La drépanocytose est une maladie génétique mono-mutationnelle de transmission autosomique récessive, liée à une anomalie qualitative de la structure de l’hémoglobine, qui aboutit à la formation d’hémoglobine S (HbS) [1]. Maladie génétique la plus fréquente au monde, Environ 5% de la population mondiale sont porteurs d’un gène drépanocytaire. Si auparavant, la drépanocytose a été diagnostiquée dans les pays tropicaux à faibles revenus, actuellement elle tend à s’étendre dans les autres régions du Monde avec la migration de la population [2]. C’est essentiellement une maladie de l’enfant, dont l’espérance de vie dépend de la prise en charge précoce et adéquate dès son diagnostic. Elle touche en métropole française un nouveau-né pour 2500 naissances ou 1/700 naissances dépistées pour cette maladie.
Madagascar est classé parmi les zones de forte endémicité drépanocytaire avec une prévalence estimée à 10% sur l’ensemble du pays [3]. Cependant, aucune cartographie n’a été vraiment établie pour établir la prévalence exacte de la maladie et de ses différents phénotypes dans les différentes régions de l’île. Quelques études préliminaires sur des échantillons restreints ont permis de déterminer les zones de fortes prévalences comme sur la côte sud-est où elle est estimée entre 18 et 30% [4]. La drépanocytose associe plusieurs catégories de manifestations cliniques telle que : l’anémie hémolytique chronique, qui peut s’activer à tout moment, des phénomènes vasoocclusifs, provoquant des lésions ischémiques tissulaires chroniques, mais peuvent aussi s’exprimer de façon suraiguë sous forme de crises douloureuses et de défaillance d’organe, une vasculopathie artérielle, affectant notamment le lit cérébral et un risque infectieux. Ces quatre catégories présentant une grande variabilité d’expression clinique selon les individus atteints et le malade est obligé de se faire consulter plusieurs fois par année, voire par mois, suite aux crises vaso-occlusives [5]. Actuellement, le traitement de la drépanocytose reste encore symptomatique. La meilleure prise en charge doit être multidisciplinaire et repose essentiellement sur la prévention des crises hémolytiques. Pour une meilleure prise en charge, les examens biologiques seront programmés régulièrement en dehors de la crise.
DEFINITION ET TERMINOLOGIE
La drépanocytose (du mot grec drepanos, faucille), également appelée anémie à cellules falciformes, est une maladie génétique de l’hémoglobine, caractérisée par une anomalie du gène de structure de la chaine β de la globine, situé à l’extrémité distale du bras court du chromosome 11, aboutissant à la production d’une hémoglobine anormale, l’hémoglobine S (HbS) [7,8]. Elle présente des formes cliniques très variables, allant d’une forme quasi asymptomatique, la forme hétérozygote (AS) a une forme grave, la forme homozygote (SS) [9 ,10].
EPIDEMIOLOGIE
La drépanocytose dans le Monde
La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine du sang, la plus fréquente dans le monde, près de 120 millions de personnes seraient porteuses d’une mutation drépanocytaire [11]. Leur distribution à travers les divers pays européens témoigne de liens culturels de l’histoire coloniale [12]. En France, 6 000 à 7000 personnes sont atteintes de syndrome drépanocytaire majeur et chaque année, plus de 250 cas de ces syndromes ont été dépistés. Au Royaume-Uni, par an, 140 à 175 naissances d’enfants sont atteints de syndromes drépanocytaires majeurs et 10 à 25 enfants thalassémiques majeurs ou intermédiaires [13]. En Allemagne,300patients sont atteints de syndromes drépanocytaires majeurs répartis dans une centaine d’hôpitaux [14]. La drépanocytose est aussi très répandue chez les Noirs Américains (10 à 12% dans les Départements d’Outre-Mer d’Amérique) [15], chez les Antillais (12%), aux Caraïbes, en Amérique du Sud, (notamment au Brésil) [16]. On retrouve également le trait drépanocytaire, mais plus rarement, chez certaines populations non noires du Bassin Méditerranéen (Maghreb, Italie, Turquie) où sa fréquence atteint 1 à 15%, du Moyen Orient et de l’Inde [15,16].
La drépanocytose au sein du continent africain
Le trait drépanocytaire est largement répandu chez les populations originaires d’Afrique équatoriale, du bassin de la Méditerranée et d’Arabie Saoudite. La zone de fréquence maximale correspond à une partie de l’Afrique Occidentale, toute l’Afrique Equatoriale, Madagascar, Ceylan et l’Inde. Elle représente ce que Lehmann a appelé « la ceinture sicklemique ». En Afrique, cette zone s’étend du sud du Sahara à la rivière du Zambèze autrement dit du 15ème parallèle Nord au 20ème parallèle Sud [17]. En dehors de la « ceinture sicklemique », ces taux sont plus faibles, se situant entre 1 et 2 % en Afrique du Nord, et en dessous de 1 % en Afrique australe. Dans des pays comme le Cameroun, la République du Congo, le Gabon, le Ghana et le Nigéria, les taux de prévalence varient entre 20 et 30 %, tandis que dans certaines régions de l’Ouganda, ils atteignent 45 % [17].
La drépanocytose à Madagascar
Les études faites sur la prévalence de la drépanocytose à Madagascar, ont montré que les zones de fortes endémicités se trouvent sur la partie Sud Est : Mananjary, Manakara, Vangaindrano, Vohipeno, Farafangana, Ambositra, ainsi que les parties Est et Nord Est : Brickaville, Vatomandry, Mahanoro, Toamasina, Sainte Marie, Maroantsetra, Antalaha, Sambava, Vohemar, Ambanja [18]. Les ethnies individualisées comme facteur de risque vis-à-vis de la drépanocytose étaient les Antaifasy et les Antaisaka alors que les ethnies les moins associées à la drépanocytose étaient les Mahafaly et les Merina [18]. Comme la drépanocytose est surtout présente dans la région Est, particulièrement le SudEst de l’ile, mais également le Nord, actuellement elle est retrouvée dans toute l’ile.
PHYSIOPATHOLOGIE
Mécanisme génétique
La drépanocytose est une affection transmise selon le mode mendélien : autosomique récessif. Le risque d’atteinte des enfants est fonction du génotype des parents (Figure 1). Les sujets hétérozygotes sont dits AS et les homozygotes SS. On rencontre aussi des doubles hétérozygotes ou des hétérozygotes composites, surtout SC et Sβ thalassémique. La drépanocytose homozygote et les hétérozygotes composites sont regroupés dans le cadre des syndromes drépanocytaires majeurs. Le gène drépanocytaire est issu d’une mutation ponctuelle du gène bêta de la globine situé sur le bras court du chromosome 11 (11p 11-5). Le triplet codon GAG est remplacé par un triplet GTG d’où une substitution de l’Acide Glutamique à la Valine(GAG _ GTG) en chaîne polypeptidique bêta de la globine [20,21]. Cette mutation génétique est à l’origine de la modification des propriétés physicochimiques de l’hémoglobine : la polymérisation en solution concentrée[22,23]. De cette propriété de l’HbS découlent toutes les manifestations cliniques rencontrées au cours du syndrome drépanocytaire.
Mode de transmission de la drépanocytose
Le trait S se transmet selon le mode mendélien autosomique récessif. Le croisement entre un drépanocytaire et une personne saine donne 100% de sujets porteurs. Le croisement entre deux porteurs de trait drépanocytaire donne 25% de sujets sains, 25% drépanocytaires homozygotes et 50% de porteurs de trait drépanocytaire. Le croisement entre deux drépanocytaires donne 100% de sujets drépanocytaires [14].
Rôle de l’hémoglobine S dans la physiopathologie de la drépanocytose
La substitution de l’acide glutamate par une valine, due à la mutation génétique ponctuelle du 6ème codon en 11 p 11-5 sur le chromosome 11, est responsable d’une modification de la polarité et des propriétés électrostatiques de la surface de la molécule de bêta globine, appelée HbS. Ceci induit des anomalies de structure et de conformation de la chaîne responsable des phénomènes supramoléculaires de polymérisation des chaînes de globines dans certaines conditions physico-chimiques (baisse de la pression partielle en oxygène). Il en résulte une déformation et une fragilisation du globule rouge, modifiant les propriétés rhéologiques et la durée de vie de ces cellules, responsables des phénomènes d’occlusions vasculaires au niveau des microcirculations des différents organes, d’ischémies tissulaires et d’hémolyse. Ces anomalies ne s’expriment que chez les individus homozygotes pour le gène HbS (drépanocytose homozygote) ou lorsqu’un allèle HbS est associé à un autre allèle pathologique comme un allèle porteur de bêta thalassémie Hbβthal (drépanocytose hétérozygote SC ou SE). De même, la présence d’hémoglobines fœtale (dont la synthèse dépend de gènes différents et dont les chaînes de globines ne sont pas altérées) qui reste fonctionnelle, réduit l’expression microbiologique et clinique de la drépanocytose. Ceci explique que les manifestations cliniques ne surviennent qu’après le 4 ème mois de vie, lors du remplacement progressif de l’HbF (hémoglobine fœtale) par l’HbS (hémoglobine pathologique drépanocytaire) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
GENERALITES
1- DEFINITION ET TERMINOLOGIE
2- EPIDEMIOLOGIE
2.1- Drépanocytose dans le monde
2.2- Drépanocytose au sein du continent Africain
2.3- Drépanocytose à Madagascar
3- PHYSIOPATHOLOGIE
3.1- Mécanisme génétique
3.2- Mode de transmission de la drépanocytose
3.3- Rôle de l’hémoglobine S dans la physiopathologie de la drépanocytose
4- DIAGNOSTIC DES MALADIES DREPANOCYTAIRES
4.1- Diagnostic clinique
4.1.1- Trait drépanocytaire AS
4.1.2- Maladie drépanocytaire : homozygote SS
4.1.3- Particularité des hétérozygotes composites
4.2- Diagnostic Biologique
4.2.1- Hémogramme
4.2.2- Test d’Emmel ou test de falciformation des hématies
4.2.3- Test d’Itano ou test de solubilité
4.2.4- Electrophorèse d’hémoglobine
4.2.5- Bilan de l’hémolyse
4.2.6- Medullogramme éventuel
4.3- Diagnostic anténatal
4.4- Diagnostic à la naissance
5- PRISE EN CHARGE ET TRAITEMENT DES MALADIES DREPANOCYTAIRES
5.1- Mesures préventives
5.2- Prise en charge des complications aigues
5.3- Prise en charge des complications chroniques
5.3.1- La transfusion sanguine
5.3.2- Hydroxyurée ou hydroxycarbamide
5.3.3- Greffe de moelle osseuse
6- SUIVI DES PATIENTS DREPANOCYTAIRES
6.1- Rythme de surveillance
6.2- Surveillance clinique
6.3- Surveillance paraclinique
6.3.1- Surveillance biologique
6.3.2- Dépistage annuel des complications chroniques
DEUXIEME PARTIE: METHODES ET RESULTATS
1- METHODES
1.1- Cadre d’étude
1.2- Type et durée d’étude
1.3- Période d’étude
1.4- Population d’étude
1.4.1- Critères d’inclusion
1.4.2- Critères d’exclusion
1.5- Paramètres étudiés
1.5.1- Epidémiologie
1.5.2- Motif de consultation
1.5.3- Taux d’hémoglobine et constantes érythrocytaires ( VGM, TCMHA)
1.5.4- Résultats des bilans hépatiques si réalisé
1.5.5- Le traitement institué
1.6- Traitement des données
1.7- Limites de l’étude
1.8- Considération éthique
2- RESULTATS
2.1- EPIDEMIOLOGIE
2.1.1- Répartition selon la fréquence de consultation par mois
2.1.2- Répartition des personnes drépanocytaires selon l’âge
2.1.3- Répartition des personnes drépanocytaires selon le genre
2.1.4- Répartition des patients en fonction de la tranche d’âge et du genre
2.1.5- Répartition des patients selon le statut drépanocytaires
2.1.6- Répartition des patients en fonction du statut drépanocytaire et du genre
2.1.7- Répartition des patients selon l’origine ethnique
2.1.8- Répartition des patients selon l’origine géographique
2.2- MOTIFS DE CONSULTATIONS
2.3- TAUX D’HEMOGLOBINE ET CONSTANTES ERITHROCYTAIRES
2.3.1- Chez tous les drépanocytaires
2.3.2- Répartition des anémies selon le statut drépanocytaire
2.3.3- Chez les drépanocytaires homozygotes
2.3.4- Chez les drépanocytaires AS
2.4- RESULTATS DES BILANS HEPATIQUES
2.5- TRAITEMENT INSTITUES
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
1- Fréquence
2- Distribution des patients selon l’âge
3- Distribution des patients selon le genre
4- Répartition selon le statut drépanocytaire
5- Distribution selon leur origine ethnique et géographique
6- Selon les motifs des consultation
7- Taux d’hémoglobine et constante érythrocytaires
8- Bilan hépatique
9- Traitement institué
SUGGESTION
CONCLUSION
REFERANCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE