DU TRAVAIL SOCIAL À LA POSTURE DU TRAVAILLEUR SOCIAL HORS-MURS :DÉCLINAISONS THÉORIQUES
Le travail social hors-murs, une action collective
« Dans le respect des principes fondamentaux des personnes, le travail de rue vise à protéger et à donner aux publics les plus vulnérables les moyens de se protéger. » De Boevé et Giraldi (2010, p. 23) « Privilégiant une approche innovante de proximité » (De Boevé et Giraldi, 2010, p. 23), le praticien ou le travailleur social hors-murs entre dans une relation de confiance avec le bénéficiaire : cela « consiste à favoriser l’estime de soi, à développer les compétences personnelles indépendamment du degré d’exclusion et à susciter une participation à la vie sociale. » (p. 23) On retrouve ici le principe d’action collective : « Une stratégie engagée à partie des effets d’exclusion consiste à restituer aux couches sociales marginalisées, leur capacité de prendre place et de se situer dans les rapports sociaux, d’acquérir suffisamment de force et de pouvoir pour négocier sur des enjeux les concernant. » (Dumas, Séguier, 1997, p.171) Le travail social hors-murs, peu reconnu en tant que métier du travail social, est une approche globale principalement définie par sa pratique particulière « sans cesse révisée et autoévaluée. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p.22).
C’est pourquoi il est en grande partie défini par des témoignages et des prises de paroles de la part de travailleurs de rue concernant différents aspects et réalités du travail de rue. « J’ai vu ce genre d’enfants dans des quartiers où j’ai travaillé par le passé, mais ils ne venaient pas vers nous, à l’endroit où nous travaillions. Dès lors, j’ai décidé de réunir les personnes qui veulent aider ce type d’enfants délaissés et marginalisés. Ces enfants sont tellement marginalisés que même les structures d’aide comme les communautés de jeunes ne seraient pas en mesure de les aider. Ainsi, la seule méthode est de les atteindre différemment, et c’est exactement le principe du travail de rue. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p. 110). En résumé, le travail social hors-murs est : « Un accompagnement relationnel qui permet aux populations une évolution personnelle, une insertion et une participation à la vie sociale. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p.26). En terme d’objectifs, le travail social hors-murs se définit par : « Un équilibre particulier entre intention formelle et apparence informelle. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p. 25). Selon les auteurs, le travail social hors-murs s’adresse à une population inatteignable par les organisations et institutions existantes. Il accompagne le public dans ses choix, le soutient dans la recherche de ressources appropriées, tout en cherchant à diminuer le processus d’exclusion qui peut toucher certains publics. Le travail social hors-murs témoigne des conditions de vie des populations et endosse ainsi un rôle de conscientisation envers les politiques.
Plusieurs pratiques en travail social hors-murs
Le travail de rue privilégie une approche innovante de proximité où la population est actrice à part entière durant tout le processus d’accompagnement. Ce travail est basé sur une relation de confiance. La pratique du travail social hors-murs se décline au travers de trois types d’actions :
– L’accompagnement individuel : « il se conçoit à travers une approche globale non dissociée des réalités quotidiennes. Cet accompagnement sans visage, comme une démarche participative à caractère pédagogique visant à l’émancipation et à l’autonomie du public-cible. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p.66).
– L’action collective : « Elle peut être une porte d’entrée, un passage, une continuité ou un résultat de l’action globale. […] Concrètement, le travail de rue s’appuie sur toutes sortes d’activités qui sont autant d’occasions de construire un vécu en commun et dès lors une confiance accrue. » (De Boevé et Giraldi, 2010, p.72).
– L’action communautaire : « Il s’agit en fait de transformer certains problèmes récurrents vécus individuellement en problématique collective, lesquelles devront être de véritables préoccupations de société, mises à l’ordre du jour de l’agenda politique » (De Boevé et Giraldi, 2010, p.76).
Le travail social hors-murs est une approche innovante de proximité et se décline soit dans l’accompagnement individuel, soit dans l’action collective, soit dans l’action communautaire. Ce modèle de travail social hors-murs rend la population actrice du processus d’accompagnement. Ce processus d’accompagnement se déroule dans des contextes différents et situés. 0000000000 2.4 Contextes socioculturels Selon Larousse le contexte, du latin « contextus » (assemblage), constitue « l’ensemble des conditions naturelles, sociales, culturelles dans lesquelles se situe un énoncé, un discours ». Il correspond aussi à « un ensemble des circonstances dans lesquelles se produit un événement, se situe une action ». Le contexte regroupe donc diverses conditions qui exercent une certaine influence sur une action, comme le travail social hors-murs, sa pratique et surtout sa posture et sa manière d’entrer en relation avec les habitants auprès desquels il intervient. Il se décline en plusieurs sous-contextes, comme le contexte social, culturel, économique, politique ou encore le contexte de communication. Nous pouvons déjà entrevoir comment les contextes, de diverses natures, peuvent influencer autant la posture que la pratique du travail social de rue. Afin de mieux comprendre comment le contexte influe sur la posture ou le positionnement d’un travailleur social, il est essentiel de développer certaines notions du travail social hors murs qui sont à la base de la construction du cadre théorique de ce travail de recherche.
La posture du travailleur social
En travail social, Lameul (2006) définit la posture comme « la manifestation d’un état mental, façonné par nos croyances et orienté par nos intentions qui exerce une influence directrice et dynamique sur nos actions, leur donnant sens et justification ». La posture peut donc s’apparenter par une attitude singulière en lien avec une situation spécifique au sein de laquelle le professionnel se situe. En référence à Furstos (2014), cette « stature mentale, intellectuelle et pensée » est orientée par le contexte dans lequel le travailleur social se trouve, une posture est donc facilement changeante, d’un endroit à l’autre, d’un travailleur social à l’autre, ce qui veut dire qu’il peut y avoir différentes postures selon les situations.
La posture est donc influée tant par le contexte, que par la singularité de chaque travailleur social. Ainsi la manière d’articuler la tâche dans une pratique reste attachée à l’individualité du travailleur social. Néanmoins, la posture de base du travailleur social s’apparente aux concepts de non-jugement, de respect, d’écoute et d’acceptation de la personne et d’une conception de l’aide basée sur le « faire avec » et non pas « faire pour ». Selon un article publié sur recherche-action, nommé « faire pour, faire avec, faire ensemble » (2013) : « Faire pour c’est ce qu’on voit si souvent; c’est le triste constat des actions de participation dites citoyennes ou démocratiques, où on invite les usagers, les habitants, le public, à assister, acquiescer (en donnant son avis ou pas, peu importe) au spectacle de ce qui est déjà décidé, déjà fait, déjà pensé et clos. » Donc « faire pour » se traduit par une démarche du travailleur social qui va délivrer un produit déjà tout fait. Cela peut être utilisé de manière stratégique comme au travers d’activités, d’animations ou de projets déjà réalisés à l’avance pour rencontrer et prendre contact avec les personnes auprès desquelles le travailleur social hors-murs intervient. Mais sur le long terme, elle ne permet pas de nouer la même relation avec le public mais surtout empêche l’accès à l’autonomie du public visé.
Postures du travailleur social hors-murs dans la pratique de l’accompagnement individuel Selon Maela (2012), la posture du professionnel dans le cadre de l’accompagnement individuel peut se définir au travers de cinq caractéristiques :
– Une posture éthique : dans le cadre de l’accompagnement, la posture du travailleur social hors-murs est éthique car forcément « réflexive et critique ». Elle découle d’un questionnement constant du professionnel autour de qui il est, qui veut-il être, pourquoi oeuvre-t-il. La posture du travailleur social hors-murs est éthique car non-violente. « La posture de non-violence résulte d’une détermination à rechercher d’autres modalités de relation que celles du pouvoir, de la domination, de la répression, de l’exploitation, de l’imposition, de la manipulation, de l’humiliation, de l’infantilisation de l’autre par la séduction ou la peur. » (Maela, 2012, p. 6). Par ces principes, l’idée de cette posture éthique est de ne pas faire à la place de l’autre que Maela perçoit comme « un acte d’ingérence ».
– Une posture de non-savoir : un risque qui apparaît bien souvent au professionnel est le fait d’être propulsé à une place de puissance par le bénéficiaire. Selon Maela « En ne sachant pas, il privilégie l’intelligence qui naît des échanges, du dialogue avec l’autre, et non des théories en surplomb. Il soutient un questionnement plutôt que l’affirmation. […] La compétence du professionnel ne consiste plus à énoncer des compréhensions, des explications, des interprétations, mais à s’ouvrir aux savoir et vérités construits par les échanges et les dialogues, en situation. » (Maela, 2012, p. 7). Cela ne veut pas dire que le travailleur social hors-murs est ignorant mais il vise à favoriser l’échange et la recherche commune de compréhensions, de solutions.
– Une posture dialogue : le dialogue est une modalité essentielle car c’est dans ces moments que chacun trouve sa place, le dialogue transforme la relation entre professionnel et bénéficiaire en échanges de personne à personne. « C’est de cette posture qu’est conçue une relation non totalement dévoyée par le jeu des pouvoirs. » (Maela, 2012, p. 8).
– Une posture d’écoute : « Ecouter, c’est être attentif certes, mais c’est surtout interagir, répondre, solliciter, dynamiser un questionnement permettant aux personnes de « se » questionner dans le rapport à la réalité dans laquelle elles sont. » (Maela, 2012, p.8). L’écoute c’est un processus au sein duquel les personnes peuvent échanger autour de leurs compréhensions, délibérer et prendre des décisions en commun. Plus qu’une posture, il s’agit aussi d’une technique qui favorise et renforce la démarche entreprise.
– Une posture émancipatrice : dans la démarche de l’accompagnement, le professionnel cherche à co-construire un environnement relationnel permettant de grandir et nous éloignant des jeux de pouvoir. « Si on se met à deux, ce n’est pas parce que l’un serait incapable mais parce que personne ne peut apprendre seul ni grandir seul ou se construire seul, c’est toujours un travail en interaction avec les autres. » (Maela, 2012, p.8). La posture d’accompagnement se définit comme fluide et en constant réajustement de façon à être pertinente au regard du contexte donné.
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Table des matières
PRÉAMBULE
1. INTRODUCTION
2. DU TRAVAIL SOCIAL À LA POSTURE DU TRAVAILLEUR SOCIAL HORS-MURS :DÉCLINAISONS THÉORIQUES
2.1 Distance professionnelle, point de départ de la réflexion
2.2 Le travail social hors-murs, une action collective
2.3 Plusieurs pratiques en travail social hors-murs
2.4 Contextes socioculturels
2.5 Trois types d’actions : cohésion sociale, intervention de proximité et promotion de la participation
2.6 Le champ du travail social hors-murs
2.6.1 L’accompagnement individuel
2.6.2 L’action collective
2.6.3 L’action communautaire
2.7 Les différentes postures en travail social
2.7.1 La posture du travailleur social
2.7.2 Les logiques de positionnement
2.8 Les postures du travailleur social hors-murs
2.8.1 Postures du travailleur social hors-murs dans la pratique de l’accompagnement individuel
2.8.2 Postures du travailleur social hors-murs dans la pratique de l’action collective
2.8.3 Postures du travailleur social hors-murs dans la pratique de l’action communautaire
2.9 Les différents contextes
2.9.5 Le contexte juridique
2.9.6 Le contexte géographique
2.9.7 Le contexte historique
2.10 Synthèse du cadre théorique
3. DÉMARCHE ET RECHERCHES SUR LES TERRAINS SUISSES ROMANDS ET MARSEILLAIS
3.1 Hypothèses de la recherche
3.2 Echantillon, champ d’analyse et limites
3.3 Les entretiens semi-directifs
3.4 La grille d’analyse
4. ANALYSE DES TERRAINS SUISSES ROMANDS ET MARSEILLAIS ET PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 Quelques bases pour comprendre Marseille
4.2 L’analyse des contextes, un diagnostic partagé à Marseille
4.2.1 Observations, informations, statistiques : des ressources essentielles
4.2.2 Marseille, une ville de transit et de mélange culturel
4.2.3 Des territoires au sein de la ville
4.2.4 Un contexte socio-économique hétérogène au sein de la ville
4.2.5 Communautarisme
4.2.6 L’analyse des contextes, un enjeu pour le travailleur social hors-murs
4.3 Les pratiques et les postures adaptées aux contextes
4.3.1 En fonction du contexte : un changement de posture ?
4.3.2 Recalibrage des outils pour un changement de pratique ?
4.3.3 Un changement effectif des postures et des pratiques
4.4 La Suisse Romande
4.5 En Suisse Romande, une réalité similaire ?
4.5.1 Ressources, prospection et réseaux
4.5.2 Immersion dans les contextes
4.5.3 Entre quartiers et villes
4.5.4 Quartiers populaires et multiculturels
4.5.5 Influences institutionnelles sur les contextes
4.5.6 L’analyse des contextes, une nécessité pour le professionnel du travail social hors-murs
4.6 Des quartiers différents : des postures et des pratiques différentes ?
4.6.1 L’adaptation, maître mot du travailleur social hors-murs
4.6.2 L’adaptation, une action implicite et diffuse
4.6.3 Outils adaptés pour un résultat attendu ?
4.6.4 Des outils adaptés pour une posture de caméléon
5. REGARDS CROISÉS ENTRE LES PROFESSIONNELS MARSEILLAIS ET LES PROFESSIONNELS DE SUISSE ROMANDE
6. APPRENTISSAGES PERSONNELS
7. CONCLUSION GÉNÉRALE
8. BIBLIOGRAPHIE
9. CYBÉROGRAPHIE
10. ANNEXES
Annexe 1 : Grille d’entretien
Annexe 2 : Grille d’analyse vide
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