Renforcement externe par collage de plats composites ou par stratification au contact
Dans cette technique de réparation/renforcement, le composite est collé sur la surface extérieure de la structure (en béton, métal, ou bois) après nettoyage et, dans quelques cas traitement de la surface qui reçoit le renfort. Les plats composites sont des plaques élancées en PRF déjà rigides car préfabriqués en usine, généralement par pultrusion. Ils sont transportés sur le site pour être mis en place par collage à l’aide d’une résine pâteuse polymérisant à température ambiante. Ces composites de renforcement se présentent généralement sous forme de plaques (Figure I-2), en forme de L, en forme de I, ou en forme d’équerre (Figure I-2-b). Contrairement au collage de plats composites, la stratification au contact nécessite une fabrication du composite directement sur l’élément à renforcer. Cette technique consiste à imprégner des tissus de fibres de renfort sur la structure à l’aide d’une résine durcissant à température ambiante. Les tissus utilisés sont souples permettant ainsi au composite final de prendre des formes complexes (Figure I-3). En plus de ces techniques de base, il existe d’autres techniques d’application et de fabrication des composites de renforcement.
• La technique d’enroulement automatique de fibres qui implique l’enroulement continu de fibres imprégnées de résine autour des colonnes ou d’autres structures élancées comme des cheminées à l’aide d’un robot. L’avantage principal de cette technique, outre le bon contrôle de la qualité, est la rapidité d’installation.
• L’application du plat composite préalablement précontraint par un vérin sur la surface de béton. Le composite est alors fixé par des ancrages à ses extrémités. Cette technique augmente l’efficacité du renforcement mais est difficile à mettre en œuvre.
• L’imprégnation sous vide des tissus de fibres lors de la stratification au contact permet d’obtenir des composites de meilleure qualité. En effet, cette technique améliore l’imprégnation des fibres et minimise les défauts liés aux bulles d’air et à l’excédent de résine.
• Le durcissement à haute température de la résine, au lieu d’un durcissement à température ambiante, permet d’améliorer les propriétés de la résine et de réduire le temps de durcissement.
Différents systèmes de chauffage peuvent être utilisés, tels que des appareils de chauffage électriques, infrarouges ou des couvertures chauffantes. Le schéma de renforcement des structures dépend des sollicitations que ce renforcement doit reprendre. Il existe ainsi trois types majeurs de renforcement externe : Renforcement par confinement : Le confinement est appliqué aux éléments structuraux soumis à la compression, dans le but d’améliorer leur capacité portante et/ou d’augmenter leur ductilité (notamment dans les cas de renforcement parasismique où l’on va chercher à dissiper un maximum d’énergie). L’application circonférentielle de renforts en matériaux composites retarde en outre le glissement et le flambage des aciers longitudinaux (Nanni & Bradford 1995; Quiertant & Clement 2011; Saadatmanesh et al. 1996; Seible et al. 1995) (Figure I-3-b). Renforcement en flexion : Certains éléments structuraux, comme les poutres ou les dalles, peuvent être renforcés à la flexion à l’aide de composites de renfort collés sur la face soumise aux contraintes de traction les plus importantes. Les fibres du composite sont alors orientées majoritairement selon l’axe longitudinal de l’élément (Fib Bulletin 14 2001) (Figure I-2-b, Figure I-3-a). Renforcement au cisaillement : Le renforcement vis-à-vis de l’effort tranchant d’un élément structural en béton armé peut être réalisé en collant le PRF sur ses faces latérales. Pour le cas le plus courant (par exemple des poutres sous charges gravitaires ou colonnes sous forces sismiques), les trajectoires de contraintes principales maximales dans les zones de cisaillement forment un angle de 45 degrés. Cependant, il est plus pratique de mettre en place le PRF externe de telle sorte que la direction des fibres soit perpendiculaire à l’axe de l’élément (Fib Bulletin 14 2001). Dans la majorité des cas, les composites sont fixés autour de la poutre, en U (Figure I-2-b et Figure I-3-a) ou seulement sur les faces latérales. De nombreux codes et guides d’utilisation des PRF précisent les bonnes pratiques de calcul et de mise en œuvre des composites pour le renforcement des ouvrages. Bien que le renforcement par plaques composites collées en surface (composites préfabriqués ou fabriqués par stratification au contact) représente la technique de renforcement par composite la plus utilisée, il existe d’autres méthodes qui font l’objet des courts descriptifs suivants.
Matrice polymère
Les résines utilisées dans les matériaux composites ont pour rôle de lier les fibres de renfort entre-elles, de transférer et distribuer les efforts mécaniques entre les fibres et de protéger ces dernières contre l’environnement extérieur. Signalons que les renforts subissent généralement après fabrication des modifications superficielles (dépôt d’ensimages et traitements de surface) qui confortent la liaison renfort/matrice. Les résines doivent offrir une bonne imprégnation et une bonne compatibilité avec les fibres de renfort. De plus, elles doivent posséder une faible densité pour conserver les caractéristiques mécaniques spécifiques élevées du composite. Une propriété importante des matrices polymères est la température de transition vitreuse (Tg). Au-delà de cette température, et suite à l’affaiblissement de liaisons intermoléculaires, la partie amorphe du réseau polymère évolue d’un état vitreux (forme dure cassante) à un état viscoélastique (forme caoutchouteuse). Il existe deux grandes catégories de résines polymères : les résines thermodurcissables et les résines thermoplastiques.
– Résines thermoplastiques : Les résines thermoplastiques, peuvent être remodelées, ramollies puis durcies à plusieurs reprises en les soumettant à des cycles de température franchissant des valeurs supérieures à leur température de formage. Ce comportement réversible permet ainsi de les récupérer et de facilement les recycler. La plupart des résines thermoplastiques peut être utilisée pour fabriquer des objets moulés par injection, ou pour obtenir des films, des plaques, des tubes, des articles profilés par extrusion. Parmi les résines thermoplastiques, on trouve : le chlorure de polyvinyle (PVC), le polyéthylène, le polypropylène, le polystyrène, le polyamide et le polycarbonate. L’intérêt des thermoplastiques réside dans leur faible coût, résultant à la fois des matériaux constitutifs et des procédés industriels de fabrication disponibles. Néanmoins, ce faible coût est associé à des propriétés mécaniques et thermomécaniques souvent modestes (Berthelot 2012).
– Résines thermodurcissables : Contrairement aux résines thermoplastiques, les résines thermodurcissables ne peuvent être modelées qu’une seule fois. En effet, après polymérisation en présence d’un catalyseur, ces résines conduisent à une structure géométrique qui ne peut être détruite que par une application considérable d’énergie thermique. Si elles sont chauffées après avoir durci, ces résines ne fondent pas et conservent leur forme jusqu’à ce qu’elles se décomposent thermiquement à haute température. Les résines thermodurcissables offrent des propriétés thermomécaniques plus élevées que celles des résines thermoplastiques et sont les plus utilisées pour la fabrication de matériaux composites. Dans les applications de génie civil, les résines thermodurcissables les plus courantes sont les résines époxydes, les polyesters et les vinylesters. Les propriétés typiques de ces résines thermodurcissables sont indiquées dans le Tableau I-5. Dans cette thèse, nous nous intéressons aux résines époxydes. Elles sont formées d’un précurseur polyépoxydique qui réagit soit par homopolymérisation ou par polyaddition avec un agent réticulant (le durcisseur) de type amine, anhydride ou acide. L’homopolymérisation nécessite la présence d’un catalyseur qui va permettre l’ouverture du groupe époxy et ainsi conduire à une structure chimique correspondant à la répétition de prépolymères reliés entre eux par leurs propres sites réactifs (Figure I-10). La Figure I-11 présente la synthèse du DGEBA (diglycidyléther de Bisphénol A), macromolécule époxydique la plus couramment utilisée pour la synthèse de résines époxydes (Viretto & Galy 2018). Les nœuds de réticulation formés pendant le processus de durcissement jouent un rôle majeur dans l’établissement des propriétés finales du réseau époxyde solide. Le module de traction et la résistance à la traction, la stabilité thermique et la résistance chimique sont améliorés à mesure que la densité des liaisons croisées augmente. Les principaux avantages des époxydes résident dans leurs propriétés mécaniques élevées, leur facilité de préparation, un faible retrait lors du durcissement et une bonne adhésion à une grande variété de fibres de renfort. Ils présentent une meilleure résistance à la corrosion, à l’humidité et à la chaleur par rapport aux autres matrices polymères. Le durcissement de ces résines peut être obtenu à des températures situées entre 5°C et 150°C selon les composés utilisés. Les résines époxydes peuvent être formulées pour présenter une large gamme de propriétés mécaniques, notamment de rigidité (Schwartz 1992). Le principal inconvénient des résines époxydes se trouve dans leur coût relativement élevé et leur longue période de polymérisation. Le coût des systèmes époxydes croît avec leurs performances et varie donc lui aussi dans une large gamme. Les résines époxydes sont généralement plus coûteuses que les polyesters et les esters vinyliques. La ténacité et la flexibilité de la résine et du composite peuvent être contrôlées en ajoutant des additifs, notamment des polymères thermoplastiques en faible quantité.
Durabilité des composites de renforcement structurel
Les évolutions de propriétés de la matrice, des fibres et de l’interface fibre/matrice dans les conditions de service affectent les performances des matériaux composites à long terme. Ces évolutions peuvent résulter d’attaques physico-chimiques induites par les environnements agressifs que peut rencontrer le composite en service. La matrice est généralement résistante aux milieux agressifs courants, et empêche donc la détérioration des fibres et des zones interfaciales en formant une barrière contre l’environnement extérieur. Néanmoins, cette protection n’est absolue, et peut dépendre de plusieurs facteurs, comme :
– La nature de l’environnement (pH, présence d’espèces ioniques agressives, niveaux de température et d’humidité) ;
– les efforts mécaniques appliqués sur le composite, qu’il soient constants ou cycliques;
– la qualité du composite (présence de défauts et porosités en surface ou dans l’épaisseur, qualité d’imprégnation, homogénéité de la résine, etc.).
L’efficacité de la résine dépend de la continuité de sa surface. C’est pourquoi les extrémités exposées des fibres peuvent être problématiques du point de vue de la durabilité si elles ne sont pas recouvertes de résine. Dans ce cas, l’environnement agressif peut attaquer l’interface fibre/matrice et se propager très rapidement le long de la fibre par capillarité. Les facteurs pouvant alors affecter la durabilité des composites sont (Fib Bulletin 14 2001) :
– La présence de fissures (en surface ou sur toute la section) ou encore de vides ;
– le degré de polymérisation de la résine ;
– une mauvaise interface fibre/matrice, liée à une sélection inadaptée du type de fibre et/ou de matrice, ou à un traitement d’ensimage inadéquat.
Tous les facteurs précédemment listés doivent être pris en compte en vue d’assurer une durabilité optimale du système composite. Notamment, le choix de la résine est important car elle doit être :
– capable de résister aux attaques des alcalis et des chlorures ;
– suffisamment résistante à la microfissuration ;
– suffisamment imperméable aux agent délétères extérieurs (humidité) ;
– compatible avec les fibres pour assurer une liaison fibre/matrice forte.
Effet de l’humidité sur le comportement mécanique de l’interface béton/composites à fibres de lin
La durabilité de l’interface adhésive entre les composites à fibres de lin et le béton a été peu étudiée. Hallonet et al. ont cependant réalisé des essais de double cisaillement sur ce type d’interface après vieillissement hygrothermique. Dans ce cadre, des corps d’épreuve en béton renforcés par des composites à fibres de lin soit préfabriqués, soit stratifiés au contact, ont été soumis à une immersion dans l’eau à 70°C pendant des durées allant jusqu’à 4 semaines (Hallonet 2016). Une diminution de la résistance au cisaillement de l’interface est observée pour l’ensemble des corps d’épreuve vieillis, attribuable à une dégradation de l’interface béton/composite induit par le vieillissement hygrothermique. D’autre part, un changement de mode rupture est observé sur les échantillons testé en double cisaillement après vieillissement: initialement cohésif dans le support béton pour les échantillons de référence, le mode de rupture devient en effet cohésif dans le composite pour les échantillons stratifiés au contact, et de type mixte (décollement du composite et rupture dans le composite) pour les composites préfabriqués après 4 semaines de vieillissement (Figure I-28).
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Table des matières
Introduction
I Etude bibliographique
I.1 Contexte de l’utilisation des matériaux composites en génie civil
I.1.1 Réparation et renforcement des ouvrages existants
I.1.2 Renforcement d’ouvrages neufs
I.2 Composition des matériaux composites
I.2.1 Fibres de renfort
I.2.2 Matrice polymère
I.3 Composites renforcés par fibres de lin
I.3.1 Processus de fabrication
I.3.2 Propriétés mécaniques des fibres de lin et des composites à fibres de lin
I.4 Durabilité
I.4.1 Durabilité des composites de renforcement structurel
I.4.2 Durabilité des composites renforcés par fibres de carbone
I.4.3 Durabilité des composites renforcés par fibres de lin
I.5 Fiabilité des matériaux composites en génie civil
I.5.1 Fiabilité par les essais accélérés
I.5.2 Loi d’accélération
I.5.3 Fiabilité des matériaux composites
I.5.4 Conclusion du Chapitre I
II Matériaux et techniques expérimentales
II.1 Systèmes de renforcement
II.1.1 Procédé Foreva TFC®
II.1.2 Système de renforcement innovant bio-sourcé
II.1.3 Procédé de renforcement SikaWrap®
II.2 Fabrication des matériaux de l’étude
II.2.1 Préparation des plaques composites stratifiées
II.2.2 Préparation des dallettes de béton renforcées par composite collé
II.3 Plan d’expériences et conditions de vieillissement
II.3.1 Conditions de vieillissement
II.3.2 Dimensionnement du plan d’expériences
II.4 Méthodes de caractérisation
II.4.1 Techniques de caractérisation physico-chimique
II.4.2 Essais mécaniques
II.5 Tableau récapitulatif du programme d’essais
III Analyse des résultats expérimentaux de l’étude de durabilité
III.1 Caractérisation physico-chimique du système de renforcement bio-sourcé après exposition aux différentes conditions de vieillissement
III.1.1 Etude gravimétrique
III.1.2 Observation de la microstructure par microscopies optique et électronique à balayage (MEB)
III.1.3 Analyse de la porosité et de la fissuration par micro-tomographie X
III.1.4 Analyses par spectroscopie infrarouge
III.1.5 Analyses par calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
III.1.6 Caractérisation par analyse mécanique dynamique (DMA)
III.1.7 Bilan des différentes caractérisations physico-chimiques
III.2 Caractérisation mécanique du système de renforcement composite bio-sourcé et suivi des indicateurs de performance au cours des vieillissements
III.2.1 Evolution des performances en traction
III.2.2 Evolution de la résistance au cisaillement interlaminaire
III.2.3 Evolution de la résistance mécanique de l’interface béton/composite
III.2.4 Bilan de l’évolution des indicateurs de performance
III.3 Eléments de comparaison entre le système de renforcement bio-sourcé et un système traditionnel à fibres de carbone
III.3.1 Evolution des propriétés physico-chimiques du composite stratifié à base de tissus de carbone
III.3.2 Evolution des indicateurs de performance mécanique du composite stratifié à base de tissus de carbone
III.3.3 Evolution de la résistance au cisaillement interlaminaire
III.3.4 Evolution de la résistance mécanique de l’interface béton/composite
III.3.5 Bilan sur les performances comparées des deux systèmes de renforcement
III.4 Conclusion du Chapitre III
IV Mise en œuvre d’une démarche fiabiliste
IV.1 Description de la démarche proposée
IV.2 Traitement statistique des données expérimentales
IV.2.1 Lois de distribution des indicateurs de performance
IV.2.2 Analyse ANOVA
IV.3 Développement de modèles de dégradation
IV.3.1 Choix d’une loi d’évolution des indicateurs de performance
IV.3.2 Modèle analytique de dégradation
IV.3.3 Modèle physique de dégradation
IV.3.4 Avantages et désavantages des deux modèles
IV.4 Estimation de la durée de vie
IV.4.1 Définition de performances seuils du renfort composite
IV.4.2 Durées de vie en conditions de vieillissement accéléré
IV.4.3 Durée de vie en conditions de service
IV.5 Analyse fiabiliste
IV.5.1 Probabilisation du modèle
IV.5.2 Probabilité de défaillance
Conclusion du Chapitre IV
Conclusion generale et perspectives
Références
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