LA DREPANOCYTOSE
Définition La drépanocytose est une maladie héréditaire de la structure de l’hémoglobine caractérisée par le remplacement de l’acide glutamique par la valine en position n° 6 sur la chaine β de la globine, ce qui aboutit à la synthèse d’une hémoglobine anormale <<Hb S>>.
Physiopathologie Les premières descriptions de la maladie ont été publiées il y a 100 ans. L’hémoglobine S a été découverte en 1949 et les premiers schémas physiopathologiques cohérents et détaillés ont émergés entre les années 1960 et 1970. La physiopathologie de la maladie est basée sur la polymérisation de la désoxy-hémoglobine S avec formation de grandes fibres à l’intérieur du globule rouge, qui le déforment et le fragilisent. Plusieurs mécanismes sont impliqués dans la survenue des manifestations cliniques et des complications en particulier la vaso-occlusion : (1) une adhérence accrue des globules rouges drépanocytaires aux cellules endothéliales vasculaires, (2) un environnement vasculaire proinflammatoire, (3) une activation exacerbée des polynucléaires neutrophiles, (4) des voies de signalisation dans le globule rougesusceptibles d’être modulées par le stress, l’hypoxie et la réponse inflammatoire, (5) des transporteurs ioniques impliqués dans la déshydratation du globule rouge drépanocytaire, (6) un syndrome de dysfonctionnement endothélial complexe impliquant les anomalies du métabolisme du monoxyde d’azote (NO).
Déshydratation des globules rouges
L’hydratation des globules rouges dépend de trois systèmes de transports ioniques transmembranaires : (1) canaux de Gardos: canaux K+ dépendants du Ca2+ (concernent des globules rouges de densité déjà élevée), (2) co-transport K+/Cl- via la concentration en Mg2+ (concernent principalement les réticulocytes et les globules rouges SS de faible densité : génération de globule rouge dense), (3) pompe Na+/K+. La polymérisation de l’HbS augmente de façon non sélective la perméabilité de la membrane du globule rouge aux cations (Na+, K+, Mg2+, Ca2+), avec un risque important de déshydratation du globule rouge. Cette perméabilité non sélective est réversible avec la réoxygénation. Elle favorise également l’entrée de Ca2+ extracellulaire qui active les canaux K+, rejetant ce dernier hors de la cellule. La perte de KCl et d’eau induite par la déshydratation conduit à l’acidification du globule rouge. La concentration intraérythrocytaire de Mg2+ est un des régulateurs du transport K+/Cl- : l’augmentation de la concentration globulaire de Mg2+ induit une baisse de l’activité de transport KCl et de la perte d’eau, favorisant ainsi l’hydratation du globule rouge. C’est sur cette base physiopathologique que l’ utilisation du Mg dans des essais thérapeutiques a été récemment rapportée. Les cellules contenant de grandes quantités d’ HbF réduisent ou préviennent la falciformation en modifiant les processus de déshydratation et de perméabilité induits par la polymérisation.
L’anémie
L’anémie de la drépanocytose est une anémie hémolytique intravasculaire et intratissulaire régénérative. La durée de vie moyenne d’un globule rouge SS dans la circulation est de 12,5 jours contre 25 à 30 jours pour un globule rouge normal. La réponse érythropoïétique est insuffisante chez le drépanocytaire. La réponse des progéniteurs érythroïdes dépend des taux d’EPO (érythropoïétine), eux-mêmes dépendants de récepteurs tissulaires à l’O2, selon le niveau d’Hb circulante. L’HbS à une faible affinité pour l’O2 liée d’une part aux polymères de désoxy-HbS, d’autre part à la réponse physiologique du métabolisme glycolytique érythrocytaire à l’hypoxie. Cette faible affinité entraîne une libération accrue d’O2 aux tissus, masquant l’hypoxie réelle liée à l’anémie, réduisant ainsi la sensibilité des récepteurs à l’O2 et la synthèse de l’EPO. De la crise osseuse douloureuse : le ralentissement ou l’arrêt de la vascularisation des os est à l’origine d’un infarctus osseux provoquant la douleur. Le phénomène peut être dû à la séquence des événements, adhésion des globules rouges drépanocytaires à l’endothélium, engorgement de la lumière vasculaire, ralentissement circulatoire. On admet aussi qu’ il peut être initié par un réflexe neurovasculaire provoqué par le froid, l’ effort, le stress, etc., qui expliquerait le caractère multifocal de certaines crises douloureuses. Des infections : la sensibilité aux infections ne répond pas aux mêmes mécanismes selon les types d’infection et les germes en cause :
– septicémies et méningites : les cellules drépanocytaire provoquent un engorgement de la circulation splénique et des infarctus itératifs qui altèrent la fonction de défense antiinfectieuse de la rate. Ainsi, comme chez tout patient splénectomisé, les malades drépanocytaires sont exposés au risque d’infections graves post-splénectomie, notamment les septicémies les méningites dues à des germes encapsulés, Streptococcus pneumoniea et Haemophilus influenzae.
– ostéomyélites : chez les patients drépanocytaires, les ostéites sont volontiers multifocales et rapidement extensives. Dans plus de la moitié des cas, elles sont dues à des salmonelles dites mineures : Typhim murium, Typhim panama, etc., puis aux staphylocoques, colibacilles, etc. Le mécanisme admis de ces infections est le suivant : à l’occasion d’une bactéremie, le germe survenant dans une zone osseuse non ou mal vascularisée en raison d’un phénomène de vaso-occlusion va se développer et être à l’origine de l’ostéomyélite.
– Des atteintes organiques :
• Complications aigues : la séquestration aigue des hématies drépanocytaires dans la rate, le foie ou le corps caverneux est à l’origine des syndromes de séquestration aigue splénique ou hépatique et du priapisme. L’oblitération aigue de l’artère centrale de la rétine provoque l’amaurose. Les nécroses papillaires rénales sont dues à des défauts de perfusion des artères des pyramides rénales (vasa recta). Les accidents ischémiques cérébraux sont la conséquence de l’obstruction des artères cérébrales. Le syndrome thoracique aigu correspond à plusieurs causes (vasculaires, infectieuse, thrombo-embolique…) ; l’origine vasculaire étant due à l’oblitération de la microcirculation pulmonaire par les drépanocytes.
• Complications chroniques : le défaut de perfusion chronique de certains tissus et organes est à l’origine de leur dégénérescence ou de leur nécrose. C’est ainsi que l’ on explique les ulcères de jambe, la rétinopathie, les nécroses osseuses vasculaires notamment de la hanche, les altérations du rein, du poumons, du cœur, à l’ origine d’ insuffisances chroniques intéressant ces différents organes.
Influence de la grossesse sur la drépanocytose
-Anémie. Il s’agit d’une anémie chronique, généralement bien tolérée, qui s’aggrave avec la grossesse, avec l’augmentation de la masse sanguine mais aussi avec une carence en acide folique ou martiale. L’anémie chez la drépanocytaire est généralement normocytaire. Une microcytose devrait faire rechercher une carence martiale et l’inflammation ou une association à une autre hémoglobinopathie type thalassémie. L’anémie est souvent aggravée par des crises hémolytiques d’origine infectieuse.
-Infections : elles sont fréquentes. En effet, la diminution des défenses immunitaires de ces patientes associée à l’anémie chronique et à l’état de grossesse les rend très vulnérables. Il s’agit le plus souvent d’infections urogénitales (infections vaginales, pyélonéphrites) à l’origine d’accouchements prématurés. Mais il peut s’agir de pneumopathies quelque fois graves, à l’origine de troubles respiratoires et d’hypoxie.
-Syndrome thoracique aigu (STA). Il s’agit d’une complication redoutable qui survient le plus souvent en fin de grossesse ou dans le post-partum. En Guadeloupe, de 1993 à 1997, à l’issue d’une étude conduite chez 68 femmes drépanocytaires enceintes [17], le syndrome thoracique aigu touchait tous les génotypes avec une plus grande fréquence chez les SS (21%) que chez les SC (3,3%) p≤0,05 [18]. La physiopathologie du STA est très complexe. De nombreux facteurs y contribuent : vasoobstruction, thrombose micro vasculaire, ischémie des tissus, hémolyse, crises douloureuses vaso occlusives osseuses à localisation thoracique (costales, rachidiennes) entrainant une sidération thoracique et hypoventilation régionale et quelque fois une atélectasie, hypoxie et falciformation dans les capillaires pulmonaires à l’origine des zones d’infarctus. D’autres facteurs contribuent : des phénomènes infectieux, une embolie graisseuse, une embolie cruorique des gros vaisseaux…. Le syndrome thoracique aigu associe : des signes cardiaques et respiratoires (douleurs thoraciques, tachycardie, dyspnée,râles sibilants ou toux), à une hyperthermie supérieure à 38° C et des images radiologiques récentes. Il s’agit de la première cause de décès en dehors de la grossesse. Le syndrome thoracique aigu doit être dépisté dès les premiers signes, la prévention doit être mise en place devant toute situation à risque : l’accouchement, la césarienne, par une kinésithérapie incitative respiratoire systématique. La douleur doit être soulagée. L’utilisation des morphiniques n’est pas contre-indiquée mais il faut éviter la dépression respiratoire qui peut engendrer une hypoventilation et donc un syndrome thoracique.
-D’autres complications moins fréquentes, ne doivent pas être négligées car pouvant être aussi dramatiques [15].
i. Risque de thromboses plus élevé en fin de grossesse et dans le post-partum ;
ii. Risque de cholécystite aiguë chez les femmes ayant une lithiase vésiculaire ;
iii. Séquestration hépatique et splénique, de pronostic extrêmement grave ;
iv. Mort maternelle et plus particulièrement dans le postpartum.
Retentissement maternel
a. Sur le plan gynécologique. L’âge d’apparition des premières règles est retardé (18 ans en moyenne contre 11 ans en général), compte tenu de l’état clinique (anémie, amaigrissement, crises vaso-occlusives avec atteinte de l’axe hypothalamo-hypophysaire).
b. Sur le plan obstétrical. Les complications obstétricales sont plus graves chez les gestantes SS, doubles hétérozygotes composites SC ou Sβ-thalassémiques. Ces complications sont : Hypertension artérielle, prééclampsie. La prééclampsie est définie par la pression artérielle élevée (systolique 130 et / ou diastolique 80 mmHg) plus une protéinurie positive (++ ou 300mg/24 heures). Sa survenue est d’autant plus fréquente qu’il existe d’autres facteurs de risque (néphropathies, hypertension artérielle chronique, paludisme au cours de la grossesse, …). Les lésions vasculo-rénales occasionnées par la falciformation en sont les plus grandes pourvoyeuses, surtout en cas d’homozygotie. La gravité du pronostic maternofoetal impose un dépistage rigoureux de cette complication au cours des consultations prénatales (CPN). Hématome Retro Placentaire (HRP). Il s’agit des Métrorragies de sang noirâtre du 3ème trimestre de la grossesse + absence de bruits du cœur + hypertonie utérine. Sa survenue est beaucoup plus précoce (au 2ème trimestre de la grossesse), compte tenu de l’ischémie utéro placentaire plus marquée. Infections. Elles sont fréquentes chez toutes les femmes enceintes, en raison de l’augmentation considérable du nombre d’infections urinaires. Les femmes drépanocytaires, qui sont déjà issues d’une population à risque élevé d’infections urinaires et générales, sont exposées, pendant la grossesse, à l’aggravation de ce risque avec l’éventualité de formes sévères et de CVO surajoutées. De ce fait, il est conseillé de réaliser un dépistage systématique par un examen cytobactériologique des urines (ECBU) au cours des CPN (1 ECBU mensuel) ; le but étant de prévenir une chorioamniotite aux conséquences gravissimes.
Diagnostic prénatal
Il est proposé à tous les couples se trouvant dans la situation où un risque existe de donner naissance à un enfant porteur d’un syndrome drépanocytaire majeur, c’est-à-dire essentiellement une drépanocytose homozygote ou hétérozygote composite Sβ0 thalassémie, qui restent, malgré les progrès thérapeutiques, des maladies graves et pénibles. La drépanocytose hétérozygote composite SC n’est pas considérée comme relevant du diagnostic prénatal en raison de sa sévérité clinique réduite par rapport à celle de la drépanocytose homozygote. Le principe de l’information génétique qui précède le diagnostic prénatal repose sur l’explication claire du risque au couple, afin qu’il puisse décider librement selon ses convictions morales, philosophiques et religieuses. Il est surtout fondamental d’expliquer les conséquences éventuelles de la maladie chez l’enfant à naître, en tenant compte de la difficulté posée par la variabilité et l’imprévisibilité de l’expression phénotypique. Il faut qu’il soit clair que le diagnostic prénatal, parce qu’il fait courir un risque faible de complication, n’est proposé qu’aux couples qui souhaiteraient une interruption médicale de grossesse dans le cas où une drépanocytose serait retrouvée.
Données sociodémographiques
o L’Age : l’âge moyen observé dans notre série a été de 27± 4 ans avec des extrêmes de 15 et 32 ans et une classe modèle correspondant à la tranche d’âge de 20-30 ans était la plus représentée. Ces résultats sont proches de ceux rapportés dans la littérature occidentale [5]. Il diffère des données issues de la littérature africaine [23] relative à la population générale non drépanocytaire où du fait des mariages précoces en Afrique, les gestantes sont très souvent jeunes.
o Secteur d’activité : Nos parturientes étaient en majorité des fonctionnaires (37,7%). Les élèves et étudiantes et lesménagères représentaient 26,6% de notre population d’étude. Nos observations sont différentes de celles rapportées par Téguété et al [28] sur deux périodes différentes et dans deux structures différentes où les femmes enceintes drépanocytaires étaient en majorité des ménagères. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que la majorité des parturientes de notre étude avait atteint un niveau d’étude supérieur, donc une qualification.
o Niveau de scolarisation : la majorité de nos patientes avait atteint le niveau d’études supérieures. Ceci pourrait constituer un atout majeur dans la compréhension de la maladie et sa prise en charge surtout en période gravidique.
Antécédents drépanocytaires
Nombre de crises par an avant la grossesse: 82,2% des femmes drépanocytaires majeures avaient fait au moins une crise majeure par an en l’absence de toute grossesse. Mais de façon globale, on peut considérer que la population étudiée était pour l’essentiel, peu expressive.
Complications chroniques drépanocytaires : les complications chroniques observées chez nos patients regroupaient 3 cas de nécrose aseptique de la tête fémorale, 1 cas de cardiopathie non décompensée, 1 cas d’insuffisance rénale et 1 cas de lithiase vésiculaire non compliquée. La survenue d’une grossesse sur de tels terrains sans programmation dénote que les patientes n’avaient pas bénéficié d’un suivi spécialisé. Des cas de grossesses survenant sur des complications chroniques en particulier de nécrose aseptique de la tête fémorale ont été rapportés par Moussaoui et al [21].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. OBJECTIFS
II. GENERALITES
III. TRAVAIL PERSONNEL
IV. RESULTATS
V. COMMENTAIRES & DISCUSSION
VI. CONCLUSION
VII. RECOMMANDATIONS
VIII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
IX. ANNEXES
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