Dynamique de la restauration écologique de la forêt semi-xérophile de La Réunion

Les forêts sèches tropicales 

Définition

À l’échelle mondiale, les forêts sèches tropicales s’étendent dans des régions présentant des températures généralement supérieures à 17°C avec une pluviométrie annuelle comprise entre 250 et 2000 mm (Dirzo et al., 2011). Elles sont également souvent connues sous le nom de « forêt tropicales sèches saisonnières » (Forêt semi-sèche tropicale – Seasonally Dry Tropical Forest (SDTF)), car elles sont soumises à une forte saisonnalité des conditions environnementales : une saison sèche présentant des précipitations mensuelles inférieures à 100 mm, et une saison des pluies, qui rassemble près de 80 % de la pluviométrie annuelle (Dirzo et al., 2011). En fonction de la latitude, la durée de la saison sèche peut atteindre jusqu’à 8 mois. Une saison sèche dépassant les 3 mois suffit généralement à caractériser un habitat comme semi-sec (Murphy et Lugo, 1986).

Écologie

Le stress hydrique saisonnier affecte la production primaire nette des forêts sèches. Les espèces composant ces forêts présentent des adaptations particulières (Chaturvedi et al., 2011; O’Brien et al., 2017), et une majorité va notamment perdre ses feuilles durant la saison sèche. La croissance étant réduite durant la saison sèche, la production primaire nette y est moitié moins élevée qu’en forêt humide (Murphy et Lugo, 1986). La diversité spécifique est moins élevée que celle présente en forêt tropicale humide (35-90 espèces ligneuses contre 50-200),mais l’endémisme y est plus important (Murphy et Lugo, 1986; Pennington et al., 2009; Dirzo et al., 2011). Les forêts sèches tropicales sont souvent considérées comme présentant de plus grandes capacités de résilience que les forêts humides (Derroire et al., 2016), du fait qu’elles aient une structure moins complexe que celles-ci (Murphy et Lugo, 1986), associée à de meilleures capacités de reproduction végétative (Lebrija-trejos et al., 2010; Holl et Aide, 2011). En revanche, du fait des contraintes environnementales fortes, le recrutement ainsi que la croissance et la survie peuvent être fortement limités (Dirzo et al., 2011; Bhadouria et al., 2017). Dans les stades de développement les plus précoces des SDTF, les effets de facilitation par l’ombrage représentent la principale interaction entre individus (Khurana et Singh, 2001; Vieira et Scariot, 2006; Bhadouria et al., 2017). L’ombre apportée par les individus de plus grande stature permet une réduction de l’évapotranspiration, augmente localement l’humidité au sol (Holmgren et al., 1997; Vieira et Scariot, 2006), et protège contre les températures trop élevées (Nobel, 1989; Bhadouria et al., 2017). La production locale de litière constitue également un apport essentiel en nutriments (Callaway et al., 1991; Belsky, 1994; Dirzo et al., 2011). L’ombrage modéré augmente ainsi la survie des juvéniles, y compris ceux appartenant à des groupes successionnels précoces (espèces pionnières) (Diamond et Ross, 2016).

Menaces et perturbations 

Bien qu’elles représentent près de la moitié des forêts tropicales, les forêt tropicales sèches demeurent beaucoup moins étudiées que les forêts tropicales humides (Murphy et al., 1995; Blackie et al., 2014). Elles sont également beaucoup mieux décrites dans certaines zones géographiques telles qu’en Amérique centrale, dans les îles du Pacifique ou en Inde (Dirzo et al., 2011; Gillespie et al., 2012). Bien que les zones sèches soient majoritairement présentes dans la zone africaine et malgache (Murphy et Lugo, 1986), peu de documentation concerne ces zones géographiques (mais voir Menaut et al., 1995). De par leur faible altitude, les habitats secs ont tout particulièrement fait l’objet de l’installation humaine à l’échelle mondiale, principalement dans la zone intertropicale (Dirzo et al., 2011; Janzen, 1988; Murphy et al., 1995). De fait, les forêts sèches tropicales font aujourd’hui partie des habitats les plus dégradés et menacés à l’échelle mondiale (Gillespie et al., 2012; Dirzo et al., 2011). Les activités humaines ont joué un rôle croissant dans la dégradation et la quasi-disparition des habitats indigènes : la déforestation à des fins de construction ou d’augmentation de la surface agricole, l’importance croissante de l’élevage et de ses ravages sur le recrutement des espèces ligneuses au profit des herbacées, mais également l’augmentation de la fréquence des feux, etc. Toutes ces activités nécessaires à l’installation humaine ont été rendues possibles par un grand nombre de services que les habitats secs rendent à l’Homme. Pourtant comme c’est souvent le cas, ces services étaient à sens unique (Comberti et al., 2015). De fait, la très vaste majorité des habitats secs indigènes a aujourd’hui disparu (Dirzo et al., 2011; Janzen, 1988). Les habitats sont ainsi souvent sujets à un morcellement en fragments isolés les uns des autres, on parle alors de fragmentation de l’habitat. La perte d’espèces impacte durablement la fonctionnalité des écosystèmes en changeant leur structure et par effets de cascade sur les autres espèces qui survivent à ces changements. La réduction des fonctions de l’écosystème telles que la pollinisation et la dispersion impacte tout particulièrement les régimes de reproduction des espèces végétales, et donc leur recrutement. En plus de la dégradation, l’introduction d’espèces exotiques animales et végétales a également fortement impacté et continue d’impacter la fonctionnalité des écosystèmes (Castro-Díez et al., 2016).

État de la SDTF dans les Mascareignes 

Spécificités insulaires 

Les îles au sens écologique désignent des sites isolés des sources de colonisations. Cet isolement peut avoir plusieurs origines, mais est généralement physique. Bien que le terme d’île puisse désigner tout site isolé physiquement, le terme concerne le cas des îles océaniques. L’isolement géographique de ces îles a des conséquences directes sur la composition des communautés insulaires. Le contexte de fragmentation dans lequel sont un grand nombre d’habitats entraîne la formation de fragments isolés les uns des autres, donc d’îles dans les îles.

Les évènements de colonisation sporadiques et stochastiques entraînent à terme la sur-représentation de certains groupes floristiques et fonctionnels sur les îles. Les communautés ainsi formées sont dites alors « disharmoniques » par rapport aux communautés sources continentales. L’absence de compétition peut entraîner une augmentation de la niche des espèces ayant colonisé les îles et dès lors peut favoriser la radiation évolutive de certains taxons (e.g. Malvacées, Humeau et al., 1999). La diversité spécifique ainsi que l’endémisme, soit la proportion d’espèces uniquement retrouvées sur une île en particulier, y sont ainsi particulièrement élevés (Kier et al., 2009). Il est également retrouvé un plus grand nombre d’interactions spécialisées sur les îles qu’en milieu continental (Ponisio et al., 2019).

État et vulnérabilité et des systèmes insulaires 

Les habitats secs insulaires sont parmi les plus menacés aujourd’hui : dans le Pacifique, moins de 10 % de la surface originelle des habitats secs demeure aujourd’hui (Gillespie et al., 2012). Du fait de leur communautés « disharmoniques » et un relâchement de la compétition en comparaison aux communautés continentales, les écosystèmes insulaires sont, à niveau de dégradation équivalent, plus durablement et profondément impactées que leur homologues continentaux (Kier et al., 2009). L’influence anthropique sur les milieux terrestres insulaires se fait de diverses façons. La réduction des habitats indigènes a ainsi pour origines l’introduction de bétail, le défrichement pour les cultures ou les constructions mais également les feux ou l’exploitation sélective d’espèces d’intérêt. Un bon exemple de cette vulnérabilité est constitué par l’île de Pâques (Chili) (Diamond, 2007). Ravagés par les populations locales, tous les habitats forestiers indigènes ont aujourd’hui disparu, et l’unique rescapé de la flore indigène (Sophora toromino Skottsb.) est éteint en milieu naturel depuis les années 1960 (Maunder, 1997). Dans les Mascareignes, la colonisation humaine est particulièrement récente à l’échelle mondiale (env. 400 ans). La disparition des habitats indigènes y a toutefois été tout aussi importante que sur les continents ou sur d’autres îles. À Maurice la perte de superficie des habitats indigènes a été extrêmement rapide, soit plus de 98 % en moins de quatre siècles (359 ans), et est parallèle à l’augmentation de la population (Norder et al., 2017) (Fig. 1a). À La Réunion, la situation générale est moins critique mais principalement du fait de son relief limitant l’impact des activités humaines. De nombreux habitats sont encore présents dans des superficies équivalentes à celles considérées comme originelles (e.g. « pandanais » et forêts humides « sous le vent » de moyenne altitude) (Fig. 1b). En revanche, les habitats de basse altitude ont quasiment disparu : la forêt sèche locale ne comprend désormais plus qu’un pourcent de sa superficie originelle (Strasberg et al. (2005); Fig. 1b).

La SDTF de La Réunion 

Aujourd’hui, la forêt sèche de La Réunion est constituée de fragments, inégalement répartis à l’échelle de la superficie d’origine de cet habitat (Fig. 1b). L’habitat sec est en effet aujourd’hui dominé par une végétation secondaire exotique variant en fonction des zones considérées, composée de nombreuses espèces herbacées exotiques (Urochloa maxima Jacq.), d’arbustes (Tecoma stans (L.) Juss. ex Kunth, Leucaena leucocephala Lam., Rhus longipes Engl., Furcraea foetida L., …), lianes (Hiptage benghalensis L.) et arbres (Albizia lebbeck L., Litsea glutinosa Lour.). La majorité des fragments de forêt indigène est aujourd’hui présente dans des zones dont l’accessibilité est réduite, comme des zones à forte déclivité (versant de ravines, entrée des cirques,. . . ) et dans le nord l’île, dans quelques ravines dont celle de la Grande-Chaloupe. Leur diversité spécifique est encore élevée, et de nombreuses espèces protégées les occupent. Ces espèces, autrefois communes pour la plupart, ont fait l’objet de coupes ciblées, que ce soit pour la construction (e.g. Foetidia mauritiana Lam., Terminalia bentzoe L., Latania lontaroides Gaertn.), la pharmacopée (e.g. Pouzolzia laevigata Poir., Stillingia lineata Lam.) ou pour des raisons culturelles (e.g. Ruizia cordata Cav.). Aujourd’hui, la régénération naturelle est fortement réduite voire inexistante hormis pour quelques espèces (e.g. Dodonea viscosa Jacq., Doratoxylon apetalum Poir.). Elle est notamment entravée par la pression des espèces exotiques envahissantes. La forte dégradation des fonctions de pollinisation et de dispersion impacte directement la reproduction des espèces et participerait à l’absence de régénération constatée en milieu naturel (Cuénin et al., 2019).

La restauration écologique 

Face à une érosion de la biodiversité sans précédent et une perte des services écosystémiques associés, la recherche dans les champs disciplinaires de la biologie de la conservation et de la restauration écologique en particulier, prend une importance considérable (Pecl et al., 2017).

Résilience des écosystèmes 

La restauration écologique a pour objectif essentiel de parvenir à restaurer la résilience d’un écosystème dégradé suite à une exposition à un régime de perturbations d’origine anthropique (Lake, 2013). Dans cette thèse, la notion de perturbations sous-entend celles induites par l’Homme et donc non liées au fonctionnement naturel de la majorité des habitats. Du fait de l’absence de résilience des habitats indigènes dégradés, leur préservation et leur conservation dans le temps impose souvent une intervention humaine. Le premier type d’intervention est qualifié de restauration dite « passive ». La restauration passive consiste en effet à supprimer la perturbation quelle qu’elle soit (espèce exotique, bétail, pollution ponctuelle,. . . ), et de compter sur la résilience naturelle de l’écosystème hors perturbation pour revenir à son état d’origine. En revanche, cette restauration n’a d’effet que si les composantes de l’écosystème sont suffisamment fonctionnelles (Suding, 2011). Dans le cas contraire, compter sur la résilience seule ne suffit pas, et le nouvel état d’équilibre de l’écosystème ne sera pas celui escompté. L’intervention humaine nécessaire est alors plus importante, ce qui est en général supposé dans la dénomination de « restauration active ».

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Table des matières

Introduction
1 Présentation du programme de restauration COREXERUN
Conserving and restoring seasonally dry tropical forests on Réunion island (in prep.)
2 Intégration des paramètres de site dans la dynamique des actions de restauration
Degradation level and site operability are driving the restoration success of a Seasonally Dry Tropical Forest in the Mascarenes (in prep.)
3 Conditions environnementales et interactions biotiques 
Ecological restoration of seasonally dry tropical forests reveals species
effects stronger than abiotic or diversity drivers (in prep.)
4 Influence de traits fonctionnels sur la dynamique de la reconstitution
Synthèse générale
Conclusion
Bibliographie
A Annexes
Acronymes
Glossaire

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