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Les passages couverts
Une autre forme d’architecture commerciale semble elle aussi avoir participé grandement à la mise au point des centres commerciaux modernes. Il s’agit des passages couverts, également appelés arcades.
La création des passages couverts débute à Paris au XVIIIème siècle. A l’origine, leur apparition coïncide avec l’époque de la Révolution française, et la phase d’expansion du capitalisme industriel. Cette période de l’histoire a vu émerger une classe sociale : La bourgeoisie. Forte de ce renouveau social et politique, et désireuse de s’imposer, elle avait pour objectif de se détacher des autres groupes, en mettant en avant ses richesses. Alors pour satisfaire cette demande les passages « furent la forme urbaine et commerciale qui a le mieux répondu à cette première phase de croissance économique. Luxe, ostentation mais aussi une société plus libre à la recherche de plaisir et d’oisiveté, voilà les moteurs de cette première époque des passages et galeries »9
A ce jour, le premier passage couvert référencé est celui des Galeries de Bois à Paris, dans le Palais Royal. A l’origine, la commande initiale de Philippe d’Orléans10 à l’architecte Victor Louis11, prévoyait de fermer la cour d’honneur par de grandes galeries de pierre. Mais par manque de moyens, seuls trois cotés purent être achevés. Le Duc décida alors de céder la dernière partie à « un entrepreneur qui y construisit des hangars de planches abritant trois rangées de boutiques desservies par deux allées couvertes »12, et éclairées par un éclairage zénithal. Conçues de manière très simple et résultant un peu du fruit du hasard, elles ne devaient être que des installations provisoires. Mais finalement, elles ont servi de prototype à de nombreuses galeries couvertes de Paris.
Les passages couverts
Après 20 années de construction exclusivement parisienne, ce modèle va s’exporter d’abord aux provinces françaises, avant de gagner l’outre-manche et Londres, puis de se diffuser à toute l’Europe et au monde entier. Au total, ce ne sera pas moins de 260 passages qui seront créés jusqu’en 1916. Même si je ne peux pas tous les citer, il me faut parler de ceux qui nous entourent ou que j’ai eu l’occasion d’arpenter au cours de différents voyages en Europe :
Tout d’abord, je peux citer Le Royal Opéra Arcade, construit en 1817 à Londres, et qui est d’ailleurs le premier passage construit hors de France. En avance sur son temps, il possédait déjà à l’époque une grande façade commerciale et une organisation interne très rationnelle. Il est aujourd’hui le plus ancien passage en activité et n’est toujours consacré qu’aux commerces.
Nantes possède aussi l’un des plus beaux et des plus étonnants passages d’Europe avec le passage Pommeraye. Inauguré en 1843, il s’étend sur trois niveaux distribués par un grand escalier central qui permet de s’intégrer à la forte déclivité du terrain et ainsi de relier la rue de la Fosse à la rue Santeuil. En plus d’être remarquable architecturalement, il se détache également par ses ornementations de toutes sortes (galerie de statues, sculpture, ferronneries, etc.). Tous ces éléments ont contribué à faire que ce passage soit l’un des plus utilisés comme décors de film ou encore comme sujet pour de nombreux livres.
Les passages couverts
Enfin, je peux parler de la Galleria Umberto I, construite à Naples entre 1887 et 1890. Avec ses « rues » de marbres et ses voûtes de verre, elle est le théâtre de scènes de vie à toute heure de la journée. Sous le dôme central, à la croisée des rues, on peut y voir tout un ensemble d’ornementations, allant des signes du zodiaque aux statues de bronze, accroché à la structure de fer. Véritable carrefour, elle permet de relier les plus grandes artères de la ville, évitant de faire de grands détours ; et par conséquent, elle s’impose naturellement comme un passage obligatoire.
Si ces quelques exemples sont déjà très différents l’un de l’autre architecturalement et en terme de spatialité, ils sont aussi les témoins d’une évolution des passages couverts et des galeries au fil des années. Mais, comme le mentionne l’ouvrage sur l’avenir des passages et galeries en Europe au XXIème siècle13, d’autres édifices sont encore plus surprenants. Il faut citer pour cela Les Galeries Royales de Saint-Hubert en Belgique, synonyme de révolutions pour les passages, de par leur ampleur et leur taille ; La Galleria Vittorio Emanuele II à Milan, l’une des plus belles et des plus célèbres d’Europe pour son immense et haute verrière ; ou encore le passage GUM en Russie qui reste à ce jour le plus grand passage jamais construit dans le monde. Toutes ces évolutions architecturales nous amènent à penser que ces changements n’étaient que les prémices des centres commerciaux modernes.
Il n’est donc pas surprenant que le début de la disparition des passages couverts coïncide avec l’avènement des premiers grands magasins. S’ils subissaient déjà la concurrence de locaux qui offraient des surfaces bien supérieures aux leurs, la première guerre mondiale n’a rien arrangé. Bien au contraire, elle n’a fait qu’amplifier le commerce de masse auquel pouvaient répondre les centres commerciaux d’après-guerre, dans une période de reconstruction massive et rapide. Les seuls passages à avoir pu résister durant cette nouvelle ère sont ceux construits à la fin du XIXème siècle et que nous avons cités précédemment (Milan, GUM à Moscou, etc.). Ils témoignent encore aujourd’hui d’une activité conséquente. En effet, leur architecture monumentale permet d’offrir de grands espaces à fort potentiel, et donc de pouvoir répondre aux demandes des grandes enseignes commerciales très prisées de la clientèle.
Ainsi, au travers de l’analyse des passages couverts et de leur évolution, on se rend compte que les concepteurs avaient déjà bien intégré la notion de rentabilité. En regroupant les commerces dans un lieu unique et en canalisant les flux piétons dans de larges allées couvertes, ils ne faisaient qu’augmenter les profits. On citera d’ailleurs Jean-Michel Silberstein, qui dans un colloque sur les passages couverts14 disait: « Dans le commerce, on sait que ce qui apporte le commerce, c’est le flux ou alors le commerce apporte le flux, et ce sont ces flux qui font que le commerce se perpétue. ». Finalement, l’histoire se perpétue, sans que depuis l’ère des premiers marchés couverts de l’antiquité, l’homme n’ait fait évoluer la méthode de rentabilité commerciale. Seuls l’architecture et les changements de modes de consommations diffèrent.
La naissance des centres commerciaux
La naissance des centres commerciaux
Si les centres commerciaux font partie intégrante du paysage urbain d’aujourd’hui, leur histoire ne s’est pas faite en un seul jour. Bon nombre d’interrogations, de réflexions ou encore d’évolutions, ont été nécessaires pour en arriver au modèle que nous connaissons. La seule certitude que nous pouvons avoir aujourd’hui, et comme le raconte Patrick Mauger dans son ouvrage, c’est qu’ils ont été une forme de réponse à l’évolution des modes de consommations et à l’image du mode de vie de la population.
Les centres commerciaux contemporains
Volumétrie et matérialité
« Si les halles de marchés remontent à une tradition médiévale établie, les grands magasins sont une pure invention de la société industrielle.»15. En effet, le XIXème est le siècle lié à l’essor de l’industrie, du commerce, et de la production de masse. Les centres commerciaux apparaissent donc comme une réponse à l’évolution du mode de vie de la population. Ils marquent aussi le début de la société de consommation, et ne sont que la préfiguration d’une typologie qui ne cessera d’évoluer en fonction des évolutions des idéologies commerciales.
Auparavant, le lieu de commerce s’apparentait à de petites boutiques en plein centre-ville, ou parfois de halles couvertes comme nous avons pu le voir précédemment. La révolution industrielle a permis de développer de grands volumes (bâtiments avec étage, atrium, etc.), et de faire la part belle aux vitrines et à la mise en valeur des produits. Ainsi, le travail des architectes s’en retrouve facilité, ce qui leur permettra de conserver dans leurs projets l’une des idées fondatrices du concept : concentrer le client sur l’achat. Ils intègreront également des notions nouvelles comme la fidélisation de la clientèle ; via l’emploi de matériaux, de visuels, de symboles, qui permettront de créer une identité au bâtiment. L’image dégagée devra alors s’ancrer dans la mémoire des gens pour susciter de l’émotion et les faire adhérer. C’est d’ailleurs ce à quoi Patrick Mauger fait référence dans son ouvrage16 : « plus l’architecture est intense, plus l’attraction et la capacité à retenir les chalands seront fortes. ».
Mais ces évolutions ont été rendues possibles, avant tout, grâce à l’utilisation du métal. Les architectes y voient là un bon moyen d’allier la rentabilité et l’esthétique. D’un point de vue économique, la mise en place d’une structure poteaux-poutres permet d’obtenir des systèmes à grande portée, qui limitent l’impact au sol, démultiplient les hauteurs des bâtiments, et donc augmentent les possibilités d’aménagement. Autant d’atouts importants dans la conception des centres commerciaux. Et ce n’est pas le seul avantage, puisque s’ils choisissent de retenir des structures au potentiel esthétique intéressant (poutres treillis, ajouts de ferronnerie, etc.), ces dernières vont pouvoir être laissées apparentes et par conséquent donner du « cachet » au centre commercial.
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Table des matières
Introduction
Du marché couvert à la naissance des centres commerciaux
1 – Les marchés couverts & les halles
2 – Les passages couverts
3 – La naissance des centres commerciaux
3-1 – Les centres commerciaux contemporains : Volumétrie et matérialité
3-2 – De Victor Gruën à Jon Jerde
Etude de cas : Mall of America & Europa City
1 – Présentation des deux centres commerciaux
1-1 – Mall of America
1-2 – Europa City
2 – L’importance de la galerie couverte dans la pratique commerciale
3 – La place de l’usager dans le centre commercial
Conclusion
Iconographie
Médiagraphie
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