DU LOUP AU CHIEN A TRAVERS LA PALEONTOLOGIE
Domaine vital, territoire et cartographie
Surfaces et limites:
Comme on a pu le constater, les notions de domaine vital ou de territoire sont essentiellement appréhendées, afin de les rendre les plus opératoires possibles, sous la forme d’aires géographiques, d’utilisation d’espace cartographié et représenté comme une surface au contour bien dessiné. Cette modélisation de l’investissement de l’espace par un animal, comme toute modélisation est une représentation (re-présentation), simplifiée de la réalité.
Elle permet de quantifier et de cerner notre représentation de ce qu’est l’occupation d’un espace par un animal. Le mérite évident de cette cartographie est finalement de quantifier une aire au sein de laquelle l’animal restreint son activité. En fait ces quantifications de l’espace trouvent ses applications les plus pertinentes dans des conceptions écologiques du territoire ou du domaine vital. On cherche ainsi à étudier la répartition géographique des animaux en fonction notamment de la distribution des ressources. Comme on a pu le voir, la disponibilité en ressources alimentaires expliquerait l’utilisation et la défense d’une aire suffisante où ces ressources se situent, mais influencerait également le contexte socio-biologique de la meute et par conséquent l’investissement et l’agencement territorial d’une population. La notion de domaine vital se trouve alors inféodée à celle d’adaptation de l’organisme dans un environnement selon le paradigme du modelage du comportement par la sélection naturelle.L’organisation socio-spatiale serait tributaire de facteurs environnementaux et explicables en terme de coûts et de bénéfices. On peut se référer par exemple au modèle de Mac Donald (ressources dispersion hypothesis (169)), qui s’attache à la variation spatio-temporelle de la distribution de la nourriture pour rendre compte de la configuration du territoire et de la taille du groupe chez les carnivores. On peut aussi mentionner Von Schantz (160), qui développe la constant territory hypothesis où les animaux maintiendraient un territoire constant ajusté sur les années les plus pauvres ou Lindström (160), qui prend en compte la fitness d’un couple reproducteur de voir sa descendance sur le même territoire … Pourtant, ces approches s’attachent aux conditions et aux conséquences écologiques du comportement territorial en cherchant une explication à la révélation cartographique, qui peut pourtant prêter à caution sans chercher véritablement les mécanismes intimes de la territorialité. Seulement, cette représentation de type géométrique soulève quelques problèmes en ce qui concerne les critères employés pour qualifier le territoire.
? Certains auteurs soutiennent que la territorialité implique des limites spatialement définies et stables. D’autres avancent que les territoires ne sont pas fixes et peuvent varier dans le temps. Or, on a pu constater les deux cas de figure. Des loups peuvent utiliser de manière stable un territoire d’une année sur l’autre alors que d’autres feront preuve d’une grande variabilité d’investissement spatial.
? Il n’existe pas d’indications claires sur le moment où une part du domaine vital se transforme en territoire. Le critère d’exclusivité est à ce sujet assez révélateur. Puisqu’il existe une zone de défense contre les intrus au niveau de la zone butoir, l’ensemble du domaine vital peut donc être considéré comme territoire. Mais comment prendre en compte le fait que les loups diffèrent dans leur taux d’exclusion. Quel seuil choisir ? Estce que moins de 25 % de zone de partage défini un territoire et plus de 25 % une absence de territoire ? (Maher cité par 59). On se retrouve finalement dans un modèle géométrique qui ne permet qu’une approche partielle de la territorialité où la carte dessinée sur le papier serait une sorte de représentation mentale que se ferait l’animal de son territoire.
Or, on voit bien qu’il faut chercher ailleurs une tentative d’explication des problèmes 195 rencontrés par exemple aux limites de la carte. Limites fluctuantes et dynamiques par excellence comme semble l’être l’ensemble du processus de territorialisation.
Actospatialité et réalité vécue
Quantitatif et qualitatif
L’approche de la notion de territoire telle qu’elle nous est présentée dans la plupart des articles scientifiques est essentiellement géométrique. Or, le territoire n’est pas tant quantitatif que qualitativement variable. Topologique plutôt que géométrique. On appréhende souvent le territoire de manière extensive et horizontale sans apprécier le caractère intensif de la territorialité. Le référentiel employé est fait d’unités métriques et conventionnelles de l’espace et du temps. Il nous donne une représentation, une image du monde théorique, conceptualisé alors que les « êtres vivants perçoivent le monde et non une image du monde » (59). On oublie ainsi la réalité vécue par l’animal. Comme on a pu l’entrevoir au sein même du domaine vital, l’animal vivra son territoire de manière fluctuante. Or l’investissement d’un espace correspond à un pouvoir d’affecter et d’être affecté. Il se compose d’affects passifs ou actifs, d’intensités. Intensités variables du bord au centre, limite fluctuante du territoire car elle ne prend de valeur qu’instantanément, dans la réalité vécue par l’animal, mais existence d’une limite par la possibilité même de passer cette limite dans une ligne de fuite, de déterritorialisation. Or, cette ligne de sortie du territoire sera différente si une meute voisine est proche, si le lieu est investi d’odeurs de cette meute, si une carcasse est proche ou encore si un homme passe. L’expression de marques territoriales ou territorialisantes sera aussi
différente (hurlements, marquages urinaires, etc.). Cette ligne de déterritorialisation modifie le comportement hors de la limite pour engendrer une reterritorialisation dans un espace connu et apaisant.La variation d’intensité, c’est également la variation des prégnances d’un lieu. Lieu de repos par exemple, utilisé et réutilisé par la meute. Le même rocher pour le même loup.Comportement caractéristique du loup qui tourne sur lui-même avant de se coucher, de s’approprier ce lieu, de se territorialiser. Le repos comme un attracteur biologiquement signifiant, permet l’investissement d’un lieu par une prégnance particulière. Le rocher sur lequel se couche le loup devient ainsi l’objet saillant, investi d’une prégnance de repos, il prend donc une signification particulière. Et l’on peut dire la même chose pour les lieux de repas, ou les lieux de rendez-vous (cf le lien avec l’expression des hurlements un peu plus loin par exemple). Prenons l’exemple de la tanière où l’intensité territoriale est là encore différente, aussi bien pour la mère, qui ne l’a quitte plus, que pour les autres adultes qui y retournent après la chasse. Réduction du territoire pour la mère à un tout petit espace comme pour permettre la territorialisation des louveteaux, la tanière devient le lieu apaisant notamment grâce aux phéromones maternelles. La tanière, c’est finalement la première demeure, le premier territoire comme un espace rassurant face aux forces de l’inconnu qui frappent à l’extérieur. Cet espace rassurant sert de base au processus de territorialisation ultérieur, autour de la tanière puis pour les sites de rendez-vous. Tout se passe comme s’il existait une sorte d’empreinte progressive à un lieu, résultant de l’articulation entre les variations physiologiques des impulsions internes et les circonstances du milieu extérieur, et accordant finalement une prégnance particulière au lieu. L’investissement de l’espace n’est donc pas homogène.Mech fait d’ailleurs état d’une répartition spatiale des comportements des loups à l’état sauvage (187). De Gaulejac dans son étude sur des loups en captivité met en évidence cette occupation différentielle de l’espace (59). Ainsi, les loups réservent certaines zones de l’enclos à la conduite alimentaire, d’autres au repos, d’autres à la miction et à la défécation, 196 d’autre aux comportements de creusement et d’enfouissement, alors que certaines zones ne sont jamais fréquentées. Les loups occupent également l’enclos de façon hétérogène en fonction des classes d’âges, adultes, sub-adultes et juvéniles.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : APPROCHE HISTORIQUE ET CADRE THEORIQUE DES PRINCIPES D’EVOLUTION ET DE TAXINOMIE
1. L’évolution
2. La taxinomie : science de la classification
CHAPITRE II : LA PLACE DU CHIEN ET DU LOUP DANS LA SYSTEMATIQUE. IMPORTANCE DES CARACTERES MORPHOLOGIQUES
1. Classification
2. La famille des Canidés
3. Le genre Canis
4. Taxinomie du chien parmi les Canidés : critères morphologiques
CHAPITRE III : DU LOUP AU CHIEN A TRAVERS LA PALEONTOLOGIE
1. Les humains du Paléolithique et les loups
2. Les premiers chiens du Mésolithique
3. Les chiens du Néolithique
CHAPITRE IV : L’EXPERIENCE DE LA DOMESTICATION
1. Entre hommes et loups, une relation intime fondée sur la chasse
2. L’intégration des louveteaux à la vie de l’homme : une étape essentielle du processus domesticatoire
3. Une domestication pour remplir des fonctions utilitaires ?
4. La domestication à travers les représentations symbolico-religieuses des premiers hommes
CHAPITRE V : COMMENT PASSER DU LOUP AU CHIHUAHUA OU AU SAINT – BERNARD ?
1. Aspects généraux de la domestication
2. Les variations parallèles des animaux domestiques
3. La pédomorphose des chiens domestiques
CHAPITRE VI : LA PLACE DU CHIEN PARMI LES CANIDES VUE SOUS L’ANGLE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE
1. Introduction à la taxinomie à travers la biologie moléculaire
2. Les relations phylogénétiques de la famille des Canidés au sein de l’ordre des Carnivores
3. Les relations phylogénétiques entre les différents Canidés
4. Diversité génétique et origines du chien
5. Mythes et réalités de l’approche génétique
CHAPITRE VII : ALIMENTATION ET PREDATION CHEZ LE LOUP
1. Proies et régime alimentaire
2. Le choix des proies
3. Techniques et comportements de prédation
4. Synthèse sur la prédation du loup
5. Comportement de prédation et coopération sociale
CHAPITRE VIII : LA PREDATION CHEZ LE CHIEN
1. Etude de la prédation chez les chiens errants
2. Exploration du comportement naturel de prédation à travers une enquête
3. Prédation et sélection à la chasse
4. Prédation et sélection chez les chiens de berger
CHAPITRE IX : DOMAINE VITAL ET TERRITORIALITE CHEZ LE LOUP
1. Définitions
2. Le domaine vital des meutes
3. Distribution spatiale et dispersion extraterritoriale des loups solitaire
4. Loup nomade ou territorial ?
5. Domaine vital, territoire et agression territoriale
6. Analyses sur la notion de territoire
CHAPITRE X : LES QUALITES EXPRESSIVES CHEZ LE LOUP
1. Marquage urinaire
2. Fèces et sécrétions anales comme marquage odoriférant
3. Marquage olfactif et contexte territorial
4. Conclusion sur le comportement de marquage
5. Les vocalisations chez le loup
CHAPITRE XI : ECO-ETHOLOGIE DES CHIENS FERAUX
1. Système social des chiens féraux
2. Domaine vital et territoire chez les chiens errants et féraux
CHAPITRE XII : LE COMPORTEMENT DE MARQUAGE CHEZ LE CHIEN
1. Marquage urinaire
2. Les autres comportements de marquage odorant
CHAPITRE XIII : LA VIE DE REPRODUCTION CHEZ LE LOUP
1. Physiologie de la reproduction
2. Comportements sociaux et accès à la reproduction
3. Elevage parental
4. La reproduction chez le loup : approche téléonomique
CHAPITRE XIV : REPRODUCTION CHEZ LE CHIEN
1. Physiologie et endocrinologie sexuelles
2. Comportement de reproduction
3. Elevage parental
CHAPITRE XV : LA COMMUNICATION CHEZ LE LOUP
1. Notion de communication
2. Une communication visuelle très élaborée
3. Ontogenèse des comportements agonistiques et des jeux sociaux
CHAPITRE XVI : ORGANISATION DE LA VIE SOCIALE CHEZ LE LOUP
1. Modèle social développé par Zimen
2. Notions de hiérarchie et de dominance vues sous l’angle de différentes études
3. Hiérarchie de dominance : un concept utile ou inutile ?
CHAPITRE XVII : COMMUNICATION, HIERARCHIE ET DOMINANCE CHEZ LE CHIEN : CONSEQUENCES DE LA DOMESTICATION
1. Communication
2. Hiérarchie et dominance chez le chien
CHAPITRE XVIII : DU LOUP AU CHIEN : CONCLUSION SUR LA DOMESTICATION
1. Une base sauvage diversifiée
2. Une sélection artificielle importante
3. Les conséquences d’une sélection portant sur l’apprivoisement
4. L’importance des effets pléiotropiques et polygéniques
5. L’hétérochronie comme pièce fondatrice du processus domesticatoire
6. Les conséquences de la domestication
CONCLUSION
BIBLIOGRAHIE
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