Dynamique de la population de sanglier sauvages

Le sanglier, Scrus scrofa, est un suidé, généralement sédentaire, habitant principalement dans les forêts de feuillus et mixtes. Omnivore, il se nourrit essentiellement de fruits, graines, racines et tiges, mais aussi d’insectes, de mollusques et de vers (ELO, 2012). Depuis une trentaine d’années , le nombre de sangliers en France a fortement augmenté : il suffit de voir les données de chasse où l’on peut constater que le nombre de sangliers tués a presque été multiplié par 20 depuis 1973 (ONCF, 2013). Ce fort accroissement peut être expliqué par plusieurs facteurs. Premièrement, il est épargné de son prédateur naturel, le loup, et il est particulièrement apprécié des chasseurs qui ont encouragé sa prolifération. De plus, il a naturellement un fort taux de reproduction et étant une espèce dite opportuniste, il peut se développer dans des milieux variés, il trouve notamment refuge et nourriture abondante dans les champs agricoles. Les indemnités des dégâts agricoles ont réduit les conflits entre les chasseurs et les agriculteurs, et cela a atténué l’image de nuisible du sanglier (Ropars-Collet, C et al. 2009). Enfin, les conditions climatiques clémentes de ces dernières décennies ont été favorables à leur développement (ELO, 2012). Sa forte abondance n’est pas sans impact : par ses activités, il modifie fortement l’écosystème forestier et cause des dégâts dans les champs agricoles, et connaît des collisions avec les voitures. Pour limiter sa prolifération et ses nuisances, la population de sanglier est principalement régulée par la chasse. Le plan de chasse, introduit en France en 1963, est un outil de gestion de la faune sauvage qui assure le développement durable des populations et de leurs habitats en conciliant les intérêts agricoles, sylvicoles et cynégétiques (ELO, 2012). Il cherche à maintenir une densité en harmonie avec les vocations économiques et sociétales attendues pour le territoire forestier (ONCFS, 2015). Chaque année, le préfet fixe un nombre minimum et maximum d’animaux à prélever. Ces quotas sont corrélés avec les modélisations de la dynamique des populations. Il est important de comprendre la dynamique d’une population afin de pouvoir la réguler. Un modèle démographqiue est une représentation mathématique du fonctionnement d’une population, et permet de prédire les variations de l’effectif de la population au cours du temps. Il est simplifié par rapport à la réalité (ONCFS, 2015). La majorité des populations d’ongulés sauvages sont principalement régulées par un facteur dit de densité-dépendance. A faible densité, son taux de croissance est au maximum. En revanche, arrivé à un certain seuil, ce taux stagne. Ce seuil correspond à l’équilibre entre la densité d’une population et les ressources disponibles dans un territoire (performance). Dépassé ce stade, les performances individuelles diminuent car moins de ressources n’est utilisable par l’individu (ONCFS, 2015). Un individu avec une performance démographique forte est un animal qui élèvera la majorité des jeunes qu’il aura produit et qui a une grande longévité (Pellerin, 2014). Outre sa densité, il faut en plus considérer la biologie d’évolution d’une espèce. Selon le fameux principe de Darwin, l’individu “le plus apte survit” (1859). Un organisme transmet à sa descendance les traits qui lui permettent de survivre dans son milieu où s’exercent différentes forces sélectives tels que les facteurs abiotiques, la prédation et la compétition (Servanty S. 2007). Depuis 2015, l’UMR de l’Université François Rabelais de Tours participe au programme de recherche sur les services et impacts des ongulés sauvages dans le Domaine National de Chambord (projet COSTAUD). Dans ce présent rapport, nous allons observer certaines composantes de la population de sanglier de la réserve nationale de chasse du domaine afin d’être intégrées par la suite dans un modèle démographique par l’ONCFS. Nous soumettons les hypothèses que son abondance répond au phénomène de densité dépendance et que la chasse exercée depuis des décennies modifie des traits biologiques et évolutifs de cette population, notamment au niveau du succès reproducteur. Par l’analyse des tableaux de chasse et des données récoltées, nous souhaitons comprendre la dynamique temporelle et les facteurs qui régissent cette population de sangliers afin de proposer par la suite des mesures de gestion adaptées.

Site d’étude

Le Domaine National de Chambord est situé en France, dans le département du Loir-et-Cher, sous un climat tempéré caractérisé par des précipitations moyennement abondantes et des amplitudes thermiques limitées. Depuis 2002, le parc est inscrit au réseau écologique Natura 2000 par la richesse de sa flore et faune. Depuis 1947, 5 439 hectares de ce parc sont dédiés à la chasse dont 4 330 ha ceint par un mur de 32km de long (Pellerin, 2014). Cette superficie est principalement boisée de chênes (Quercus robur et Quercus petraea) et de pins sylvestres (Pinus sylvestris) produisant de nombreux fruits créant ainsi des conditions favorables pour accueillir des ongulés. Les sangliers sont abondants dans ce domaine : environ 1000 sont dénombrés, soit une densité de 18 individus pour 100 ha (Domaine National de Chambord, 2013). La chasse du sanglier y est effectuée de début juin à fin février et mêle diverses traditions : tirs, battue et chasse présidentielle.

Analyse des relevés de chasse

Les rapports de chasse depuis 1950 ont été pris en photo. Les informations présentées dans les rapports diffèrent en précision selon les années. Plusieurs données sont relevées suite au dépouillage des sangliers telles que le poids, l’âge et la gestation des laies. Les données de gestation sont obtenues par deux manières lors de la dépouille : le nombre de corps jaunes sur l’ovaire et le nombre de foetus dans l’utérus. Les estimations de la population de sangliers sont faites arbitrairement par les agents et techniciens du domaine qui ont un grande connaissance du milieu, et l’estimation la plus élevée est utilisée au cours de cette étude. Des descriptions des conditions météorologiques sont aussi indiquées. Dans un premier temps, les informations suivantes ont été reportées sur un document Excel : estimation de l’abondance, nombre de prélèvement par saison (chasse, battue, accidents, trouvés morts), poids des individus en fonction de l’âge, nombre de foetus, pourcentage de laies gestantes en fonction des mois.

L’analyse des données s’est ensuite effectuée via Excel. Pour la variation de la masse et le nombre de foetus, un test de Chi2 a été effectué sur R.

Réalisation d’un modèle

Suite à l’analyse des données récupérées, nous avons voulu identifier et quantifier des paramètres qui peuvent réguler la population de sangliers de Chambord. Nous avons complété nos données avec des résultats issus d’une étude sur une autre population à Château-villain-Arc en Barrois (Toigo et al, 2008). La dynamique des populations repose sur la modélisation des processus de croissance. L’abondance d’une population peut être estimée par plusieurs moyens dont le piégeage photographique, les prélèvements et l’observation, les méthodes ICE (Pellerin, 2014). Ensuite, nous déterminons le facteur de croissance et le pourcentage de survie. Nous supposons que l’accroissement d’une population n’est, dans ce cas d’étude, due qu’aux naissances et que les migrations sont négligeables. La survie consiste à échapper à la fois à la mort naturelle et à la chasse. Dans ce cas, la mortalité naturelle concerne la longévité de l’individu dû à l’âge, mais aussi la mort due aux conditions climatiques après la naissance et pendant la saison hivernale (Fichant, 2013). En premier lieu, il convient donc de représenter les différentes étapes de vie d’un individu au cours d’une année. Dans nos modèles, notre population est découpée en plusieurs catégories d’individus selon l’âge et le sexe, avec une attention particulière pour les femelles et les juvéniles. En effet, les variations d’abondance dans les populations naturelles sont essentiellement dues à des variations de la survie juvénile et de la reproduction des femelles (Pellerin, 2014). Pour chacune des catégories définies, des paramètres leurs sont attribués telle que la part d’individus sexuellement matures, le succès reproducteur, la mortalité naturelle, la mortalité due à la chasse. La seconde étape consiste à valider le modèle. Ainsi, les prévisions d’abondance obtenues par le modèle sont comparées avec les estimations faites annuellement. La dernière étape concerne l’exploitation du modèle afin de proposer des plans de gestion.

Modélisation de l’abondance

A partir de l’ensemble des données, nous avons obtenu deux modèles afin de comprendre et d’envisager la variation de la population des sangliers à Chambord. Il se concentre principalement sur les femelles car elles forment essentiellement le caractère reproducteur de la population. Le premier modèle est très simplifié. Il est intéressant pour prévoir l’évolution d’une population (Figure 9). Disposant du pourcentage des classes d’âge de cette population, nous nous intéressons aux individus étant âgés d’au moins un an. En effet, c’est à cet âge là qu’ils acquièrent leur maturité sexuelle. Depuis 1983, ils représentent en moyenne 69% de la population. Le sex ratio de la population de sangliers du domaine de Chambord est proche de 1, c’est à dire que le rapport entre les mâles et les femelles est équitable. Ces dernières années, le nombre moyen de foetus portés par une laie était de 4,8. Ainsi, nous obtenons le facteur d’accroissement de la population, qui est de 1,67. Nous regroupons les morts dues à la chasse avec celles dues aux accidents (collision avec des voitures, etc.) et mort naturelle, touchant en moyenne 28% de la population. Ainsi, l’effectif d’une population n+1 d’une population sera : n*1,67*0,72. Le modèle a été utilisé pour l’ensemble des années afin de tester sa validité (Annexe). Le modèle tend à surestimer l’abondance de la population (ordre de grandeur variable, mais il compte en moyenne 279 individus de plus). Il semblerait toutefois que cette dynamique permet l’augmentation de l’effectif total. Un second modèle, plus complexe est aussi proposé. Il est intéressant de l’exploiter pour proposer des plans de chasse spécifiques (Figure 10). Nous nous basons de nouveau sur un sex ratio de 1. Nous avons divisé la population n en trois catégories d’âge : les moins d’un an, ceux âgés d’un an et ceux qui ont deux ans ou plus De même grâce aux moyennes des données, nous avons défini le pourcentage de laies gestantes et le nombre de petits qu’elles mettent bas. L’évolution des âges est pris en compte, bien que simplifié : nous considérons que chaque sanglier d’une catégorie passe dans la catégorie d’âge supérieure suite à la période de reproduction (flèche en pointillés). Les taux de mortalité naturelle (accident compris) sont multipliés avec la part de la catégorie d’âge correspondante. Nous supposons dans ce modèle les variables constantes dans le temps, seule la mortalité de la chasse varie en fonction des plans de gestion. Avec ce modèle, nous pouvons également définir la part de chaque classe d’âge pour l’année n+1.

Limites de la methode 

Dans l’étude présente, nous avons utilisé l’estimation de la population faite depuis 1983 par les agents et les techniciens du domaine de Chambord. Malheureusement, ce sont des valeurs très imprécises. En effet, cette estimation est plus ou moins subjective selon l’observateur et sa fiabilité peut varier d’une année à une autre. Il en est de même pour les données concernant l’âge qui sont des informations difficiles à déterminer. De plus, la saison de chasse est étalée dans le temps. Ainsi les données de masse corporelle récoltées en septembre seront probablement différentes des données prélevées en février et risquent par conséquent de fausser la modélisation d’une population. Enfin, les conclusions faites dans ce rapport s’appuient sur le fait que les prélèvements sont un échantillon représentatif de la population entière. C’est pourquoi l’ensemble des résultats et observations présentés dans ce rapport doivent être interprétés avec du recul et complétés par d’autres études. Les modèles de la dynamique de population proposés dans ce rapport sont simplifiés de la réalité. En effet, ils pourraient être davantage complexifiés : par exemple la population pourrait être divisée en classes plus spécifiques, le paramètre du succès reproducteur pourrait être ajusté plus précisément en prenant en compte la mortalité intra utérine, et la croissance d’un individu considéré plus précisément.

Variables influant sur la dynamique des populations 

Lors de la validation des modèles, nous obtenons des prévisions principalement supérieures aux estimations faites par le personnel de Chambord. Cela peut être dû à l’imprécision du modèle et des densités estimées. De plus, ces modèles cherchent avant tout à mettre en évidence les tendances et à donner un ordre de grandeur les paramètres qui peuvent réguler une population, telles que le taux de naissance et le taux de survie. Or de nombreux autres paramètres affectent les populations et il est difficile de tous les quantifier.

Un de ces facteurs concerne le risque sanitaire. En effet, une forte concentration d’ongulés dans un milieu peut favoriser des épidémies. Toutefois, ces risques n’ont eu des effets qu’à des échelles locales et n’entraînent pas une réduction durable des sangliers car ces derniers arrivent à s’auto immuniser plus ou moins rapidement (ONCFS, 2013). Il est donc possible que lors de la période étudiée, des pathogènes aient conduit la sénescence de quelques individus. En outre, la pression de chasse diffère d’une année à une autre et les minimas imposés aux chasseurs peuvent ne pas être respectés. C’est notamment le cas dans les Vosges où les chasseurs ne tuent pas suffisamment de gibiers, laissant ainsi la population de sangliers proliférer fortement (Girardin, P, et al, 1998). Par ailleurs, le plan de chasse n’est pas obligatoire pour les populations de sangliers. Toutefois, la disponibilité des ressources alimentaires constitue le principal paramètre de régulation d’une population d’ongulés. Cela explique l’augmentation d’effectif suite à l’agrainage dissuasif. Cette méthode très utilisée et efficace pour éloigner les sangliers des champs agricoles, a aussi été utilisée autrefois pour accroître la population de gibier. En effet, nourris, les sangliers résistent mieux aux hivers et les laies peuvent avoir une portée plus importante (Girardin, P, et al, 1998). Plus spécifiquement, c’est la croissance en automne qui va directement impacter sur la prise de masse et le succès reproducteur des sangliers. En outre, l’automne est la période propice en nourriture forestière (glandée, champignon, etc.) (ELO, 2012, Mauget et Pépin, 1985 ; Pépin, 1991). L’effet inverse s’applique également : une pénurie alimentaire prolongée retarde la croissance et la puberté des sangliers. En automne, un apport alimentaire journalier inférieur à 700 g par animal limite son développement. (Pépin, D., 1991; Servanty, S, 2007). Ces ressources alimentaires sont fortement liées aux conditions météorologiques et à l’habitat. Les périodes humides prolongées, les hivers longs et les étés secs sont des conditions défavorables pour le développement des sangliers. C’est notamment le cas pour l’an 2000, l’effectif prévu par le modèle pour 2001 est de 1647 individus, or en 2001, seulement 1215 sangliers ont été estimés. L’automne en 2000 était pluvieux, avec une glandée irrégulière. Cela a pu ainsi impacter et ralentir les sangliers dans leur croissance. Il en est de même en 2004. La glandée fut exceptionnelle et a donc accru le développement et la reproduction des sangliers, ce qui s’est traduit sur le nombre de foetus comptés. Une abondance de glands entraîne une élévation du taux d’ovulation et du nombre d’embryons et réduit le taux de mortalité embryonnaire (Aumaitre, A et al, 1982). En revanche, l’hiver de 2004-2005 a été assez froid avec la présence de la neige. La neige, bien que ne formant qu’une faible couche au niveau du sol, contraint les déplacements et l’alimentation de l’espèce. De nombreux individus et les nouveaux nés ont pu périr, d’où le comptage estimé bien plus faible que celui prévu par le modèle. Il est par ailleurs intéressant de noter le climat suite à la période de la mise à bas au printemps. Le printemps en 2005 a connu un froid persistant et une sécheresse, ce qui a probablement nuit à la survie des juvéniles.

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes
1. Site d’étude
2. Analyse des relevés de chasse
3. Réalisation d’un modèle
Résultas
1. Paramètres démographiques
2. Gestation
3. Modélisation de l’abondance
Discussion
Conclusion
Références
Annexe

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