Dynamique de l’interaction entre formes culturelles globales et locale

« Les jeunes sont la force et le produit de la globalisation », selon Maira et Soep (2005 : p. XX). Ce point de vue issu des travaux en marketing et en sociologie sur les jeunes (cf. Hassan et Katsanis, 1991 ; Kjeldgaard et Askegaard, 2006 ; Moses, 2000 ; Schor, 2014 ; Tully, 1994) rappelle une fois encore que les jeunes sont un segment relativement nouveau de marché visé par les marketers et les entreprises multinationales. Les jeunes, et leurs esprits créatifs, ont la capacité de s’approprier, de modifier et de transformer les objets consommés13 pour servir leurs propres intérêts (Willis, 1990). À travers leur consommation, ils produisent de nouvelles tendances culturelles au niveau local, régional et/ou global, inspirant d’autres segments du marché. Frank (1997), dans son ouvrage intitulé The conquest of cool, révèle que ces tendances culturelles créées par les jeunes sont récupérées et transformées en marchandises par l’industrie du cool (e.g. mode, média, tourisme) et les multinationales. L’esprit rebelle de la jeunesse, inscrit dans ces nouvelles formes culturelles, est repris par le discours publicitaire, avec pour objectif premier de stimuler l’individualisation des jeunes (Arvidsson, 2001, 2003 ; Granot et al., 2014 ; Nancarrow et al., 2002), et de séduire les consommateurs adultes en activant leur nostalgie d’une jeunesse perdue (Holbrook et Schindler, 1996, 2003). Par les opérations de marketing, les entreprises et les médias transnationaux transforment la jeunesse en symbole du consumérisme global (Ford et Philipps, 1999 ; Frank, 1997 ; Kjeldgaard et Askergaard, 2006). Pourtant, cette idéologie globale est différente d’un lieu à un autre : elle est modifiée et transformée pour s’adapter aux intérêts locaux. Autrement dit, l’esprit rebelle de la jeunesse est glocalisé (Kjeldgaard, 2002 ; voir aussi Motley et Henderson, 2008) et les jeunes deviennent les vecteurs de l’interaction entre global et local.

Notre thèse porte sur l’interaction entre les formes culturelles global et la culture locale induite par les pratiques culturelles des jeunes. Notre analyse se focalise sur les jeunes locaux dans leur consommation de produits globaux participant à la construction de leur style de vie. C’est la raison pour laquelle nos travaux rejoignent les travaux précités en adoptant la théorie de la globalisation (dans le domaine de Globalization Studies) et la théorie de la culture des jeunes (dans le domaine de Youth Studies) comme cadre conceptuel.

Mécanismes et conséquences de la globalisation : Une lecture panoramique

Bien que déjà ancien, le phénomène de la globalisation n’est étudié que depuis les années 1980. Le travail des chercheurs découle de l’intégration de nouveaux marchés dans un contexte de mondialisation croissante et l’internationalisation croissante des entreprises occidentales et japonaises (Wind et Douglas, 1986). Les marketers cherchent à cibler et segmenter les marchés internationaux en focalisant sur les particularités de chaque marché. De nouvelles stratégies de marketing sont requises pour les prospects internationaux. Cependant, Levitt (1983), dans son étude The globalization of markets, remarque aussi que les marchés mondiaux sont de plus en plus standardisés grâce au progrès des technologies dans la production et dans la distribution. Les stratégies des entreprises multinationales (EMNs) conduisent donc les consommateurs mondiaux vers des besoins et des structures comportementales standardisées. Le travail de Levitt (1983) évoque pour la première fois l’idée selon laquelle la globalisation conduit à l’homogénéisation. Son travail suscite un débat sans fin entre partisans de cette idée (e.g. Johansson, 2000 ; Lamont, 1996 ; Ozsomer et al., 1991 ; Yip, 1992) et ceux pour qui les marchés mondiaux sont plus divergents qu’homogènes (e.g. de Mooji, 2013 ; Douglas et Wind, 1987 ; Ger, 1999 ; Kotler, 1986 ; Nyeck et al., 1996 ;). La question sur la standardisation ou l’adaptation des stratégies de marketing internationales est posée. Ce débat s’élargit quand le sociologue Robertson (1994) introduit le concept de « glocalisation ». Il est récupéré ensuite par les chercheurs en marketing pour définir une stratégie de marketing hybride, stratégie semi-globale (Douglas et Craig, 2011), qui mixe standardisation et adaptation (voir aussi Svensson, 2001, 2002).

Il est intéressant de noter que dans le débat sur les stratégies de marketing international, les chercheurs remettent en question la définition, les mécanismes et les conséquences de la globalisation. Ils adoptent différentes perspectives alimentées par d’autres disciplines telles que l’économie, la sociologie ou Cultural Studies pour soutenir leurs arguments. Chaque discipline citée étudie et interprète la globalisation sous différentes optiques : les économistes dans la relation avec le développement du système de production capitaliste ; les sociologues comme une nouvelle version de la modernisation ; les chercheurs en Cultural Studies observent son aspect culturel ; les chercheurs en géopolitique se focalisent sur l’hégémonie et la puissance occidentale dans le contexte de la globalisation. Si la globalisation est un thème polémique sans guère de définition complète (voir Turner, 2009), des consensus existent cependant dans la littérature : la compression spatio-temporelle ; la prolifération des technologies tant mécaniques qu’informationnelles ; le déplacement des ressources de production (les peuples, la monnaie, la technologie, l’information); l’interconnexion des individus dans le monde et l’augmentation des formes de la connaissance sur le global (Pieterse, 2009; Turner, 2009).

Puisque la globalisation est un processus complexe, multidimensionnel et divers, l’élaboration d’une définition synthétisant tous les aspects de ce processus prend le risque d’un réductionnisme théorique qui, selon Turner (2009 : 9), « traite [inévitablement] la globalisation comme un processus uniforme » lié à la théorie de la modernisation, à l’établissement global de l’hégémonie américaine ou au discours anti-globalisation. Notre chapitre ne vise donc pas à chercher une définition complète de la globalisation ni à engager un débat sur la nature de la globalisation. Il vise davantage à tracer des contours de la globalisation en synthétisant les travaux majeurs sur l’origine (1ère section) et les conséquences de la globalisation (2ème section).

Plus précisément, dans la première section, nous présenterons la globalisation comme : (1) un processus réflexif dont la globalité est constituée par la localité, la compression spatio-temporelle ; et (2) la conséquence de la disjonction des forces culturelles globales. La seconde partie englobera trois paradigmes : cultures convergentes ; cultures divergentes et cultures hybrides. Ces trois paradigmes reflètent les trois approches principales choisies pour les études sur la globalisation.

Les réflexions sur le mécanisme de la globalisation

La globalisation est un processus réflexif

Dans l’introduction de Globalization, Walters (2001 : 5) a défini la globalisation comme « un processus social duquel l’accommodement économique, politique, social et culturel se dégage des contraintes géographiques […]». Par cette définition, Walters (2001) présente quelques caractères notables de la globalisation. Premièrement, la globalisation est un processus. Depuis que le concept de globalisation a été introduit par Levitt (1983) et développé par Robertson (1992), les chercheurs se posent la question sur la nature de la globalisation. Ils cherchent à savoir si la globalisation est un processus, un projet, un système ou un discours et si elle est unidimensionnelle ou multidimensionnelle. Les sociologues et les anthropologues affirment que la globalisation est un processus historique qui a toujours existé et fonctionné avant que nous ne le reconnaissions. Deuxièmement, la globalisation reconfigure la notion de l’espace et du temps. Le temps est dissocié de l’espace. De fait, dans la société traditionnelle, l’individu est figé dans un temps et un espace particulier. Pour le temps particulier, ici, nous entendons le système horaire et calendaire différent de l’individu et de la civilisation à laquelle il/elle appartient et utilise. Par exemple, la civilisation confucéenne utilise le calendrier lunaire. Pourtant, dans la société post traditionnelle et globalisée, le système calendaire grégorien est utilisé comme la seule référence temporaire standard du monde. Concernant l’espace, nous entendons le lieu où se situent autant l’individu que sa vie sociale. La vie sociale de l’individu dans la société pré-globalisée est enfermée dans le local ; les échanges commerciaux, culturels ne se sont limités qu’à un site privilégié. À l’ère de la globalisation, l’espace est étendu, déboité et re-divisé grâce à l’uniformisation de nouvelles méthodes de mesure. La carte géographique universelle illustre cette reconfiguration de l’espace. En fait, la reconnaissance des nouveaux mondes des explorateurs/ voyageurs contribue à l’invention de la carte universelle grâce à laquelle l’individu reconnait des régions externes à l’espace local dans lequel il vit. Grâce à cette reconfiguration de l’espace, la vie sociale de l’individu n’est guère enfermée dans le local mais, par contre, elle est en relief avec celle des autres individus vivant loin de chez lui. C’est à dire que la vie sociale de l’individu dans l’ère de la globalisation est délocalisée (Giddens, 1994).

Enfin, la globalisation est réflexive. Il faut noter ici que le terme « réflexive » signifie la réflexion, l’auto-reconnaissance à travers les autres. C’est-à-dire l’individu reconnait son Moi en se référant à la société et il se modifie afin de s’y adapter ; le local se reflète sur le global afin de s’identifier. Autrement dit, la globalisation réflexive se réfère à la reconnaissance de soi et des autres et l’automodification de soi pour être cohérent dans la connexion avec les autres dans le contexte de la globalisation. L’idée d’une globalisation réflexive réside dans la définition de Robertson (1992 : 8) sur la globalisation

« La globalisation est un concept qui réfère à la fois la compression du monde et l’intensification de la conscience pour laquelle le monde est entier… [il réfère également à la fois] l’interdépendance globale particulière et la conscience du monde entier. »

La notion de “conscience” dans cette définition exprime la reconnaissance de l’individu envers le phénomène de la globalisation et le monde global auquel il participe (Friedman, 1994). C’est-àdire que l’individu reconnait qu’il est la pièce d’une mosaïque et que sa pensée, ses comportements ne sont pas seulement influencés par l’endroit où il/elle vit, mais aussi par les événements qui se déroulent ailleurs (Beck, 2000 ; Robinson, 2007). Robertson (1992) voit la relation interdépendante entre le global et le local comme le fruit du processus de globalisation. Il souligne que, en reflétant sur le global, le local se détermine, et à l’inverse, grâce à l’auto détermination du local, le global émerge. La localisation n’est pas opposée à la globalisation mais lui est, au contraire, complémentaire. Cette définition est proche du concept de globalisation tel que le définit Giddens (1994 : 70) :

« La globalisation peut ainsi être définie comme l’intensification des relations sociales planétaires, rapprochant à tel point des endroits éloignés que les événements locaux seront influencés par des faits survenant à des milliers de kilomètres, et vice versa. Il s’agit d’un processus dialectique, puisque de tels événements locaux peuvent aller à l’opposé des relations distanciées qui les façonnent. La transformation locale fait autant partie de la mondialisation que l’extension latérale des relations sociales à travers le temps et l’espace. »

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I REVUE DE LITTÉRATURE
INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Chapitre 1. Mécanismes et conséquences de la globalisation : Une lecture panoramique
Introduction
Section 1. Les réflexions sur le mécanisme de la globalisation
Sous-section 1. La globalisation est un processus réflexif
Sous-section 2. La globalisation comme disjonction des flux culturels globaux
Section 2. Les trois paradigmes des conséquences de la globalisation
Sous-section 1. Cultures convergentes
Sous-section 2. Cultures divergentes
Sous-section 3. Cultures hybrides
Conclusion
Chapitre 2 : Dynamique des cultures juvéniles globales
Introduction
Section 1. Les jeunes comme un segment global : L’histoire du concept jeune
Sous-section 1. Les jeunes comme nouvelle catégorie sociale : La conception de jeune avant 1945
Sous-section 2. Les jeunes comme consommateurs rebelles : La conception de jeune de 1945 à 1989
Sous-section 3. Les jeunes comme un segment global : La conception de jeune des années 1990 à aujourd’hui
Section 2. Les cultures des jeunes dans le monde glocalisé : Études sociologiques sur les pratiques de consommation des jeunes
Sous-section 1. L’École de Birmingham et les études de la culture juvénile occidentale d’Après-guerre
1.1. La consommation comme rite de résistance
1.2. Les critiques des travaux de l’École de Birmingham
Sous-section 2. Les Post-Subcultural Studies : La consommation comme rite d’individualisation
2.1. L’individualisation
2.2. La tribalisation / le groupement des jeunes
2.3. La tension structure-agence dans la négociation identitaire des jeunes
Sous-section 3. La voix des jeunes « périphériques » : La consommation come rite de (dé)-périphéralisation
Conclusion
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
PARTIE II ÉPISTÉMOLOGIE ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE
Chapitre 3 : Positionnement épistémologique
Introduction
Section 1. Intégration de la phénoménologie existentielle dans la recherche en comportement du consommateur
Sous-section 1. La construction personnelle de la réalité objective selon la phénoménologie
Sous-section 2. La construction personnelle de la réalité objective selon l’existentialisme
Sous-section 3. Intégration de la phénoménologie existentielle dans la recherche en comportement du consommateur
Section 2. Contextualisation de la recherche : une vue panoramique sur le contexte vietnamien
Sous-section 1. Structure socio-culturelle du contexte vietnamien
1.1. Idéologies religieuses
1.1.1. Le confucianisme
1.1.2. Le taoïsme
1.1.3. Le bouddhisme
1.2. Idéologie politique : le communisme
Sous-section 2. Les jeunes Vietnamiens dans le contexte de la globalisation
Conclusion
Chapitre 4 : Choix méthodologique
Introduction
Section 1. Choix méthodologique de collecte des données
Sous-section 1. L’ethnographie multi-site
Sous-section 2. Outils de recherche
2.1. Observation participante
2.2. Entretien phénoménologique
2.3. Netnographie – Corollaire entre deux terrains : réel et virtuel
Section 2. Processus de la collecte des données
Section 3. Analyse et interprétation herméneutique des données
Sous-section 1. Codage à visée théorique
Sous-section 2. Carré sémiotique
Sous-section 3. Critères de rigueur
Conclusion
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
PARTIE III INTERPRÉTATION DES DONNÉES
INTRODUCTION DE LA TROISIÈME PARTIE
Chapitre 5. La K-pop et l’USUK-pop à travers le regard des jeunes Vietnamiens.
Introduction
Section 1. Kawaii K-pop
Sous-section 1. Un système des chanteurs idoles kawaii
1.1. Une apparence kawaii
1.2. Construction de style de vie discipliné
Sous-section 2. Une structure de vidéos musicales kawaii
2.1. La forme kawaii
2.1.1. L’ambiance
2.1.2 Le site de tournage
2.1.2. Les performances des chanteurs
2.2. Le contenu
Sous-section 3. Une culture de fan kawaii
3.1. Les concerts musicaux collaboratifs
3.2. La reproduction des spectacles de K-pop
Section 2. Cool USUK-pop
Sous-section 1. Un système des stars musicales cool
Sous-section 2. Une structure des vidéos musicales cool
2.1. La forme cool
2.1.1. L’ambiance
2.1.2. Le site de tournage
2.2. Le contenu
Sous-section 3. Une culture de fan cool
Conclusion
Chapitre 6 : Être kawaii ou « rester cool » : L’incorporation de la culture kawaii et cool dans la construction des styles de vie des jeunes Vietnamiens
Introduction
Section 1. Les « beautiful boys »
Section 2. Les « rebel girls »
Section 3. Les « cool boys »
Section 4. Les kawaii girls
Conclusion
CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE
DISCUSSION
CONCLUSION GÉNÉRALE

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