Du tact au tact : intervention auprès de la personne âgée qui présente des douleurs physiques et psychiques

J’ai découvert pour la première fois le milieu hospitalier gériatrique en mai 2019. J’ai effectué un stage auprès d’une psychomotricienne travaillant au sein d’une unité de soin longue durée et d’une unité cognitivo-comportementale. Chaque personne rencontrée avait sa propre histoire, un niveau social différent de son voisin, une famille plus ou moins présente et une situation médicale particulière. Cependant, ces personnes se sont retrouvées dans la même institution. Certains l’ont choisi, d’autres non. Beaucoup essaient encore d’accepter leur situation ; ce sont ces derniers qui m’ont donné envie de continuer de travailler avec les personnes âgées institutionnalisées. J’ai voulu retourner faire mon stage de dernière année dans le même établissement qui m’avait accueilli lors de mon premier stage dans ce milieu. C’est là-bas que j’ai pu réellement me représenter en tant que future psychomotricienne.

Nous vieillissons tout au long de notre vie ; nous sommes tous plus vieux aujourd’hui que la veille. Ce processus auquel personne n’échappe, que nombreux redoutent, est souvent vécu comme un stigmate. Il est associé à des faits ressentis négativement comme la maladie ou la mort. Nous essayons de cacher et de diminuer les marqueurs de notre vieillissement ; nous mettons des crèmes, nous teignons nos cheveux pour lutter contre le temps. Mais que signifie vieillir ? A quel âge devenonsnous vieux ? Agé ? Senior ? Pour certains nous le sommes à partir de 60 ans, pour d’autres 65 ans ou 70 ans. Certains vous diraient que c’est dans la tête, que nous pouvons être vieux en âge et avoir l’esprit jeune et inversement. Dans une entreprise, un sénior c’est une personne de plus de 50 ans. Socialement, nous sommes amenés à considérer que cette période commence à l’arrêt de l’activité professionnelle. Dans le milieu médical, légalement, l’âge est un critère d’admission pour les services gériatriques qui sont tenus d’accueillir les personnes dépendantes de soins à partir de leurs 60 ans. Le vieillissement entraîne des changements. Que se passe-t-il quand la pathologie fait irruption dans la vie des personnes vieillissantes. La pathologie impacte la vie quotidienne, d’autant plus lorsque la personne doit être institutionnalisée.

Aujourd’hui du haut de mes 21 ans de vieillesse, je pense qu’il y a autant de façons de voir le vieillissement et de le vivre qu’il y a d’individus dans le monde. Il existe donc autant de façon d’accompagner la personne vieillissante à accepter son nouveau lieu de vie, son nouveau corps et sa nouvelle dépendance auprès des soignants.

Observation clinique 

Présentation générale de l’établissement

L’établissement

J’ai effectué mon stage dans un centre hospitalier public. Plus précisément, j’ai travaillé dans deux services gériatriques : Une unité de soin longue durée et une unité Cognitivo-Comportementale. Ces unités sont sous-tendues par un cadre légal. Elles accueillent des personnes âgées de plus de 60 ans. Cependant des patients de moins de 60 ans peuvent être acceptés à la suite d’une dérogation administrative. Ce sont des lieux de vie, elles proposent aux patients un hébergement, des soins médicaux mais aussi des activités sociales et thérapeutiques. L’unité de soin longue durée (USLD) est une structure de soin et d’hébergement sur le long terme pour les patients qui sont dans une situation de dépendance et qui demandent une surveillance médicale constante. En unité de soin longue durée, le travail est centré sur la rééducation, la réadaptation et la stimulation. L’accompagnement est global et s’effectue sur le long terme de l’entrée en institution jusqu’à l’accompagnement en fin de vie de la personne. Les patients arrivent à l’USLD généralement après une hospitalisation en court séjour gériatrique ou une hospitalisation en soins de suite et de réadaptation (SSR). La structure accueille environ 150 patients, répartis sur 4 étages. L’établissement dispose d’une équipe pluridisciplinaire, une infirmière et deux aides-soignantes assignées sur chaque étage, deux cadres de santé, deux médecins, une assistante sociale, une animatrice et une équipe paramédicale. Celle ci est composée d’une neuropsychologue, d’une ergothérapeute, d’une psychomotricienne et d’un kinésithérapeute.

L’unité Cognitivo-Comportementale (UCC) accueille des personnes qui présentent des troubles du comportement associés à des troubles cognitifs légers, modérés ou sévères. Normalement ce type d’unité a été créée pour accueillir seulement les personnes présentant une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée à celle ci. Dans le cadre de mon expérience, j’ai pu observer que mon lieu de stage accueille des personnes avec tout type de démence ou de trouble(s)cognitifs non étiqueté(s). Par exemple, Il est possible que le service accueille des patients avec un syndrome de Korsakoff. En effet, l’intégration des patients se base surtout sur la présence de troubles du comportement et de troubles cognitifs invalidant la vie quotidienne du patient et de ceux qui l’entourent plutôt que sur le diagnostic de la pathologie. Les patients de cette unité arrivent à la suite d’un épuisement familial ou suite à des difficultés à gérer la personne dans un autre service. C’est une unité fermée, les patients ne peuvent pas quitter leur service, ni accéder à leur chambre librement. L’environnement se veut sécurisant et rassurant aussi bien pour les patients que les soignants. Le service peut accueillir jusqu’à 12 patients. L’équipe de soin du service de jour est composée d’une infirmière et de deux aides-soignants, d’un agent des services hospitaliers, d’une cadre de santé et d’un médecin. Ponctuellement sur des créneaux horaires définis un psychologue, un ergothérapeute et la psychomotricienne interviennent dans le service. Dans ce cadre privilégié, dû au nombre de patients, l’équipe paramédicale a la possibilité de rencontrer tous les patients individuellement. Ceux-ci sont généralement hospitalisés dans l’unité sur une courte période. Le projet de base est une hospitalisation de quatre semaines. Le temps qu’ils se stabilisent et qu’ils rentrent dans leur milieu de vie habituel ou qu’ils soient réorientés dans une unité Cantou ou une unité d’hébergement renforcée (UHR). Ce projet est discuté et repris tout au long de l’hospitalisation par les équipes, le médecin ainsi que la famille du patient. Il est adapté aux différents cas. Ce temps d’hospitalisation est souvent prolongé puisque certaines personnes ont besoin d’une période plus longue pour se stabiliser et récupérer le maximum de leurs capacités. De plus l’orientation dans une nouvelle institution peut prendre du temps, le nombre de place étant limité.

Organisation spatiale des unités

Le bâtiment de l’Unité de Soin Longue Durée est situé au sein de l’hôpital. Il est disposé sur quatre étages. Chaque étage est réparti sur deux ailes, il dispose d’une quinzaine de chambres par ailes, d’une salle à manger, d’un salon commun et d’un bureau infirmier. A chaque étage on retrouve des terrasses ainsi qu’un patio au premier étage ; les résidents peuvent y accéder librement. Au premier étage on trouve la salle d’animation, la salle de psychomotricité et le plateau technique du kinésithérapeute. Deux unités d’hébergement renforcées sont rattachées à l’USLD et sont situées dans le bâtiment de l’unité.

L’Unité Cognitivo-Comportementale est rattachée au bâtiment de soin de suite et de réadaptation. Le service est organisé pour accueillir des personnes qui déambulent. Il dispose d’un espace pensé pour la déambulation. Les couloirs présentent des bifurcations ce qui évite que les patients tournent en rond. Des salons pour s’asseoir sont disposés dans des coins de l’unité. Il existe aussi dans le service des lieux communs de vie sociale et d’activités : un salon commun ouvert en continu. Un salon des familles et une salle d’activité sont ouverts sur demande des patients ou lors des activités sociales (jeux, écoute de musique, vernissage des ongles) et thérapeutiques (séance d’ergothérapie ou de psychomotricité). L’équipe médicale dispose d’un bureau infirmier et d’une salle de pause. L’UCC possède également une salle snoezelen utilisée par la psychomotricienne. Un chariot avec du matériel snoezelen peut être déplacé dans les chambres lorsque les patients ne sont pas aptes à se mouvoir.

Les différents temps de toucher dans la vie des patients 

Les temps de toucher pour les personnes en institution sont surtout représentés par les temps nécessaires aux soins infirmiers : la prise des médicaments, les pansements, les soins des plaies. Ainsi que les temps alloués aux soins d’hygiène : les toilettes, la douche ; à l’aide à la nutrition et à l’aide aux transferts réalisés par les aides-soignants. Selon le niveau de dépendance des patients, ils reçoivent plus ou moins d’aide dans leurs soins et leurs transferts. Le temps de toucher n’est donc pas le même pour chaque patient. Les patients de l’USLD sont dépendants au niveau médical. Ils sont aussi pour un grand nombre dépendant au niveau de leurs actes moteurs : se déplacer, se nourrir, se laver. Les patients de l’UCC sont, eux, le plus souvent indépendants d’un point de vue moteur. Certains ont besoin d’une stimulation verbale pour effectuer des gestes de la vie quotidienne. Pour certains, leurs troubles cognitifs et leurs troubles du comportement ne leur permettent pas d’être autonomes pour effectuer leurs soins d’hygiène. Leurs actions ne sont pas toujours adaptées. Certains montrent une agnosie qui les empêche d’utiliser correctement un objet qu’ils ne reconnaissent plus. D’autres ont une difficulté d’organisation des différentes étapes de la toilette, ils oublient comment faire ou montrent un refus de faire. J’ai pu observer qu’il est souvent difficile pour les patients d’être acteur de leurs soins. Ils ont un rôle d’objet de soins dans ces moments de toucher. Le toucher des soignants est un soutien au patient et à leurs corps. Cependant, ce toucher perd son aspect relationnel, ou du moins, celui-ci est relégué au second plan. Dans leurs formations les infirmiers et aides-soignants sont initiés à accompagner la personne selon le principe de la pyramide des besoins de Maslow. Elle est issue de l’article A Theory of Human Motivation écrit par A. Maslow en 1943. Il s’agit d’une hiérarchisation des besoins individuels sous forme de pyramide. Ainsi, les besoins vitaux comme se nourrir, boire et dormir forme la base de la pyramide. Sur les besoins physiologiques reposent, de bas en haut de la pyramide, le besoin de sécurité, le besoin d’appartenance, le besoin d’estime et le besoin de s’accomplir.

De plus, à l’hôpital, nous touchons le patient dans le but de le guérir et de le soigner. Or dans la vie de tous les jours, nous ne sommes pas touchés uniquement lorsque nous avons besoin d’être guéris ou soignés. Tout au long d’une journée, nous sommes engagés dans différents contacts tactiles ou non. Ceux-ci sont conscients ou inconscients ainsi que désirés, inopinés ou circonstanciels. Ils se produisent avec des personnes que nous connaissons mais aussi avec des inconnus. Ces contacts ont lieu à différents moments et dans divers contextes spatio-temporels. Par exemple, lorsque nous saluons une connaissance ou lorsque nous sommes dans les transports en commun et que ceux-ci sont bondés. Il est alors difficile de ne pas créer de contact physique avec un autre. Ces contacts ressentis comme agréables ou désagréables, sont à l’origine de réactions tonico-émotionnelles incontrôlées et parfois inconscientes. Ce sont des réactions toniques mises en jeu par le flux émotionnel qui nous anime au moment du toucher. En fonction de comment le sujet a été affecté par cette rencontre tactile, les réactions mises en place ne sont pas les mêmes. Elles sont d’autant plus présentes dans les situations anxiogènes. Elles peuvent faire naître des changements au niveau des coordinations statiques et dynamiques, mais aussi au niveau des mimiques, de la parole et de la vie neurovégétative (augmentation ou diminution du système cardiaque, respiratoire et glandulaire). Ces moments de toucher, parce qu’ils diffèrent les uns des autres, nous permettent d’enrichir nos perceptions et nos représentations. Celles-ci sont stockées, du moins en partie dans notre mémoire sensorielle. Cependant, pour les personnes institutionnalisées, ces moments de toucher se font rares puisque, pour la plupart, ils restent dans le même cadre spatio-temporel. Lorsqu’un toucher se produit, il a lieu avec les mêmes personnes (les soignants), dans un même endroit (le lieu de vie) et souvent dans une même temporalité. C’est-à-dire que pour des raisons d’organisation, la vie des patients est rythmée, il n’existe plus de place à l’imprévu.

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Table des matières

Introduction
I. Observation clinique
A. Présentation générale de l’établissement
1. L’établissement
2. Organisation spatiale des unités
3. Les différents temps de toucher dans la vie des patients
B. La prise en charge
1. La place de la psychomotricité auprès de la personne âgée
a. L’objectif global de la psychomotricité
b. Les indications
c. La prescription médicale
d. Le bilan psychomoteur
e. L’axe thérapeutique
f. Le cadre des séances
2. Le cas de Madame B
a. Anamnèse
b. Sémiologie psychomotrice
c. Observations cliniques de Madame B
3. Le cas de Madame L
a. Anamnèse
b. Sémiologie psychomotrice
c. Observations Cliniques de Madame L
4. Le cas de Monsieur G
a. Anamnèse
b. Sémiologie psychomotrice
c. Observations cliniques de Monsieur G
C. Questionnement autour de la clinique observée
II. Partie clinico-théorique
A. L’apparition des douleurs
1. Le vieillissement et ses conséquences
a. Le vieillissement physiologique
b. Changement tonique
c. Changement moteur
d. Changement sensoriel
e. Changement du schéma corporel et de l’image du corps
f. Changement cognitif
g. Le vieillissement pathologique
h. L’institutionnalisation
i. Les conséquences du vieillissement en résumé
2. La douleur
a. Définition
b. Douleur physique
c. Douleur morale et souffrance psychique
d. L’angoisse, un type de souffrance psychique
e. Douleur chronique, douleur pathologique
3. L’impact de la douleur sur l’organisation psychomotrice
a. Le tonus
b. La motricité
c. Le sensoriel
d. Le Schéma Corporel
e. L’image du corps
f. Le comportement
B. Le toucher thérapeutique
1. Définition du toucher thérapeutique
2. Les différents touchers en psychomotricité
a. Le toucher-massage
b. Les mobilisations passives
3. La psychomotricité et l’approche du toucher
a. La formation du psychomotricien
b. La relation, l’outil du psychomotricien
c. La posture du psychomotricien
d. Le toucher et l’être touché
e. Le dialogue tonico-émotionnel, le Holding et le Handling
4. Les fonctions de l’instance du Moi-Peau
Conclusion
Ouverture
Bibliographie

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