Les ondes sismiques sont des perturbations mécaniques qui se propagent dans le milieu terrestre. Elles se traduisent par des variations du déplacement à la surface du sol, mesurables à l’aide de sismomètres. Parmi les grandes problématiques de la sismologie figure l’analyse des propriétés élastiques de la Terre grâce à une étude détaillée des ondes sismiques, ainsi que la surveillance des objets géologiques actifs. De nombreuses études de la structure interne du globe par les ondes sismiques ont été réalisées depuis près d’un siècle et ont permis de faire d’importantes découvertes à des échelles globales comme la mise en évidence du noyau interne (Lehmann 1936). Des modèles de Terre ont vu le jour dès le début des années 1980, comme le Preliminary Reference Earth Model (PREM, Dziewonski and Anderson 1981), ou le modèle IASP91 (Kennett and Engdahl 1991) en analysant un grand nombre de signaux en fonction de différentes distances sourcerécepteur. Ces modèles décrivent les propriétés élastiques de la Terre dans la dimension radiale et sont à symétrie sphérique.
Des modèles tomographiques faisant état des hétérogénéités latérales ont également été obtenus depuis les années 1980, comme Romanowicz (1979), Marone et al. (2007) à l’échelle régionale du continent nord-américain et à échelle globale Li and Romanowicz (1996) et continuent d’être améliorés de nos jours. Il existe cependant des facteurs limitants les performances de la tomographie de séismes. D’abord, nous pouvons noter que les séismes prennent naissance aux frontières des plaques tectoniques . Cette répartition irrégulière des séismes implique une résolution limitée dans certaines régions situées loin des jonctions des plaques. Ensuite, on remarque que le taux d’occurrence des séismes de forte magnitude est faible, ce qui limite considérablement les applications en matière de surveillance, c’est-à-dire d’études tomographiques réalisées à court terme pour observer une évolution des propriétés élastiques du milieu. À ces deux limitations principales s’ajoute également celle de la pollution du bruit sismique ambiant, qui perturbe fortement l’analyse de signaux de faible amplitude issus de séismes de faible magnitude. Des efforts d’amélioration ont lieu en traitement du signal pour permettre la détection de séismes de plus en plus faibles.
Observation des ondes sismiques sur un sismogramme
Un exemple de sismogramme enregistré pendant une journée entière par le canal vertical de la station sismique UV05 du réseau de surveillance du Piton de la Fournaise (volcan actif de l’île de la Réunion) . La position de la station sismique est indiquée par un triangle noir sur la carte mondiale. Si cet enregistrement contient majoritairement du bruit sismique ambiant (à 90%), il inclut également un signal relatif à des ondes générées par le séisme du 12 juin 2010, atour de 19 : 20 UTC de magnitude 7.7 dont l’épicentre est proche des îles Nicobar (à proximité de l’Inde, voir l’étoile rouge sur le globe).
Un zoom autour de l’événement . On y observe les premières arrivées d’ondes qualifiées d’ondes balistiques, car elles suivent un chemin direct entre l’épicentre et la station. Les arrivées respectives des ondes P, S et de Rayleigh sont repérées à l’aide de l’algorithme de calcul des temps de trajets TauP (Crotwell et al. 1999). Conformément à ce qui est énoncé précédemment, la première arrivée est celle de l’onde P, plus rapide, suivie de l’onde S. Les ondes de Rayleigh sont plus lentes, mais présentent une amplitude beaucoup plus forte. La suite du signal est plus diffuse et est nommée coda sismique. Elle est constituée des phases sismiques qui subissent des réflexions multiples au cours de leur trajet .
Le bruit microsismique secondaire ou microséismes à fréquence double
Les premières études de ce bruit microsismique observable partout sur le globe se sont directement accordées pour le situer d’origine océanique. L’énergie spectrale des microséismes secondaires se situe entre 3 et 12 secondes de période . Longuet-Higgins (1950) fut l’un des premiers à décrire ce bruit comme issu d’ondes de gravité océaniques de périodes égales se propageant dans des directions opposées et formant des ondes stationnaires de fréquence double , créant une pression oscillante sur le plancher océanique et finalement responsable de la formation d’ondes sismiques dans le sous-sol océanique .
Ces ondes de gravité océaniques, communément appelées houle, sont dues à des variations de l’énergie potentielle de l’eau à la surface des océans occasionnées par des variations de pression atmosphérique (vents, ouragans). Elles sont dénommées ainsi, car la gravité est motrice dans la propagation de l’onde. Les différentes situations susceptibles de générer des ondes stationnaires sont décrites dans Ardhuin et al. (2011). Elles correspondent soit à un ouragan seul dont la vitesse de déplacement excède la vitesse des ondes de gravité ou plusieurs ouragans , ou encore à la réflexion sur les régions côtières des ondes de gravité .
Si ces microséismes sont majoritairement responsables de la génération d’ondes de Rayleigh (Kedar et al. 2008, Gualtieri et al. 2013), ils peuvent également générer des ondes de volume (Landès et al. 2010). Contrairement aux ondes de surface, les ondes de volume peuvent être utilisées pour retrouver la position des microséismes sur le globe (Gerstoft et al. 2008, Landès et al. 2010, Liu et al. 2016). Ces études montrent une relation forte entre l’origine des ondes de volume et la position des orages à la surface des océans, avec une forte variation saisonnière : en hiver, la majorité des sources est située dans l’hémisphère nord, et en été dans l’hémisphère sud. La profondeur de l’océan et la composition du sous-sol océanique sont des facteurs qui influent sur la puissance des microséismes secondaires comme le montrent entre autres Longuet-Higgins (1950), Kedar et al. (2008), Traer et al. (2012), Gualtieri et al. (2013).
Les microséismes primaires ou microséismes à fréquence simple
Les ondes de gravité responsables de la création des microséismes secondaires ont une amplitude qui décroît exponentiellement avec la profondeur dans l’océan. Lorsqu’elles se propagent jusqu’aux littoraux, elles peuvent également interagir directement avec le sous-sol océanique lorsque celui-ci est peu profond, comme le décrit par exemple Hasselmann (1963) dans la bande de périodes de 5 à 35 secondes . La fréquence centrale de ce type de microséisme est directement reliée à celle des ondes de gravité océaniques, d’où son appellation. Ces microséismes sont donc générés près des régions côtières, comme l’observent notamment Traer et al. (2012).
Le hum
À plus basse fréquence (entre 0.002 et 0.03 Hz, soit entre 30 et 500 s), un signal de plus faible amplitude est également observable . Ce bruit d’amplitude environ 300 fois plus faible que celui des microséismes secondaires (≈ −40 dB) est l’expression des oscillations libres de la Terre (Nishida and Kobayashi 1999, Ekström 2001, Rhie and Romanowicz 2004). Initialement, ces oscillations étaient considérées comme la répartition sur les modes propres de la Terre des excitations dues aux séismes de large amplitude. Tanimoto (2001) a cependant montré que l’énergie apportée par les séismes ne suffit pas à expliquer l’énergie visible dans le hum. Les avancées théoriques suggèrent alors que ce hum est généré par des ondes “infragravitaires” de très longues périodes. Ce signal est de suffisamment basse fréquence pour générer des ondes de Rayleigh multiorbitales susceptibles d’exciter les modes propres de la Terre (Webb 2008). Le hum est expliqué également par les modèles de Webb (2008), Traer and Gerstoft (2014) et de Ardhuin et al. (2015), où les théories de la génération des microséismes primaires et secondaires sont étendues aux très basses fréquences, en considérant des ondes infragravitaires. De la même façon que les microséismes primaires et secondaires, le hum peut être généré par l’interaction directe des ondes infragravitaires avec le sous-sol océanique, ou bien par interaction entre deux ondes infragravitaires se propageant dans des directions opposées.
De la théorie à l’application en sismologie
Ce théorème fort implique que l’intercorrélation d’un champ diffus mesuré entre deux stations sismiques converge vers la fonction de Green du milieu entre ces deux stations, autrement dit, vers le signal qui serait mesuré sur une des stations si l’autre était remplacée par une source impulsionnelle. Cette approche permet par conséquent de convertir les différents sismomètres en sources virtuelles, puis d’utiliser, par exemple, les signaux issus de ces sources virtuelles dans une approche classique de tomographie. En sismologie, la première application de cette approche été réalisée dans Campillo (2003), où la coda sismique (diffuse) de plusieurs séismes est utilisée pour reconstruire la fonction de Green entre deux stations sismiques. Cette première étude a constitué une preuve que l’application d’une telle méthode était possible en sismologie. Par la suite, Shapiro and Campillo (2004) reconstruisent les courbes de dispersion des ondes de Rayleigh sur de grandes distances à partir de la corrélation du bruit sismique ambiant. Ces travaux se sont alors naturellement orientés vers une application en tomographie dans Shapiro et al. (2005) et Sabra et al. (2005b) où une carte haute résolution des vitesses des ondes de surface en Californie est obtenue par corrélation de bruit sismique ambiant. La méthode est maintenant largement employée dans diverses régions du globe et à différentes échelles pour produire des analyses tomographiques du sous-sol terrestre. Des tomographies à échelle globale ont été obtenues à partir du hum dans Nishida et al. (2009) et plus récemment dans Haned et al. (2015). À échelle régionale, Yang et al. (2007) réalisent la tomographie d’ondes de surfaces du continent européen, suivi récemment par Behm et al. (2016) qui retrouvent également des ondes de Love dans l’est alpin. Les ondes de Love avaient été mises en évidence auparavant sur le continent nord américain notamment dans Ekström (2014). À des échelles locales, la méthode permet l’analyse de la structure interne de zones actives telles que les volcans, comme le montrent Brenguier et al. (2007) qui analysent la structure interne du Piton de la Fournaise grâce aux ondes de Rayleigh, mais également Jaxybulatov et al. (2014) pour l’analyse de la structure du supervolcan Toba, situé sur l’île de Sumatra ainsi que Lanza et al. (2016) dans l’analyse du volcan Pacaya au Guatemala. Toujours à échelle locale, la méthode est appliquée à l’analyse des failles comme dans Roux (2009) qui explore la structure de la faille de San Andreas à l’aide d’ondes de surface. Des applications voient également le jour dans le contexte de l’exploration pétrolière, comme il a été montré dans Mordret et al. (2013; 2014) sur l’analyse des données issues du champ pétrolifère de Valhall.
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Table des matières
Introduction
1 Du bruit sismique ambiant aux fonctions de Green
1.1 Ondes élastiques et fonctions de Green
1.1.1 Équation d’onde dans un milieu élastique homogène et isotrope
1.1.2 Les différents types d’ondes sismiques
1.1.3 La fonction de Green, solution particulière de l’équation d’onde
1.2 Estimation de la fonction de Green empirique depuis le bruit sismique
1.2.1 Anatomie du bruit sismique ambiant
1.2.2 Estimation de la fonction de Green
1.2.3 Limitations de la méthode
1.3 Motivations
2 Matrice de covariance
2.1 Formalisme de covariance et d’intercorrélation
2.1.1 Variance, covariance et matrice de covariance
2.1.2 Propriétés de la matrice de covariance dans le cas sismique
2.1.3 Valeurs propres de la matrice de covariance
2.1.4 Espace signal et espace bruit
2.2 Formation de voie
2.3 Matrice de covariance estimée depuis des données réelles
2.3.1 Estimateur de la matrice de covariance
2.3.2 Rang de l’estimateur
2.3.3 Revue des méthodes de séparation d’espaces signal et bruit
2.4 Largeur spectrale de la matrice de covariance
2.5 Calcul de la matrice de covariance depuis des données réelles
2.5.1 Données sismiques
2.5.2 Calcul de la matrice de covariance
3 Analyse des données du Piton de la Fournaise et de l’USArray
3.1 Analyse des données du Piton de la Fournaise
3.1.1 Piton de la Fournaise seismic network
3.1.2 Synthetic tests
3.1.3 Analysis of the Undervolc data
3.1.4 Discussion and conclusions
3.2 Application to the transportable component of the USArray in 2010
3.2.1 Selection of the parameters
3.2.2 Results
3.2.3 Observation of the teleseismic activity
3.2.4 Microseismic noise: surface waves generated by swells
3.2.5 Microseismic noise: teleseismic P-waves
3.2.6 26-second microseism
3.2.7 Conclusions
4 Ambient noise imaging from anisotropic ambient noise
4.1 Introduction
4.2 Theory
4.2.1 Analogy between time-reversal and cross-correlation
4.2.2 Optimal focusing with spatio-temporal inverse filter
4.2.3 Equalization of the covariance matrix spectrum
4.2.4 Derivation of the eigenvalue threshold from the Vekua theory
4.3 US Transportable Array geometry
4.4 Illustration of the method with a synthetic test
4.5 Numerical experiment
4.5.1 Numerical setup
4.5.2 Protocol
4.5.3 Inter-station cross-correlations in presence of a strong source
4.5.4 Equalization of the covariance matrix spectrum
4.5.5 Travel-time measurement error, and travel-time inversion
4.6 Application to the 2010, Maule M8.8 earthquake
4.6.1 Wavefield anisotropy in presence of earthquakes
4.6.2 Equalization of the M8.8 Maule earthquake
4.6.3 Eigenvector-based surface waves selection
4.7 Discussion and conclusions
Conclusions et Perspectives
Références
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