DU SIÈGE AU TERRAIN, UNE COLLABORATION EN QUESTION À L’ÂGE D’OR DU CIE

Le CIE : un « laboratoire d’essai » pour les organisations internationales

INTRODUCTION

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, au moment où la communauté internationale rassemblée aux Nations unies figurait de façon concrète son ambition de préserver la paix et de sauvegarder les droits de l’homme dans un mouvement universel, le Mexicain Jaime Torrès Bodet s’est fait par ces mots la voix significative d’un enjeu considéré comme conforme à « l’idéal de la conscience contemporaine » : celui de la protection de l’enfance. La création d’organisations internationales dans le sillage de l’ONU, au rang desquelles se trouvent l’UNESCO, que Jaime Torrès Bodet dirige de 1948 à 1952, l’OMS, qui se positionne en tant que principal protagoniste de la mise en place d’un système international de santé publique, et l’UNICEF ou FISE, qui porte initialement secours à l’enfance meurtrie par la guerre, témoigne du souci partagé des États d’œuvrer pour une prise en charge globale de l’enfance dans le monde3. L’esprit de coopération Citation extraite de BERTHET Étienne, MANCIAUX Michel, Le Centre international de l’enfance, Paris, La Documentation Française, coll. « Notes et études documentaires », 1979, p. 7. Rédigé par deux médecins qui se sont succédé à la direction générale du Centre international de l’enfance (CIE), l’ouvrage revient sur les premières années d’activités de l’organisation. Paru à l’occasion de son trentième anniversaire, il a été précédé d’une première édition publiée dans la même collection en 1975, portant le n° 4240. L’Organisation des Nations unies (ONU) est officiellement créée en juin 1945 lors de la conférence de San Francisco qui réunit 51 États fondateurs. DEVIN Guillaume, Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 2e édition, 2016, p. 41. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation mondiale de la  santé (OMS) sont fondées quant à elles respectivement en 1946 et 1948 et deviennent des institutions spécialisées des Nations unies. Ibid., p. 44. Le Fonds international de secours à l’enfance (FISE ou UNICEF en anglais) est créé quant à lui en décembre 1946 par l’Assemblée  générale des Nations unies.
En 1953, le Fonds obtient un statut permanent au sein de l’ONU et perd le caractère d’urgence qu’il présentait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le sigle UNICEF est cependant gardé. BLACK Maggie, Children First. The Story of UNICEF, Past and Present, New York, Oxford University Press, 1996, « On a dit que notre siècle, en recommandant une psychologie compréhensive dans l’éducation, avait redécouvert l’enfance. Il sait du moins qu’il existe un monde particulier… dont la sensibilité et l’imagination obéissent à des lois propres, un monde spécialement malléable, que les régimes despotiques ont voulu modeler comme terre glaise, mais en lequel nous respectons déjà la vocation des personnalités et des sociétés futures… De cette découverte de l’homme, dans la phase de son développement où il se montre le plus plastique, devrait découler une sorte de révolution dans la conduite de l’adulte à l’égard de l’enfant… Là où vit un enfant subsiste une espérance… » Gaborieau Pierre | Le Centre international de l’enfance et les organisations internationales humanitaires : entre concurrence et complémentarité (1947-1980) internationale, incarné dans l’entre-deux-guerres par la Société des Nations (SDN) puis remis en question lors du second conflit mondial, se révèle de nouveau manifeste en s’employant au service d’une enfance porteuse d’espérances retrouvées. Cet esprit est mis en avant lorsqu’en mai 1949, le directeur général de l’UNESCO soutient aux Nations unies la proposition débattue du médecin et pédiatre français Robert Debré (1882-1978), alors représentant de la France à l’UNICEF, et du gouvernement français, de créer un Centre international de l’enfance basé à Paris4. Cet organisme devait prolonger les activités du Fonds des Nations unies menées en faveur de l’enfance. Parmi celles-ci, la recherche sur la vaccination contre la tuberculose et un enseignement international de pédiatrie sociale. Le souhait de Robert Debré, ami proche du fondateur emblématique de l’UNICEF Ludwik Rajchman (1881-1965), était de « développer, plus que ne le prévoyait l’UNICEF, la formation et l’information du personnel voué à l’enfance ». Le médecin voulait faire de la pédiatrie sociale, une discipline qui promeut une approche globale des problèmes liés à l’enfance, la pierre angulaire d’une structure qui considérerait, selon l’expression attribuée par Robert Debré à Jaime Torrès Bodet, « l’enfant comme un tout » .
Après d’importantes négociations entre l’ONU, les organisations internationales et les ministères du gouvernement français, le CIE voit officiellement le jour le 10 novembre 1949 à la suite d’un décret ministériel. Identifiée dans ses statuts officiels comme fondation reconnue d’utilité publique, l’organisation prend son siège au château de Longchamp, en périphérie de la capitale, et bénéficie à sa naissance du financement partagé de l’UNICEF et de l’État français. De ce fait, le CIE est créé dans l’espace national comme un organisme tributaire de l’État, répondant aux lois françaises, mais également comme une structure mise à la disposition des organisations internationales qui intègrent dans leurs missions l’action humanitaire en faveur de la protection de l’enfance dans le monde. Le centre occupe ainsi dès sa genèse un positionnement original, « à Bien que plutôt ambiguë, cette situation permet à la fondation de poursuivre des programmes d’action concrets à l’international, en premier lieu dans les pays dits « en voie de développement », et notamment sur le continent africain qui devient l’un de ses terrains d’intervention privilégiés. Tout en s’inscrivant dans la nébuleuse des organismes capables d’agir au-delà des frontières nationales, elle développe l’essentiel de ses activités dans les domaines de l’enseignement, de la recherche, et de la publication. Plus qu’un simple outil mis à l’usage des organisations internationales, le CIE, qui se démarque par la pluralité de ses compétences et l’originalité de son travail, devient dans le second XXe siècle un acteur singulier du mouvement international d’aide en faveur des enfants.

Une construction singulière, au croisement des échelles internationales, nationales et locales

Après avoir obtenu les autorisations nécessaires à sa création, le Centre international de l’enfance est inauguré en grande pompe le 18 janvier 1950, à Paris, dans le salon de l’Horloge du ministère des Affaires étrangères, en présence de personnalités de l’UNICEF, de l’OMS et de l’UNESCO111. Inscrite dans la loi française, la fondation manifeste dès sa première année d’activité un caractère éminemment international. Les statuts qui la définissent font d’elle une structure originale, liée à la fois aux organisations internationales onusiennes et au gouvernement français.
Son financement est tout aussi particulier. Le CIE fonctionne en majeure partie grâce aux subventions accordées par l’UNICEF et l’État. Ce financement autorise la réalisation de programmes d’activités très larges, faisant la part belle à la pluridisciplinarité. Alors, dans les premières années, tout l’enjeu est pour le CIE de se faire reconnaître auprès des institutions nationales et internationales, ce qui s’avère en premier lieu compliqué. L’objectif : s’affirmer parmiles acteurs de la protection de l’enfance.

Une œuvre originale

Pour comprendre en quoi le CIE est une fondation unique en son genre, il faut d’abord se pencher sur ce qui fait de lui ce qu’il est : ses statuts officiels. Rédigés en concertation avec le gouvernement français et les organisations internationales, ceux-ci le positionnent dans une situation atypique, au carrefour des milieux nationaux et internationaux. Cette sous-partie est l’occasion de donner des détails indispensables pour mieux comprendre la position initiale du CIE, sa construction, son financement, ainsi que la réalité de son action.
Une fondation française liée aux organisations internationales. La première indication que l’on doit fournir est la suivante : la fondation dite « Centre international de l’enfance » est une fondation française. Ses statuts, divisés en 19 articles et annexés au décret ministériel du 10 novembre 1949 « portant reconnaissance d’une fondation comme établissement d’utilité publique », placent l’organisme sous le contrôle du gouvernement français112.

Son siège, le château de Longchamp, situé en périphérie de Paris, est la propriété de l’État. Son objectif fondamental est indiqué dans l’article premier de ses statuts : « [Le CIE] a pour objet de favoriser dans les différents pays du monde l’étude des problèmes qui touchent à l’enfance, la diffusion des notions d’hygiène et de puériculture, la formation technique du personnel spécialisé ». Il s’agit donc d’un centre lié à l’État français, « soumis aux règles du droit français », destiné à agir pour la protection de l’enfance. À première vue, rien de très singulier. Outre l’UNICEF qui dépend de l’ONU, on compte au début des années 1950 de nombreuses structures se proposant à cette mission, éparpillées à travers le monde, notamment dans les pays anglo-saxons. En 1952, Ludwik Rajchman « évalue à 20 le nombre des institutions de l’espèce existant aux États-Unis, en signale la présence d’un certain nombre en Grande-Bretagne, l’absence totale en Europe occidentale, et l’existence d’un nombre important en Europe centrale et orientale ». À l’échelle mondiale, les organismes spécialisés dans le domaine de la pédiatrie, de la médecine sociale, de la psychologie ou encore de la nutrition, ne manquent donc pas.
C’est son caractère international qui fait la première originalité du CIE. D’après ses statuts, la fondation « est placée à la disposition des organisations spécialisées et des services des Nations unies, ainsi que des différentes institutions nationales de protection maternelle et infantile ». Par cette indication, le centre est associé de façon très proche à l’ONU, à ses États membres, ainsi qu’aux organisations nationales et internationales dédiées à l’enfance. Cela se traduit par des organes administratifs très tournés vers l’international. En annexe 2 est proposé un organigramme du CIE présentant ces différents organes et précisant leurs attributions. Cet organigramme a été élaboré à partir des statuts du centre et de son règlement intérieur, établi par son Conseil d’administration, le 21 juin 1950. Nous nous y rapporterons à plusieurs reprises dans la suite de nos développements.
Le Conseil d’administration du CIE est constitué, à l’origine, de neuf membres, dont six sont « désignés par arrêté conjoint du ministère des Affaires Étrangères et du ministère de la Santé Publique et de la Population », et trois sont « cooptés par les six premiers ». Parmi ces neuf personnes, seules trois sont de nationalité française, dont Robert Debré, élu président à la première séance du Conseil, les 18 et 19 janvier 1950. Un dixième membre, coopté, est ajouté en juin 1950, ce qui engendre une première modification des statuts du CIE, le 28 décembre 1950. Parmi les premiers membres, l’éminent Britannique Lord John Boyd Orr of Brechin, directeur de la FAO de 1945 à 1948, prix Nobel de la paix en 1949, cède rapidement son siège, tout comme* l’Australien Ronald Walker, remplacés en 1951 par la Marquise de Reading, de nationalité britannique, et Arthur Wauters. Ce dernier arrive au Conseil d’administration après avoir été pendant un an le premier directeur général du CIE. Wauters est un diplomate belge qui occupait la fonction d’ambassadeur en Pologne. Le gouvernement français le présente comme un « « vieux socialiste de nuance modérée », spécialiste des questions sociales, très sincère ami de la France ». En 1951, il cède sa place à la direction du centre au Français Maurice Gaud. En annexe 3 est présenté un tableau listant les différents directeurs généraux et présidents du CIE de sa création en 1949 jusqu’à sa disparition en 1997.

Le jour d’après, Arthur Wauters invite le directeur à visiter le château de Longchamp et à l’entretenir des projets du centre, lui assurant « qu’ils ont été conçus avec la préoccupation d’éviter les conflits d’attribution et les doubles emplois ». La situation est donc bien gérée du côté des Français, qui se veulent rassurants. Un membre de l’OMS est finalement désigné pour siéger à la première réunion du CCT, qui se tient le 2 mai 1950. Par ailleurs, l’antagonisme partagé entre les fondateurs du centre et Brock Chisholm, nourri depuis le temps des discussions menées à l’ONU – le Canadien a été le meneur de la campagne soutenue par l’OMS contre la création du CIE –, ne se manifeste plus à partir de 1953, puisqu’un nouveau directeur général est nommé à l’OMS, le Brésilien Marcolino Gomes Candau. Cette parenthèse nous permet d’affirmer, une première fois, que les relations qu’entretiennent le CIE et l’OMS, et plus largement les organisations internationales, sont avant tout une affaire de personnalités.
La première réunion du Comité consultatif technique du CIE, présidée par Arthur Wauters, réunit cinq organisations internationales, l’UNICEF, l’OMS, la FAO, l’OIT et l’UNESCO. À noter l’absence d’un représentant de la Division des Affaires Sociales de l’ONU pour ce premier rendezvous. Robert Debré, le « patron », ne manque pas d’y faire une première intervention. Son objectif : insuffler au comité cet esprit si particulier, englobant, transnational, dont il souhaite qu’il soit imprégné. Le ton est solennel : « Votre présence ici […] est le symbole de la multiplicité de notre action. Le problème de l’enfance est un tout. Ce n’est pas seulement son équilibre qui importe. Les représentants des différents organismes ici présents, témoignent de cet esprit et doivent nous aider à accentuer le côté social de notre action […]. Le centre est une fondation très spéciale. C’est une fondation française, à caractère international, à fonctionnaires de toutes nations. Le statut particulier de ces fonctionnaires non français, est un symbole de leur statut international. Nous tenons à ce que notre centre ne connaisse ni frontière, ni rideau. Nous désirons que les travailleurs de tous les pays collaborent avec nous […] » C’est par ces mots rassembleurs qu’est inauguré le travail du Comité consultatif technique. Sa mission fondamentale au sein du centre est de fournir des vues d’experts afin de participer au bon développement de la structure. Ses recommandations parviennent au Conseil d’administration, qui décide a posteriori des programmes à exécuter pour l’année suivante. Pour les personnalités qui siègent à la table du comité, l’enjeu est avant tout d’assurer la coordination des programmes du centre par rapport aux activités des organismes internationaux.
Prévu à l’origine pour que se tienne au moins une réunion par an, le Comité consultatif technique du CIE ne se réunit pas moins de 55 fois entre 1950 et 1978, au rythme de deux sessions par an126. Le tableau ci-dessous donne des précisions quantitatives sur la représentation des organisations onusiennes au CCT au cours de cette période. Si les données de ce tableau montrent que le nombre de représentations de chaque organisation aux sessions du comité dépasse souvent le nombre total de réunions tenues (55), c’est qu’il arrive que plusieurs experts d’une même organisation, souvent deux ou trois, siègent en même temps au CCT. Cela s’explique notamment par le fait que les organisations délèguent souvent des représentants de plusieurs de leurs bureaux régionaux. À l’OMS, cela se traduit la plupart du temps par l’envoi d’un membre de son siège, basé à Copenhague, ainsi que d’un membre de son Bureau européen, basé à Genève. Ce tableau indique également que certains membres du comité ont pu représenter à la fois l’UNICEF et l’OMS, ce qui suscite des interrogations que nous serons amenés à développer par la suite.

Enfin, la troisième grande branche d’activités du CIE est l’information. La structure souhaite être un lieu où se concentre l’essentiel de la documentation, essentiellement francophone, relative à la prise en charge et à la protection de l’enfance. Un tel lieu n’avait encore jamais existé sur le territoire. Cette orientation s’inscrit parfaitement dans la volonté des responsables du centre de faire connaître universellement les problèmes médicaux et sociaux liés à l’enfance. Deux publications emblématiques du CIE caractérisent cette ambition : le « Courrier du CIE », revue médico-sociale publiée dès 1950, et la revue titrée « L’enfant en milieu tropical », diffusée à partir de 1961 à destination des pays « en voie de développement ». La publication d’ouvrages, de mémoires et de divers documents de travail est également assurée149. Le service des relations internationales du CIE joue un rôle primordial dans le domaine de l’information. Initialement, il s’agit pour ce service crééen 1952 de faire connaître à l’UNICEF les différentes activités en cours. Mais la mission de ce service évolue vite. Rapidement, il assure la liaison du centre avec tous les acteurs du monde de la protection de l’enfance : « Les Nations unies et leurs institutions spécialisées ; les instituts de l’enfance en voie de création dans le monde sous les auspices du FISE ; les organismes s’occupant des questions de l’enfance sur le plan social, en France et hors de France ; les auditeurs des cours organisés par le CIE ; les individus, groupements ou associations ayant été en rapport de travail avec le CIE ou désirant être informés de ses activités ». Enfin, le centre participe à la réalisation de nombreuses conférences, de réunions internationales ainsi que d’expositions. Au final, on peut résumer le projet du CIE dans le domaine de l’information par sa revendication première à constituer une « plaque tournante » dans le monde en matière de connaissance de l’enfance, comme il l’entend déjà devenir en 1954 : « Étant donné la multiplicité des organismes qui se consacrent à un aspect ou à un autre des problèmes de l’enfance, il semble souhaitable que le CIE qui se voue à « l’enfant tout entier » devienne l’organisme auquel les spécialistes de l’enfant et même le grand public prennent l’habitude de se référer chaque fois qu’il s’agit de connaître ou protéger l’enfant ».
Alors, pour les membres du CIE, il est clair que la fondation doit constituer un « centre de synthèse consacré à l’étude des problèmes de l’enfance », agissant au travers d’une action large, transnationale et pluridisciplinaire152. Car le positionnement juridique du CIE défini par ses statuts officiels le lui permettent. Néanmoins, au regard des acteurs qui investissent l’espace de la protection de l’enfance, cette situation apparaît souvent floue, en particulier dans les premières années. Le CIE est parfois considéré comme une organisation internationale à part entière, ou comme une institution nationale vouée à l’enfance, ou bien seulement en tant qu’organisme régional. Dans les années 1950, alors qu’il est encore en rodage, il éprouve certaines difficultés à être reconnu. La fondation entend néanmoins se démarquer, tout en préservant une forte relation de proximité avec les organisations internationales. Cette période d’activité expose à la lumière les fondements du conflit identitaire que le CIE portera tout au long de son existence.

Un organisme en quête d’identité dans ses premières années

Les premières années sont compliquées pour le CIE. La fondation souhaite faire reconnaître son action auprès des organisations onusiennes, mais la tâche s’avère difficile. En plein essor, ces dernières monopolisent le champ de la santé publique internationale. Elles peinent surtout à identifier la structure crée par Robert Debré. Leur représentation au sein de cette nouvelle structure pose aussi question. Pour les membres du centre, la quête d’identité s’annonce délicate, la marge de manœuvre, réduite. Le CIE est alors dans l’obligation de coopérer et d’inscrire son action dans la lignée des politiques menées par les institutions des Nations unies.

Des difficultés à acquérir une certaine reconnaissance

De nombreux éléments nous permettent d’affirmer que les différentes institutions peinent initialement à cerner l’identité du CIE et le projet que celui-ci entend porter. La sphère onusienne est la première concernée. La structure du CIE, encore en construction dans les années 1950, et ses méthodes d’action, font débat chez les organisations internationales. Pour l’UNICEF, il s’agit de reconnaître, mais aussi de faire reconnaître aux Nations unies, l’action d’un organisme qu’il finance. Au mois de juin 1950, le Fonds international demande alors de la main du directeur général du CIE une confirmation officielle, en bonne et due forme, du fait que le centre utilise ses subventions pour la réalisation d’activités à visée internationale, et du fait que les auditeurs des cours donnés par le centre ne sont pas français153. Les dirigeants du Fonds doivent prouver aux Nations unies que le CIE n’est pas un simple organisme d’intérêt national et qu’il est justifiable de le financer. Car ce que l’on sait, c’est que le CIE n’est qu’un élément parmi d’autres dans le large cercle des bénéficiaires de l’UNICEF : en 1952, le Conseil économique et social de l’ONU « approuve la participation du [Fonds] à 53 projets de protection de l’enfance intéressant 39 pays » dans l’une de ses résolutions. Cette année-là, quand les moyens du Fonds sont revus à la baisse en raison de la non réalisation du programme 1951-1952 – le programme optimum de l’organisation passe de 30 millions de dollars en 1951-1952 à 20 millions de dollars en 1952-1953, on peut émettre l’hypothèse que l’UNICEF ait encore été appelée à prouver la nature internationale des activités du CIE154.

Notre première partie, centrée chronologiquement sur les années qui ont précédé et suivi la création du Centre international de l’enfance, a posé les fondements de l’étude des relations nouées entre la fondation et les organisations internationales. En faisant appel à la diversité des sources en présence (documents officiels, correspondances, rapports, etc), nous avons montré que le CIE est une structure originale, unique en son genre. Son apparition dans le milieu international à la fin des années 1940 a provoqué une vive réaction aux Nations unies, dans une mesure considérable. Positionné au carrefour de différentes échelles, dans une situation parfois difficile à apprécier, souvent soumis au débat mais supporté par l’UNICEF, le CIE a donné à Robert Debré et à ses confrères le moyen de diffuser une perspective singulière de la prise en charge de l’enfance dans le monde, une approche incarnée par la pédiatrie sociale. Sa création a aussi permis d’engager la France dans la reconquête d’un prestige international au moment où le modèle médical anglo-saxon se diffuse au travers de l’action de l’OMS.
Nous pouvons insister ici davantage sur le fait que le CIE ouvre au début des années 1950 un nouveau champ dans l’espace transnational. Au moment où les organismes reliés aux Nations unies – l’OMS, l’UNICEF, l’UNESCO, l’OIT, la FAO, la Division des Affaires Sociales de l’ONU  chacun doté d’importants moyens, bousculent les hiérarchies et conviennent de s’octroyer le monopole de leur domaine de compétences, le centre offre un cadre rassembleur, où peuvent être discutées des orientations communes. À l’image des comité mixtes qui se créent bilatéralement entre les organisations, des lieux d’échanges sont institués au CIE. Les différents groupes de travail qu’il constitue en fournissent un témoignage. Mais l’exemple qui en est le plus représentatif est son Comité consultatif technique. S’il est initialement imaginé pour que les représentants des différentes organisations internationales puissent faire part de leur expertise au CIE, ce comité est également un lieu où interagit l’ensemble des acteurs onusiens. Dans ses limites s’observe un glissement transnational de la représentation, car si d’ordinaire des États membres sont représentés au sein des organisations internationales, le CCT rassemble uniquement des représentants d’organismes non étatiques. Il fournit alors des occasions uniques aux structures intéressées aux problèmes de l’enfance de se rencontrer. Le centre se dévoile ainsi en tant que structure centralisante dans un espace ouvert et dynamique.

Le CIE : un « laboratoire d’essai » pour les organisations internationales

Entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, le CIE connaît la période la plus faste de son existence. Alors qu’il voit son influence s’accroître dans le milieu international, il prend position en tant qu’acteur majeur du mouvement international mené en faveur de l’enfance. Le CIE, qui propose une approche unique de la prise en charge de l’enfance, constitue alors un véritable « laboratoire d’essai » dans l’espace international, complémentaire des organisations onusiennes. Dans les années 1960, il apparaît comme une structure pionnière, bénéficiant d’une situation privilégiée et de moyens importants. Le positionnement du centre, toujours « au service » des organismes internationaux, pose néanmoins question dans la mesure où la fondation défend toujours à cette période une ambition propre et des intérêts particuliers. Ce chapitre est l’occasion de dérouler notre réflexion sur le sujet, en prenant pour objet d’étude les relations entretenues entre le CIE et les organisations internationales au moment où le centre connaît un grand succès. Dans un premier temps, nous montrerons en quoi cette période constitue un âge d’or pour le CIE. Dans un second temps, nous porterons notre regard sur la nature complémentaire du centre par rapport aux institutions internationales ainsi que sur sa liberté d’action.Un centre en plein essor dans l’espace des organisations internationales Clairement, la période qui s’écoule de la fin des années 1950 jusqu’aux années 1970, soit une quinzaine d’années environ, constitue l’âge d’or du CIE. En 1957 débute le premier mandat quinquennal de financement décidé en concertation entre le gouvernement français et l’UNICEF. Les moyens du centre augmentent, les budgets s’accroissent, le personnel s’étoffe et se spécialise, les services se développent. Alors, et ce jusqu’en 1970, date à laquelle sont renégociés les accords financiers, le CIE peut densifier et étendre ses activités. Dans ces circonstances, les membres du CIE sont dans la capacité de mener à bien le dessein des fondateurs : œuvrer pour l’enfance en considérant tous les aspects des problèmes qui lui sont liés.

Des moyens plus importants

De nombreux éléments objectifs nous permettent d’affirmer que l’action du CIE atteint son apogée dans les années 1960. Les évolutions qu’il connaît peuvent être quantifiées. Les chiffres feront donc office de fil rouge dans le cadre de cette sous-partie. Le centre possède davantage de 75 Gaborieau Pierre | Le Centre international de l’enfance et les organisations internationales humanitaires : entre concurrence et complémentarité (1947-1980) moyens à cette période, notamment sur le plan financier. Assurément, le montant des subventions est révélateur. En 1956, les dirigeants du CIE se félicitent de la tournure que prennent les événements sur ce plan. Dans la mesure où les premières activités menées en relation avec les organisations internationales ont porté leurs fruits, les négociations engagées auprès des institutions nationales et internationales aboutissent à ce moment :

« L’année 1956 a marqué une nouvelle et importante étape dans la vie du Centre international de l’enfance. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance et le gouvernement français ont en effet décidé de continuer pour une nouvelle période de cinq ans (1957-1961) leur participation au financement des activités du CIE, chacune des parties prenant à sa charge 50 % d’un budget dont le plafond annuel a été fixé à 600 000 dollars, soit 210 millions de francs » Si le CIE trouve des sources de financement auprès des institutions françaises – certains ministères lui offrent aussi des aides inscrites au montant des « recettes diverses »–, il bénéficie également de subventions d’organismes internationaux. Qui sont-ils ? L’UNICEF, évidemment. Mais aussi l’OMS, surtout. L’organisation s’investit particulièrement dans le domaine de la recherche sur la tuberculose et sur les vaccins BCG. Ainsi, en 1967, une importante subvention est accordée dans cette branche. Au passage, on remarque que la division scientifique de l’OTAN apporte la même année un soutien financier au CIE pour ses études sur la croissance et le développement de l’enfant209. On note ensuite que l’aide de l’OMS se caractérise aussi par l’envoi de boursiers aux enseignements du CIE. Ces boursiers sont désignés par l’OMS en concertation avec le centre. Le graphique ci dessous présente l’évolution du nombre de boursiers de l’OMS envoyés aux enseignements du CIE entre 1950 et 1967210.

Les pays « en voie de développement » : terrains d’intervention privilégiés et
controversés du CIE

Dès les premiers temps de son existence, le CIE a souhaité donner à son action un caractère international, universel. Dans les années 1950, les premières politiques qu’il mène sont empreintes de la volonté profonde de Robert Debré d’œuvrer pour l’enfance du monde et de se mobiliser dans les régions où elle est la plus en peine. L’Afrique est aussitôt ciblée. Dès 1952, le centre organise un colloque international en collaboration avec les institutions des Nations unies en Afrique équatoriale française, à Brazzaville, ville hautement symbolique, dans l’objectif de « faire un inventaire général des problèmes spécifiques de l’enfance en milieu tropical africain ». Cette rencontre pose la première pierre de l’action du CIE hors d’Europe.
En 1955, le service des activités dans les pays en voie de développement est créé ; la délocalisation géographique des opérations du centre est lancée. Rapidement, le processus d’extension territoriale des activités s’accentue. Dans les années 1960, celles-ci couvrent une aire extrêmement large. L’Afrique mais aussi l’Europe de l’Est, l’Amérique Latine, le Moyen Orient et l’Asie sont autant de théâtres d’intervention différents à travers le monde281. Durant cette décennie, le centre occupe de fait une place privilégiée sur la scène internationale aux côtés des institutions de l’ONU, qui poursuivent en ce temps une politique dite d’assistance aux pays « en voie de développement ». Pour le CIE, qui s’inscrit dans la lignée de cette politique, le but est de répondre aux besoins des pays « déshérités » dans le domaine de la protection de l’enfance. Ces besoins se font surtout sentir dans le champ de la formation des personnels de la santé publique et de l’enfance, champ dans lequel le centre s’investit considérablement.
À cette période, les activités du CIE sont fécondes. Elles touchent un nombre élevé d’individus sur tous les continents. Deux « filiales » se développent particulièrement bien282 : la filiale africaine, dirigée par Jean Sénécal, et la filiale latino-américaine, supervisée par Luis Torres Barbosa. Cependant, du côté des organisations internationales, il arrive que l’on se méfie de l’influence grandissante du CIE en Afrique et en Amérique Latine. Les politiques décidées au siège par le Conseil d’administration se heurtent à plusieurs reprises à l’opposition de certaines institutions. Dans les pays africains et latino-américains, l’OMS et la FAO voient notamment en lafondation un vrai concurrent, voire un rival. Aussi, ce chapitre est l’occasion de mettre l’accent sur les stratégies menées par le CIE et les organisations internationales dans les territoires « en voie de développement » et de souligner, une fois encore, toute la complexité de leurs relations.
Répondre aux besoins des pays « déshérités » dans le domaine de la protection de l’enfance L’action du CIE en Afrique et plus largement dans les pays « en voie de développement » répond au désir originel de Robert Debré de venir en aide aux enfants des pays « déshérités ». Appuyé par Ludwik Rajchman à l’UNICEF, le pédiatre français comprend très tôt la nécessité de développer une action en faveur de la médecine préventive et pour la formation et l’information des personnels voués à la santé publique et à l’enfance. Cette volonté est parfaitement conforme à la conscience de l’époque ainsi qu’aux politiques menées par les États et les organisations internationales. Aux Nations unies, l’idée selon laquelle il est nécessaire de porter assistance aux populations démunies dans les régions reculées du monde fait l’unanimité. L’enjeu est de favoriser le « développement » de ces territoires et y acheminant des méthodes et des techniques modernes. Au tournant des années 1960, lorsque de nombreux États africains accèdent à l’indépendance, la demande s’accroît fortement. Pour la France, l’action du CIE constitue alors un enjeu important. À cette période, le centre se démène en Afrique comme sur les autres continents pour mener à bien sa mission. Nous nous concentrerons dans cette partie sur l’action du CIE en Afrique et en Amérique Latine, deux espaces où s’articulent, on peut le dire, d’importants enjeux de domination.

Les opérations du CIE dans les colonies françaises posent question compte tenu des liens qui existent entre la fondation de Robert Debré et le gouvernement français. Yves Denéchère explique que « pour le CIE, agir en Afrique c’est […] d’abord et avant tout s’investir dans l’espace colonial français regroupé dans l’Union française jusqu’en 1958 et développer une œuvre médicale et sanitaire entamée antérieurement ». En effet, à la veille des années 1960, le centre est un moyen pour l’État français de prolonger son action dans les territoires colonisés. Indubitablement, au travers de l’intensification des activités de formation des personnels locaux du CIE en Afrique, la France entretient une certaine influence dans ses colonies. Malgré tout, les intentions du centre peuvent être nuancées à ce sujet. À l’origine, le CIE est plutôt réservé à l’idée d’accroître ses activités en Afrique. En 1953, le directeur général, Maurice Gaud, estime que « par souci d’équilibre, le centre ne saurait inclure dans ses programmes un nombre trop élevé d’activités orientées sur l’Afrique ». Agir en Afrique n’est donc pas la principale des ambitions affichées par le centre. Et si les activités s’y développent de manière considérable à la fin des années 1950, c’est en grande partie sous l’impulsion de l’UNICEF, qui juge indispensable la délocalisation géographique de l’action du centre. Le Fonds s’oppose sur ce point à l’OMS, très réservée à l’idée que le CIE se développe aussi rapidement et sur un plan aussi large : « Le Dr. Peterson pose la question du développement des activités du CIE et de leur extension géographique. Il estime que l’action du centre gagnerait peut-être à être plus limitée […]. Le Dr.
Egger souligne que si le CIE prend cette extension dans les pays en voie de développement, c’est sur le désir maintes fois exprimé par le comité que son action ne soit pas restreinte à l’Europe […]. En ce qui concerne l’Afrique, le Dr. Egger pense que le moment est peut-être venu de décentraliser les activités du CIE »

L’année suivante, au mois d’avril, Robert Debré est convié à la rencontre internationale de Bellagio, en Italie. Organisée sous les auspices de l’UNICEF, ce rendez-vous fait se réunir les organisations internationales en table ronde pour débattre des politiques à privilégier pour « l’enfance et la jeunesse ». Cette rencontre internationale accouche de résultats concrets, allant de le sens du renforcement de l’action des organisations internationales pour la « planification du développement » dans les pays où elles interviennent. Après 1964, le CIE affirme déterminer ses programmes de travail « dans l’esprit des conclusions » de la table ronde de Bellagio330. La planification, soit « l’encadrement par les pouvoirs publics du développement économique et social à l’aide d’un plan », devient une préoccupation majeure du CIE. Les relations de la fondation s’ouvrent alors à de nouveaux acteurs, investis dans le domaine du développement des pays. Parmi eux se trouvent l’Institut d’étude du développement économique et social (IEDES), créé en 1957 par l’État français, l’Institut de développement économique et de planification (IDEP), fondé en 1962 par l’ONU, l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (IRDS), ou encore l’Institut de science économique appliquée (ISEA) de Dakar.

L’OMS est donc fermement opposée à ce que l’UNICEF collabore avec le CIE dans le cadre des projets de planification voulus par les Nations unies. Dans ce contexte, le centre apparaît bien comme un concurrent pour l’organisation. À cet instant, l’OMS se retrouve de fait mise de côté et s’estime lésée, bien que la protection de l’enfance ne soit pas la première de ses attributions. Ce sentiment s’explique car, selon les passages exposés ci-dessus, l’OMS considère les politiques conduites en faveur de l’enfance comme une branche des politiques de santé publique, ce qui témoigne d’une certaine ambiguïté. Plus généralement, cette ambiguïté illustre l’inétanchéité des champs de compétences propres aux organisations internationales. Elle est à la base de nombreux conflits d’attribution et est souvent à l’origine de rapports concurrents dans l’espace des organismes onusiens. Dans le cas qui nous intéresse, cette ambiguïté nourrit les liaisons antagoniques persistantes entre l’OMS et l’UNICEF, et entre l’OMS et le CIE. Au niveau du siège, à Paris, deux protestations sont donc clairement portées en avant par l’OMS en ce qui concerne l’action du CIE au Sénégal : d’un côté, l’organisation s’oppose à l’envoi d’un expert du CIE sur le terrain, considérant le conseil aux gouvernements, et même aux autres organisations internationales, comme sa mission exclusive ; d’un autre côté, elle conteste le fait que le centre puisse contribuer à l’élaboration de plans nationaux de développement sous la tutelle de l’UNICEF, ce qui traduit, selon nous, une certaine jalousie.
L’opposition de l’OMS est donc très marquée face à la tournure « nationale » que prennent les activités du CIE au Sénégal. Cette opposition est toute aussi forte lorsque le centre décide de développer ses activités à l’échelle locale, dans l’Ouest africain. L’hostilité de l’OMS se fixe notamment sur l’une des réalisations emblématique du CIE : le centre pilote de santé publique de Khombole. L’établissement de cette structure régionale avait été envisagé en 1956 dans l’idée d’expérimenter localement, en collaboration avec les institutions sénégalaises, les possibilités d’action en matière de protection maternelle et infantile. L’OMS avait alors mis très tôt son veto à l’initiative. Dans le courant de l’année 1956, l’organisation avançait que « le CIE ne [devait] pas organiser lui-même un centre pilote de protection de la mère et de l’enfant en Afrique, mais apporter sa collaboration à un centre déjà créé et pris en charge par un territoire africain ».

L’argument était repris dans un échange de courriers : « I considered that it would be unwise and unfortunate for the centre to get into the picture at all until such centres were established and could be used for the centre’s teaching programmes ». On remarque une fois encore que l’OMS s’est placée en tant qu’autorité responsable et directrice dans son rapport avec le CIE : « It could well be the role of WHO to assist governments on requests to establish these centres »

Les remarques chroniques de l’OMS à propos du centre rural de Khombole n’ont plus lieu d’être avancées à partir de 1966, année au cours de laquelle la structure est définitivement placée à la charge du gouvernement du Sénégal363. Ce que l’on peut affirmer alors, c’est que Khombole a bien constitué une œuvre unique sur le territoire africain. Le CIE a vu en ce petit centre rural, géré par trois ou quatre personnes, un moyen de montrer qu’une action locale pouvait être menée avec réussite et sans grands efforts financiers et matériels, que des activités faisant la part belle à la médecine préventive et sociale pouvaient être développées directement sur le terrain, et qu’il était possible pour les États africains de se doter d’un centre de santé publique de la sorte. Le CIE a donc bien joué son rôle d’éclaireur, de défricheur, d’ouvreur de voie. En 1966, un passage de témoin s’effectue alors, non sans déplaire à l’OMS. Aussi, le CIE porte déjà de nouvelles ambitions. Après avoir réfléchi à la nouvelle affection de ses crédits, il n’abandonne pas son action au Sénégal et décide d’établir à Pikine, dans un faubourg de Dakar, un nouvelle structure pilote, pendant urbain du centre de Khombole. Le directeur général du CIE signale que « les objectifs du centre de Pikine sont les mêmes que ceux du centre de Khombole ». Aussi l’on envisage que « médecine préventive et médecine curative y [soient] étroitement associés ». Le centre d’étude et d’application de Pikine est officiellement inauguré en mars 1971365. Il présentera néanmoins des résultats mitigés, l’aide financière du CIE cessant seulement deux ans après la création du centre366. L’arrêt anticipé du soutien apporté à Pikine fait particulièrement écho aux difficultés que connaît la fondation dans les années 1970, difficultés sur lesquelles nous aurons l’opportunité de revenir longuement dans l’ultime partie de notre mémoire.

Pour conclure cette sous-partie, nous pouvons affirmer que dans les années 1950 et 1960, le Sénégal a constitué un terrain d’intervention privilégié du CIE. Il s’y est investi très tôt, et y a poursuivi son action dans la durée, tant sur le plan national qu’au niveau du terrain. Aussi le cas du Sénégal constitue un exemple qui illustre bien la réalité des rapports entre le CIE et les organisations internationales dans les pays « en voie de développement ». On retient que l’UNICEF a appuyé l’action du centre, alors que l’OMS s’y est souvent opposé. Le contexte postcolonial, le terreau francophone de l’Ouest africain et l’autorité française, prégnante sur le territoire, ont aussi certainement favorisé la pérennisation du CIE au Sénégal. Cela a assurément nourri la défiance de l’OMS ainsi que de la FAO, de façon plus ponctuelle. D’une manière générale, les opérations du CIE au Sénégal ont présenté des résultats positifs. Sur un autre continent, le centre a également mené des activités fructueuses. En Amérique Latine, de nombreuses actions ont été conduites dans le même esprit qu’en Afrique. Cependant, elles ont été moins nombreuses. Le CIE a surtout dû collaboré avec l’IIE, déjà présent dans les pays latino-américains, ainsi qu’avec le bureau régional pour les Amériques de l’OMS, avec lequel les rapports ont souvent été difficiles. Dans les années 1960, les territoires d’Amérique Latine ont concentré d’importants enjeux de concurrence.

On ne peut pas en dire autant de la coopération entre le centre et l’OMS en Amérique Latine. À propos des activités menées dans les régions sud-américaines, les relations entre les deux parties sont pour le moins laborieuses. Leur coordination est sujette au débat. En 1958, lorsque le CIE prévoit d’organiser son tout premier cours sur les terres sud-américaines, au Brésil, W. Winnicka, membre du siège de l’OMS à Genève, s’inquiète de savoir si le centre a préalablement consulté le bureau pour les Amériques de l’OMS, basé aux États-Unis, à Washington. Winnicka sollicite directement Nathalie Masse, directrice des enseignements au CIE, pour s’en assurer370. C’est Étienne Berthet qui lui répond : « Si vous le désirez j’enverrai […] [le projet de cours] au directeur du bureau régional de l’OMS pour les Amériques ». La suite de la correspondance nous apprend que le CIE n’a en réalité pas contacté le bureau américain de l’OMS. W. Winnicka déplore alors un « fâcheux malentendu ». Cela témoigne de la résistance des méthodes du centre qui, jusque-là, ne contactait pas directement les offices régionaux de l’organisation internationale. Dans une autre perspective, ce manque de communication, qu’il soit volontaire ou non, rend compte des rapports délicats qu’entretient le CIE avec les États-Unis. L’absence initiale d’une liaison avec le bureau de Washington l’illustre. En outre, les propos de Winnicka au comité technique du CIE nous informent qu’il a bien existé, à la veille des années 1960, des « tensions » avec le bureau américain.

De l’importance des individus dans la dynamique des interactions entre le CIE et

les organisations internationales

Le thème que nous abordons maintenant nous inscrit dans une perspective nouvelle. En effet, dans le cadre de ce cinquième chapitre, nous nous plaçons à hauteur d’homme. Nous nous penchons ici sur les relations qui ont cours entre les individus, dans l’optique, toujours, d’interroger la collaboration qui existe entre le CIE et les organisations internationales. Deux approches seront développées : l’une est temporelle, l’autre spatiale. Ainsi, dans un premier point, nous montrerons que la liaison entre le centre et les autres organisations est assurée dans le temps, au travers des liens noués au CIE, fondation à taille humaine, et au travers des trajectoires personnelles des protagonistes. Dans un second point, nous traiterons des connexions établies entre le CIE et les structures et de la circulation des individus dans l’espace transnational. Articuler ces deux approches en prenant les individus comme objets d’étude nous paraît judicieux dans l’idée d’analyser en détail les interactions qui existent entre le CIE et les organisations internationales. Notez que nous nous autoriserons dans ce chapitre à dépasser les bornes chronologiques que nous nous étions fixés dans le cadre de cette deuxième grande partie, mordant quelque peu dans les années 1970.

L’effectif en poste n’atteignant jamais la centaine de personnes, les membres du CIE ont bénéficié d’un cadre propice pour à la construction de solides relations. Les personnalités de la génération des « fondateurs », des « anciens » comme les désignent Colette Fillastre et Nicole Guérin dans l’ouvrage de mémoire qu’elles codirigent en 2000, ont œuvré ensemble pendant près de trente ans. C’est sous leur direction que les membres du personnel ont travaillé. C’est surtout sous les auspices du « patron » qu’il ont œuvré. En effet, le CIE constituait un réseau d’individus tous autant dévoués les uns que les autres à Robert Debré, âgé de 77 ans à la création du centre, personnage alors unanimement admiré et respecté, tant en France qu’à l’étranger. C’est sous la figure paternelle et l’aura bienveillante du pédiatre français que les personnalités du centre, reconnues ou anonymes, ont fait l’histoire de la fondation. Aussi, jusqu’à la fin des années 1970, les responsables du CIE étaient dans leur grande majorité des personnes très proches de Robert Debré. Colette Fillastre en témoigne :
« Pour les médecins de ma génération, le « patron », c’est celui qui nous prenait sous sa responsabilité de père de famille, alors que nous étions stagiaire, externe, interne, chef de clinique ou assistant à l’hôpital. Robert Debré avait ainsi de très nombreux élèves, et la plupart de ceux qui ont eu des responsabilités au CIE, avaient été à un moment de leurs études sous « sa coupe » ».

Nous l’avons compris, dans ses trente premières années, tandis qu’il est présidé par Robert Debré qu’il réunit des personnalités liées par l’affection, le CIE constitue un lieu à taille humaine, propice au développement des relations interpersonnelles. Aussi, si nos derniers paragraphes ont été ponctués d’accents mémoriels, c’était pour mieux illustrer l’authenticité des rapports humains qui s’articulaient au CIE. Par l’évocation de quelques personnalités notoires, nous avons voulu faire sortir de l’ombre quelque réalité vécue389. Dans le cadre de notre réflexion, nous retenons surtout que les liaisons humaines ont été à la base du travail effectué au CIE, et qu’un véritable réseau s’est constitué autour de la personne de Robert Debré.
Ce que l’on observe maintenant, c’est que les membres des organisations internationales qui interagissent avec le centre intègrent eux-aussi la mécanique huilée des rapports d’individu à individu caractéristique de la fondation. Lieu de convergence, le Comité consultatif technique constitue le point névralgique où s’opèrent les interactions entre membres du CIE et membres des organisations internationales. Il s’agit d’un cadre, d’un espace, d’un moment favorable au dialogue et au débat. Aussi, tout comme d’étroites relations sont cultivées entre membres du CIE, des rapports familiers sont forgés au comité.

A. Jouhaux, représentante du bureau de l’OIT, a notamment participé à 33 des 55 sessions qui se sont tenues au cours de cette période, ce qui fait d’elle le représentant d’organisation le plus investi. Elle s’est présentée au comité de manière assidue pendant plus de vingt-deux ans. En son temps, son travail était unanimement apprécié du reste du comité. En 1969, elle est la première à être félicitée l’année où l’OIT est choisie pour recevoir le prix Nobel de la paix390. On note que deux ans plus tard, Jouhaux quitte son poste de fonctionnaire à l’OIT. Pourtant, elle siège à nouveau au comité en 1972, annonçant « avoir été désignée par cette institution pour continuer à la représenter au CCT ». On voit bien là l’importance que prennent les rapports individuels dans le cadre du comité technique. La relation de confiance qui s’est instituée entre Jouhaux et le CIE a poussé l’OIT à maintenir sa représentation au travers d’une personne qui n’est plus sous sa direction, plutôt que d’en désigner une nouvelle qui travaillerait officiellement sous son autorité. L’originalité des stratégies menées par les institutions internationales ressort ici particulièrement bien. Leurs limites sont parfois poreuses, une personne pouvant représenter un organisme sans en être formellement affiliée. Dans le cadre du CCT, les rapports de confiance qui se construisent au fil des années prendraient donc le pas sur une représentation conventionnelle.

Théâtres d’échanges, pôles d’attraction, les rencontres orchestrées au CIE permettent aussi que soit entretenue la dynamique des interactions qui s’opèrent entre les individus œuvrant pour la protection de l’enfance, et plus spécifiquement entre les boursiers qui assistent et/ou ont assisté aux cours de la fondation et les professionnels qui travaillent dans le champ de l’enfance. Les membres du CCT sont ceux qui organisent les prises de contact. À titre d’exemple, en 1960, à la demande des représentants des organismes internationaux, le directeur général fait coïncider les dates d’un voyage d’études programmé en Suisse dans le cadre du cours de pédiatrie sociale avec les dates du congrès des pédiatres de langue française, prévu dans le même pays421. Des efforts sont soutenus afin que les participants aux enseignements du centre et les acteurs du monde de la protection de l’enfance puissent se rencontrer, échanger, interagir. Faciliter les connexions entre les différents acteurs, voilà l’une des missions essentielles des membres du Comité consultatif technique. Nous pouvons mettre en évidence quelques cas particuliers pour montrer que ces derniers font bel et bien œuvre de connecteurs dans cet espace. Le premier cas concerne le Dr. Fabia. En février 1956, cette personne fait l’objet de discussions entre Étienne Berthet et Jerome Peterson, alors qu’elle est sur le point d’être engagée par le CIE. Le Dr. Fabia sort alors d’une expérience à l’Organisation internationale des réfugiés (OIR), où il a travaillé « pendant de nombreuses années », et où « il occupait des fonctions au Comité intergouvernemental des migrations européennes ».
Dans son courrier, le directeur général incite clairement Peterson à prendre directement contact avec le médecin. Berthet souhaite que Peterson fournisse à Fabia « des indications qui pourraient l’aider, notamment en matière de relations avec les organisations internationales ». Les logiques de réseaux sont ici explicitement mises en avant. En jouant de sa fonction et de ses relations, le directeur général du CIE agit bien en tant que connecteur, facilitant les prises de contact entre les individus.
Le second exemple implique le Dr. Halina Hofman. Ancienne auditrice de l’enseignement de pédiatrie sociale, cette dernière bénéficie directement, en 1962, de la bien portance des relations qui ont cours entre membres du comité technique, et plus particulièrement entre les responsables du CIE et les représentants de l’OMS. Au début des années 1960, Winnicka profite de sa position privilégiée auprès du directeur général du centre pour l’encourager à lui « signaler » les individus, ex-participants aux cours de pédiatrie sociale, « qui pourraient éventuellement être [utilisés] par l’OMS ». Il faut savoir qu’un bon nombre des anciens participants aux cours de pédiatrie sociale du CIE trouvent a posteriori un travail au sein des organisations internationales. Une enquête réalisée à l’initiative du centre en 1968 montre que certains deviennent « enseignants universitaires, d’autres responsables de service de protection maternelle et infantile, d’autres encore […] associés au travail du FISE et de l’OMS ». En poste en Pologne, Hofman fait alors partie des contacts du CIE ; elle souhaiterait travailler en Afrique, pour l’OMS. Pour son cas personnel, Étienne Berthet joue le rôle d’intermédiaire en transmettant sa demande à l’OMS. Dans la réponse qui parvient au directeur par courrier, Winnicka se dit « heureuse de pouvoir […] aider [le Dr. Hofman] à trouver un poste correspondant à ses aspirations » À la fin des années 1960, cette transmission d’expertises n’est donc plus à sens unique, puisque le personnel du centre est lui aussi incité à participer aux activités d’enseignement propres aux autres organismes. À cette période, les membres de la fondation investissent donc encore plus directement ce que l’on peut considérer comme un réseau d’interactions dynamique, réseau qui relie les structures dans l’espace. Aussi, puisque le directeur général n’est plus seul à circuler au sein de ce réseau et que de nombreux membres du personnel du CIE l’investissent eux-aussi, le fondation entre dans une logique d’interactions privilégiée du monde des organisations internationales. Dans cette logique, les interactions entre acteurs impliquent des relations « asymétriques », qui peuvent être à la fois des relations « entre pairs » et/ou des relations entre « partenaires subalternes et partenaires dominants ». Dans cette logique, « la hiérarchie dépend de plusieurs facteurs tels que les moyens à disposition, les réseaux, les statuts et la légitimité, ainsi que l’expertise ». C’est bien dans cet esprit qu’interagissent les membres du CIE et ceux des autres organismes à la fin des années 1960, quand le centre connaît son âge d’or, quand son influence est prégnante dans le monde des organisations internationales et quand il peut agir avec une grande légitimité. Ses membres, chefs de service ou non, directeur général et simples spécialistes, ayant tous acquis une expérience considérable, se retrouvent pour bon nombre d’entre eux à arpenter les pays dans le but d’assister aux grandes rencontres internationales et de collaborer dans le cadre d’activités d’enseignement.
Alors, pour conclure, on peut dire que le CIE, en encourageant les connexions entre les structures par l’intermédiaire d’agents de liaison, en faisant se mouvoir ses membres dans l’espace transnational, le CIE intègre une « propension à agir en réseau » partagée des acteurs non étatiques à cette période. La fondation privilégie de ce fait une « diplomatie du réseau ». Ce mode de fonctionnement souligne toute la complexité des interactions qui s’opèrent entre les organismes dans l’espace transnational. En somme, les connexions établies entre les individus dans le champ spatial assurent une liaison étroite entre le CIE et les autres organismes internationaux. Ainsi, dans le temps comme dans l’espace, les relations entre le centre et les différentes structures travaillant à la protection de l’enfance et plus largement à la santé publique sont particulièrement soutenues.

LES ANNÉES 1970 OU QUAND LE CIE AFFICHE SES LIMITES

Gaborieau Pierre | Le Centre international de l’enfance et les organisations internationales humanitaires : entre concurrence et complémentarité (1947-1980) Chapitre VI : Au cœur du second XXe siècle, un tournant dans l’histoire du CIE Après avoir connu une activité en constante progression durant près de vingt ans, le CIE entre à la veille des années 1970 dans une phase moins rayonnante de son existence. En interne, des changements s’annoncent dès la seconde moitié des années 1960, tandis qu’apparaissent les premiers troubles économiques. Marqué par la mort de son illustre vice-président Ludwik Rajchman en 1965, le Conseil d’administration, jusque-là assez immuable, se modifie peu à peu.
Des observateurs haut placés de l’UNICEF sont notamment imposés pour assister aux réunions. Sur le plan financier, les conséquences économiques de la contestation sociale de mai-juin 1968 en France impactent le centre, qui voit ses budgets se déséquilibrer en raison des « majorations des traitements des personnels ». Ces événements, internes et externes, augurent d’importants bouleversements. À l’aube des années 1970, le fonctionnement même de la fondation est remis en question, tout comme son action. Pour le centre, l’enjeu est alors de trouver un nouvel élan dans le sillage des organisations internationales, tâche ardue compte tenu de l’apparition de complications financières et de l’évolution des rapports de force dans les années 1970. Assurément, cette période est un tournant majeur dans l’histoire du CIE.

Un fonctionnement et une action remis en question

Après vingt ans d’existence, soit presque l’équivalent d’une génération en termes sociologiques, le CIE connaît un certain essoufflement. Longtemps ancré dans les circonstances de l’après Seconde Guerre mondiale, la fondation créée par Robert Debré est confrontée aux évolutions du second XXe siècle. Elle doit faire face à un contexte économique et social changeant, tant en Europe que dans les pays considérés – toujours – comme « en voie de développement ». Les premières restructurations qui s’opèrent en interne à l’aube des années 1970 témoignent de la volonté affichée du centre de s’adapter à ces transformations et de se renouveler. L’objectif est de continuer à œuvrer à l’international en faveur de l’enfance du monde en étroite collaboration avec les institutions onusiennes.

Le début des années 1970 est donc une période de transition au Conseil d’administration. Le renouvellement s’y poursuit dans une esprit d’ouverture. Aussi, des changements s’opèrent au niveau du Comité consultatif technique. Entre 1964 et 1969, douze sessions avaient réuni vingt-huit représentants d’organismes différents au comité ; entre 1970 et 1975, les douze réunions ont rassemblé trente-sept noms différents439. Le nombre de représentants différents ayant participé au
CCT entre 1970 et 1975 a donc augmenté de 32 % par rapport au chiffre de la période 1964-1969. S’il ne s’agit pas d’une restructuration interne à proprement parler, une modification s’observe bien dans la composition du comité. Aussi peut-on dire que le phénomène de renouvellement des membres du comité technique s’est accentué au tournant des années 1970. Néanmoins, contrairement aux transformations qui s’exercent au Conseil d’administration, le processus qui touche le CCT n’est sans doute pas dû à une volonté de changement exprimée par les dirigeants du CIE. Au contraire, une certaine continuité des relations est traditionnellement souhaitée par la fondation, continuité qui garantit, comme nous avons déjà pu l’évoquer, une liaison solide avec les organisations internationales en plus d’une plus grande efficacité dans les débats.

En suivant le rythme du mouvement international aiguillé à l’ONU, le centre met donc les ingrédients qu’il juge nécessaire pour se relancer et démarrer un nouveau cycle. Mais, malgré la volonté que son personnel met à l’ouvrage, malgré le renouvellement qui s’opère en interne, malgré les orientations nouvelles et les bonnes idées, malgré tout, l’issue des programmes d’activités du CIE reste et restera toujours subordonnée aux rentrées financières, et en particulier aux subventions de l’UNICEF. Alors, dans les années 1970, quand la conjoncture économique internationale est défavorable et quand l’UNICEF commence à prendre une certaine distance avec le CIE, ce dernier ne peut que constater l’instabilité de sa position. C’est alors dans un contexte financier particulièrement difficile qu’il doit agir. Au moment où les rapports de force sont en pleine évolution, la marge de manœuvre du centre se réduit plus que jamais.

La part de l’UNICEF en pourcentage est donc sérieusement diminuée, puisqu’elle ne représente plus qu’un tiers du budget ordinaire du CIE. Les subventions du Fonds pour l’enfance diminuent également en valeur absolue, au profit de celles du gouvernement français : les allocations de l’UNICEF sont limitées à un plafond annuel de 350 000 dollars pour la période 1972 1976, alors qu’elles s’élevaient à 470 000 dollars par an entre 1967 et 1971. Mécaniquement, le plafond annuel de la contribution française passe lui de 470 000 dollars à 700 000 dollars. Alors, pourquoi un tel renversement de situation s’opère-t-il sur le plan des subventions ? La conjoncture économique internationale et la situation dans laquelle se trouve les organisations internationales dans les années 1970 en sont pour beaucoup.
La fin des années 1960 a vu l’inflation redoubler d’intensité tandis que les premières crises financières et monétaires apparaissaient. Dans les années 1970, la situation économique ne s’améliore nullement. Au contraire, elle empire. L’inflation continue d’augmenter et des épisodes à répercussion mondiale tels que le premier choc pétrolier en 1973, la guerre israélo-arabe du Kippour survenue la même année, et le second choc pétrolier de 1977, engendrent d’importantes complications économiques qui touchent l’ensemble des pays, et plus particulièrement les pays « en voie de développement ». Ces événements viennent aggraver une crise économique mondiale qui leur préexistait465. Ce que l’on voit maintenant, c’est que la crise économique a directement touché les organisations internationales en leur sein. D’importantes crises internes secouent les organismes, en particulier l’UNESCO et la FAO. Dès la fin des années 1960, leur personnel a notamment dénoncé la dégradation de leurs traitements, « lesquels ne [suivaient] pas la hausse constante du coût de la vie » 466. On ajoute ici qu’au tournant des années 1970, certaines organisations reliées aux Nations unies sont en pleine crise de confiance. C’est le cas de l’UNESCO, qui vit en 1970 une « révolte morale et intellectuelle interne ». La politisation de son action et des moyens financiers et humains limités sont notamment visés par la critique.

Vers une nouvelle donne au CIE et dans l’espace international

Dans les années 1970, le CIE est en plein bouleversement : le contexte est délicat, les budgets sont limités, le personnel se renouvelle, la structure se modifie. Dans le champ des organisations internationales compétentes en termes de protection de l’enfance et plus largement en matière de santé publique, les rapports de force évoluent, tandis que la marge de manœuvre du CIE perd en importance. Aussi, pour amorcer au mieux le virage des années 1970, des transformations s’opèrent dans tous les secteurs d’activités du centre. Sur le plan pratique des activités, les possibilités se réduisent mais le centre continue d’être acteur du mouvement international dirigé depuis les Nations unies. Malgré les difficultés, l’action de prolonge sous les auspices des organisations internationales, les activités d’enseignement et de recherche organisées par la fondation participant toujours à l’effort international, en particulier dans les pays « en voie de développement ». Cet ultime chapitre porte l’accent sur les ressorts des activités menées durant la décennie 1970-1980, mais aussi sur les tenants du déclin qui s’amorce à l’aube des années 1980, lorsqu’une page se tourne en interne avec le départ d’un bon nombre d’éminentes personnalités liées au CIE, au premier rang desquelles se trouve Robert Debré, et au moment où la fondation, qui célèbre ses trente ans d’existence, est confrontée à la nouvelle donne qui se dessine dans l’espace international.

Les pratiques d’enseignement se modifient ainsi, ce qui montre que le CIE est très attentif aux indications fournies par les représentants des organisations internationales. Cependant, dans le champ de la formation des personnels de la santé publique et de la protection de l’enfance, domaine d’action phare du CIE, les représentants du CCT s’accordent à reconnaître le savoir-faire que la fondation a acquis tout au long de son existence. Les méthodes du centre sont appréciées, comme l’est l’originalité de son approche. Aussi, pour le représentant de la FAO, la différence fondamentale qui existe entre les cours traditionnels couramment donnés par les organisations internationales et ceux organisés par le centre réside dans le rapport à l’humain. Il relève en effet que « la qualité des cours du centre est dans le contact individuel ». Il s’agit bien là d’une marque d’estime à l’égard des méthodes de la fondation.
D’ailleurs, le CIE continue d’être très productif dans le secteur de la formation dans les années 1970. En 1978, un chapitre entier du rapport annuel revient sur les activités d’enseignement réalisées au cours des cinq années qui s’écoulent de 1974 à 1978. Malgré les difficultés traversées, un bilan plutôt positif est dressé. Les résultats présentés sont remarquables : 62 cours, colloques ou séminaires ont été dispensés en cinq ans, rassemblant pas moins de 2420 participants venus de 97 pays différents. Michel Manciaux affirme que « la multiplicité des activités réalisées, en dépit du nombre restreint des membres de l’équipe enseignante et de la modicité des moyens mis en œuvre […] est la première et la plus frappante caractéristique » de l’action dirigée par le département des enseignements515. En effet, les activités d’enseignement sont plurielles. Elles sont aussi très hétérogènes en matière de contenu. Certaines d’entre elles s’inscrivent dans la continuité des opérations conduites pour favoriser le développement des pays. Les cours internationaux et les sessions nationales de perfectionnement se poursuivent notamment tandis que les publics s’élargissent. Si les « planificateurs » sont toujours ciblés, de nouvelles catégories de personnels bénéficient en ce temps des cours du CIE, tels que les cadres des Écoles Nationales d’Administration (ENA), le perfectionnement de ces derniers ayant été recommandé par le CCT516.

Évolution des activités et orientations nouvelles. Clairement, ces changements caractérisent la voie sur laquelle s’engage dans les années 1970 le CIE, qui marche dans les pas des organisations internationales. Dans un contexte difficile, le renouvellement et l’élargissement de l’action du centre sont plutôt positifs, la fondation pouvant se maintenir dans un positionnement relativement favorable au sein de la sphère des institutions dédiées à la protection de l’enfance, et par extension au cœur de la galaxie des organismes internationaux. Il y a un terrain sur lequel le CIE entend plus particulièrement entretenir son autorité, celui des pays « en voie de développement ». Les opérations qu’il y mène sont toujours multiples ; elles continuent même de se développer dans les années 1970 de par l’enseignement, réalisé sous les auspices de l’UNICEF, et la recherche. Ce dernier domaine, qu’investit plus particulièrement la Station pilote, est un champ au travers duquel la collaboration avec l’OMS s’intensifie de façon plus importante, surtout en Afrique, dans le cadre d’activités de vaccination.

La seconde moitié des années 1970 est aussi une période au cours de laquelle un bon nombre de personnes employées par le CIE part en retraite. Pour le directeur général, ces mouvements « réduisent temporairement l’équipe active et sont sources de regrets ». L’effet de fin de génération dépeint particulièrement bien au travers de la concentration de ces départs individuels. Il est également confirmé par la disparation, en 1977, d’Ika Paul-Pont, qui a travaillé au centre de 1950 à 1970. Pour le personnel, Paul-Pont était « une des figures de proue du CIE, d’abord au service des relations extérieures, puis comme coordinatrice des activités en Afrique et en Asie », et « même si […] elle avait modifié la trajectoire de sa carrière pour travailler à la division de la nutrition de la FAO, elle était restée proche du centre ». Au vu de ces éléments, il est clair qu’une génération est en passe de s’éteindre.

Alors, le CIE est-t-il à cette période sur le point de tomber en désuétude ? Selon Yves Denéchère et Patrice Marcilloux, la structure fondée par Robert Debré est « une institution profondément et durablement marquée par les circonstances de sa création ». C’est une caractéristique qui ressort de manière particulièrement forte au moment où la fondation doit continuer d’agir trente ans après sa création, dans un contexte très différent de celui de l’après Seconde Guerre mondiale. Car les réalités économiques et sociales se sont modifiées, tout comme les méthodes et les pratiques d’action. L’action conduite dans les pays dits « en voie de développement » s’est surtout considérablement transformée. Sur la base d’un engagement singulier pour l’enfance, l’intervention du CIE dans les pays « en voie de développement » prenait à l’origine tout son sens au temps des empires coloniaux, alors que la France cherchait à réaffirmer son autorité sur la scène internationale. Puis, au moment de la décolonisation, les opérations du centre ont permis de faire se prolonger l’autorité française dans les pays nouvellement indépendants et de proposer une solution alors que les nouveaux gouvernements étaient en quête de soutien, notamment de le secteur de la formation des personnels de santé publique. Tandis que la coopération internationale se mettait en place, la fondation a pu diffuser auprès des populations son approche si particulière de la protection de l’enfance et faire œuvre de précurseur. Le CIE a ensuite participé au mouvement international lancé depuis l’ONU en faveur du développement économique et social des pays défavorisés, travaillant avec l’UNICEF à l’intégration de politiques en faveur de l’enfance dans les programmes de développement. Le centre a aussi été témoin des critiques qui ont surgies à cette période à l’encontre des politiques d’ « assistance technique » comme de la « politisation » des organisations internationales. Mais à l’aube des années 1980, la logique d’intervention du CIE dans les régions toujours considérées comme « en voie de développement » est discutée.

Sur la base d’un engagement singulier pour l’enfance, l’intervention du CIE dans les pays « en voie de développement » prenait à l’origine tout son sens au temps des empires coloniaux, alors que la France cherchait à réaffirmer son autorité sur la scène internationale. Puis, au moment de la décolonisation, les opérations du centre ont permis de faire se prolonger l’autorité française dans les pays nouvellement indépendants et de proposer une solution alors que les nouveaux gouvernements étaient en quête de soutien, notamment de le secteur de la formation des personnels de santé publique. Tandis que la coopération internationale se mettait en place, la fondation a pu diffuser auprès des populations son approche si particulière de la protection de l’enfance et faire œuvre de précurseur. Le CIE a ensuite participé au mouvement international lancé depuis l’ONU en faveur du développement économique et social des pays défavorisés, travaillant avec l’UNICEF à l’intégration de politiques en faveur de l’enfance dans les programmes de développement. Le centre a aussi été témoin des critiques qui ont surgies à cette période à l’encontre des politiques d’ « assistance technique » comme de la « politisation » des organisations internationales. Mais à l’aube des années 1980, la logique d’intervention du CIE dans les régions toujours considérées comme « en voie de développement » est discutée.

CONCLUSION

Au travers d’activités portées dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la publication, le CIE a mené entre 1949 et 1980 une action singulière, à visée universelle, en faveur de l’enfance. Son œuvre, que l’on peut qualifier d’humaniste, voire d’humanitaire, a touché la plupart des pays du monde. Elle a permis une meilleure connaissance de l’enfant, dévoilé des dimensions de sa personnalité jusque-là ignorées, apporté de la lumière sur des aspects encore nébuleux de sa nature tout en considérant, dans une perspective générale, l’enfance « comme un tout ». Le CIE a exploré le champ filandreux de sa prise en charge à l’international en privilégiant la diffusion d’une approche originale et englobante, une approche signifiée par la pédiatrie sociale, discipline, concept ou « esprit » développé en profondeur par Robert Debré et ses confrères du CIE au lendemain du second conflit mondial et tout au long des années 1950, 1960 et 1970. Aussi, l’action du centre a bénéficié à de nombreuses populations, en particulier à celles des pays considérés comme « en voie de développement ». Le passage suivant, extrait de la publication coproduite par Étienne Berthet et Michel Manciaux à la fin des années 1970, illustre par des données chiffrées l’importance que revêtaient à cette période les activités poursuivies par la fondation à travers le monde : « De 1950 à 1978, le Centre international de l’enfance a organisé : enseignements de perfectionnement (cours, séminaires, colloques et groupes de travail) dans 67 pays (24 en Afrique et dans l’océan Indien, 14 en Amérique Latine et dans les Caraïbes, 13 dans le Proche, le Moyen et l’Extrême-Orient, 16 en Europe) qui ont réuni 21 620 participants de 130 nationalités dont 42 d’Afrique et de l’océan Indien, 26 des Amériques et des Caraïbes, 34 du Proche, Moyen et Extrême-Orient, 28 d’Europe. De 1950 à 1978, le Centre international de l’enfance a effectué : 52 études et enquêtes portant sur la croissance et le développement de l’enfant, l’allaitement maternel, la prévention de certaines maladies transmissibles et des accidents, les conditions de vie des enfants dans les pays du tiers monde, en Afrique en particulier, la prévention de l’inadaptation sociale chez les jeunes.
De 1950 à 1978, le Centre international de l’enfance a assuré : la publication de 169 numéros du « Courrier », revue médico-sociale de l’enfance diffusée dans 110 pays du monde et, depuis 1961, la publication de 116 numéros de « L’enfant en milieu tropical », revue diffusée dans pays et territoires. Les enseignements, recherches et études du centre ont fait l’objet de la publication de plus de 100 ouvrages, mémoires et documents de travail ».
Cela étant, si le CIE a joué un rôle important dans l’espace international, c’est parce que des années post-Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1970, il a occupé une place unique dans l’espace des acteurs internationaux engagés pour la protection de l’enfance et, par extension, dans la sphère des organisations internationales qui œuvraient alors sous l’égide des Nations unies. La singularité de la fonction du centre s’explique de par un positionnement original à l’intersection des échelles. Définie dans ses statuts officiels, la double casquette nationale et internationale du centre lui a permis d’œuvrer à la fois pour les intérêts français dans le monde et d’agir au sein du mouvement international dirigé par l’ONU et par ses institutions spécialisées et organes subsidiaires. La double dépendance du CIE à la France et aux Nations unies a fait de la fondation une structure sans équivalent. Sa situation au carrefour des milieux régionaux, nationaux, et internationaux, et donc au croisement de l’ensemble des acteurs qui s’investissent pour l’enfance, lui a permis de jouer un rôle unique l’espace transnational. Le centre a facilité la liaison entre les différentes structures, en particulier entre les institutions onusiennes, les faisant fréquemment se réunir pour discuter des actions à mener et des objectifs à privilégier dans le cadre de ses programmes mais aussi dans une plus large perspective. À travers le CIE, les organisations internationales ont eu l’occasion d’organiser le mouvement international mené pour la protection de l’enfance. À ce sujet, les réunions du Comité consultatif technique ont été représentatives de la volonté affichée par le CIE de constituer un point central dans l’espace des organisations, un lieu d’échanges, de rencontres et d’interactions privilégié des acteurs.

Aussi peut-on dire que le modèle économique de la fondation, basé sur un subventionnement extérieur et aucun capital propre, a placé un plafond de verre sur les ambitions du CIE. Dans l’esprit de ses fondateurs, le centre était initialement pensé comme une organisation qui pourrait éventuellement reprendre le flambeau de l’UNICEF lorsque celui-ci aurait disparu une fois passé le temps de l’urgence d’après-guerre. Mais le Fonds a obtenu un statut permanent en 1953, ce qui a définitivement ancré ce dernier dans le paysage international. Le CIE s’est alors retrouvé dans une situation qu’il n’avait pas prévu, condamné, à partir de ce moment, à évoluer sous l’autorité de l’UNICEF. Partagés entre le gouvernement français et le Fonds, les plans de financement du CIE qui se sont succédé ont défini des rapports de force qui n’ont laissé que peu de marge de manœuvre à la fondation de Robert Debré. Toujours est-il que le CIE s’est retrouvé dans une situation privilégiée sous l’aile de l’UNICEF, jouant un rôle très utile auprès des organisations internationales.
La fonction essentielle du CIE, celle qui caractérise le mieux son positionnement sur la scène internationale, a été de constituer un « outil » mis à la disposition des organisations onusiennes, en d’autres termes de constituer un « laboratoire d’essai » de leurs activités, pour reprendre l’expression employée par Étienne Berthet. C’est ce positionnement qu’occupait le centre dans les années 1960, alors qu’il connaissait un âge d’or et étendait son action à travers le monde.

De ce fait le CIE a intégré et favorisé la mécanique des interactions entre acteurs internationaux de la protection de l’enfance et plus largement entre acteurs non étatiques de la sphère internationale. Il a agi dans l’espace transnational en privilégiant une logique de réseau. Ses membres ont noué dans le temps des relations solides avec les institutions et circulé de façon dynamique dans la géographie des organisations en outrepassant les frontières nationales. Sur ce point, notre travail a bien montré que les limites entre les acteurs non étatiques sont souvent peu claires. Distinguer des cadres de références formels, si ce n’est celui des organisations internationales, reste difficile compte tenu des liaisons, des échanges et des interactions qui se développent constamment dans leur espace. Aussi, nous pensons nous aussi que pour mieux comprendre la réalité de ces rapports il convient plus que jamais de placer la focale sur les agents individuels. Nous nous sommes essayés à distinguer certaines trajectoires personnelles, mais une prosopographie poussée des membres des organisations internationales serait nécessaire pour mieux cerner les tenants et les aboutissants des relations qui se jouent entre les structures et ainsi faire sortir de l’ombre le champ des connexions qui existe dans leur espace. Dans le cadre du CIE cette étude prendrait tout son sens dans la mesure où le centre a constitué une fondation à taille humaine, regroupée autour de la figure « patronale » de Robert Debré, située à l’intersection des structures nationales et internationales. Un mot enfin sur le destin qu’a connu le CIE à partir des années 1970. Le tournant qu’a constitué cette période pour la fondation a entraîné l’effacement de son autorité et de son influence sur la scène internationale. À cette période, les turbulences de la conjoncture économique et la prise de distance de l’UNICEF n’ont pas permis au centre de continuer à agir en tant qu’acteur majeur du mouvement international. Aussi, la liberté d’action du CIE a largement été amputée à la fin des années 1970 tandis qu’il devait soumettre des programmes d’activités pré déterminés à l’approbation de l’UNICEF et du gouvernement français. Son modèle de financement lui a alors clairement fait défaut. Ce que l’on retient maintenant, c’est que le CIE s’est présenté à l’aube des années 1980 comme une structure dépassée, presque anachronique. La fin d’une génération en interne, figurée par la mort de Robert Debré en 1978, l’a placé à un point de non retour. Il semble que la disparition du « patron » ait été un coup extrêmement dur porté à la légitimité du centre. En son absence, les organisations internationales ont commencé à retirer les investissements qu’ils avaient placé dans l’œuvre du CIE, privilégiant la coopération avec d’autres acteurs.

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Table des matières

INTRODUCTION
AUTOUR DU CIE : HISTORIOGRAPHIE
PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONNEMENT
LES ARCHIVES DU CIDEF POUR MATÉRIAU PRINCIPAL
PREMIÈRE PARTIE : LE CIE : UNE FONDATION ORIGINALE, SOUMISE AU DÉBAT DANS
SES PREMIÈRES ANNÉES
Chapitre I : Un projet discuté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
Chapitre II : Une construction singulière, au croisement des échelles internationales, nationales
et locales
DEUXIÈME PARTIE : DU SIÈGE AU TERRAIN, UNE COLLABORATION EN QUESTION À
L’ÂGE D’OR DU CIE
Chapitre III : Le CIE : un « laboratoire d’essai » pour les organisations internationales
Chapitre IV : Les pays « en voie de développement » : terrains d’intervention privilégiés et
controversés du CIE
Chapitre V : De l’importance des individus dans la dynamique des interactions entre le CIE et les
organisations internationales
TROISIÈME PARTIE : LES ANNÉES 1970 OU QUAND LE CIE AFFICHE SES LIMITES
Chapitre VI : Au cœur du second XXe siècle, un tournant dans l’histoire du CIE
Chapitre VII : Vers une nouvelle donne au CIE et dans l’espace international
CONCLUSION

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