Du deuil de la guérison par la médecine occidentale au retour au pays : un cheminementpsychique 

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Recherche documentaire

La question du retour dans son pays d’origine conduit la personne étrangère, en phase palliative symptomatique à s’inscrire dans un processus de réflexion. Mourir en France ou dans son pays natal.
Ce travail documentaire tentera de comprendre les représentations culturelles en Afrique Subsaharienne qui se jouent dans les derniers instants de la personne. Il s’agira de montrer également l’apport des interactions de la famille et des proches dans cette période particulière. Nous interrogerons aussi l’effet produit du retour au pays sur l’équipe soignante et sur les enjeux de la prise en charge médicale entre le pays d’accueil et le pays natal. Pour finir, nous étudierons le cheminement psychique dans laquelle le résident se trouve face l’incurabilité de la maladie.

La confrontation des représentations socioculturelles d’un retour au pays 

Le point de vue du résident 

▪ Approche culturelle de la mort en Afrique subsaharienne : le prestige du statut d’ancêtre Louis Vincent Thomas, thanato-anthropologue, définit la mort biologique comme « l’arrêt complet et définitif des fonctions vitales, notamment au niveau du triangle cerveau-coeur-poumon. »2. C’est à la fois un état, le corps inerte et un processus, allant de l’accompagnement de la personne vivant à ces derniers instants jusqu’aux rituels d’enterrement du défunt.
En Afrique Noire, la mort se symbolise par la séparation du principe vital, des âmes (lourdes ou légères) et du corps.
L.V THOMAS distingue également la bonne mort de la mauvaise. La bonne mort s’accomplit selon des normes traditionnelles (de lieu, de temps, de manière). Elle est soit naturelle ou rituelle. Tandis que la mauvaise mort est révélatrice du courroux des puissances religieuses, essentiellement anomique dispensatrice d’impureté. (THOMAS 1963).
Cette perception de la mort, déterminante montre le besoin de bénéficier des rituels afin de réhabiliter le défunt de sa mauvaise mort.
L. V THOMAS a pu observer qu’il « existe une catégorie de défunts qui n’ont pas pu, pour différentes raisons (absence de funérailles et de rites mortuaires, individus morts de façon subite, insolite et mystérieuse, sorciers et être pervers, etc.) à parvenir à l’état d’ancêtres : condamnés à errer – ce sont les revenants- et à souffrir, ils n’échappent pas, un jour donné, à la destruction définitive. » Le statut d’ancêtre protège le plus souvent la communauté. « Il s’agit là d’une attitude adoptée par la conscience collective pour lutter contre l’action dissolvante de la mort et les effets néfastes du désordre. » 3 La place d’ancêtre donne à celui qui la possède un statut supérieur aux Génies ; tous deux des Êtres-Forces (êtres surnaturelles). Certains sacrifices menés par le groupe d’appartenance permettent à l’âme du défunt de quitter le monde des vivants pour rejoindre celui des esprits. La mort est perçue comme un temps de purification. Cette approche devant la mort permet d’envisager qu’un patient africain ait le désir de bénéficier de cet accompagnement rituel pour devenir un ancêtre et donc de mourir en terre sacré. Parfois, les rituels peuvent avoir lieu aussi post mortem, à la suite du rapatriement du corps du défunt. Bien sûr, il est important de contextualiser cette perception avec l’attachement de la personne à sa culture.
Par ailleurs, dans son intervention du 30 Janvier 20204, A-M DOZOUL, titulaire d’un diplôme de 3ème cycle en socio-anthropologie et de psychologie clinique évoque ce que représente le fait de mourir en France dans le milieu hospitalier. Les personnes immigrées peuvent le vivre comme une deuxième migration, demandant une réadaptation dans leurs normes culturelles. Ce lieu laïc peut être perçu comme sans âme, sans accompagnement rituel. Un conflit de loyauté de terre avec le pays d’origine peut apparaitre. Elles assistent à une double perte celle de la terre (pays natal) – et celle du ciel (spiritualité). Les patients immigrés peuvent s’interroger sur la capacité de l’hôpital à les comprendre dans leurs cultures. L.V THOMAS notait également que la prise en charge par la communauté des mourants en Afrique Noire était plus maternante et sécurisante. Contrairement à l’Occident, où on meurt à l’hôpital, souvent seul. 5
De plus, ils ne maitrisent pas entièrement la langue vernaculaire. Il est donc plus aisé pour la personne de s’exprimer dans sa langue maternelle, dont le vocabulaire est plus riche pour décrire ses émotions.
▪ Approche culturelle de la maladie en Afrique subsaharienne : la part du visible et de l’invisible En Afrique subsaharienne, les causes de la maladie viennent s’expliquer à travers le monde visible et non visible. Le visible correspond aux causes somatiques de la maladie. Le monde invisible est lié aux croyances animistes, à la sorcellerie et à la pensée malfaisante de proches ou d’ancêtres voulant du mal à la suite de transgressions d’interdits.
Ces croyances de l’effet magico-religieux sur la maladie sont variables en fonction du niveau d’éducation et de la durée de résidence dans le pays d’accueil. Elle peut perdurer même après la migration. « Il apparaît en effet, que certaines personnes originaires d’Afrique Noire et vivant en France continuent à croire à la sorcellerie, mais uniquement dans leur pays d’origine; elles peuvent donc toujours craindre une attaque lors de leur retour dans le pays d’origine. »6. Retourner dans son pays natal, c’est se rapprocher de « l’autre » (esprit, ancêtre, famille) qui lui veut du mal. Elle peut expliquer l’absence de ce souhait.
Cependant, NGONO B, docteur en philosophie pratique, décrit 3 types de recours thérapeutique pour répondre à la fois aux causes physiques et aux origines surnaturelles de la maladie. Le retour peut donc être perçu comme une guérison possible.
Le recours lié au « secteur populaire » représente la prise en charge de la maladie par le proche, la famille voire par la communauté. « On fait appel à l’automédication, à l’avis de la famille, d’un ami, parfois également à des groupes d’entraide ou de guérisons, qui peuvent être liés à l’appartenance religieuse ». (Cf. LOUBIERES, 2004)
Le recours lié au « secteur traditionnel » renvoie aux guérisseurs. À la suite des nombreuses dénominations, ces praticiens sont nommés par l’Organisation Mondiale de la Santé comme des tradipraticiens. Un tradipraticien est « une personne reconnue par la collectivité où elle vit, comme compétente pour dispenser les soins de santé, grâce à l’emploi de substances végétales, animales et minérales, et d’autres méthodes basées sur le fondement socio-culturel et religieux, aussi bien que sur les connaissances, compétences et croyances, liées au bien-être physique, mental et social ainsi qu’à l’étiologie des maladies et invalidités prévalant dans la collectivité ». (Cf. LOUBIERES, 2004).
Le dernier recours lié au « secteur professionnel » est celui à la médecine pratiquée en Occident, la biomédecine.
Céline LOUBIERES note un recul dans les zones urbanisées de ces croyances magico-religieuses et invite à prendre en compte les aspects culturels comme des clés de compréhension au vécu de la maladie par la personne. Elle met en avant l’importance de ne pas uniquement s’axer sur les aspects culturels, mais à recontextualiser avec l’histoire personnelle de la personne (durée de présence en France, niveau d’éducation etc.) pour ne pas nier l’individualité de chaque patient.
Par ailleurs, nous avons pu observer à travers les différents recours possibles, la place de la famille. Elle peut être partie prenante de l’accompagnement du malade. En effet, Céline LOUBIERES montre que la maladie peut menacer la « cohésion sociale » de la famille voire de la communauté et confère au patient un statut privilégié. Retourner dans son pays peut permettre à une personne isolée en France de bénéficier de cette place. Elle est « l’objet d’une attention redoublée » et qui « suscite l’intérêt du groupe puisque « personne dans le milieu visé ne reste indifférent ; c’est tout au contraire une mobilisation et une interpellation collective ». La famille entoure le malade.
Elle permet aussi à la famille et à la communauté de pouvoir dire au revoir, de passer ces derniers instants avec le proche malade. Si la famille est présente dans le pays d’origine, le retour aide ces derniers à intérioriser le décès notamment pour les enfants en favorisant alors le processus de deuil.

Le point de vue de l’équipe soignante 

▪ L’idéal de la « bonne mort » perturbé par le retour dans le pays natal : de nouveaux repères à construire.
Dans les sociétés industrialisées, durant le XXème, le rapport à la mort a évolué. Il est devenu plus singulier. La prise en charge du défunt par la communauté avec des rites spécifiques tend à disparaitre. Elle est restreinte au cercle familial. Il est également marqué par une quête de la « bonne mort ». Comment se symbolise cette notion ? Comment cette quête se manifeste-t-elle auprès des équipes soignantes ?
Selon Isabelle ATMANI,7 psychologue clinicienne à l’hôpital DELAFONTAINE, la « bonne mort » se symbolise par 3 principes : le maintien de la dignité, l’absence de douleur somatique et la prise en charge de la famille.
En effet, les soins palliatifs sont marqués par cet idéal de lutter contre la douleur. Souffrir est devenu intolérable comme le souligne David LE BRETON, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg : « la douleur est aujourd’hui un non-sens absolu, une pure torture ».8
La représentation de la « bonne » mort demande aux équipes soignantes comme le dit Isabelle MARIN, praticienne hospitalière en Equipe Mobile en Soins Palliatifs à l’Hôpital DELAFONTAINE à Saint Denis à prendre du recul sur sa pratique dans le cadre d’un rapatriement d’un patient étranger en phase palliative symptomatique et à « abandonner un idéal de soins et accepter que les malades puissent aller dans un endroit pas propre à leurs yeux sans soin, sans confort et sans médicament. »9
De plus, la perception de la « bonne mort » est marquée par la présence de la famille. Pascal HINTERMEYER, professeur de sociologie à l’Université de Marc Bloch, Strasbourg, dit « nous souhaitons que l’être humain décède en paix, entouré par ses proches, respecté par ses semblables. Mauvaise est la mort qui survient lorsqu’on se trouve au loin, séparé de la communauté à laquelle on appartient. ».10
Cet aspect de la bonne mort est à prendre en compte dans le travail d’accompagnement avec le patient étranger. Ce travail incite la personne accompagnante à s’interroger sur sa représentation de la « bonne mort ». Cette dernière influence-t-elle le professionnel dans l’élaboration de ce projet
L’absence de demande explicite pose aussi une question éthique.

Une question éthique : l’absence de demande

Quand la maladie évolue défavorablement, l’équipe soignante se pose la question suivante : Madame souhaite elle repartir dans son pays d’origine ? Cette question ne laisse pas indifférente. Nous pouvons observer des pratiques divergentes à ce sujet.
La docteure BOUKHEBIZA-ZIDI Rachida dans l’EMSP du Centre Hospitalier Universitaire à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon est « persuadée qu’il faut s’abstenir de poser la question aux patients. En effet, lorsque la question est posée par les soignants les patients notamment les anciens immigrés, ont le sentiment de ne plus être désirables en France maintenant qu’ils sont gravement malades ». 11 Cette expérience invite à prendre en compte le parcours migratoire de l’étranger notamment la durée de présence en France et les liens avec le pays d’accueil.
Le témoignage de la docteure Isabelle MARIN en EMSP rapporte également les propos tenus par un patient malien Monsieur K âgé de 50 ans au sujet de son rapatriement dans son pays natal : « Bien sûr pour mourir, il doit retourner au pays, mais qu’il ne veut pas mourir et que nous sommes cruels de l’obliger, en privilégiant son autonomie à regarder sa mort en face. »12 L’autonomie dans ce contexte renvoie à la capacité de penser et de prendre une décision. Décider de partir ou non, peut confronter le malade à sa propre mort. L’équilibre psychique trouvé par ce dernier peut alors être déstabilisé. La personne est-elle en capacité de pouvoir élaborer ce projet qui la confronte à sa propre finitude ?
Par ailleurs, PIAN Anaik, post-doctorante en sociologie a recueilli le témoignage de certains médecins : « l’enjeu du retour au pays les contraints parfois à « brusquer » les annonces de fin de vie, quitte à « faire violence au patient » afin que celui-ci prenne rapidement la décision de rentrer ou non avant qu’il ne soit trop tard. L’incertitude temporelle de la « trajectoire descendante » (Ménoret, 1999) du cancer se double en effet d’un éclatement spatial entre ici et là-bas qui en complexifier sa gestion ». Pour les soignants, ce retour doit permettre de « profiter de ses derniers instants » avec sa famille. Il doit être anticipé « pour des raisons logistiques afin que l’intéressé puisse voyager en avion sans être alité ». 13
En effet, le coût d’un rapatriement sanitaire est 5 fois supérieur à celui d’un vol classique. Le financement du trajet pour les étrangers en situation irrégulière est plus compliqué, car le nombre de dispositifs permettant d’avoir des aides financières est plus restreint. Il s’appuie essentiellement sur les aides ponctuelles et discrétionnaires des associations caritatives. L’Office Français de l’Immigration et d’Intégration14 propose également une aide au retour volontaire pour les personnes en situation irrégulière présentes sur le territoire français depuis au moins 6 mois. Mais, la personne doit être en capacité de voyager en position assise. La demande doit être anticipée car il y a un délai de 3 à 4 semaines pour instruire le dossier. (Arrêté du 27 avril 2018 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion.) A cela peut s’ajouter une pression de la part de la famille. Elle devra supporter si le résident reste dans le pays d’accueil, le coût plus important du rapatriement du corps de la personne décédée vers le pays d’origine.
Pour finir, le professeur René SCHAERER en cancérologie montre l’intérêt de questionner les désirs de la personne étrangère : « Mourir à l’étranger, quand cette éventualité n’est pas anticipée, confère à cette mort l’allure d’une étrange mort tant pour la personne en fin de vie que pour son groupe d’appartenance ».15
Ces différentes expériences montrent un certain malaise, parfois une certaine violence, aussi bien pour le malade que pour le professionnel accompagnant ce projet. Elle pose une question éthique : comment agir face à cette absence demande ? Faut-il poser la question ou attendre que ce désir vienne de la personne ? La question du retour n’est donc pas sans conséquence.

Les différences de prise en charge médicale de la fin de vie peuvent jouer sur le désir de la personne de retourner dans son pays d’origine.

Partir peut amener le résident à se projeter dans la gestion de ces symptômes dans son pays d’origine. L’organisation des soins palliatifs dans le pays d’accueil et dans le pays natal peut alors influencer le projet. Mais qu’en est-il de la démarche palliative au Burkina Faso, pays d’origine de Madame C ? Comment qualifie-t-on « les soins palliatifs » ? Quels sont les besoins médicaux spécifiques d’un patient en fin de vie ? Quelles réponses peuvent être apportées ici ou au Burkina Faso ?
L’Organisation Mondiale de la Santé16 donne en 1990 une première définition internationale : « Les soins palliatifs sont des soins actifs, complets, donnés aux malades dont l’affection ne répond pas au traitement curatif. » Et ajoute en 2002 la définition suivante : « Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. Les soins palliatifs procurent le soulagement de la douleur et des autres symptômes gênants, soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal, n’entendent ni accélérer ni repousser la mort, intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins aux patients, proposent un système de soutien pour aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu’à la mort, offrent un système de soutien qui aide la famille à tenir pendant la maladie du patient et leur propre deuil, utilisent une approche d’équipe pour répondre aux besoins des patients et de leurs familles en y incluant si nécessaire une assistance au deuil, peuvent améliorer la qualité de vie et influencer peut-être aussi de manière positive l’évolution de la maladie, sont applicables tôt dans le décours de la maladie, en association avec d’autres traitements pouvant prolonger la vie, comme la chimiothérapie et la radiothérapie, et incluent les investigations qui sont requises afin de mieux comprendre les complications cliniques gênantes et de manière à pouvoir les prendre en charge. »
En France, le Circulaire du 25 Février 2005 distingue la phase dite palliative : « Les traitements spécifiques sont encore appliqués avec pour objectif une réponse temporaire et/ou partielle, une stabilisation de la maladie et / ou une amélioration de la qualité de vie ; de la phase terminale ; « phase durant laquelle le décès est inévitable et proche ».
Durant la phase palliative, deux phases se succèdent, la phase dite palliative active et celle dite symptomatique dont l’objectif est « d’améliorer la qualité de vie »17.
La phase palliative active a pour but « de ralentir l’évolution de la maladie ». Dans la phase palliative symptomatique, seuls les traitements de « confort » sont administrés (médicament pour soulager la douleur, soins de bouche, toilettes).
Selon la docteure Véronique BLANCHET en EMSP de l’hôpital Saint Antoine, durant la phase terminale « les traitements utilisés visent à lutter contre les sources d’inconfort sans accélérer la mort. ».

Du deuil de la guérison par la médecine occidentale au retour au pays : un cheminement psychique

▪ De la confrontation à des conflits internes .
La question du retour au pays d’origine au moment de l’annonce d’un pronostic réservé peut générer des conflits internes chez la personne accompagnée. Elle est confrontée à des choix complexes source de souffrance.
Dans cette période particulière, elle peut faire émerger des enjeux liés à l’histoire personnelle, lié à l’expérience migratoire (contexte d’arrivée, durée de présence en France, raisons de la migration) et aux normes et aux valeurs de chaque personne. Ils sont singuliers à chaque patient.
La fin de vie vient interrompre le projet migratoire pour des raisons économiques. Quitter son pays pour un avenir meilleur est une initiative de groupe. La personne est investie par sa communauté pour venir en France et subvenir à ses besoins. La maladie apparait généralement dans le pays d’accueil. Le patient peut être investi d’un devoir envers ses proches qui le pousse à rester en France. Partir peut conduire alors une rupture de ressource. Le parcours de H en est un exemple. H, âgé de 50 ans, a été accueilli à la Villa Amédée durant 12 mois. Présent en France depuis 6 ans, on lui découvre un cancer gastrique. Père de 5 enfants, âgés de 16 ans, 13 ans, 9 ans, 6 ans et 3ans, il est titulaire d’un CDI en tant d’agent d’entretien. Son oncologue lui avait administré une chimiothérapie par voie orale. Il refusait d’être hospitalisé. Il souhaitait poursuivre son travail pour subvenir aux besoins de sa famille. L’accompagnement médico-social a dû négocier avec lui pour qu’il accepte un arrêt de travail. Les douleurs liées à son cancer avaient évolué. La maladie était secondaire. Il devait subvenir à leurs besoins. Il est décédé en France trois semaines après s’être arrêté de travailler.
Par ailleurs, l’absence prolongée du pays natal peut influencer le désir de retour au pays. Emmanuel JOVELIN, sociologue note un dilemme pour les émigrés âgés en dehors du contexte palliatif à vivre dans leur pays d’origine. Il dit à ce sujet : « au fond, lorsque le contact avec le pays d’accueil se prolonge, survient la fainéantise du retour combiné aux difficultés financières, car pour rentrer au pays, il ne s’agit pas uniquement d’y aller pour rendre visite à la famille, il faut aussi « arroser » pour montrer le signe distinctif de la réussite sociale, sinon mieux vaut ne pas y aller »25. Il ajoute que l’immigré peut se sentir étranger chez lui. Ce retour demanderait alors une réadaptation à la vie familiale et sociétale. Il lui faut retrouver une place dans la famille qui n’est pas toujours aisée. Cependant, le retour dans le contexte palliatif pourrait être facilité par le statut de malade en Afrique. Il fait « l’objet d’une attention redoublée » selon Céline LOUBIERES. Culturellement, prendre soins de ses proches est important.
Les contraintes liées à la politique d’immigration peuvent être source de conflit interne. En France, le dépôt d’une première demande de titre de séjour est conditionné à une présence d’un an sur le territoire. Le délai d’instruction de la demande est en moyenne de 6 mois. Il se peut que la maladie évolue plus rapidement que la délivrance de ce document. La question du retour peut mettre la personne face à un dilemme entre bénéficier d’une prise en charge « plus efficiente » et mourir loin de chez soi ou mourir proche des siens sans la médecine palliative française. L’irrégularité administrative de la personne rend la décision de partir irréversible.
Rester ou partir en contexte palliatif vient de nouveau questionner l’histoire personnelle (situation familiale, contexte socio-économique). Comme le souligne PIAN ANIK, post-doctorante en sociologie, les politiques d’immigration ne viennent pas faciliter ce travail de réflexion. Ce projet demande aussi un cheminement psychique afin d’intérioriser l’absence de la guérison par la médecine occidentale.

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Table des matières

Narration de la situation clinique 
II Analyse de la situation 
1)Les problèmes posés par la situation
2)Les problèmes que me pose la situation
3)La problématique
III Recherche documentaire 
1)La confrontation des représentations socioculturelles d’un projet de retour au pays dansun contexte palliatif
a)Le point de vue du résident
▪Approche culturelle du mourir en Afrique subsaharienne : le prestige dustatut d’ancêtre
▪Approche culturelle de la maladie en Afrique subsaharienne : le part duvisible et de l’invisible
b)Le point de vue de l’équipe
▪L’idéal de la « bonne mort » perturbé par le retour au pays : de nouveauxrepères à construire
▪Une question éthique : l’absence de demande
2)Les différences de prise en charge médicale de la fin de vie peuvent jouer sur le désirde la personne de retourner dans son pays d’origine.
▪Les soins palliatifs au Burkina Faso : un accompagnement en devenir
▪Faible accès aux opiacés, facteurs explicatifs
3)Du deuil de la guérison par la médecine occidentale au retour au pays : un cheminementpsychique
▪De la confrontation à des conflits internes
▪…à un renforcement du processus de deuil de la guérison par la médecineoccidentale
SYNTHESE 
Conclusion 
Bibliographie

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