Drogue et construction sociale de la marginalisation

La drogue est devenue un phénomène de société des temps modernes. La production, le trafic et la consommation de drogue ne cessent de se propager dans tous les continents. L’usage des drogues, que des témoignages très anciens lient à la vie des hommes, est universel. Dans chaque culture et à chaque moment de l’histoire, les hommes ont utilisé des « plantes magiques », non pour se nourrir mais pour influencer leur humeur, stimuler leurs rêves, rechercher détente ou excitation, s’abstraire du monde qui les entoure ou au contraire trouver le courage de lui faire face. Les sociétés ne pouvaient donc pas ignorer cette fascination, souvent d’ordre métaphysique, qu’éprouve l’homme pour les drogues et leurs effets (OGD, 1998).

Néanmoins, cette fonction de la drogue a évolué à travers les âges et le temps. La drogue est de nos jours un phénomène de masse qui touche toutes les couches sociales, constituant ainsi une nouvelle problématique cruciale eu égard au contexte de la propagation alarmante du VIH/SIDA et des nombreux effets qu’entraînent son trafic et sa consommation sur les individus et les sociétés. En effet, l’infection à VIH ne cesse de progresser, le nombre de nouvelles infections augmente chaque année et ce malgré les nombreux efforts et les multiples programmes de prévention élaborés dans presque tous les pays. En dehors des modes de transmission habituels tels les rapports sexuels, la voie sanguine, la drogue a été identifiée comme un moyen de transmission du VIH dans beaucoup de pays en particulier dans les pays de l’Asie. Depuis quelque temps, la communauté des usagers de drogue par voie intraveineuse est considérée comme étant la plus à risques face au VIH/SIDA. Les drogués, que se soit les hommes ou les femmes, partagent leurs seringues, mènent une vie sexuelle active et se coupent souvent la main en essayant de diviser les doses d’héroïne, (Virahsawmy, juillet 2004). Selon H. Jackson, chez les utilisateurs de drogue par injection dans certaines parties de la région du Xinjiang en Chine, on a documenté une séroprévalence de 35-80% et de 20% dans la province du Guangdong. En Inde, on estime que 300 000 personnes environ ont nouvellement contracté le VIH rien qu’en 2003 et le taux d’infections documenté chez les utilisateurs de drogue par injections atteint les 75%, (ONUSIDA et OMS, 2003, cités par H. Jackson).

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation de risque, il est apparu que généralement, l’usager de drogue flirte avec le milieu de la prostitution où il est souvent dans une situation de faiblesse quant à la négociation de l’usage du préservatif. En effet, la consommation de drogue renforce la vulnérabilité des usagers et augmente le risque d’infection à VIH. Plusieurs travaux ont abouti à la conclusion selon laquelle la consommation de drogue constituerait un comportement à risque par rapport au VIH/SIDA. La consommation de drogue est considérée comme étant à l’origine de nombreux cas d’infections à VIH. Elle peut constituer un risque de contamination directe du VIH à travers l’usage de seringues contaminées, mais aussi un risque de contamination indirecte du fait de l’état d’altération de la conscience dans lequel l’usager de drogue se retrouve et qui peut l’amener à avoir des comportements sexuels à risque.

Le choix de cet objet d’étude se justifie en partie par cet état de fait, mais également par le développement impressionnant de la production et de la consommation de drogues notamment dans les pays africains. Selon Lopes, (OGD, 1998), jusqu’à une époque récente, la société traditionnelle – qui connaissait l’existence des drogues et leurs effets excitants – était en mesure d’en contrôler l’usage. Mais, à mesure que l’oisiveté se répandait, que le respect des anciens se perdait, que la vente d’alcool devenait plus libre, que la légalisation restait inadéquate et que l’influence des média augmentait, la consommation de cigarette, d’alcool et de drogues illicites en faisait autant.

Dans certains pays du continent tels le Maroc, la Côte-d’Ivoire, le cannabis a une valeur économique telle que des communautés entières en dépendent pour leur sécurité matérielle. Après la chute des prix des produits agricoles, la culture et la vente du cannabis sont devenues les activités de substitution les plus lucratives, particulièrement dans les pays africains marqués par une pauvreté chronique et ravagés par la guerre et les conflits ethniques. E. Léonard a mis ce facteur en exergue lorsqu’il a étudié les cas ivoirien et ghanéen. Concernant le cas ivoirien, il a noté que l’épuisement des réserves forestières, support essentiel de la culture du cacao et la dépression prolongée des cours mondiaux s’est ainsi traduite par une crise qui s’est répercutée à tous les niveaux de la société. Il a poursuivi en ajoutant que, corrélativement, on a pu assisté à une véritable explosion de la production et du trafic de la marijuana puisque la culture du cannabis s’est imposée comme la plus pertinente et la plus accessible des reconversions pour les paysans, les réseaux marchands ainsi que les élites administratives (Léonard, 1998).

Selon Joseph Bediako Asare, l’abus des drogues est l’un des problèmes multiples qui pèsent sur les pays en développement. Il se greffe sur ceux de la pauvreté et de l’injustice de l’ordre économique mondial qui interdit à ces pays de fixer eux-mêmes le prix de leurs productions. La drogue ainsi que ses conséquences alarmantes n’ont surgi que tardivement dans le débat sur les facteurs de développement en Afrique. Elle n’a commencé à être sérieusement prise en compte que depuis seulement une quinzaine d’années, (OGD, 1998). Werner a noté que l’usage des psychotropes illicites est un objet rarement étudié en Afrique par les ethnologues contemporains (Werner, 1993). Phénomène récent, en croissance rapide, le développement d’un marché des drogues illicites, dans la majorité des sociétés africaines, est un des symptômes de la crise majeure qu’elles traversent, a-t-il ajouté. L’usage des drogues est donc un problème de santé publique, un problème de développement et de sécurité.

CONTEXTE ET JUSTIFICATION

Un nombre de nouvelles infections en continuelle augmentation

« L’épidémie avance toujours plus vite que la riposte » a noté Catherine Hankins de l’ONUSIDA. Les chiffres publiés par le rapport de l’ONUSIDA en 2005 sont alarmants. Selon le rapport, on a compté près de 5 millions de nouvelles infections à VIH dans le monde, dont 3,2 millions en Afrique subsaharienne seulement. La même année, 3 millions de personnes sont mortes de maladies liées au sida, dont plus d’un demi million d’enfants. Aujourd’hui, souligne le rapport, le nombre de personnes vivant avec le VIH est de 40,3 millions, deux fois plus qu’en 1995, (ONUSIDA, 2005).

Ce qui amène à conclure que malgré la mise en œuvre de multiples programmes de prévention dans tous les pays du monde, le nombre de personnes infectées par le VIH ne cesse de croître. En effet, on estime que chaque jour en 2003, 14.000 personnes ont été par le VIH, dont plus de 95% dans les pays à faible et moyen revenu (ONUSIDA, décembre 2003). Le rapport signale que la situation en Afrique est assez alarmante avec 65% du total des personnes vivant avec le VIH: le nombre de personnes vivant avec le VIH est le plus haut jamais enregistré. La propagation rapide du VIH dans de nombreuses régions est accélérée par la consommation de drogues injectables et les rapports sexuels non protégés (OMS, 2003).

Une prise en compte tardive de la problématique « drogue et sida » 

Selon l’ONUSIDA et l’OMS, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, (MSM) et les consommateurs de drogues injectables sont toujours laissés pour compte dans les campagnes de prévention (ONUSIDA/OMS, 2004). Dans le rapport publié en 2004, le directeur exécutif du programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA Peter Piot révèle : « nous avons obtenu des avancées mais elles sont fragiles. Le problème des usagers de drogue séropositifs a été mis à l’agenda des décideurs un peu tard. (…) Dans de nombreux cas, les usagers de drogues ne sont pas sur l’agenda des politiciens. (…) Si le monde veut que le VIH/SIDA ne s’étende pas comme une traînée de poudre, il est temps de penser à la réduction de risques. Depuis quelque temps, la communauté des usagers de drogue par voie intraveineuse est considérée comme étant la plus à risques face au VIH/SIDA. Réduire les risques est devenu aujourd’hui un objectif prioritaire dans la lutte contre l’épidémie de VIH/SIDA, notamment dans les programmes de prévention en direction des groupes les plus vulnérables. Selon l’étude réalisée sur les consommateurs de drogues au Sénégal par le Population Council (2001), aucune couche sociale n’est épargnée dans la consommation de la drogue. L’étude met en exergue la précocité de plus en plus affirmée à la première consommation. Plus récemment lors de la 15ème Conférence Internationale sur le VIH/SIDA tenue à Bangkok en Thaïlande, il a été beaucoup question de prévention, de traitement et de réhabilitation des usagers de drogues (Virahsawmy, 2004).

Une production et une utilisation de plus en plus importante de drogues illicites

Selon le rapport mondial sur la drogue publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le nombre d’usagers de drogues dans le monde est de 185 millions de personnes (ONUDC, 2004). Le directeur des opérations de cet office note que le taux de prévalence annuel de l’abus de drogues s’élève aujourd’hui à 3% de la population mondiale, soit 15% de la population de plus de 15 ans. Déjà en 1998, le rapport de l’OMS sur le VIH/SIDA soulignait que l’usage de la drogue était en hausse dans de nombreux pays.

En Afrique, non seulement la consommation, la production et le trafic des drogues n’ont cessé de prendre de l’ampleur depuis une vingtaine d’années, mais les produits eux-mêmes se sont diversifiés (OGD, 1998). Des substances comme la marijuana par exemple faisaient depuis longtemps l’objet d’un usage rituel ou tout au moins traditionnel dans certaines régions d’Afrique. Ces substances ont désormais perdu ce statut ancien pour alimenter une toxicomanie de masse (OGD, 1998). En effet, l’Afrique devrait être un des plus gros marchés mondiaux de trafic illégal des stupéfiants en 2004, indique le dernier rapport des Nations Unies contre la drogue et le crime. Ce rapport prévient que la montée de la toxicomanie compromet fortement les tentatives de maîtrise de la progression du VIH/SIDA. Les nouvelles estimations révèlent que le cannabis est la substance la plus utilisée (150 millions de consommateurs), suivie des stimulants de type amphétaminique (30 millions) et de l’ecstasy (8 millions de personnes). Un peu plus de 13 millions de personnes consomment de la cocaïne et 15 millions des opiacés (héroïne, morphine, opium, opiacés synthétiques) dont 9 millions d’héroïnomanes (ONUDC, 2004). Parmi les drogues les plus consommées en Afrique, figure le cannabis qui représente 65% des 150 millions d’individus s’adonnant à la consommation de cette drogue.

Dans le rapport, il est également noté que 20% des 5.800 tonnes de cannabis saisies à travers le monde l’années dernière l’ont été en Afrique, alors que l’Europe représentait 16% de ces saisies et l’Amérique 55%. En effet, le Maroc a été identifié comme la principale source de cannabis. Selon le Bureau International de lutte contre les substances narcotiques (INCB), le Maroc est devenu le 3ème producteur mondial de résine de cannabis après le Pakistan et l’Afghanistan. En l’an 2000, 13% des saisies de résine de cannabis dans le monde ont eu lieu au Maroc. En définitive, bien qu’aucun chiffre ne soit disponible pour le moment sur l’ampleur du trafic de la drogue dans le continent, l’Afrique, zone classique de transit du trafic de la drogue, participe de plus en plus à la fabrication et à la consommation selon l’Union africaine (Jeune Afrique – L’intelligent, décembre 2004).

Par ailleurs, selon l’European NGO Council on Drug Policy (ENCOD), la prohibition internationale des drogues actuelle est totalement inefficace et contre-productive : elle ne fait pas baisser la consommation de drogues. L’ONUDC estime les profits de l’industrie illégale de la drogue dans le monde à environ 400 milliards d’euros par an. Elle ne fait pas non plus baisser la production de drogues et génère des problèmes ; les consommateurs sont pénalisés juridiquement (arrestations, emprisonnements) et marginalisés par le milieu familial, professionnel ou relationnel, (Communiqué de presse Journée internationale contre les drogues, Nations Unies/OMS, juillet 2004). Selon le coordonnateur du Comité Interministériel de Lutte contre la Drogue, l’abus et le trafic de drogue sont les maux les mieux partagés dans le monde car aucun pays n’est à l’abri. La plupart des jeunes s’adonnent à l’usage de stupéfiants pour noyer leurs soucis, chasser la frustration. Le Sénégal a pris des mesures importantes qui ont été revues et corrigées au fil des temps pour mieux les adapter au phénomène de la drogue. Avant c’était le cannabis, maintenant ce sont les drogues dures.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE 1- CADRE THEORIQUE
1.1- Contexte et justification
1.2- Cadre théorique
1.3.1- Les objectifs
1.3.2- Le cadre d’analyse
1.3- Cadre conceptuel et terminologique
CHAPITRE 2 : METHODOLOGIE
2.1- Méthode d’approche
2.2- Sites et population d’étude
2.3- techniques et outils de collecte
2.4- Les difficultés rencontrées
DEUXIEME PARTIE : LES RESULTATS
CHAPITRE 1 : LES DIFFERENTS TYPES DE DROGUES
CHAPITRE 2 : LES INTERACTIONS ENTRE LA DROGUE ET LA MARGINALITE
2.1- Les caractéristiques des usagers de drogue
2.2- Les motivations qui justifient la consommation de drogue
2.3- Les perceptions et les représentations sur la drogue
2.4- Les procédés analogiques
2.5- La création des espaces de consommations
CHAPITRE 3 : COMMENT LA DROGUE RENFORCE –T-ELLE L’ANORMALITE ET LA MARGINALIE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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