Dynamique de formation des pessières à lichens

Dynamique de formation des pessières à lichens

Dynamique de formation des pessières à lichens

Plusieurs facteurs vont faire varier la densité et la composition en espèces des peuplements forestiers se développant dans des conditions similaires, soit la quantité et le type de matériel reproducteur, la nature et la sévérité des perturbations et les exigences de croissance des espèces formant ces peuplements (Zasada et al., 1992). Les cônes semisérotineux de l’épinette noire en font une espèce bien adaptée au feu ( Viereck et Johnston, 1990; Zasada et al., 1979) de sorte qu’un peuplement mature retrouve généralement sa densité initiale de façon naturelle après le passage du feu. Cette dynamique cyclique ne se produit cependant que si les conditions d’ensemencement sont favorables au moment du feu. La formation des pessières à lichens est le résultat de perturbations naturelles successives. Deux feux dans un intervalle de temps rapproché ou encore une épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana (Clem.)) suivi d’un feu peuvent ne pas permettre une régénération adéquate et un retour à un peuplement dense d’épinettes noires s’ils arrivent à des endroits et des moments où les conditions d’ensemencement ne sont pas propices (Jasinski et Payette, 2005; Gagnon et Morin, 2001;
Payette et al., 2000; Riverin et Gagnon, 1996). Si des espèces compagnes sont présentes (Betula papyrifera, Populus tremuloides etc.), elles peuvent former un nouveau peuplement (Gagnon et Morin, 2001). S’il y a absence d’espèce compagne, les lichens et les éricacées peuvent envahir le parterre, signe d’un processus d’ouverture irréversible menant à la création des pessières à lichens. Jasinski et Payette (2005) parlent d’un état alternatif stable parce que les pessières à lichens peuvent s’installer dans des conditions environnementales et climatiques similaires à celles des pessières à mousses denses et possèdent la capacité de persister dans le temps. Le Goff et Sirois (2004) vont jusqu’à affirmer que de courts intervalles de feux peuvent mener à l’extinction des épinettes noires sur un territoire donné.
Les mécanismes naturels de retour à un peuplement dense (i.e. pessière noire à mousses) après la formation d’une pessière noire à lichens de faible densité n’ont pas été observés à ce jour (Jasinsky et Payette, 2005).

Limitations liées à la végétation de compétition

La présence des lichens limite la germination ou le développement des semis naturels. Ils constitueraient à la fois une barrière physique à l’établissement des semis (Houle et Filion, 2003) et une barrière chimique nuisant à leur développement et à leur croissance (allélopathie) (Fisher, 1979; Arseneault, 1978; Brown et Mikola, 1974). Fisher (1979) a observé des réductions significatives dans la croissance et dans les concentrations d’azote et de phosphore chez les semis de pins gris (Pinus banksiana Lamb.) et d’épinettes blanches (Picea glauca (Moench) Voss) germes sur du lichen en comparaison aux semis germes sur de la mousse. De fortes réductions de croissance des semis ont aussi été observées pour l’épinette de Norvège (Picea abies (L)) et le pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) se développant sur des tapis de lichens (Brown et Mikola, 1974). Les auteurs suggèrent que ces réductions sont probablement dues à la libération par les lichens de substances toxiques qui affecteraient le développement des mycorhizes. Des effets négatifs sur le développement des champignons mycorhiziens ont aussi été observés par Arseneault (1978) pour l’épinette noire mais l’auteur n’a pas noté d’effet sur la germination des graines.
Comme il a été mentionné précédemment, les lichens sont souvent accompagnés d’éricacées comme Kalmia angustifolia L. ou Ledum groenlandicum Oeder. Ces éricacées nuisent à la croissance de l’épinette noire par la diminution de la disponibilité des éléments nutritifs dans le sol, par des effets allélopathiques ainsi que par les impacts sur la colonisation mychorizienne (Yamasaki et al., 2002). Mallik (1987) a également affirmé que les éricacées nuisent au développement des semis d’épinette noire à cause des substances phytotoxiques qu’ils exudent. Les éricacées ont également tendance à réduire les concentrations en NH4-N et Phosphore du sol minéral et à réduire les concentrations en azote foliaire des plants d’épinette noire (Thiffault et al., 2004a). L’envahissement par les éricacées conduit souvent à un blocage de la succession forestière pour plusieurs décennies (Damman, 1971). Des résultats récents en plantation sur pessières à lichens ont, par ailleurs, permis de démontrer l’importance de perturber suffisamment le milieu afin d’atténuer les impacts négatifs des lichens et éricacées sur la régénération en épinette noire, par exemple en combinant la coupe et le scarifiage du sol (Hébert et al. 2006).

L’importance des lits de germination

Si la disponibilité des graines n’est pas limitante, le substrat de germination est le facteur qui a le plus grand impact sur la régénération forestière, entre autres pour le sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et l’épinette blanche (Wang et Kemball, 2005). Les travaux préliminaires à l’étude présentés dans ce mémoire ont permis d’observer qu’en pessière à lichens scarifiée et sans récolte des arbres, 80% des semis d’épinettes noires s’installaient dans les sillons de scarifiage, même si ceux-ci ne représentaient que 20% de la surface échantillonnée (Madec, 2005). Les effets positifs d’une préparation de terrain de type scarifiage sur l’ensemencement naturel ont d’ailleurs été abondamment étudiés par plusieurs auteurs, notamment en ce qui a trait à la hausse de la température du sol, aux conditions d’humidité plus favorables, à l’accélération de la minéralisation des éléments nutritifs dans le sol, à la réduction de la végétation de compétition et, conséquemment à l’augmentation du nombre de semis qui émergent (Karlsson et al., 2002; Karlsson et Orlander, 2000; Prévost, 1997; Winsa et Bergsten, 1994; Orlander et al., 1990). Certains auteurs ont même noté des gains en hauteur pour des semis reboisés dans les milieux scarifiés, notamment chez Pinus sylvestris (Karlsson et Orlander, 2000) et Picea mariana (Mill.) B.S.P. sur les sites envahis par les éricacées par rapport à des milieux sans scarifiage (Hébert et al., 2006; Thiffault et al., 2004b). Pour l’épinette noire, le scarifiage permet d’exposer des microsites reconnus comme réceptifs à l’ensemencement dont le sol minéral, le mélange minéral-organique et l’humus (Prévost, 1996). Les graines d’épinette noire n’ayant pas la capacité de perdurer de façon prolongée dans le sol (Greene et al., 1999), il est essentiel que le substrat soit favorable à la germination au moment où la chute de graines survient. Dans une étude pour comparer les coupes totales de grandes superficies et les coupes par bandes, Pothier (2000) a déterminé que l’ensemencement post-perturbation s’effectuait dans les cinq années suivant la récolte et que l’absence de nouveaux semis par la suite était attribuable à une diminution de la réceptivité des substrats d’émergence. Ces résultats sont cohérents avec ceux de Madec (2005) qui a déterminé que l’établissement des semis d’épinette noire était maximal durant les 2 années suivants la préparation de terrain pour ensuite diminuer progressivement. En moyenne, Madec (2005) a noté environ 20 000 semis d’épinette noire à l’hectare 5 ans après scarifiage, avec un nombre d’épinettes noires pouvant servir de semenciers variant entre 112 et 363 tiges à l’hectare.

Ensemencement naturel de l’épinette noire

La reproduction asexuée par marcottage est un des bons moyens de régénération de l’épinette noire, spécialement dans les peuplements où la mousse se développe rapidement (Viereck et Johnston, 1990). L’épinette noire peut aussi se régénérer par graines. Cependant, des études pour d’autres espèces résineuses ont démontré que le succès de régénération dans des densités équivalentes au peuplement initial ne peut être assuré si la disponibilité des graines, la qualité des microsites et les facteurs environnementaux ne sont pas favorables, notamment pour Pinus ponderosa (Bonnet et al., 2005), Pinus uncinata (Camarero et al., 2005) et Picea abies (Valkonen et Maguire, 2005).
L’influence de la taille des graines sur la germination, la survie en bas âge, le développement et la taille des jeunes semis a été observée pour plusieurs espèces résineuses (Walters et Reich, 2000; Burgar, 1964), y compris chez l’épinette noire (Skeates et Haavisto, 1995). La survie des semis en milieu ouvert serait proportionnelle à la masse des graines et cette survie serait supérieure sur des substrats à faible porosité comme l’humus, le sol minéral mis à nu et la matière ligneuse en décomposition (Greene et Johnson, 1998).
La relation entre la taille des graines et la survie et le développement en bas âge des semis ne serait cependant que temporaire et s’atténuerait avec le temps, tel qu’observé par Walters et Reich (2000) pour Pinus sylverstris L. et par Chaisurisri et al. (1994) pour Picea sitka. Dunlap et Barnett (1983) ont également observé que la germination des semis de Pinus taeda L. s’effectue plus rapidement pour les graines de tailles supérieures et que la taille des plantules était supérieure pour les graines de moyennes et de grandes tailles.

Dispositif expérimental et traitements

Les travaux ont été effectués sur un dispositif en six blocs aléatoires complets. Chaque bloc était composé d’une pessière noire à mousses (PM) et d’une pessière noire à lichens (PL) dominées par l’épinette noire (Picea mariana (Mill) B.S.P.) sur plus de 75 % de la surface terrière. Les deux peuplements d’un même bloc devaient être situés à proximité l’un de l’autre et présenter des caractéristiques similaires de dépôt, drainage, pente, type de couvert et groupement d’essences. Un inventaire forestier pré-traitement effectué dans tous les blocs à l’été 2005 (placettes de 400 m2
, MRN 2002) a permis de déterminer que la densité arborescente de PM était d’au moins 60 % (densité B), avec un nombre de tiges marchandes (9,1 cm et plus) à l’hectare variant entre 1 300 et 2 550, un diamètre à hauteur de poitrine (DHP) moyen de 14,0 cm et une hauteur variant entre 16,5 et 17,3 mètres. La densité arborescente de PL était de moins de 25 % avec un nombre de tiges marchandes à l’hectare variant entre 175 et 775, un DHP moyen de 15,0 cm et une hauteur variant entre 9,1 et 16,0 mètres. Les lichens devaient occuper au moins 40 % de la surface du sol pour PL (principalement Cladina mitis (Sandst.) Hutish, Cladina stellaris (Opiz) Brodo et Cladina rangiferina (L.) Nyl.). Pour chacun des peuplements, deux hectares ont été récoltés à l’été 2005 à l’aide d’une abatteuse multifonctionnelle selon les normes de la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS) en vigueur au Québec (Gouvernement du Québec, 2003). Une préparation de terrain de type scarifiage (S) a été effectuée sur une portion de 0,8 hectare (sélectionnée aléatoirement) de chaque peuplement récolté à l’aide d’un scarificateur à disques de type TTS mécanique (blocs 1 à 4) ou hydraulique (blocs 5 et 6) dans les semaines suivant la coupe, afin d’exposer des lits de germination favorables à l’installation de semis naturels. Chaque peuplement était donc, sur près de sa moitié, récolté et scarifié (SI) et, sur l’autre moitié, récolté sans scarifiage (SO).
Dans chacun des blocs, deux hectares de PL ont aussi été scarifiés sans être coupés (PLsc).
Le type de scarificateur utilisé était fonction de la disponibilité de la machinerie sur chacun des sites mais un même scarificateur a été utilisé pour un bloc complet.

 

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Table des matières

CHAPITRE 1 
1.1 Dynamique de formation des pessières à lichens
1.2 Limitations liées à la végétation de compétition
1.2 Limitations liées à la végétation de compétition
1.3 L’importance des lits de germination
1.4 Ensemencement naturel de l’épinette noire
1.5 Hypothèses et objectifs
CHAPITRE 2 
2.1 Description des sites d’étude
2.2 Dispositif expérimental et traitements
2.3 Mesures sur les graines
2.4 Mesures sur les semis
2.5 Analyses statistiques
CHAPITRE 3 
3.1 Semenciers résiduels
3.2 Mesures sur les graines
3.3 Lieu d’émergence
3.4 Réceptivité du milieu
3.5 Substrat d’émergence
CHAPITRE 4 
CHAPITRE 5 
CHAPITRE 6

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