D’un idéal à une réalité : ambiguïté d’une identité en recomposition

Formation et accommodation

Acquisition d’une posture réflexive

Comme le souligne Renaud de Sainsaulieu, la formation favorise la « construction d’acteurs autonomes, réflexifs et critiques » . L’individu est conditionné par son environnement professionnel. Il souhaite tendre à une autonomie d’action. C’est-à-dire, ayant intégré les règles et les valeurs du groupe, il veut être capable d’agir avec réflexion en toute liberté de choix. Nous pouvons compléter cette définition par celle de Michel Crozier et Erhard Friedberg qui expliquent que l’autonomie est en lien avec la tactique individuelle ou collective des individus envers le système, elle est assimilée à la marche de manœuvre de ce système.
Pour tendre à cette autonomie le référentiel infirmier met l’accent sur la pratique réflexive et l’acquisition de compétences. Afin d’expliciter ce qu’est un praticien réflexif, Philippe Perrenoud s’appuie sur les écrits de Donald Schön qui défendait la thèse suivante : « aucune action professionnelle complexe n’est, même dans l’urgence, une action impensée, produit d’un pur  » automatisme « . L’action découle d’un jugement professionnel, d’une décision qui résulte d’une réflexion dans l’action. »
Il complète sa réflexion ainsi : « Il reste cependant pertinent de se demander sur quels savoirs s’appuie la réflexion dans l’action et de souligner qu’une partie de ces savoirs ne sont pas scientifiques, ni même savants, qu’ils sont souvent implicites, ta-cites,  » cachés dans l’agir « . Ils sont  » professionnels  » au sens où ils sous-tendent l’exercice du métier, mais ils ne sont pas nécessairement partagés ou verbalisés au sein de la profession. Il s’agit de ce qu’on appelle aujourd’hui des savoirs d’expérience. Ils résultent de la réflexion sur l’action, […] L’expérience, analysée, est en quelque sorte capitalisée et réinvestie dans de nouveaux épisodes ».
Le programme de formation précise que la posture réflexive est une exigence de la formation. Cette posture se construit entre acquisitions de connaissances et de savoirs faire, en lien avec des situations professionnelles apprenantes. Elle est structurée autour des trois paliers d’apprentissages : Comprendre, Agir, Transférer.
De façon unanime les professionnels entretenus ont mis en exergue la posture réflexive des étudiants, et ont expliqué ce qu’ils considéraient comme réflexif « tu dois avoir des tas de connaissances certes mais tu dois avant tout comme infirmier être en capacité de les mobiliser et si tu ne les as pas être capable de savoir où tu vas les chercher pour avoir cet état d’esprit, cette réflexion, il faut être dans la réflexivité, il faut être dans quelque chose où tu as l’habitude qu’on ne te serve pas tout sur un plateau, qu’on te donne le savoir comme ça mais qu’on te permette aussi d’être autonome et qu’on te secoue pour aller le chercher. »

Acquisition de compétences

Le référentiel de formation infirmier a pour finalité de former des professionnels novices ayant acquis des compétences et pouvant poursuivre des études universitaires. Pendant les trois ans de formation, les compétences, au nombre de dix, vont se construire d’une part par les stages et d’autre part par les unités d’enseignement qui permettent l’intégration des savoirs et la modélisation de ceux-ci en situation professionnelle.
D’après le lexique des notions clés dans le répertoire des métiers, la compétence est « la maîtrise d’un savoir-faire opérationnel relatif aux activités d’une situation déterminée, requérant des connaissances et des comportements. Elle est inséparable de l’action et ne peut être appréhendée qu’au travers de l’activité. »
Les compétences sont des combinatoires de savoirs théoriques et des savoirs pratiques. Guy Le Boterf considère la compétence comme « la combinaison de ressources mobilisées de manière pertinente pour répondre aux exigences d’une situation » . Philippe Perrenoud la définit comme « une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes. »
Dans tous les cas, la compétence conjugue le savoir ou la connaissance avec une mise en œuvre inscrite dans une action. C’est en tout cas dans ce sens que se comprend la compétence telle que déclinée dans les référentiels de soins infirmiers et que nous souhaitons lui donner : « la compétence ne relève pas seulement de la somme des savoirs, savoir-faire et savoir être nécessaires à l’exercice d’une profession ou d’un métier. Elle s’appuie non seulement sur un savoir agir, mais aussi sur un savoir combiner et raisonner en situation. Elle se développe dans la multiplicité et la variété des expériences vécues… »
Nous sommes bien dans une formation en alternance ou l’enseignement théorique et les stages bénéficient d’un nombre d’heures identiques (2 100 heures).
Les unités intégratives portent sur l’étude de situations cliniques issues des terrains de stage et permettent de mettre en lien les unités d’enseignement du semestre. Les stages sont les lieux d’intégration, de consolidation des expériences antérieures, ainsi que de construction de nouvelles connaissances. L’étudiant observe, contribue aux soins, participe aux réflexions d’équipes.
Cette alternance initie et conforte la posture professionnelle ; les professionnels des IFSI et des terrains servant de modèles. Cette approche par compétence incite les professionnels formateurs ou de terrain à repenser leurs méthodes d’accompagnement, ainsi D-1 nous explique qu’ « On travaille plus sur la capacité des étudiants à regarder, à analyser, à transférer, et ça on le regarde beaucoup plus tôt. ».
La formation doit permettre aux étudiants de développer des compétences afin d’agir de façon approprié en situation, même complexe, grâce à la mobilisation de certains savoirs. Pour penser l’accompagnement pédagogique des étudiants, nous pouvons nous saisir par exemple des travaux de David Kolb qui s’appuient sur l’apprentissage par expérience et qui peuvent amener des clés de lecture et une aide à l’acquisition des compétences. Nous pouvons retenir le cycle d’apprentissage de Kolb comme théorie interactive de formation. Le cycle met en exergue les processus par lesquels les étudiants passent lors de leurs constructions des apprentissages.

Le cycle de Kolb

De par cette approche par compétence, les étudiants construisent leur posture professionnelle et de se préparent à leur prise de fonction. En effet au-delà de la formation cette approche a pris place dans les organisations de travail. Elles passent « d’un mode Taylorien à un monde du travail axé sur le rapport de l’individu à la complexité des situations » , ce qui demande aux professionnels des capacités d’adaptations et de réflexions individuelles et collectives dans le respect des processus institutionnels. De même cette orientation tend à une gestion des ressources humaines basée sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPMC). L’approche par compétence « est un vrai atout pour l’équipe. […] Je pense que si, de ce nouveau référentiel là moi j’ai dévié sur la GPMC, […], pour moi le tout est lié, […], pour [l’évaluation annuelle des ] puer j’ai repris les compétences infirmières derrière j’ai été chercher le référentiel de formation puer, oh miracle il est aussi en compétences, il y a un référentiel d’activités, il y a un référentiel de compétences pour les puer, et du coup comment ça se décline chez nous qu’est-ce qu’on peut faire, et comment tu t’autoévalues»
Si le référentiel de formation en soins infirmiers fait suite à un contexte sociétal en pleine mutation, il induit également un changement d’identité progressif de la profession infirmière en recentrant la posture de l’étudiant infirmier vers le patient et sa prise en soins. Le référentiel bouleverse la représentation traditionnelle de l’étudiant en le faisant évoluer de la place d’apprenant (schéma traditionnaliste et descendant de l’apprentissage) à un professionnel en devenir (l’étudiant comme acteur de sa formation).
Cependant, les valeurs et représentations véhiculées par ce référentiel viennent se confronter à celles des professionnels en place, entrainant tensions et malaises.

D’un idéal à une réalité : ambiguïté d’une identité en recomposition

Tout au long de leur cursus de formation les étudiants infirmiers vont confronter leurs représentations du métier à la réalité du terrain. Cette réalité est renvoyée par des professionnels experts issus pour la plupart d’un programme de formation antérieur à celui de 2009. Entre idéal et réalité les étudiants doivent construire leur identité professionnelle et composer avec leurs motivations profondes qui les ont amenés à choisir un métier de la santé. La construction de cette identité peut être douloureuse si l’écart entre leur représentation du métier et la réalité du terrain est très éloignée « le processus de construction identitaire […] repose sur un mécanisme d’internalisation d’un objet extérieur. En d’autres termes, c’est la porosité de l’individu à son environnement (social, culturel, professionnel, humain, économique, familial…) »
Qu’en est-il de cette réalité ?

Construction identitaire et logiques organisationnelles des institutions

Réorganisations structurelles

Le paysage sanitaire français a évolué de façon importante depuis ces dernières années passant d’une logique inflationniste à une logique comptable . L’offre de soins se redessine dans une logique économique contrainte. Les centres hospitaliers se réorganisent, harmonisent leurs pratiques et mutualisent leurs moyens. Ils sont amenés à fusionner ou à réorienter leurs activités de soins. Les centres hospitaliers universitaires deviennent des établissements de recours avec des spécialités pointues. Les établissements de proximité se recentrent sur des prises en charge de premiers niveaux.
Les schémas régionaux d’offre de soins (SROS) restructurent l’offre de soins sur un territoire, entraînant des fermetures d’unités (maternité) et/ou des modifications d’activités pour répondre aux besoins de santé de la population avec comme critère la sécurité des patients. Ils organisent l’offre ambulatoire, les permanences de soins et les missions de service public, favorisant le maintien à domicile des usagers.
Ces réorientations obligent les soignants à repenser leurs activités, et quelquefois à changer de lieu de travail. Même si les infirmiers ne sont pas particulièrement attachés à un établissement de soins, cette réorganisation accentue encore ce détachement, il n’y a « pas de notion d’attachement à un établissement ou un service de soins. Si ça ne plait pas ils s’en vont. » Impulsée par la loi HPST, la démocratie sanitaire place le patient au centre des intentions et son avis est écouté : le patient devient régulateur de l’offre de soins. Il est un usager de la santé avec des exigences et des revendications modifiant alors la relation avec les soignants. Les patients sont des consommateurs de soins. Ils souhaitent bénéficier des meilleures offres de soins, d’hébergement et de prise en charge. Plus informés que les générations précédentes, de par la multiplicité des données médicales, ils exigent une qualité de soins, n’hésitent pas à demander plusieurs avis, estiment qu’ils ont des droits sans avoir des devoirs, et sont soupçonneux sur ce qui leur est proposé. Ils n’hésitent plus à se pourvoir en justice. Ils ont toutes les caractéristiques de la société d’aujourd’hui : exigences dans la prise en charge, demandes de réactivité, hospitalisations limitées. « moi je vois [la démocratie sanitaire] plus comme l’entrée de la société dans l’hôpital, comme les droits des usagers, comme les patients qui osent réclamer leur dossier, comme des patients qui osent porter plainte contre un médecin, des choses qu’on ne voyait pas autant avant. Je le vois avec la gestion des risques, l’analyse des événements indésirables où les patients nous demandent des résultats par écrits et le directeur envoie par derrière un dossier au patient. »
De manière générale toutes les personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire mettent en avant l’évolution du positionnement de l’usager entraînant une redéfinition de la relation soignant/soigné. La relation se transforme en une relation commerciale.
Ainsi la terminologie change, même si elle n’est pas stabilisée à ce jour ; le patient devient usager ou patientèle. Nous observons une remise en cause du pouvoir des soignants et du pouvoir médical qui génère des tensions entre patients et équipes de soins, peu habituées à ces positionnements.
De même, l’exercice de la profession infirmière, très réglementée se judiciarise, ce qui entraîne une modification de la posture du soignant et peut également générer des conflits et du stress au sein des équipes.
Par ailleurs la politique de développement professionnel tout au long de la vie rend obligatoire la formation continue des professionnels de santé. Il est exigé aux infirmiers de maintenir leurs compétences et de développer des connaissances et des habilités gestuelles durant leur carrière. Les soignants doivent repenser les habitudes en matière de formation et de développement des compétences. Toutefois, si le développement professionnel continu (DPC) est obligatoire, il est loin d’être effectif dans les établissements de soins qui rencontrent des difficultés organisationnelles et financières pour sa mise en œuvre. Ce paradoxe peut être porteur de désinvestissement. Alors que nous observons une réorganisation des systèmes de santé, des modifications des demandes de la part des usagers, des transformations d’activités, des incitations au développement des compétences tout au long de la vie, une pénurie de professionnels est attendue pour 2015 du fait des départs à la retraite de la génération des « baby-boomers ». En parallèle se profile « un sous-investissement dans le domaine des ressources humaines, un blocage des recrutements, une limitation des salaires, une mobilité réduite […] une inégalité de répartition des professionnels sur le territoire. […] Ce déficit de professionnels infirmiers peut être mis en lien avec son taux de féminisation (87%), au manque d’attractivité du métier, aux désillusions et au risque de burnout dans cette profession. […] Les jeunes sont peu attirés par le métier à cause d’une faible rémunération, de la responsabilité engagée, de la pénibilité du travail et des horaires décalés. »
Ceci renvoie des messages contradictoires tant aux étudiants qu’aux professionnels instaurant un climat d’incertitude. C’est dans ce contexte que s’ancre la formation des professionnels infirmiers entre un idéal de prise en charge des patients tourné vers l’humanitude et le social, et la réalité d’une demande exigeante, violente quelquefois, d’une mouvance permanente désorientant ces professionnels en construction.

Les contraintes d’un système et l’organisation de santé

Nous pouvons aborder ici la notion d’injonction paradoxale. La formation en soins infirmiers telle qu’elle est prévue dans le référentiel 2009, insiste sur la prise en charge globale du patient, la réflexivité, la collaboration pluri professionnelle. Par ailleurs, les réductions de personnels, les réorganisations de service, les modifications horaires (passage en 10 h ou 12h), ne facilitent pas le suivi des patients. Le contexte économique impose une réduction des coûts de santé, lors de son intervention sur l’approche économique du fonctionnement hospitalier, P. Dubois dit en parlant de la répartition des ressources contraintes de la santé « elle nécessite une régulation prixvolume. Pour autant, en dehors de l’activité et de la production il n’y a pas de salut », discours qui est difficilement « entendable » par des professionnels qui sont tournés vers la prise en charge holistique des patients et qui n’ont pas été formés à l’économie de la santé. « C’est le contexte, c’est le manque de lisibilité à moyen terme, sur l’évolution des structures, l’évolution des postes, sur aujourd’hui les étudiants, les perspectives d’emploi, […] tout le contexte qu’il y a autour qui ne vient pas rassurer les étudiants et les professionnels. Former sans savoir son propre avenir »
De manière isolée, de nombreuses initiatives sont prises afin d’améliorer la qualité de la prise en charge de l’usager. Cependant le manque de pérennité et de lisibilité à moyen terme des financements fragilisent ces initiatives et démotivent les professionnels. Des difficultés apparaissent dues aux contraintes de plus en plus prégnantes de la gestion des ressources humaines, du manque de disponibilité et de la traçabilité des activités. Les acteurs de terrain ont l’impression de n’être pas reconnus pour leur compétence. Ils ressentent un manque de consultation et de prise en compte de leurs revendications par les politiques alors qu’ils élargissent leur champ de responsabilité. Les injonctions s’enchainent sans laisser le temps aux agents d’intégrer la nouvelle gouvernance.
« Le contexte actuel des soins rend difficile la prise en charge holistique telle que prônée par les différents modèles infirmiers. Que ce soit dans les centre hospitaliers, les institutions pour personnes âgées, handicapées, ou encore les centres de soins à domicile, une démarche de soins individuelle exhaustive est parfois compromise par une dotation en personnel insuffisante (De Bouvet & Sauvaige, 2005). Pourtant c’est la conception humaniste qui est présentée et entraînée à l’école et durant la formation pratique. On comprend dès lors que la frustration puisse surgir chez les soignants convaincus de cette approche dont ils ont sans doute pu constater l’efficacité et qu’ils ne peuvent mettre en œuvre en raison des contingences institutionnelles. »
L’écart se creuse entre les valeurs des soignants et les contraintes du métier. Le risque de démotivation et de désengagement est grand. Il y a un délitement du lien entre les professionnels. Les injonctions des directives nationales changent vite, ne permettent pas aux professionnels d’intégrer les évolutions, de les mettre en œuvre et de les appliquer. La gestion financière s’est invitée dans les unités de soins. Si dans les décennies antérieures, elle était absente des services entrainant parfois des débordements, aujourd’hui elle est si prégnante qu’elle monopolise toutes les pens ées empêchant quelquefois les innovations.
Paradoxalement la demande est faite aux personnels d’être responsables, d’effectuer des soins de qualité, de suivre leurs dépenses, de faire des économies alors que les unités n’ont aucune autonomie de gestion, ni budgétaire. « On parle du dialogue social en ce moment, du dialogue de gestion pour nous comme les entreprises, mais sur le terrain comment on peut de nouveau être remis en marche avec l’administratif ?
Parce que pour le moment on vit de plus en plus une cassure une coupure et une difficulté identitaire des professionnels » .
Le contexte est contraignant mais les directions veulent des professionnels autonomes. Les valeurs des soignants sont bousculées pouvant entrainer une démotivation, un désengagement allant quelquefois jusqu’au burnout du professionnel.
Les moyens sont limités, avec des besoins inflationnistes, l’hôpital est vu actuellement comme une entreprise dont la mission principale serait de rester à l’équilibre budgétaire. Ce qui vient heurter également les valeurs des soignants. Par ailleurs, l’impossibilité de l’infirmière de s’occuper du patient de manière optimale est liée également à l’avancée des technologies et aux modifications des recommandations de prise en charge par les conférences de consensus et l’Haute Autorité de Santé (HAS). Avec le développement de l’offre ambulatoire, les personnes hospitalisées sont plus lourdement atteintes. Cela entraîne une charge accrue pour le personnel paramédical dont le nombre n’a pas augmenté voire diminué depuis la mise en place des 35 heures, l’arrivée de la T2A et les contraintes budgétaires. Les séjours sont beaucoup plus courts, la relation avec le patient évolue. L’infirmière doit enchainer les actes de soins techniques sans prendre en soin la personne comme elle le souhaiterait, perdant le sens de son travail. Avec la mise en place de la tarification à l’activité , suivi de la nouvelle gouvernance , les établissements de soins se sont organisés en pôle d’activité avec une logique de groupes homogènes de malades, de groupes homogènes de séjour, de standardisation des soins, alors que la profession d’infirmière préconise la prise en charge individualisée des patients.
Nous assistons dans les pôles d’activités à une rotation importante de personnel avec des équipes qui comptent de nombreuses personnes à temps partiel. Le travail en 12 heures se développe afin d’économiser les ressources humaines demandant une concentration supplémentaire. Il arrive fréquemment que le personnel soit rappelé pour venir travailler sur les jours de congés. Cette organisation accroît le risque d’erreurs et rend difficile les échanges et le partage du vécu entre professionnels.

Nouveau référentiel et construction de compétences

Des savoirs spécifiques aux savoirs transversaux

Depuis la mise en œuvre du référentiel 2009 les apprentissages de la profession infirmière sont passés d’un savoir construit à partir de connaissances anatomopathologiques, à une approche réflexive. Cette réflexivité est centrée sur l’acquisition de compétences nécessaires à un exercice professionnel infirmier. Cependant « il y a peut-être un accent qui est mis sur la réflexivité mais quand même la réflexivité sans les savoirs ça sert à rien non plus. On ne peut pas faire de la réflexivité, on ne peut pas trop pousser comme ça les étudiants à la réflexivité si en parallèle on diminue les heures sur des savoirs fondamentaux. Donc ça reste un peu le point d’achoppement » comme le rappelle un cadre formateur. En effet, dans ce nouveau programme, l’accent est mis sur l’accompagnement des étudiants dans leurs acquisitions de compétences. Le référentiel de 2009 laisse moins de place à l’apport des savoirs scientifiques et les formateurs doivent guider les étudiants sur l’appropriation de ces savoirs et leur permettre de faire des liens avec les situations de soins. «…on n’est pas forcément aidé non plus par l’organisation universitaire, dans le sens où ce programme a été pensé par unités d’enseignement avec des unités réfléchies en terme de connaissances et des unités réfléchies plus en terme d’analyse, plus en terme…notamment autour du cœur de métier où là il faut faire des liens, tirer des cordes de partout pour revenir au cœur de métier et …et notamment l’évaluation, je pense à la pharmacologie qui est très spécialisée, ou même certaines unités comme les processus, les étudiants sont évalués sur des connaissances pures et après comment on fait, comment on recrée le lien, ce que je constate quand même un peu c’est que les étudiants ils apprennent pour restituer leurs connaissances et après ils en retiennent pas forcement quelque chose ».
Immergé dans la culture soignante que lui renvoient les professionnels de terrain ou les formateurs ainsi que les autres étudiants, l’étudiant développe un processus d’identification qui le conduit à négocier en permanence les tensions entre son idéal de la profession et la réalité qu’il rencontre au cours de son parcours professionnalisant.
Pour construire leurs compétences les étudiants partent de leurs représentations, des connaissances acquises et des expériences en situation. L’acquisition de ces compétences professionnelles est en lien avec la construction identitaire et interroge la place de la personne dans le groupe d’appartenance.
Pour se reconnaitre dans un groupe et s’y sentir à sa place la personne doit avoir une estime de soi valorisante. Trouver un juste équilibre, avoir conscience de soi, faire le geste juste dans la juste pensée permet la juste posture et rend existant l’autre.
L’étudiant doit trouver une posture la mieux adaptée aux besoins de l’équipe et des patients d’une part dans la réalité extérieure et d’autre part dans la réalité de son monde intérieur. Les équipes de formateur prennent en compte ce volet de la construction identitaire et permettent aux étudiants d’apprendre à se connaitre et à connaitre l’autre.
La pédagogie se base sur des travaux répétés en groupe restreint et sur l’acquisition d’une posture professionnelle affirmée passant par le développement personnel. Pour ce faire nous nous rapprochons du programme de formation des infirmiers de secteur psychiatrique avant la réforme de 1992 où l’analyse des pratiques, la supervision avec des professionnels psychologues était régulière.
Le groupe a une place centrale dans ce programme de formation. Il s’apparente à l’association de plusieurs personnes entre elles avec une ou plusieurs liaison(s), un système de valeurs communes ou des normes communes qui le régit. Entre les membres d’un groupe, il y a une interdépendance fonctionnelle, normative et imaginaire. De plus chaque groupe se construit en interaction avec un autre. Pour l’individu le sentiment d’appartenance est fort et ce qui se passe dans le groupe influence ses choix individuels.
Jean-Claude Kaufmann dans l’invention de soi pose le postulat que l’identité amène du lien entre les individus afin de former un tout. Les identités ne sont pas innées, elles se construisent.
Lévi-Strauss, lui, ajoute à cette notion de groupe et d’appartenance à ce groupe, l’interaction avec la société dans la construction de l’identité personnelle de l’individu. La construction de l’identité se fait également avec la confrontation au groupe dans lequel l’individu se reconnait, ici celui des étudiants infirmiers. Il peut s’identifier ou se différencier de ce groupe dans sa construction.
Les représentations et les expériences guident les actions de l’individu. Son appartenance à un groupe interagit sur ses choix, tout en préservant une ambivalence. L’individu veut être à la fois comme les autres et différent des autres. L’environnement social renforce cette influence, Il propose des principes de conduite globale et des valeurs morales générales.
Entre cassure, coupure par rapport aux valeurs des soignants, les professionnels en construction rencontrent des difficultés individuelles identitaires dans leur reconnaissance. Certains auteurs parlent même de crise identitaire car les individus se sentent perdus dans leur fonction.
La forme éloignée de la culture initiale des « anciens » professionnels rend difficile le changement et l’assimilation de cette nouvelle culture. Elle provoque des points de tension entre les différentes générations. D’autant plus que la classe d’âge des 20, 35 ans s’éloigne des repères et de la posture de l’ancienne génération. Mais qu’elle est la spécificité de cette génération Y qui bientôt se retrouvera évincée par la Z ?

Données sociologiques relative à la génération Y

Depuis quelques années, le terme de génération Y est apparu pour désigner la nouvelle génération arrivant sur le marché du travail. Ce terme regroupe les personnes nées entre 1979 et 1993. L’origine de cette expression reste floue. Plusieurs hypothèses sont avancées : pour les uns cela vient du Y tracé par le fil du baladeur des jeunes gens sur leur torse, pour d’autres ce nom vient de la génération précédente, la génération X, et enfin pour d’autres, il s’agit de la traduction du mot anglais « why » correspondant également à la phonétique de la lettre y anglaise de l’expression Y, signifiant « pourquoi ». Nous nous arrêterons à cette dernière explication, qui correspond bien à cette génération, perpétuellement en recherche de sens et du « pourquoi » des choses. Cette génération est souvent décrite selon quatre attributs, plus communément désignés par les « quatre i » : individualisme, impatience, interconnexion et inventivité.
Il est important d’appréhender la notion de génération Y, pour bien comprendre le positionnement des étudiants et nouveaux professionnels dans les lieux de soins. Cette génération se caractérise par un esprit curieux, habitué à la remise en cause, à la réflexion, et la mise en action de leur pensée. Elle passe facilement d’une activité à une autre, c’est une génération qui est dite « zappeuse ». Depuis leur enfance les jeunes de cette génération ont grandi dans la société de l’enfant roi, avec l’explosion du numérique et sont totalement interconnectés avec leur portable ou sur internet. Ces différentes caractéristiques proviennent d’une part d’une éducation où l’écoute de la parole de l’enfant est valorisée, d’autre part d’une vision d’un monde relatif et instable où les frontières sont inexistantes et les distances sans importances : ces jeunes pensent mondialisation et voyagent beaucoup. C’est également une génération très individualiste centrée sur elle-même et sur son développement personnel. Dans leur article B. Pauget et A. Dammak le précisent bien « Dans le même temps, l’individualisme poussé à son paroxysme a amené de nouvelles considérations de la place de l’Homme dans l’univers (intérêt marqué pour le développement durable, respect de toutes les cultures, retour du religieux mais un religieux bricolé au gré des expériences personnelles, etc.). Cette génération approfondit tous les traits de ses devancières : elle défie volontiers l’autorité, elle a été habituée plus que les soixantehuitards à changer les codes et les habitudes. » .Ce qui est confirmé par les entretiens effectués dans le cadre de ce mémoire « …quoique les jeunes le vivent peut-être différemment sur l’engagement sur …ils ont une approche très individualiste ».

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Table des matières
Introduction 
I. Contexte
II. État de la question
A. Problématique provisoire, question(s) de recherche
B. Hypothèses de travail
C. Définitions autour de l’objet
D. Population et méthode d’enquête
E. Plan de travail
Chapitre 1. La formation infirmière : levier d’une (re) construction identitaire
I. Construction, déconstruction identitaire : une profession en mutation
A. Un long chemin vers l’autonomie
B. Redéfinition du rôle infirmier
C. Crise économique et réorganisation du système de santé
II. Référentiel 2009 : vers un nouveau modèle identitaire
A. Le référentiel de formation en soins infirmiers de 2009 : un changement de paradigme
B. L’universitarisation
III. Formation et accommodation
A. Acquisition d’une posture réflexive
B. Acquisition de compétences
Chapitre 2. D’un idéal à une réalité : ambiguïté d’une identité en recomposition
I. Construction identitaire et logiques organisationnelles des institutions
A. Réorganisations structurelles
B. Les contraintes d’un système et l’organisation de santé
II. Nouveau référentiel et construction de compétences
A. Des savoirs spécifiques aux savoirs transversaux
B. Données sociologiques relative à la génération Y
C. Points d’achoppement entre nouveaux et anciens professionnels
III. Reconnaissance par les institutions et par la société : légitimité d’une profession
A. Modification culturelle de l’exercice
B. Codes et normes universitaires : l’étudiant infirmier et appartenance à un groupe
C. Codes et normes universitaires : Un processus en cours de construction
Chapitre 3. Métamorphose par complémentarité reconnue
I. L’identité professionnelle d’un nouveau professionnel de santé
A. Elargissement du champ de compétences
B. Nouvelles technologies
C. Vers les pratiques avancées et la délégation de tâche
II. Des valeurs renforcées au service du patient
A. Reconnaissance
B. Professionnalisation de la formation
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
GLOSSAIRE

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