L’urbanisation rapide des pays africains a commencé à se manifester depuis les années 1950. Cette période correspond à la naissance mais surtout l’expansion des grandes villes situées sur les zones littorales. Cette situation est née de la concentration dans les centres urbains des services administratifs, des entreprises et des marchés. Elle a entraîné d’importants flux migratoires et a abouti à une macrocéphalie du tissu urbain. Ainsi Vennetier (1991), analysant l’histoire de l’urbanisation des villes africaines, a évoqué l’importante phase qu’est celle de l’après seconde guerre mondiale. En effet, ce fut l’ère des grands travaux mobilisant une forte main-d’œuvre. Les villes africaines notamment les villes portuaires, ont ainsi connu un essor notoire. Au Sénégal, il y a un déséquilibre entre Dakar qui se modernise et les villes de l’intérieur déclinantes. La capitale dont la population a augmenté de 79,8 % entre 1955 et 1961, a accueilli pendant cette période, des flux de 30000 personnes par an (Seck, 1970). En 1980, sur les 270 entreprises industrielles du pays, 242 sont installées dans la région de Dakar soit 90 % du tissu industriel. L’agglomération regroupait aussi 20 % de la population du pays. Toujours pour la même année, le taux d’urbanisation du Sénégal est de 35 % (PDU, 2003). De 1970 et 1988 la population est passée de 724462 à 1488941. En 2000, la capitale concentre 94 % des entreprises industrielles commerciales nationales. En 2004, 54 % de la population urbaine vit à Dakar (DPS, 2004). Avec un taux de croissance annuel est de 4 %, la demande foncière est devenue insoutenable : 100000 nouveaux arrivants chaque année, soit une demande 10000 nouvelles parcelles (PASDUNE, 2002). Ce fait entraîne l’augmentation des constructions par les sociétés immobilières, de l’auto construction à Pikine et le développement de l’habitat irrégulier. Il y a aussi la construction des infrastructures nées de la demande sociale (écoles, réseau d’adduction d’eau hôpital, marché, station d’épuration des eaux et routes) mais aussi d’autres infrastructures comme le futur technopôle. Selon Ndong (1990), « 74,6 ha en moyenne sont conquis chaque année par l’urbanisation entre 1973 et 1980 ».
L’extension des villes africaines s’est fait selon Merlin (2000) «de façon spontanée et précaire avec le développement de bidonvilles sur des terrains appartenant à l’Etat ou achetés à des lotisseurs privés et vers les périphéries et autres espaces qui naguère étaient plus ou moins naturels ou à vocation agricole». Dans ce contexte d’explosion démographique et d’intensification des activités économiques, les espaces naturels jouent un rôle essentiel dans l’espace urbain, leur existence est nécessaire à la production de l’oxygène et au recyclage des rejets gazeux afin d’assurer un équilibre écologique. Ils ont cependant subi de fortes mutations. Ce sont généralement des phases de dégradation qui se manifestent par leur régression spatiale et leur altération qualitative sous l’influence de facteurs naturels mais surtout à cause d’une urbanisation galopante. C’est ainsi que Niang et al. (2004) soulignent la tendance à l’artificialisation des milieux naturels à Dakar. Cette tendance aboutit à «la conversion des zones de végétation naturelle en zone de cultures ou la conversion des zones de cultures en zone d’habitation». Cette évolution a fait qu’à partir de 1999, il n’y a pratiquement plus d’espaces couverts par une végétation naturelle urbaine excepté le domaine classé.
LE CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
LE CADRE CONCEPTUEL
Dans l’étude de la dynamique de l’occupation du sol, il s’agira en premier lieu décrire les changements observés dans la zone étudiée et ensuite d’établir des relations et d’expliquer les différents facteurs associés aux mutations identifiées .
La dynamique est « un changement résultant d’un jeu de forces …» Brunet (1992). Dans ce contexte, la dynamique est un changement de l’occupation du sol entre deux dates sous l’impulsion d’un ou de plusieurs facteurs.
L’occupation du sol est « la couverture physique observable au sol par des techniques de relevés de terrain ou par la télédétection. Elle comprend la végétation (naturelle/cultivée) et l’aménagement du territoire/l’habitat (bâtiments, routes) qui occupent la surface de la terre ainsi que l’hydrographie… » FAO, 1997.
La description des changements d’occupation du sol est basée sur l’utilisation des cartes et l’analyse des résultats statistiques afin d’apprécier les modifications observées dans la zone d’étude.
Les niayes : au sens large, les niayes peuvent être considérées comme des paysages constitués de dunes et de dépressions inter-dunaires qui s’échelonnent le long de la Grande Côte du Sénégal. Au sens strict, ce sont des dépressions inter-dunaires accentuées avec une végétation spécifique et pouvant être inondées en permanence ou temporairement. Il s’agira donc dans ce cadre de décrire l’évolution des espaces verts, des plans d’eau et du bâti. Les espaces verts se réfèrent aux surfaces couvertes par la végétation naturelle ou cultivée.
Les plans d’eau temporaires et permanents sont des surfaces partiellement ou totalement recouvertes par l’eau. Ils peuvent être des résurgences de nappes ou des mares salées ou douces.
Les zones bâties sont artificielles et résultent de l’aménagement. Elles regroupent les habitations et les infrastructures.
Les zones non aedificandi sont des zones impropres à l’habitat. Ce sont généralement des dépressions, des dunes vives et des zones d’emprise. Cependant, on ne peut pas affirmer qu’elles sont inhabitables, dans la mesure où elles sont effectivement habitées. D’après Brunet (1992), « le concept inhabitable n’a d’intérêt réel que si l’on mesure l’effort que l’on accepte de consentir, les inconvénients qu’il y a à s’y établir ». la viabilisation des espaces non aedificandi nécessite un investissement financier et technologique très important qui n’est pas toujours soutenable. Après avoir décrit les changements, il sera ensuite question d’analyser les différents facteurs associés à ces modifications. On s’est principalement intéressé à trois catégories de facteurs : les facteurs naturels, les facteurs socio économiques et les facteurs politiques et administratifs.
Les facteurs naturels sont liés à la variation des précipitations et de leurs conséquences sur l’écosystème. Les facteurs socio-économiques sont relatifs aux populations. Il s’agit des facteurs démographiques, des types d’habitat et de la perception des populations par rapport à la niaye. Dans l’analyse des facteurs démographiques, il s’agira d’établir les relations entre évolution des effectifs, densification de la population et changements d’occupation du sol. Il faudra à travers ces liens, voir l’historique de l’habitat sous intégré généralement dit habitat spontané ou habitat précaire. Il sera difficile de donner une définition précise de l’habitat sous intégré. On peut toutefois noter que le concept est tiré de l’expression « formes de croissance urbaine sous intégrées » proposée pour la première fois par le géographe Mohamed Naciri (1982) cité dans cours de DEA ISE (2004). Elle permet de regrouper dans un même ensemble taudis, bidonvilles et pseudo villages urbains. Certains critères de sous intégration ont aussi été retenus : « L’illégalité du statut foncier, le manque d’infrastructure, l’occupation de zone non aedificandi, le manque de viabilisation, le type de construction, la précarité des matériaux, la densité et la pauvreté des populations ».
LE CADRE METHODOLOGIQUE
En vue d’une meilleure appréciation de la dynamique et de ses conséquences, nous avons adopté une approche qui intègre des outils de la géographie et de la sociologie.
La recherche bibliographique
La recherche bibliographique a été menée à la Bibliothèque centrale de l’Université, au LERG, à la Direction de l’urbanisme et au bureau d’étude Senagrosol Consult. A la bibliothèque centrale de l’UCAD, les thèses, les mémoires de fin d’étude et les ouvrages généraux nous ont permis de circonscrire le cadre physique et humain et les potentialités de la zone d’étude. Des ouvrages généraux en géographie et en écologie, nous ont aussi servi de base pour l’analyse et l’explication de beaucoup de phénomènes observés sur le terrain. A la Direction de l’Urbanisme, nous avons pu consulter des ouvrages présentant les différentes options politiques en matière d’urbanisme. Les informations relatives à la morbidité de la population à Yeumbeul, ont été tirées du rapport global du poste de santé de Aïnoumadhi SOTRAC de Yeumbeul. Ces informations sont importantes dans la mesure où elles donnent idée de la morbidité . Cependant, elles ne sont pas exhaustives parce que tous ces cas de pathologies ne sont pas automatiquement soignées dans le poste de santé.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : LE CADRE DE L’ETUDE
Chapitre I : LE CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
I. LE CADRE CONCEPTUEL
II. LE CADRE METHODOLOGIQUE
Chapitre II : LE CADRE PHYSIQUE
I. LA SITUATION DES ZONES ETUDIEES
II. STRUCTURE ET RELIEF
III. L’HYDROGEOLOGIE
IV. LES SOLS
V. LE CLIMAT
VI. LA VEGETATION
Chapitre III : LE CADRE SOCIO-ECONOMIQUE
I. LES CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES
II. LES ACTIVITES ECONOMIQUES
DEUXIEME PARTIE : LA DYNAMIQUE DE L’OCCUPATION DU SOL
Chapitre I : L’EVOLUTION DE L’OCCUPATION DU SOL DANS LA GRANDE NIAYE DE PIKINE
I. LES RESULTATS CARTOGRAPHIQUES
II. LES CHANGEMENTS D’OCCUPATION DU SOL DANS LA GRANDE NIAYE DE PIKINE
Chapitre II : L’EVOLUTION DE L’OCCUPATION DU SOL DU SITE DE YEUMBEUL
I. LES RESULTATS CARTOGRAPHIQUES
II. LES CHANGEMENTS D’OCCUPATION DU SOL DANS LA ZONE DE YEUMBEUL
Chapitre III : LES FACTEURS ASSOCIES AUX CHANGEMENTS D’OCCUPATION DU SOL
I. LES FACTEURS NATURELS
II. LES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES
III. LES FACTEURS POLITIQUES ET INSTITUTIONNELS
TROISIEME PARTIE : LES PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIAUX LIES AUX CHANGEMENTS D’OCCUPATION DU SOL
Chapitre I : LES INONDATIONS DES SITES D’HABITATIONS
I. LE CAS DE LA GRANDE NIAYE DE PIKINE
II. LE CAS DE LA ZONE DE YEUMBEUL
Chapitre II : L’ACCUMULATION DES ORDURES ET LES PROBLEMES D’ASSAINISSEMENT DES EAUX USEES
I. DANS LE SITE DE LA GRANDE NIAYE DE PIKINE
II. DANS LA ZONE DE YEUMBEUL
Chapitre III : LES PROBLEMES DE SANTE PUBLIQUE
I. LE PALUDISME
II. LES DERMATOSES
III. LES MALADIES DIARRHEIQUES
IV. LES DYSENTERIES
V. LES HELMINTHIASES
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
LISTES DES FIGURES
LISTE DES PHOTOS
LISTE DES TABLEAUX