Du risque dans la société au risque en ACM

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La construction de l’animateur

L’apprentissage du métier d’animateur se fait dans un cadre institutionnel qui emprunte plus ou moins à la forme scolaire, que ce soit en stage BAFA (J. Camus, 2008 ; Lebon, 2007) ou dans les structures d’accueils (J. Camus, 2012). Cela a des conséquences sur les dispositions apportées à ceux parfois désignés comme agents (Bernstein, 2007). Puisque ces institutions se caractérisent par une faible capacité de prescription explicite de manières de faire et d’être propres à l’exercice du métier, “elles laissent dès lors fonctionner des mécanismes de régulation implicites prenant appui sur des logiques sociales plus générales” (J. Camus, 2012, partie 8).
J. Camus (2012, partie 16) interroge la pratique d’animation, dont l’apprentissage se réalise sur le terrain. “On peut se demander comment des agents porteurs de dispositions sociales différentes (juvéniles, plus ou moins cultivées, sexuées) en viennent à s’approprier les façons de faire propres à l’encadrement des enfants” précise-t-il devant la construction par l’animateur d’un “capital spécifique” (Mauger, 2006) par la pratique (Delbos et Jorion, 1990). Cette construction passe en même temps par la reproduction de pratiques et le sentiment d’une réinvention du métier. Cela se réalise soit au travers d’expériences et d’ajustements consécutifs à la spontanéité variable, soit au prix d’un travail sur soi-même qui amène à une conversion, partiellement consciente (J. Camus, 2012).

Les risques

Après une présentation du cadre des ACM dans lesquels évoluent les animateurs, notre étude sur les rapports aux risques des animateurs invite à ce que nous nous intéressions à la définition du risque.

Définir le risque

“Qu’est-ce que le risque ?” Une légende bachelière, qui pourrait être née du film Le Pion (1978), narre qu’un candidat à l’examen aurait simplement répondu, avec succès : “Le risque c’est ça”. Nous ne discuterons pas ici de la pertinence intrinsèque, conceptuelle mais minimaliste, de cette réponse, qui plus est dans ce contexte de recherche. Si celle-ci peut faire sourire, tant sa simple évidence condense d’une manière métaphorique une idée complexe et impliquante, l’idée mérite ici d’être développée.
Au chapitre 4 (dénommé De la parole) du Léviathan, Hobbes (1971) observe que dans la conversation courante la dénomination des choses qui ont la propriété d’affecter l’humain, qui lui procurent plaisir ou déplaisir, trouvent des significations changeantes du fait que nous ne sommes pas affectés par la même chose, entre nous ou même selon les moments, pour une même personne (p. 35). Hobbes explique :
“Étant donné en effet que toutes les dénominations sont attribuées pour signifier nos conceptions, et que toutes nos affections ne sont que des conceptions, nous ne pouvons guère éviter, quand nous concevons différemment les mêmes choses, de les nommer différemment” (ibid.).
Nous avons possiblement une diversité de façons de recueillir et de nous représenter ce qui est pourtant de même nature. Hobbes estime que cette diversité est fonction de la différence de constitution de nos corps et des différentes façons dont notre opinion est prévenue, lesquelles “donnent à toute chose une teinture de nos différentes passions” (ibid.).
“C’est pourquoi en raisonnant on doit prendre garde aux mots qui, outre la signification de ce que nous imaginons de leur nature, en ont une aussi qui vient de la nature, des dispositions et des intérêts de celui qui parle” poursuit Hobbes (pp. 35-36), qui illustre notamment qu’un homme appelle sagesse ce qu’un autre désigne comme crainte, que l’on pourra parler de cruauté ce qui pourra par ailleurs être verbalisé par quelqu’un d’autre comme étant la justice (p. 36). Il exprime aussi que “de telles dénominations ne peuvent-elles jamais constituer le fondement véritable d’aucun raisonnement” (ibid.), les métaphores et les figures du discours ne le pouvant pas davantage mais se révélant moins dangereuses du fait qu’elles professent leur caractère changeant, comparément aux autres dénominations. Nous comprendrons que le mot “risque” pourrait ainsi s’habiller de différentes significations, dans les esprits et les conversations.
De multiples définitions et positionnements existent, se développent et nos lectures nous permettent de comprendre que le risque apparaît comme un terme saturé de sens, “chargé de sens”, “concentré de sens” pour reprendre l’expression de Vygotski (1985, p. 373). En effet, tous ne parlent pas de la même chose alors qu’ils évoquent le risque. La définition du risque envisagée se révèle stratégique, dessinant ainsi le paradigme de notre recherche. Il ne s’agit pas de ramasser la première définition venue, qui pourrait orienter notre recherche sur un chemin qui ne nous conviendrait pas.
Nous sollicitons ici le cadre donné par Goffman (1974) et Rowe (1977). Pour Goffman (ibid.), le risque relève nécessairement deux dimensions. En effet, le risque relève d’une part obligatoirement de processus stochastiques – enchaînement ordonné de faits aléatoires, renvoyant aux mesures qui relèvent d’une part de hasard par des probabilités, pouvant conduire à des analyses statistiques – et d’autre part la présence d’enjeux, représentant quelque chose à perdre, pour l’obtention, par ailleurs, d’un prix, d’un bénéfice. Il y a donc quelque chose à “mettre en jeu”, donc à protéger, éventuellement
perdre, et quelque chose à gagner. On ne parle de risque que “dans la mesure où le jeu expose l’enjeu que le joueur mise” (p. 123) et lorsqu’une situation appelle à “se dessaisir du contrôle total de la situation […] mais il faut également [avoir] quelque chose à perdre” (Collard, 2007, p. 150). Il faut donc à la fois s’engager dans une situation contenant une part d’aléa et avoir quelque chose à perdre pour pouvoir évoquer le risque. Pour Collard (p. 158), une prise de risque est un “pari audacieux sur la réussite [d’une] action à venir” et prendre un risque “correspond à une stratégie intrépide assumée par un joueur”. Ainsi, le risque apparaît d’une manière ambigüe, puisqu’il désigne la fois ce qu’il faut prendre et ce dont il faut se protéger. Il ne peut pas être identifié, étant défini par une probabilité, contrairement au danger. Il se distingue de l’incertitude, du fait puisqu’il puisse être assigné à des probabilités mathématiques (Knight, 1921).
La définition donnée par Rowe est très proche de celle de Goffman : “le risque […] implique deux composantes majeures : (1) l’existence d’une conséquence ou d’une perte possible et indésirable et une incertitude relative à l’occurrence de cette conséquence qui peut s’exprimer sous forme d’une probabilité d’occurrence” (1977, p. 24). Ainsi, pour Rowe le risque est défini par “la possibilité qu’adviennent des conséquences négatives indésirables d’un évènement.” (ibid.).
Si la définition du risque formulée par Rowe accorde une place plus importante à ce qui est indésirable que celle de Goffman, elle laisse cependant ouverte la caractérisation de ce qui peut l’être, contrairement à la définition donnée par Lowrance (1976, p. 8). En effet, cette dernière appelle à mesurer le risque, dans une recherche objective mais probabiliste, et à juger, par ailleurs, de l’acceptabilité de ce risque. Lowrance repère ces deux activités comme distinctes et les désigne respectivement comme une activité “empirique [et] scientifique” pour la première, “normative [et] politique” pour la seconde (pp. 75-76). Pour Rowe (1977), la première phase de “détermination du risque” […] doit aussi considérer l’importance des conséquences pour les individus affectés” (op. cit., p. 30), ouvrant ainsi à des considérations subjectives du risques, au regard des situations. On distingue ainsi risque objectif et de risque subjectif.

Aux sources du mot “risque”

Pourquoi le même mot, “risque”, alors qu’il désigne des choses si différentes ? Le risque conserve le même nom sans pour autant désigner les mêmes réalités (Méric, Pesqueux et Solé, 2009, p. 143). Ce mot, mélange d’aléatoire et de concret, voit son origine elle-même très discutée. Le mot “risque” concentre plusieurs origines pressenties, sur lesquelles on ne trouve pas vraiment d’accord au sein de la communauté scientifique. Plusieurs origines possibles ont été soulevées, nous emmenant principalement autour de la Méditerranée. Celui qui apparaît comme un “mot clé de notre monde contemporain” (Magne, 2010, p. 1) fabrique une compréhension qui dépasse les dictionnaires usuels. Le sens du mot a-t-il évolué, auquel cas il semble nécessaire pour la recherche “d’inclure l’étude de l’évolution des mots” (Labardin et Nikitin, 2009, p. 150). Le risque est-il une probabilité (Savage, 1954) ? Un état de connaissance opposé à celui d’incertitude (Knight, 1921) ? Un danger sans cause (Peretti-Watel, 2010) ? Les dictionnaires étymologiques français établissent l’origine du mot dans l’Italie du XIIème siècle, pour une première apparition estimée à 1557 et un mot stabilisé à sa version actuelle française vers 1650 (Szulmajster-Ceslnikier, 2003, p. 9). Plusieurs origines et racines hypothétiques lui ont été trouvées, lesquelles n’expliquent néanmoins pas tout à fait son évolution.
Luhmann (1993, p. 10) y voit des origines liées directement au développement de l’esprit du capitalisme, avec la constitution et l’ascension d’une classe bourgeoise, ce qui apparaît tardif relativement aux premiers usages du mot. On prête également au risque une autre origine, latine, provenant de resecum, “ce qui coupe”, désignant par la suite plus précisément un “rocher escarpé”. Celui-ci aurait pu donner resciu en italien, le “danger lié à une entreprise”, et donc un risque encouru par une marchandise transportée par bateau dans les lois maritimes ou “la chance ou la malchance d’un soldat” dans la tradition militaire (Magne, 2010, p. 4).
Le mot grec byzantin rhizikon, relatif aux aspects militaires voire mercenaires, “solde gagnée par chance par un soldat de fortune”, pourrait également faire office d’origine étymologique. Aussi, rhiza, qui signifie “racine” puis “base d’une montagne”, renvoie à “l’écueil” de la possible origine nautique évoquée. Néanmoins, cette dernière trace paraît tardive pour avoir pu provoquer l’apparition de notre risque actuel (Pradier, 1998, p. 22).
Le risque serait-il alors issu du rizq arabe (Devic, 1877 cité par Pradier, 1998, p. 21) ? Celui-ci désigne la “ration journalière” (ibid.), dont “le sens est porté sur la subsistance et son partage” (Magne, 2010, p. 5) ou, en arabe égyptien, la “taxe en nature payée par les indigènes pour l’entretien des troupes d’occupation.” Nul sens nautique pour cette origine qui désigne donc la subsistance et son partage, que Pradier (2006, p. 10) juge “la plus vraisemblable”. Bertrand y voit “la part de biens que Dieu attribue à chaque homme” comme une origine plus probable que l’origine nautique (2007, p. 12). Si l’idée de risque se diffuse au XIIème siècle à partir d’un foyer méditerranéen, notre compréhension est éclairée par les médiévistes qui évoquent le XIème siècle comme une période pacifique, d’arrêt des invasions barbares, de sécurité relative qui favorise l’accélération d’un commerce relativement durable, notamment entre l’Europe chrétienne, le monde islamique et l’Europe gréco-byzantine. L’éventualité que les marchands italiens, commerçant avec les arabes, aient pu puiser dans le vocabulaire arabe est donc plausible.

Risque perçu et risque préférentiel

Les difficultés à identifier le risque objectif sont encore accrues concernant le risque subjectif. Celui-ci est le résultat d’un calcul complexe, lié “aux représentations que le sujet a de la difficulté de la tâche et de son habileté propre” (Delignières, 1993, p. 83) L’habileté représente ici les compétences liées à l’atteinte du but prescrit, ainsi que les habiletés préventives et d’évitement. La probabilité subjective d’atteinte du but, la probabilité subjective qu’un accident se produise en cas d’échec ou encore la valence subjective de l’accident éventuel vont pouvoir être élaborées à partir de la difficulté perçue et l’habileté perçue.
Précisons qu’en dépit de la modélisation probabiliste sur laquelle il se fonde, le risque préférentiel n’est pas le fruit de calculs rationnels et explicites (ibid.). Wilde (1988) explique d’ailleurs que les utilités subjectives sont intériorisées et que le risque préférentiel est élaboré d’une manière intuitive. “La théorie postule qu’à tout moment, le sujet compare ses niveaux de risque préférentiel et de risque perçu, et qu’il tente d’en réduire les écarts” (Delignières, op. cit., p. 84). Cette réduction fait appel à une modification du comportement actuel, qui entraînera une modulation du risque objectif en retour, et enfin du risque perçu. Le sujet réduira ainsi la dissonance entre risque préférentiel et risque perçu dans le cas où le risque perçu est supérieur au risque qui lui semble acceptable. La réduction de cette dissonance intervient à la fois dans le cas de figure où le risque perçu est supérieur au risque optimal (adoption d’un comportement plus sûr) et dans le cas où le risque perçu est inférieur au risque préférentiel (comportement plus dangereux). Notons que ce sont d’abord les sens qui permettent de percevoir l’environnement et les situations. L’usage de ces sens, plus ou moins développés, sera prépondérant dans la perception des risques, pour le décodage des situations par la suite.
Le modèle de risque précité “admet deux corollaires particulièrement intéressants”. “Selon le premier, le niveau subjectif de prise de risque dépendrait directement, et en dernier ressort uniquement, du niveau de risque préférentiel” (p. 86). Plusieurs expériences ont montré que les interventions visant à augmenter la sécurité passive (matériaux, dispositifs de sécurité) permettent une amélioration momentanée de la morbidité, mais que cet effet ne tenait pas à long terme. Ces interventions sont appelées non motivationnelles, elles diminuent le risque perçu mais ne modifient pas le risque préférentiel, ce qui entraîne les sujets à adopter des comportements plus risqués et entraîne une hausse de la morbidité. Ce phénomène est appelé compensation ou conservation du risque. La sécurité passive a donc cet effet pervers. Selon Wilde (1988), seules les interventions affectant le risque préférentiel sont à même de réduire la morbidité à long terme, et ce problème n’est pas simple, puisque croire qu’il est possible de changer ces représentations par un processus de persuasion paraît illusoire. Howarth (1988) présente les décalages entre des opinions affichées, à propos de la sécurité routière, et les attitudes qui sous-tendent le choix d’un comportement sur la route. Il y a donc une distinction à réaliser entre représentation déclarée et représentation fonctionnelle (Delignières, 1992). L’amélioration durable de la sécurité passerait ainsi par une modification des attitudes des sujets envers des situations risquées. Delignières (1993) résume, en se référant à des auteurs tels Festinger (1957), Cohen (1962) ou Mann et Janis (1968), que “d’une manière générale, les psychosociologues tendent à montrer que si l’attitude constitue le soubassement motivationnel du comportement, la manière la plus efficace de la modifier consiste à modifier dans un premier temps le comportement, le changement d’attitude intervenant par la suite comme une justification a posteriori du nouveau comportement adopté.” (p. 87)
La fonction du changement d’attitude est alors de réduire la dissonance induite par l’adoption de nouveaux comportements. Si M. Roche (1969) estime que contraindre les conducteurs par la répression est la meilleure façon de diminuer la prise de risque, Brouillet, Domalain et al. (1990) argumentent que l’effet de pressions idéologiques, de caractère agressif et externe au groupe, ne transforme pas les attitudes, ou alors seulement de façon superficielle. On pourra relier cette dialectique à de multiples conduites d’animateurs (la possibilité donnée ou non de boire de l’alcool lors des séjours, par exemple).

Des effets contre-intuitifs de la gestion des risques en ACM

Comprenons qu’il existe des risques pour lesquels la législation est particulièrement pensée, écrite, faite. On assiste parfois à des ajouts, semblant augurer que l’on va nécessairement dans le sens d’une amélioration, étant donné qu’on ajoute une forme de protection. Cela dit, comprenons encore qu’il ne s’agit alors pas d’une remise en question d’un système, lequel provoquerait ces risques nouvellement pris en compte, et que des effets consécutifs, contre-intuitifs aux nouvelles dispositions sont rarement mesurés. Pour vérifier le succès d’une décision quelque part politique, les mêmes personnes mettent en place des systèmes d’évaluation auxquels ils ont eux-mêmes concouru, qui visent à mesurer les gains apportés, sans cette fois-ci en mesurer les pertes. Pour un délai court, ces pertes peuvent être associées à un nécessaire délai d’adaptation. Une grande partie des effets liés à l’appréhension des risques, indirects et parfois insidieux peut être éludée, masquée. Ainsi, certains moyens pouvant concourir à améliorer la sécurité dans les ACM, s’ils s’accompagnent de sentiments de sécurité, peuvent induire un sentiment d’inquiétude, d’incertitude et même d’insécurité, ce qui peut être considéré comme des effets contre-intuitifs.
Certains de ces effets sont liés à la méconnaissance de la loi. Si la loi vise à restreindre l’arbitraire, sa méconnaissance entraîne un sentiment d’insécurité juridique et augmente le sentiment d’incertitude, de surcroît si la prise de fonction des animateurs ou des directeurs est frileuse, contrainte, toute nouvelle ou au contraire très ancienne, et si leur formation n’a pas répondu à certaines questions.
Quand on ne connaît pas les moyens normés ainsi que les enjeux, qu’est-on tenté de faire ? Prendre un risque ou ne pas en prendre, ou en tout cas pas maintenant ? L’appréhension d’un panneau de signalisation, relatif à une place de parking, dont on ne comprendrait pas bien le sens permet d’illustrer ce propos. Si on se gare tout de même, la conséquence est que le sentiment de probabilité de faire quelque chose de répréhensible et d’en subir des conséquences, augmente. Cela rappelle à l’obligation de moyens ou de résultats.
La multiplication des systèmes d’information, comme les sites Internet (forums, Wikipédia) pris comme références, peut favoriser les erreurs, puisque les informations peuvent être prises comme des vérités, devenir telles, en même temps qu’elles présentent l’avantage de vulgariser les connaissances. Des erreurs ont pu être repérées dans le JPA spécial directeur, comme cela a été relevé sur le site Internet Planetanim par un avocat, ce qui montre la réflexivité possible via Internet.
Un inconfort peut s’installer à l’évaluation par chacun des membres de l’équipe, de ses propres compétences (et de celles de l’équipe), terme particulièrement à la mode de nos dans le cadre de domaines divers, notamment pour répondre aux exigences institutionnelles et organisationnelles posées.
Aussi, bien que les inspections puissent être appréhendées comme une visite de conseil et qu’elles fassent en sorte que certaines pertes soient moindres : “Quand vont-elles arriver ?” Aussi les champs lexicaux utilisés (“si la DDPP104 passe, vous êtes morts”) ne viennent pas atténuer les craintes.
Le battage médiatique relatif à des actes répressibles, comme l’omniprésence des séries policières ou encore le contenu des journaux télévisés contribue à ces effets contre-intuitifs. Le sentiment d’insécurité est même accru par la télévision (Gerbner, Gross et al., 1980 ; Gerbner, Signorielli et al., 1982)105, qui nous amène une représentation visuelle de tragédies. Ainsi, le modèle répété de
messages et d’images produits en masse via la télévision forme le courant dominant d’un environnement symbolique commun (Gerbner, Gross et al, 1986, p. 18). Le contexte et la prise de
Direction Départementale de la Protection des Populations. Elle veille notamment à l’aspect sanitaire pour les ACM connaissance d’évènements amènent des conduites collatérales, par exemple la suspicion. En effet, à la suite à l’affaire Dutroux, en Belgique, le fait de porter des enfants à bras n’était plus considéré de la même façon et les enfants étaient alors moins portés à bras. Magos106, psychanalyste et responsable de la Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance, entrevoit des changements de comportements de la part des parents, dans un article d’information paru en Belgique (2015). Il juge néanmoins difficile le fait d’attribuer à cette affaire l’évolution de certains comportements, comme la réduction des trajets vers l’école à pied. Magos explique que les éducateurs ont quant à eux été invités à prendre une certaine distance physique avec les enfants, dans l’exercice de leur travail : “Chez les personnes qui encadrent des enfants, on a attiré l’attention sur le fait qu’ils devaient éviter certains gestes qui portent à confusion. Ce qui est problématique, c’est qu’il s’agit souvent de gestes affectifs. Il y a 1.000 raisons de prendre un enfant dans les bras. Par exemple, lorsqu’il est triste. Il n’y a pas de raison de changer ça” (ibid.).
Ce rapport a été porté dans le film Les risques du métier (Cayatte, 1967), avec un personnage incarné par Brel accusé de pédophilie par une petite fille, cela amenant soupçons et associations d’idées. Cette fiction rappelle les erreurs judiciaires, notamment lors de l’enquête d’Outreau, où le procès avant l’enquête a transformé certaines vies et change, par conséquent, la donne concernant les attitudes à tenir, se voulant souvent sans ambiguïté possible. Les condamnés à tort ne sont pas les seuls à subir et gérer l’influence d’une mauvaise décision avérée. “Je m’arrange pour ne jamais être seul avec un enfant, au moins il ne pourra pas raconter n’importe quoi”, affirment certains animateurs, dont l’une d’entre elles poursuit ainsi : “Même en étant irréprochable on peut se voir reprocher des choses”. Notons aussi le développement relativement récent de certaines émissions qui tentent de concilier des personnes ayant des différends rappelant au juridique et à la possibilité d’être poursuivi au regard de la loi (Ça peut vous arriver sur RTL, animé par Courbet). Des preuves peuvent être apportées en cas de litige, provenant par exemple d’écrits, et qui peuvent permettre de repérer des fautes. Les écrits demandés aux divers acteurs, et qui doivent être conservés, seront analysés si une quelconque “perte” est constatée. On nous incite à penser qu’ils sont gages d’efficacité, pourtant certains affirment les produire “juste pour se protéger”. L’enjeu de la production de ces documents entraîne les différents acteurs à parfois se conduire en ritualistes, par crainte que leurs faits soient considérés comme étant fautifs : “ça ne sert à rien mais je le fais” ou encore “je garde tout, on ne sait jamais”. D’autres preuves, liées à la surveillance vidéo qui augmente dans le pays, pourront également être utilisées.

À propos de notre posture et notre démarche épistémique de recherche

Cette partie annonce et présente notre enquête à partir de nos questionnements préalables, explique la motivation des décisions méthodologiques opérées et précise la nature de cette recherche. Les options prises seront développées et décrites au lecteur, qui aura ainsi connaissance de la genèse de cette recherche. Cela confèrera également un regard réflexif à notre écriture. Cette étude a en effet pour objectif de pouvoir être lue et d’être, tant que possible, accessible, de rendre visibles nos interrogations, via la problématisation, pour donner à voir les réalités de la vie au sein de ces structures, par le prisme de celle des animateurs. Il s’agira de préciser notre sujet pour ensuite aborder le recueil des données.
L’écriture d’un cadre théorique permet de donner une structure logique à nos travaux, d’identifier les points-charnières et d’y satisfaire. Le cadre théorique permet de constituer une base solide pour la recherche et, à la fois, d’identifier notre pratique et la provoquer. La présentation du cadre de réflexion que nous posons pour évaluer notre hypothèse permet au lecteur de connaître les décisions réalisées et donc de mieux en comprendre le cheminement et les tenants. La structure du cadre théorique exercée ici participe à sa solidité et à sa validité.

Notre approche

Préalable

Les auteurs décrivent généralement peu leurs méthodes mais exposent davantage les résultats. Expliquer les procédés de recherche accorde un supplément de validité aux travaux. Or une démarche présentée ne fonctionne pas dans tous les cas qui se présentent et l’adaptation apportée est le signe de notre appréhension du sujet dans la situation d’enquête. Nous aborderons ces questions dans notre présentation, au regard des outils disponibles aux enquêteurs, dans la vaste boîte à outils disponible en Sciences Humaines et Sociales.
Les décisions méthodologiques dépendent du chercheur et de lui seul. Les manières dont on pourrait aborder une telle thématique sont multiples et pourraient être d’une grande diversité. Plusieurs approches sont tenables et permettraient de faire avancer la réflexion sur le sujet. Il conviendra toutefois de prendre des décisions propres à notre recherche, de les dépeindre, de les expliciter. La mise en place des outils méthodologiques ne nous a pas été simple. Nous ressentions un besoin exhaustif de comprendre le sens de l’utilisation des méthodes avant de les choisir. Aussi, nous avons pris conscience du réductionnisme qu’induit le choix d’une approche, d’une méthode, de perspectives. Au regard des oppositions qui semblaient nous contraindre à ne pas recomposer la réalité dans son ensemble, nous avons par la suite pu comprendre que l’adhésion à des voies plus complexes et multiples ne nous le permettrait pas non plus de toute manière. Nous avons pris le parti d’approcher “un tout cohérent, pertinent mais toujours ouvert au questionnement” (Pourtois, Desmet et al., 2006, p. 2).
Les méthodes d’investigation ne sauraient aborder le sujet par tous les bouts, et il s’agit d’être vigilant sur la pertinence des méthodes et des outils. Si nous n’envisagions pas une diversité des méthodes, nous avons engagé une pré-enquête pour nous rapprocher de l’instrumentation finalement adoptée. Ici, nous agirons donc pour tenter de rechercher une part de la vérité sur le sujet au fil de l’enquête -, mise en lumière par des outils qui permettront l’administration de la preuve.
Dans quelle mesure cette part de vérité recherchée peut-elle être quelque peu déterminée à l’avance ? Pour un tel travail que nous qualifions de recherche, dans quelles proportions la substance de nos découvertes peut-elle être connue, anticipée ? En effet, que remettre en question dans ce que nous pensions déjà savoir ? La technique employée permettra néanmoins d’éclairer certaines zones, de révéler certaines réalités. Il faudra ainsi choisir les outils les plus propices et adaptés au sujet. Si ces outils ne sont pas décisifs dans le fait de démontrer une vérité absolue et prétentieuse “par A plus B”, ces derniers mettront en évidence des faisceaux de vérités, des éléments de réponses, qui pourront converger vers une réalité de la réalité112 actuelle, nuancée. Les méthodes de pré-enquête solliciteront une variété d’outils, d’abord voulus complémentaires. Les premières investigations ont, en fait, permis d’affiner successivement les étapes suivantes, puis d’envisager une articulation théorie / méthode. On peut ainsi faire son miel de différentes fleurs, par une méthode qui convoque différents moyens et prismes, lesquels permettent une construction. S’il faut retenir une ou plusieurs méthodes, il faut forcément en exclure certaines, question de faisabilité et de contrainte de temps. Pour Becker (2013, pp. 129-142), la thèse comme tout produit textuel scientifique se termine quand il faut la rendre, “sortir le produit de l’atelier”. Considérer la temporalité des recherches fait partie de l’exercice, avec des planifications plus ou moins détaillées et strictes. Ainsi, des décisions méthodologiques expliquées et justifiées donnent mieux accès au lecteur sur nos intentions. Une recherche, recourant une forme de méthodologie donnée, nécessite en effet que le chercheur en argumente sur sa pertinence au regard de ses objectifs et qu’il légitime un tant soit peu l’appel à telle ou telle publication scientifique documentée. Les méthodes explicites déterminées seront décrites, replacées dans une “filiation”, rapprochées d’investigations menées par d’autres. Ainsi le lecteur pourra mieux comprendre le cheminement et les actes qui ont mené à l’émergence de données et à l’écriture. Ces travaux pourront ainsi être éventuellement repris par lui-même ou par d’autres, réinvestis, améliorés, détournés. Notre instrumentation vise une quantité suffisante de données, de matière, et une diversité de la nature des indices et de leur origine. Nous travaillons ici à l’apport d’une contribution, d’un angle de vue, et avons appris qu’il était contre-productif de chercher coûte que coûte à révolutionner les choses. En mettant une instrumentation en place, en recherchant la justesse, nous aurons ensuite à faire parler les données… Nous aurons le temps, par la suite, de regarder ces étapes avec un certain recul, la satisfaction d’avoir entrepris, l’envie d’investiguer à nouveau.

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Table des matières

TOME 1
Chapitre 1 – Cadre théorique
Chapitre 2 : Du risque dans la société au risque en ACM
Chapitre 3 – De la complexité des risques dans l’animation
Chapitre 4 – Orientation et démarche de recherche : ancrages méthodologiques
TOME 2
Chapitre 5 – Risques et environnements : une approche écologique des données
Chapitre 6 – Risques et environnements : niveaux mésosystémiques et microsystémiques
Chapitre 7 – Risques et environnements : chronosystèmes et regards sur l’usage du modèle de Bronfenbrenner (1986)
Chapitre 8 – La meilleure façon de risquer
Conclusion p
Références documentaires

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