucial dโidentifier les protagonistes participant au cycle pour pouvoir รฉtudier les interactions et de comprendre lโรฉpidรฉmiologie de la maladie. En effet, le dรฉfi du contrรดle de la fasciolose ne peut รชtre relevรฉ que si nous traitons en mรชme temps, les interactions complexes entre l’environnement, les hรดtes (mollusques, bรฉtail, faune) et les activitรฉs humaines. Il est essentiel de prendre en compte tous ces facteurs, qui sont impliquรฉs dans un monde en constante รฉvolution (climat, fragmentation de l’habitat, pollution). Le contexte socio-รฉconomique et รฉcologique de chaque pays, rรฉgion, ville et ferme doit รชtre pris en compte pour prรฉvenir la fasciolose. En effet, de nombreuses รฉtudes portant sur les schistosomiases et d’autres maladies tropicales nรฉgligรฉes ont montrรฉ que l’application d’un programme de lutte intรฉgrรฉe, adaptรฉ et durable est la solution la plus efficace pour prรฉvenir la (rรฉ)รฉmergence de ces maladies.
En prรฉambule, ร mon travail de thรจse, jโai tentรฉ dโidentifier les impacts des activitรฉs humaines sur la transmission de la fasciolose ร travers un article de revue (Article 1 ; publiรฉ dans Trends in Parasitology). En mโappuyant sur la littรฉrature scientifique, jโai fait un รฉtat de lโart des connaissances existantes sur les effets des activitรฉs et des habitudes humaines sur le risque de fasciolose. Je me suis concentrรฉe sur trois groupes d’activitรฉs qui semblent รชtre les principaux facteurs affectant la fasciolose : i) la gestion des systรจmes d’irrigation, ii) la gestion du bรฉtail, iii) l’alimentation humaine et les habitudes hygiรฉniques. Pour chacune de ces activitรฉs, jโai ensuite identifiรฉ plusieurs solutions comme des mesures prรฉventives et des stratรฉgies de contrรดle. L’โidรฉe principale qui ressort de ce travail de synthรจse est que la clรฉ du succรจs de la lutte contre cette maladie rรฉside dans l’application de programmes de lutte intรฉgrรฉe adaptรฉs ร chaque contexte.
Afin de pouvoir tester cela, il est donc essentiel de trouver un site pilote, oรน nous pouvons avoir accรจs ร tous les protagonistes de la maladie afin de pouvoir comprendre la dynamique de la fasciolose et essayer de proposer des moyens de lutte dans ce contexte.
La Camargue : laboratoire dโรฉtude de la dynamique de la fasciolose
La fasciolose est connue comme รฉtant prรฉsente dans lโensemble du bassin mรฉditerranรฉen, que ce soit sur la rive Nord ou la rive Sud. Dans certains pays de la rive Sud, comme l’Egypte, elle touche les populations humaines. Sur la rive Nord, elle affecte essentiellement le bรฉtail (Curtale et al., 2005; Esteban et al., 2003; Periago et al., 2008; PNR Camargue, 2011). La zone mรฉditerranรฉenne apparaรฎt particuliรจrement vulnรฉrable aux changements globaux avec notamment une forte pollution des sols et de lโeau, lโimpact important du changement climatique qui entraรฎne une diminution des prรฉcipitations et lโaridification du climat Mรฉditerranรฉen, la fragmentation des habitats avec lโaugmentation de lโurbanisation et le changement de lโutilisation des sols (Observatoire des Zones Humides Mรฉditerranรฉennes, 2014). De plus, dโici 2050, les situations de pรฉnurie dโeau en Mรฉditerranรฉe devraient sโaccroรฎtre et les disparitรฉs entre les rives sโexacerber (Plan bleu, 2012). Cโest un territoire en pleine mutation mais qui est aussi reconnu comme un point chaud de biodiversitรฉ. La zone mรฉditerranรฉenne se prรชte donc trรจs bien aux questionnements sur la prรฉservation des systรจmes รฉcologiques et les risques รฉpidรฉmiologiques (Vittecoq, 2012).
En particulier, le territoire camarguais (Carte 2), vaste zone humide de 150000 km2 situรฉe au niveau du delta du Rhรดne, est trรจs pertinent pour tester ces problรจmes. Cโest une des rรฉgions oรน les risques d’รฉmergence sont trรจs รฉlevรฉs (Vittecoq et al., 2014), les zones humides รฉtant les plus sensibles du point de vue รฉpidรฉmiologique (Jones, 1990). En effet, la Camargue est composรฉe dโune vรฉritable mosaรฏque d’รฉcosystรจmes, fluctuants dans le temps (marais, sansouรฏres, รฉtangs, canaux, riziรจres, bois, salins, etc.). Elle est aussi fortement anthropisรฉe (notamment par la gestion des entrรฉes d’eaux douces). Les contacts entre populations humaines, faune domestique et faune sauvage y sont trรจs courants entraรฎnant des risques d’รฉmergence รฉlevรฉs. De plus, la Camargue est particuliรจrement exposรฉe aux invasions biologiques : 39 espรจces (17 vรฉgรฉtales et 22 animales) y sont reconnues comme envahissantes (Costa, 2005). Parmi celles-ci, plusieurs sont des rรฉservoirs de zoonoses pouvant se transmettre ร l’Homme (fasciolose et leptospirose pour le ragondin ; giardiase et cryptospordiose pour le rat musquรฉ etc). Enfin, ร l’instar des rรฉgions oรน l’รฉlevage des bovins ou des ovins est important, la Camargue est dรฉcrite comme une rรฉgion oรน la fasciolose sรฉvit notablement (18% de foies de taureaux camarguais saisis aux abattoirs d’Arles (PNR Camargue, 2011). La maladie est donc considรฉrรฉe comme ยซ ร surveiller ยป et les รฉleveurs sont encouragรฉs ร traiter contre ce parasite. La Camargue allie donc plusieurs caractรฉristiques faisant de cette rรฉgion, un site de choix pour รฉtudier la dynamique de F. hepatica chez son hรดte intermรฉdiaire et ses hรดtes dรฉfinitifs.
Objectif et problรฉmatique de la thรจse
Dans ce contexte, lโobjectif de cette thรจse est dโรฉtudier la dynamique de la fasciolose au sein dโun territoire restreint, dans lequel nous pouvons simultanรฉment suivre lโhรดte intermรฉdiaire, caractรฉriser les habitats et รฉchantillonner les parasites chez les hรดtes dรฉfinitifs et intermรฉdiaires, afin de mieux comprendre l’รฉpidรฉmiologie de la fasciolose, de mieux cerner les risques d’รฉmergence et les moyens dโy faire face. Ce territoire a donc รฉtรฉ choisi en Camargue, sur le domaine de la Tour du Valat (Carte 3), qui couvre 2600 hectares. Le domaine comporte tous les habitats naturels reprรฉsentatifs de la Camargue, avec un rรฉseau de drainage et dโirrigation dense et une grande biodiversitรฉ dโoiseaux migrateurs, de mollusques mais aussi de mammifรจres sauvages comme le ragondin et le sanglier. De plus, quatre manades de taureaux pรขturent sur le domaine, toute lโannรฉe : la manade de la Tour du Valat, dont les animaux ne sont pas traitรฉs aux antihelminthiques et les manades Blanc, Bon et Mailhan qui traitent les taureaux une fois par an.
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Table des matiรจres
I. Les parasites, acteurs majeurs des รฉcosystรจmes ou ennemi de lโHomme
I.1. Le rรดle des parasites dans les รฉcosystรจmes
I.2. Les perturbations anthropiques ร lโorigine de lโรฉmergence et de la rรฉรฉmergence
I.3. Mollusques et trรฉmatodes, des interactions anciennes en plein bouleversement
II. La fasciolose, une maladie nรฉgligรฉe rรฉรฉmergente
III. La Camargue : laboratoire dโรฉtude de la dynamique de la fasciolose
IV. Objectif et problรฉmatique de la thรจse
Chapitre 1 : Dynamique de population de Galba truncatula en Camargueย
I. Caractรฉrisation de lโhabitat des limnรฉes et la prรฉvalence de F.hepatica chez lโhรดte intermรฉdiaire Galba truncatula
II. Permanence de la mise en eau des habitats : Quels impacts sur la structuration gรฉnรฉtique de Galba truncatula ?
III. Connexion des habitats : Impacts sur la dispersion des limnรฉes.
Chapitre 2 : Dynamique de population de Fasciola hepatica dans la faune sauvage et domestique en Camargue
I. Les risques associรฉs ร la transmission de la fasciolose
II. Effets de la grande douve du foie sur la condition corporelle du bรฉtail
III. Dynamique de la douve au sein de la manade non traitรฉe
IV. Dynamique de la douve entre des troupeaux traitรฉs et non traitรฉs
V. Les รฉchanges entre la faune sauvage et domestique
Discussion gรฉnรฉrale
I. Une nouvelle approche, la gestion intรฉgrรฉe adaptative
I.1. Une surveillance accrue pour รฉviter
I.2. La prรฉvention du risque de la fasciolose
I.3. Une utilisation des traitements non systรฉmatique
I.4. Travailler ensemble pour une meilleure gestion
II. Connaรฎtre les activitรฉs humaines du passรฉ pour prรฉparer lโavenir
II.1. Les modifications des pratiques dโรฉlevages
II.2. Les modifications dans les communautรฉs
II.3. Les modifications de lโutilisation des terres
III. La Camargue, une rรฉgion en constante รฉvolution
IV. Conclusion : une nouvelle approche des maladies parasitaires, travailler ร la rรฉduction des impacts plutรดt quโร lโรฉradication
Bibliographieย
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