En Afrique au Sud du Sahara, les populations sont souvent incapables de satisfaire leurs besoins sociaux primaires. Cette situation caractérise la pauvreté et touche environs 57% de la population au Sénégal, spécifiquement en milieu rural où elle affecte 65,2% individus et 57,2% des ménages (Etat du Sénégal, 2006). Les stratégies élaborées s’appuient sur la mise en œuvre de programmes de développement agricoles durables avec la participation de tous les partenaires, en vue de renforcer la sécurité alimentaire et d’améliorer les revenus. La région de Kaolack qui abrite 65,3% de pauvres (Etat du Sénégal, 2006) est particulièrement concernée. C’est une région agricole caractérisée par une densité de population élevée (50,7 habitants au km2 contre 35 habitants / km2 au niveau national), un couvert végétal dégradé, des sols pauvres soumis à l’érosion et à la salinisation.
En effet, la sécheresse associée aux déficits pluviométriques et aux phénomènes actuels de changements climatiques ainsi que l’avancée de la mer à l’intérieur des terres, ont entrainé la salinisation d’une partie des terres dans les zones fluviomarines et continentales. La salinisation des terres et des nappes touche plusieurs régions du Sénégal mais elle est particulièrement marquée dans les bassins des fleuves Casamance, Gambie et dans le delta du fleuve Sénégal. Ce phénomène qui s’étend au fil des années depuis la grande sécheresse qui a sévi au sahel à partir des années 1970 se poursuit de nos jours. Dès lors, l’on a commencé à mettre en relation salinisation des sols et changement climatique.
Dans le département de Nioro, la salinisation des terres dans certaines localités a aujourd’hui motivé la mise en place de plusieurs projets de promotion d’activités agricoles et non agricoles, en vue de donner une nouvelle dynamique à son économie d’une part, et d’autre part pour faire face aux phénomènes de dégradation des terres qui prend de l’ampleur. C’est dans cette optique que le sujet de ce mémoire « Dynamique de la salinisation des terres le long du grand Baobolong de la frontière gambienne à la communauté rurale de Kayemor de 1984 à 2010 » a été proposé.
Synthèse bibliographique
La salinisation des terres est un phénomène préoccupant au niveau mondial. Sur ce, le débat portant sur la dynamique de la salinisation des terres en milieu soudanosahélien explique largement la richesse et la diversification de la documentation relative à celle-ci. Ainsi plusieurs auteurs de différentes disciplines vont tenter de faire une étude du phénomène de salinisation des terres au Sénégal. Au Sénégal, la salinité des sols est devenue une préoccupation nationale. En mai 2007 lors du séminaire sur la « salinité de l‟eau et des sols » qui se tenait à Dakar, les autorités relevaient que le patrimoine foncier du pays est aujourd‟hui fortement menacé par le phénomène de la salinisation. Le processus s‟est amplifié et a entraîné des conséquences qui sont entre autres une diminution des surfaces cultivables et des aires de pâturage, une baisse des rendements agricoles, des conflits autour des points d‟eau douce, les mouvements de populations (émigration, exode rural, transhumance).
Du point de vue climatologique, Mame Demba Thiam (1986) dans sa thèse centrée sur les terrains salés du Sine Saloum montre que le climat moyen zonal est marqué par des sécheresses qui n‟ont fait qu‟accentuer, dans le domaine des terrains salés, les phénomènes de sursalure et la disparition partielle de la végétation et au cours de la saison sèche l‟évaporation provoque l‟accumulation des sels contenus dans les nappes phréatiques, il se produit un processus de dépôt des sels au fil des années. Selon Barbiero (1999), c‟est le vent qui est l‟agent principal du processus de salinisation. C‟est un sel d‟origine marine d‟abord cristallisé en fines particules (limons, sables) par les effets induits de la température, repris par le vent et déposé plus loin.
Ce processus est facilité par les errements des troupeaux (piétement) dans le tanne ou lit asséché des zones salées, ce qui favorise le transport. Du point de vue géomorphologique, Gaud et al. (1992), la salinisation est une forme grave de dégradation du sol qui se manifeste par une augmentation remarquable du taux de sel. Elle peut résulter de plusieurs causes : l‟exploitation intensive de sols formés sur un matériau originel contenant des sels, la pollution des nappes surexploitées par des intrusions d‟eau marine, l‟irrigation par une eau chargée en sel. D‟après Ndiaye et al. (1993), c‟est une phase d‟évolution progressive des sols caractérisée principalement par la présence de sels de sodium solubles qui peut, en stade avancé en milieu tropical, former des zones entièrement dénudées appelées tanne, avec des sels présents dans tous les horizons.
Ainsi la presque totalité des sols fluviomarins et fluviodeltaïques ont un excès de sel. Dans le bassin du Delta du Sine Saloum (régions de Fatick et de Kaolack), le biseau salé est largement remonté en surface et dans le continent provoquant des phénomènes de sursalure, d‟hyper acidité des sols réduisant la disponibilité en eau douce et en terres cultivables. 33% des terres de Fatick soit 2 665 000 ha et 5% des terres de Kaolack soit 75 000 ha sont salées. Bèye G. (1977), indique que l‟origine de la salinité est marine et que actuellement, les deltas et les estuaires sont soumis pour la plupart à l‟action de la marée pendant la saison sèche et deviennent saumâtres.
La simplicité du modelé est peu stable puisque malgré la faiblesse des pentes, le ruissellement conserve une compétence suffisante qui provoque une érosion des sols parfois spectaculaire (Diouf 2003). Du point de vue hydrologique, Vieillefon J. (1977) explique dans son œuvre que les modifications progressives de la concentration de sels de solution de sols de la séquence sont avant tout liées aux variations du régime hydrique causées par les mouvements des nappes. Dupriez H. et De Leener P. (1990) ont montré que l‟eau des nappes souterraines contient toujours des sels plus ou moins en grande quantité. Et l‟eau qui ruisselle à la surface du sol comme celle qui surgit peut s‟accumuler par endroit (dépressions, marres, marécages, etc.). Elle s‟y évapore en laissant sur place des sels qu‟elle contient. Lorsque le phénomène dure plusieurs années, cela peut entrainer la formation saline. L‟eau des nappes est aussi aspirée par capillarité, dès qu‟elle s‟évapore, elle dépose sur place les sels qu‟elle contient à la surface du sol.
Si certains auteurs se sont appesantis sur l‟impact négatif du sel, d‟autres s‟intéressent à l‟intérêt de cette ressource. Cependant, il est important de noter que le sel présente un intérêt capital. Il renferme des teneurs variables en sels solubles (sulfates et chlorures) dont l‟importance influe sur sa structure. Les teneurs très élevées favorisent la formation de sols hyper salés difficiles à mettre en valeur sur le plan agricole. Certains de ces sols sont nus ou colonisés par une végétation particulière de vallées qui joue un rôle important dans les écosystèmes fluviodeltaïques. Sur le plan physiologique, le chlore (Cl) et le sodium (Na), contribuent au fonctionnement des plantes. Mais en cas d‟excès, les espèces sensibles manifestent des troubles comme des lésions et des desséchements de feuilles (Mémento de l‟agronome, 2002). Chez l‟homme et l‟animal, ces éléments sont présents dans les fluides corporels et servent aux différentes productions. L‟importance alimentaire du sel a d‟ailleurs toujours été reconnue dans la société.
Présentation du cadre physique, humain et économique
Le cadre physique
Le relief
Le relief est relativement plat, avec quelques plateaux bas et des bas-fonds et cuvettes peu profonds. Il résulte de la morphogenèse du bassin sédimentaire sénégalo-mauritanien et de l’action de l’érosion. Le plateau résiduel cuirassé est incisé d’un important réseau hydrographique fossilisé et marqué par des remblais colluvio-alluviaux. Les lits du cours d’eau se sont creusés au cours des périodes sèches. De vastes glacis se sont mis en place, alors que l’altération des matériaux s’est produite pendant les périodes les plus humides. L’incision du modelé d’aplanissement par un réseau hydrographique peu dense et peu hiérarchisé résulte des grandes variations du niveau marin au Quaternaire récent (Diouf, 2003).
Cadre géologique et géomorphologique
Le secteur étudié appartient à la partie méridionale du bassin sédimentaire sénégalornauritanien. Le substratum géologique homogène est constitué par les formations sédimentaires du Continental Terminal mis en place au Pliocène. Le faciès dominant de ces formations détritiques est un grès hétérométrique, argileux, bariolé et azoïque. Les sédiments contiennent localement des lentilles de sable, des bancs d’argile kaolinique et des passées de gravillons ferrugineux. Ces dépôts reposent sur les calcaires et marnes de l’éocène (Michel, 1973).
Les fluctuations climatiques du quaternaire ancien ont déterminé les principales phases de la morphogenèse. Lors des périodes subarides, les lits des cours d’eau se sont creusés et de vastes glacis se sont mis en place. Leurs matériaux ont été altérés pendant les périodes plus humides. Des plateaux sub-horizontaux actuellement coiffés de cuirasses ferrugineuses semblent avoir été générés par au moins une phase d’aplanissement (Bertrand, 1972 ; Angé, 1991). Au quaternaire récent, de grandes variations du niveau marin ont entraîné l’incision du modelé d’aplanissement par un réseau hydrographique peu dense et peu hiérarchisé; le long du BaoBolong. Ainsi, entre ce dernier et la limite nord-ouest de Kabakoto, le paysage est dominé par des basses plaines, des buttes dunaires, des plateaux de niveaux variables, des buttes résiduelles et des affleurements de cuirasse (Bertrand, 1971).
Les cuirasses et les matériaux gravillonnaires de démantèlement de cuirasse se retrouvent un peu partout et de façon plus marquée dans le secteur sud-est du Baobolong. Une partie des marigots est commandée par un réseau de failles. De nouveaux glacis en faible pente se sont créés, certains étant affectés par les fluctuations de nappes. Sur les plateaux, les formations ferrugineuses indurées se sont altérées. En bordure des plateaux, des pseudo-cuestas se sont formées par suite du recul des versants dominés par les cuirasses aflleurantes. Enfin, un erg s’est établi pendant l’inchirien à l’ouest du Baobolong, tandis que des placages éoliens ont recouvert les glacis (Bertrand, 1972 ; Angé, 1991). En résumé, la succession des périodes de biostasie et de rhexisrasie ont façonné peu à peu un matériau sablo argileux d’origine continentale. Les toposéquences existantes traduisent cet héritage paléo climatique complexe; les unités morpho pédologiques en place influencent à la fois la circulation des eaux superficielles et l’occupation actuelle des sols.
Eléments de morphopédologie
Le sud du Sine Saloum a fait l’objet d’analyses morphopédologiques réalisées à des échelles différentes. Ceci a permis de définir des unités de territoires homogènes par leur nature, leur genèse et leur dynamique d’évolution (Bertrand, 1972; Brouwers, 1987; Angé, 1991). Les différents types de sols rencontrés sont répartis selon les unités morphopédologiques de la toposéquence : plateaux, versants et bas-fonds.
Les plateaux
Les plateaux culminent vers 40 mètres d’altitude. Ils ont 15 à 20 kilomètres de large. Ils se composent d’une zone interne presque dépourvue de cuirasse. La bordure, indurée à faible profondeur est limitée par un talus discontinu. Ce talus, recouvert d’éboulis de blocs de cuirasse, passe latéralement à un glacis versant en pente nette vers la vallée (Bertrand, 1992). Les zones centrales des plateaux présentent des sols ferrugineux tropicaux lessivés, plus ou moins hydrornorphes, à faciès tronqué, appelés aussi sols beiges.
Ces sols beiges de plateau possèdent un horizon humifère gris d’une quinzaine de centimètres d’épaisseur, à texture sablolimoneuse (10 % d’argile), à structure massive : L’horizon suivant, de couleur brun clair est enrichi en argile (20 à 30 %) ; il présente des nodules d’oxyde de fer qui prennent l’aspect de gravillons très durs. Un horizon très clair et très argileux apparaît à 1,50 mètres de profondeur; il se prolonge jusqu’au matériau bariolé du Continental Terminal ou repose sur une cuirasse indurée. Les teneurs en matière organique (0,5 %) et en phosphore sont faibles dès la surface. Dans les horizons minéraux, la capacité d’échange cationique (CEC) augmente avec la profondeur (3,5 à 4,5 meq/lOO g) mais le taux de saturation diminue (77 à 55 %).
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Table des matières
Introduction
Présentation de la zone d’étude
Synthèse bibliographie
Problématique
Cadre conceptuel
Méthodologie de recherche
Première partie : Présentation du cadre physique, humain et économique
Chapitre I : Cadre physique
Chapitre II : Cadre humain
Chapitre III : Cadre économique du département de Nioro
Deuxième partie : La salinisation des terres
Chapitre I : Les facteurs de la salinisation des terres
Chapitre II : La dynamique de la salinisation des terres
Chapitre III : Les impacts de la salinisation des terres
Troisième partie : Les stratégies de lutte contre la salinisation des terres
Chapitre I : Les méthodes traditionnelles de lutte contre la salinisation des terres
Chapitre II : Les méthodes modernes de la salinisation des terres
Chapitre III : Impacts des stratégies de lutte contre la salinisation des terres
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
ANNEXES