Dynamique de l’occupation du sol, gestion fonciere et enjeux socio-economiques

Au cœur de la question foncière dans les pays d’Afrique de l’Ouest, comme dans d’autres pays africains, réside un paradoxe. D’une part, il y a la prise de conscience que la terre est essentielle à toute activité humaine, rurale ou urbaine. D’autre part, les gouvernements et les théoriciens ont été confrontés à des arguments contradictoires sur le rôle du foncier dans le développement national. Les projets d’aménagement pour la modernisation et la rationalisation de l’habitat sont souvent tributaires de la question foncière notamment dans les régions ou subsistent encore les formes d’appropriation dites traditionnelles.

Les villes sénégalaises comme la plupart des villes africaines connaissent aujourd’hui une urbanisation rapide. Cet état de fait a entrainé une forte pression sur les terres et dont la gestion évolue dans un contexte de cohabitation des droits moderne et coutumier. En effet, l’expansion de ce front a suscité dans la commune de Tivaouane d’importantes recompositions spatiales avec des changements radicaux et rapides dans l’utilisation et l’occupation de l’espace ainsi que dans sa gestion administrative. Cependant il faut reconnaître que cette urbanisation cache bien des réalités dont une forte spéculation foncière, conséquence d’une gestion foncière non maîtrisée du fait de la multiplicité des acteurs. C’est pourquoi, le Gouvernement du Sénégal, dans le souci de mettre de l’ordre dans le cadre du foncier, vise à démocratiser l’accès à la terre et en même temps favoriser sa mise en valeur d’où l’institution de la loi n° 64-46 du 17 juin 1964.

Contexte et Justification

Contexte

Le foncier fait l’objet de débats importants en Afrique et plus particulièrement au Sénégal avec une recrudescence marquée au cours de ces dernières années. La compréhension et l’intérêt du sujet d’étude réside dans la considération du terme «foncier» comme « l’ensemble des rapports entre hommes à propos de la terre ». Dans un contexte marqué aujourd’hui par des conditions agro-climatiques moins favorables, certaines personnes quittent leur milieu d’origine pour aller s’installer à Tivaouane. Cette commune constitue un pôle d’attraction pour diverses raisons : d’abord son implantation dans le bassin arachidier qui est une zone à vocation agricole, ensuite l’installation des industries chimiques à Mboro, à Lam-Lam et à Taïba et qui offrent de l’emploi et enfin par sa fonction de cité religieuse. Tous ces facteurs réunis vont d’une manière ou d’une autre influer sur le foncier dans cette localité. Ainsi, le Sénégal a connu de par son histoire, trois grandes phases d’évolution de son régime foncier:
– La phase pré- coloniale : elle est marquée par une emprise coutumière sur les terres. La terre est considérée pendant cette période comme une propriété commune que nul ne peut s’approprier. Ce système qui a pour fondement les liens de parenté privilégie le groupe sur l’individu. Ce qui fait dire à Le Roy (1987) « dans la conception endogène et traditionnelle, l’affectation de l’espace visait principalement à assurer la reproduction du groupe dans ces dimensions matérielle, sociale et idéologique ».
– La période coloniale : le colonisateur a fait table rase de toutes ces réalités traditionnelles et mit en œuvre plusieurs réformes et législations. Celles-ci étaient pour la plupart d’inspiration individualiste et leur cheminement a conduit à la transcription, à l’immatriculation des terres vacantes, à la création de livre foncier et d’un régime spécial.
– Au lendemain des indépendances : jusqu’en 1960 le régime des terres est resté le même au Sénégal. Mais ces dispositions rompaient déjà avec le mode d’appropriation traditionnelle. L’entrée en vigueur de la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national opte pour la gestion collective des terres. Cette loi à travers son premier article montre que les terres inscrites dans le domaine national n’appartiennent plus à des particuliers ou familles mais à l’Etat. Et Chabas (1957) soutient à ce propos que « le domaine national est détenu par l’Etat, bien que les textes ne le disent pas ouvertement et en est en réalité propriétaire car tel est l’esprit de la loi ».

Ce point de vue de Chabas n’est pas partagé par Gasse (1972), lorsqu’il dit que « le fait que 95% des terres soient incorporées d’office dans le domaine national ne signifie pas que l’Etat en devienne propriétaire à la romaine mais qu’il reprend les fonctions traditionnelles de maitre de la terre pour les adapter aux nécessités de développement ». Le foncier est dans cette optique considéré comme un enjeu majeur pour le développement agricole et rural ou urbain. Ainsi, quels sont les facteurs à l’origine de l’évolution de l’occupation du sol dans la commune de Tivaouane ? En plus de ces enjeux, le foncier demeure aujourd’hui l’objet de beaucoup de convoitises aussi bien par les paysans et éleveurs autochtones, par les fonctionnaires, les promoteurs touristiques, les hommes d’affaires, etc. En effet la coexistence de deux systèmes notamment celui des règles coutumières et du droit moderne sur le foncier est appréhendée en milieu rural et dans une moindre mesure en milieu urbain. Le foncier au Sénégal, notamment dans la commune de Tivaouane est à la base de la vie sociale, économique, culturelle et politique. Cette situation témoigne que les moyens de subsistance, les revenus et l’emploi pour les populations sont étroitement liés à la terre et aux ressources qu’elle porte. Dans ces conditions, la revendication d’un droit d’accès aux ressources foncières est d’autant plus forte que leur valeur marchande est élevée aux yeux de populations qui ne disposent pas d’autres alternatives économiques intéressantes. Aujourd’hui bon nombre de ruraux comme de citadins ont des difficultés pour accéder aux ressources foncières. Ces difficultés sont plus marquées dans certaines localités à fortes potentialités agricoles telles que la zone du bassin arachidier où la demande foncière est très forte. Malgré le transfert de compétences aux collectivités locales en matière de gestion foncière, des conflits fonciers, aux conséquences souvent désastreuses sont signalés dans la zone. L’émergence et l’expansion des tensions et conflits fonciers mettent en évidence l’urgence et la nécessité de tenter de trouver des solutions aux problèmes posés par le foncier. Les tensions foncières à Tivaouane et dans d’autres localités du Sénégal se transforment parfois en conflits dont la résolution reste difficile. Le foncier apparait ici comme un enjeu majeur de développement dont la régularisation est une priorité.

REVUE DE LA LITTERATURE

La nécessité de procéder à une revue de la littérature sur le foncier nous permettra de mieux saisir la question sur la dynamique de l’occupation du sol, la gestion foncière et des enjeux socio-économiques dans le monde, au Sénégal et dans notre zone d’étude. Pour mener à bien cette analyse bibliographique, nos recherches ont été d’abord orientées vers l’internet où il y avait une floraison de sites intéressant dans notre domaine d’étude. Ces recherches en ligne nous ont donnée l’occasion de découvrir le caractère mondial du phénomène foncier, l’actualité foncière en Afrique et particulièrement au Sénégal. Nous avons aussi élargi notre connaissance dans le domaine et le milieu d’étude par la visite des bibliothèques et centres de documentation de l’ENEA, du GERAD, de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, de l’ANSD, de l’IRD.

La conception traditionnelle du foncier 

La conception traditionnelle des tenures foncières au Sénégal avant la colonisation était de mise. Pendant cette période un ensemble de faits et de pratiques appelés coutumes ont beaucoup marqué le système foncier sénégalais, se référant tous à la conception négroafricaine de la terre. Griaule (1950) dans son étude sur la philosophie et la religion des noirs s’est beaucoup appuyé sur la religion pour montrer qu’en Afrique qu’au-delà du type d’organisation social, la terre possède une valeur rituelle et religieuse. Dans la plupart des pays africains, selon le modèle coutumier, la terre est considérée comme un don naturel. Cette conception indigène de la terre en Afrique est exprimée par Lavigne-Delville et al. (2000) qui affirment que « la terre était rangée dans la même catégorie que la pluie, la lumière du soleil, et l’air que nous respirons » Par conséquent, dans les régimes coutumiers, la terre était traitée avec le plus grand soin pour garantir la survie de l’humanité. Ainsi les sociétés africaines ont eu pendant des siècles avec la terre un rapport mystique et religieux. La conception de « Terre-Mère » considérée comme un mythe se trouve dans de nombreuses civilisations africaines. Dans la plupart des sociétés traditionnelles africaines, la terre appartient aux dieux et aux ancêtres .Et le lien homme-terre est sacré et ne doit pas être violé. Pour ces sociétés, la terre est un bien inaliénable. Les ouvrages de Verdier (1959) et celui de Vidrovitch (1982) ont mis l’accent sur l’appropriation collective de la terre en Afrique. Dans les sociétés africaines traditionnelles, le travail comme le remarque divers auteurs est le fondement de la propriété privée. Or, la terre n’est pas le fruit du travail d’un individu : « la rizière est un cadeau du ciel », dit un proverbe diola, elle ne saurait donc faire l’objet d’une appropriation privée. En outre, le travail s’effectue généralement dans un cadre collectif, le fruit de ce travail, la mise en valeur de la terre, est, de ce fait, collectivement approprié. La possession d’une terre par un groupe familial découlait de la première occupation basée sur le « droit de feu et le droit de hache ». Le premier est entre les mains des « maîtres de la terre », plus connu en wolof sous le nom de « Lamane » qui sont les héritiers des chefs de famille. Le second est détenu par les « maîtres de la hache » qui après un défrichement effectif autorisé par les « lamane » se voient attribuer un espace pour l’exploiter. Ainsi le « droit » des premiers occupants était reconnu et respecté par tous. Dans son œuvre Diop (1979) se focalise sur la place de l’individu au sein du groupe, dont la stratégie est de se reproduire dans le respect formel de la tradition. Il considère le corps de l’homme comme un don de Dieu, et ce don est à mettre au service de la lignée généalogique dont le souvenir ne doit pas s’éteindre Le principal avantage de ce système foncier coutumier est de permettre à chaque individu ou groupe d’avoir accès à la terre pour assurer sa subsistance. Les droits d’usage étaient les seules concessions octroyées sur la terre. En effet avec la présence coloniale on assiste à l’introduction du droit de propriété individuel inconnu jusqu’alors. Ceci va entraîner des mutations de l’ordonnancement du système foncier traditionnel.

Les droits fonciers coloniaux 

La promulgation du code civil par l’arrêté du 05 novembre 1830 devait en principe amener les autochtones à renoncer à leurs droits coutumiers pour adhérer au nouveau système matérialisé par des titres administratifs.

Chauveau (1997) et A.Ait (1996) ont fait dans leur ouvrage une comparaison entre une économie fermée basée d’une part sur l’exploitation collective de la terre et d’autre part sur l’autoconsommation. En effet l’administration coloniale, pour mieux asseoir sa main mise sur la terre de la colonie, avait élaboré, à côté du code civil un arsenal juridique qui organisait un système domanial et foncier apte à renforcer sa position vis-à-vis des populations autochtones dont les droits étaient méconnus Deckker et Kunkz (1998) affirment que détacher peu à peu l’homme de la terre a été un moyen de faire « circuler » les hommes et la terre de manière indépendante. La terre devient tout à la fois marchandise et moyen de production. Selon eux la notion de propriété suppose une désacralisation de la terre. Elle va désormais acquérir une valeur d’usage et, surtout, une véritable valeur marchande. Le décret du 30 avril 1900, portant l’introduction du régime de l’immatriculation foncière, suivi d’un autre décret du 24 juillet 1906, abrogé et remplacé par le décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de la propriété foncière en AOF, permet une inscription aux livres fonciers et donne lieu à la création d’ un titre foncier sur lequel étaient inscrits les droits et les charges grevant les immeubles. Le mémoire de Diallo (2006) soutient que le régime de la constatation des droit coutumiers institué par les décret n°55-580 du 20 mai 1955 et n°56-704 du 10 juillet 1956 qui avaient abrogé et remplacé les textes antérieurs de 1925 et 1933, devaient permettre la transformation des droits coutumiers en droits de « propriété » susceptibles d’être convertis en titres fonciers définitifs, régis et protégés par le régime de l’immatriculation foncière. Selon lui ces textes permettaient de délivrer aux possesseurs de droits coutumiers des livrets fonciers et des certificats administratifs de possession coutumière. Cependant toutes ces lois mises en place par le colonisateur n’ont pas enregistré de grands succès. C’est pourquoi les nouvelles autorités, au lendemain des indépendances ont mis en place un nouveau dispositif réglementaire qui cadre mieux avec les réalités locales.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
PREMIERE PARTIE : SITUATION GEOGRAPHIQUE DE LA ZONE D’ETUDE
INTRODUCTION
CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE
CHAPITRE II:LE CADRE SOCIO-ECONOMIQUE
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE : LA DYNAMIQUE DE L’OCCUPATION DU SOL DANS LA COMMUNE DE TIVAOUANE
INTRODUCTION
CHAPITRE III : L’EXTENSION SPATIALE DE LA COMMUNE: ORGANISATION DE LA VILLE ET ANALYSE DE L’EVOLUTION DU BATI
CHAPITRE IV: L’EVALUATION DE L’URBANISATION DE LA VILLE
CONCLUSION
TROISIEME PARTIE: LA GESTION FONCIERE ET LES ENJEUX SOCIO-ECONOMIQUES DE LA TERRE DANS LA COMMUNE DE TIVAOUANE
INTRODUCTION
CHAPITRE VI: ANALYSE DES CONFLITS FONCIERS DANS LA COMMUNE DE TIVAOUANE
CHAPITRE VII: LES ENJEUX DE L’ACCES A LA TERRE
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
Liste des cartes
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des photos

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