Du conflit a la rencontre culturelle

Aujourd’hui, il ne se passe guère de mois sans que paraissent un roman, une monographie ethnographique, etc. A côté des poètes comme Léopold Sédar Senghor et des romanciers comme Cheikh Hamidou Kane, Camara Laye, Mongo Béti, entre autres, on assiste à un constat: celui de la fécondité de la production intellectuelle négroafricaine. Sur le plan strictement littéraire, depuis que la création romanesque théâtrale, poétique, épique, mythique… constitue la matière de nombreuses études scientifiques, la recherche est axée généralement sur des sujets ayant, peu ou prou, trait à la littérature ancienne ou moderne. D’autres penseurs focalisent leurs recherches sur le sens des écrits modernes.

Sans avoir l’outrecuidance d’affirmer que personne ne s’est jamais intéressé exclusivement à l’influence de la création littéraire moderne d’Afrique, nous sommes en droit de postuler qu’à ce jour peu de publications ont été consacrées entièrement à l’analyse philosophique des romans écrits par les africains. C’est le défi qui nous revient en ce lieu précis. Pour le philosophe qui entreprend d’étudier un genre littéraire comme le Roman, il est toujours hasardeux de tenter d’analyser les grandes tendances et les courants de sensibilité qui conditionnent l’environnement littéraire qui s’offre aux romanciers africains. C’est la raison pour laquelle nous voudrions faire accepter que le thème romanesque ne soit qu’un prétexte qui devrait naturellement nous conduire à repenser les mobiles idéologiques qui sous-tendent les mises en scènes romanesques. Afin de nous mettre en mesure de penser en philosophe les tendances du Roman africain, nous avons délibérément opté en faveur d’une approche sélective mettant en jeu des grilles de lecture qui, à tort ou à raison, nous sont apparues comme les plus significatives dans la production romanesques de nos penseurs contemporains. En effet, une étude attentive de ces textes romanesques, souvent traduite en problématiques philosophiques, nous a conduit à privilégier quelques pistes de réflexion qui ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais nous semble, à n’en pas douter, reflétée assez fidèlement la réalité de notre préoccupation. Il ressort, en effet, de la lecture des romans africains nègres une réalité spécifique en trois phases importantes. Une première phase qui traduit l’acquisition et l’assimilation de l’héritage des ancêtres, ce qui donne lieu à une possibilité de participer à la vie communautaire. Une deuxième phase qui traduit l’honorabilité acquise quant au respect et l’engagement par rapport au fondement de la tradition. Cela nous pousse à interroger ces propos du professeur Okolo Okonda: « Ne serait-ce pas doublement sinon triplement rêver que de parler d’un côté de la tradition dans un monde de mutations rapides, profondes et continuelles où l’on a pas encore fini de s’émouvoir d’un événement qu’un autre le remplace tout aussitôt, dans un monde où tout le monde sait que le grave problème actuel, c’est moins le regret des Atlantides effondrées que la maîtrise du présent et la projection d’un avenir plus rassurant (…) » . Une troisième phase qui traduit une soumission aveugle à la tradition, ce qui constituera une porte grandement ouverte à la «mission civilisatrice» de l’Occident.

Dès lors, avec l’intégration brutales de nouvelles données, de nouvelles conceptions du monde – l’Eglise, l’administration coloniale, l’école et, dans une moindre mesure, l’Islam – dans les sociétés africaines, avait fini d’installer un trouble évident. En effet, nos sociétés sont sorties de cette rencontre culturelle – voire choc culturelle – avec une blessure cancéreuse qui orienta ainsi les aspirations de quelques uns, c’est-à dire les « civilisés » dans des pistes conflictuelles. En cela, nous allons voir que la tradition, qui fondait et garantissait l’équilibre des sociétés africaines par son contenu, s’avère inefficace face à la consistance de la démarche du colonisateur. Le Blanc en effet va renverser les tendances culturelles, en formant la jeunesse issue des traditions très fermées sur ellesmêmes. Ainsi, ce ne sera plus le Blanc qui attaquera, mais ce seront plutôt les propres enfants de l’Afrique traditionnelle.

C’est dire alors que la tradition pose problème, et le problème se vit à l’intérieur des sujets qui partagent les mêmes valeurs culturelles (les jeunes formés à l’école occidentale face à leurs ancêtres, farouches défenseurs des valeurs traditionnelles ou, mieux encore, les produits de l’école française face aux vieux intraitables devant la nécessité d’interroger certains fondements des cultures africaines). C’est ainsi que le contenu des traditions est affecté par la présence du Blanc qui utilise, consciemment ou inconsciemment, les propres fils des traditions ancestrales, d’où l’intérêt de pouvoir s’interroger sur ces tardions dans leur totalité et dans leur rapport avec l’africain nouveau, « civilisé » par l’école.

LA PROBLEMATIQUE DU CONFLIT CULTUREL DANS LE ROMAN AFRICAIN

Sens et portée philosophique de la notion de conflit Culturel

Ce chapitre nous aidera à comprendre quels sont les vrais conflits que la société et la tradition africaine ont eus à subir. Dès lors, comment envisager la rencontre de l’Afrique avec le monde occidental ? Pour une bonne rencontre, un bon cheminement vers le développement  , une bonne croissance de l’élite, le conflit ne seraitil pas finalement une nécessité ? L’africain a souffert d’un conflit intérieur suscité par le contact avec l’européen. D’ailleurs, nous sommes persuadés, à la lumière des propos de Samou qui, rappelons le, a été guidé par l’expérience qu’il a entretenue avec Thiéman-le-soigneur , que « notre drame, c’est d’avoir été l’enjeu d’une bataille, d’avoir suivi le chemin le plus facile. Nous n’avons pas été élevés dans les valeurs de notre pays. On nous a ébloui et n’avons pu résister. Les Européens ont tout brisé en nous ; oui, toutes les valeurs qui auraient pu faire de nous les continuateurs de nos pères et les pionniers d’une Afrique qui, sans se renier, s’assimilerait l’enseignement européen » . Le conflit, pensons-nous, est fondamentalement intellectuel, il se rencontre chez celui qui a fréquenté l’école du Blanc  , et qui, en retour, se voit obliger de prendre en charge les deux cultures. Ce
conflit culturel reste latent chez la plupart des héros de nos romanciers. Qu’est-ce que donc le conflit ? Si nous prenons en compte les deux cultures, nous pouvons admettre qu’«un élément est en conflit avec un élément lorsque pouvons admettre qu’ toute manifestation de l’un entraîne nécessairement de la part de l’autre une manifestation opposée et réciproquement » . Cette définition du conflit vécu par l’africain en général, et par l’intellectuel en particulier, se concrétise dans le sens que « l’origine du conflit se situe à la fois au niveau de la non-identité de ses termes et à celui de la manifestation de cette non-identité » . Puisque notre prétention est de le surmonter, nous nous garderons de ne pas confondre conflit et antagonisme. Et c’est pourquoi il est impératif d’établir que « dans le cadre d’une situation conflictuelle, l’essence et l’existence de l’un des termes ne remettent pas fondamentalement en question celles de l’autre terme, comme c’est le cas dans une situation d’antagonisme. Les termes d’une relation conflictuelle sont opposés, ceux d’une relation antagoniste sont contradictoires .

C’est ainsi que l’on peut admettre que dans le cas du conflit, il est possible d’assister à une évolution. Or, c’est là qu’il faut justement être vigilant, car l’évolution d’un conflit est toujours dynamique, toujours porteuse d’une situation intermédiaire, d’une alternative.

L’école occidentale, comme drame intellectuel

Les écrits littéraires négro-africains ont toujours été ancrés dans la tradition qui du reste a connu beaucoup de changements du fait de l’implantation de la culture occidentale en Afrique. Il va donc sans dire que la pise de conscience de la rencontre de ces deux cultures qui se pose, le plus souvent, en termes conflictuels est à mettre en exergue par les écrivains et romanciers négro-africains. Cependant, il faut d’emblée noter que le passage du monde traditionnel africain au monde moderne a produit beaucoup d’impacts dans la vie quotidienne des africains, notamment dans le cadre des rapports inter générations, que certains auteurs, en l’occurrence Seydou Badian, ont tenté de relater. En effet, le conflit de génération est l’un des aspects qui se dégage dans Sous l’Orage de Seydou Badian. Il a pour cause l’instauration de la culture occidentale dans la société traditionnelle africaine. Toutefois, il est à noter que l’adhésion des jeunes africains à cette nouvelle culture, par le biais de l’école, a métamorphosé leur manière de voir, les amenant ainsi à se rebeller contre certaines de leurs pratiques coutumières respectées par ceux qui n’ont pas été à l’école, en général les anciens; et cela, bien que ne maîtrisant pas à fond leurs propres racines.

Seydou Badian nous relate donc un conflit de génération qui a lieu dans son pays le Mali, qui est néanmoins valable pour tous les africains. Ce conflit de personnages, qu’il nous présente, exprime en effet un conflit de classes d’âges qui ont connu deux modes d’éducations divergents faisant naître deux générations opposées qui a chacune sa vision propre des choses. Ainsi, pour ceux qui ont accédé à l’école, en particulier les jeunes, le lieu par excellence de l’éducation, c’est l’école des Blancs. Lieu qui leur attribue une suprématie sur tous ceux qui ne savent ni lire ni écrire. C’est également le lieu qui leur garantit la considération sociale, et l’obtention d’un travail. Ceci se traduit à travers les propos de Birima qui soutient qu’« aujourd’hui il faut être instruit pour être respecté. Voyez, les Blancs ne respectent que ceux qui parlent leur langue et s’habillent comme eux; car ceux-là seuls sont civilisés » .

Cependant, malgré ce favoritisme, les anciens sont conscients de cet aspect de l’école qui permet à leurs enfants de savoir lire, d’avoir du travail, bref d’être considéré par le Blanc. Benfa se réjouira en ce sens de la capacité de sa fille, Kany, qui sait «lire ce qui est écrit par la machine » . Par ailleurs, un des méfaits de cette école des Blancs, c’est qu’elle aliène les jeunes, car bien que ceux-ci y acquièrent des connaissances, ils y perdent en même temps leur tradition. Ils ne s’adonnent plus librement à l’initiation traditionnelle; au contraire, ils la renient, en rejetant totalement leurs valeurs ancestrales. Birima dira, en effet, à Sibiri que «tout cela est dépassé, la civilisation demande autre chose » . La suprématie qu’ils s’accordent par l’école les amène à considérer les autres comme des ignorants, incapables de les guider. C’est ainsi que Birima, pour qui Sibiri est de ce rang des ignorants, se demande « comment du reste, lu qui ne savait ni lire ni écrire pouvait-il les guider, eux ? » .

Tout ceci pose problème et angoisse pour les anciens qui, en fait, ont envoyé leurs enfants non pas pour qu’ils se détournassent de leurs cultures et devinrent leurs adversaires, mais pour acquérir des connaissances. Mais la Grande Royale avait tout de même émis des réserves à ce sujet: « L’école, où je pousse nos enfants tuera en eux ce qu’aujourd’hui nous aimons et conservons avec soin, à juste titre. Peut- être notre souvenir lui-même mourra-t-il en eux. Quand ils nous reviendrons de l’école, il en est qui ne nous reconnaîtrons pas. Ce que je propose c’est que nous acceptions de mourir en nos enfants et que les étrangers qui nous ont défaits prennent en eux toute la place que nous aurons laissée libre » .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : DU CONFLIT A LA RENCONTRE CULTURELLE
CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DU CONFLIT CULTUREL DANS LE ROMAN AFRICAIN
I- Sens et portée philosophique de la notion de conflit culturel
II- L’école occidentale, comme drame intellectuel
CHAPITRE II : LIMITES DES TRADITIONS AFRICAINES FACE AU COLONISATEUR
I- Tradition et Modernité dans le roman africain
II- Rencontre culturelle : renversement des cultures et crise de l’identité africaine
DEUXIEME PARTIE : DU DESENCHANTEMENT A L’ESPERANCE
CHAPITRE 1: LA QUESTION DE LA RENAISSANCE AFRICAINE
I – Et si l’Afrique refusait le développement ?
II – De la désespérance à l’espoir
CHAPITRE II : PORTEE PHILOSOPHIQUE DE LA RESPONSABILITE DE L’INTELLECTUEL AFRICAIN FACE A LA MONDIALISATION
I – Valeur du développement : la notion de greffe culturelle comme antidote à la mondialisation
II – Pour penser l’africanité: des recherches scientifiques au service du développement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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