La douleur selon le comitรฉ de lโInternational Association for the Study of Pain (IASP), est ยซ une expรฉrience dรฉsagrรฉable, ร la fois sensorielle et รฉmotionnelle, associรฉe ร un dommage tissulaire prรฉsent ou potentiel ou simplement dรฉcrit en termes dโun tel dommage ยป [1,2]. En pratique, on distingue selon lโรฉvolution : la douleur aiguรซ ou douleur-signal dโalarme ou douleur-symptรดme, utile et protectrice pour lโorganisme et la douleur chronique, รฉvoluant selon lโANAES depuis plus de 3 ร 6 mois, qualifiรฉe au contraire de la douleur aigue de douleurmaladie ร part entiรจre en raison de son retentissement pluridimensionnel : somatique, psychologique et social.
Mรชme si le mรฉcanisme physiopathologique exact de la douleur est souvent difficile ร dรฉterminer, on lui distingue trois grands mรฉcanismes susceptibles de sโassocier chez un mรชme patient : la douleur nociceptive sous-tendue par une lรฉsion organique, dues en rhumatologies ร des pathologies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoรฏde ou ร des affections mรฉcaniques ou dรฉgรฉnรฉratives comme lโarthrose, les douleurs neuropathiques [3โ5]survenant dans un contexte dโatteinte neurologique et les douleurs dites idiopathiques ou psychogรจnes en rรจgle sine materia, mais qui doivent รชtre considรฉrรฉes comme le stipule la dรฉfinition de lโIASP comme ยซ une douleur exprimรฉe en termes dโune lรฉsion tissulaire ยป. Le type par excellence de douleur nociplastique en rhumatologie รฉtant la FM[6โ8]. Cette distinction de la douleur en types de mรฉcanismes prรฉsente un intรฉrรชt opรฉrationnel, tant lors de son รฉvaluation que pour ses dรฉcisions thรฉrapeutiques.
La douleur est un vรฉritable problรจme de santรฉ publique surtout dans sa forme chronique en raison :
– De sa frรฉquence รฉlevรฉe : en effet, dans les pays industrialisรฉs, on estime quโun tiers (30.7 ร 31.7 %) de la population gรฉnรฉrale souffre de douleurs chroniques ou rรฉcurrentes [10โ11];
– En Afrique, notamment subsaharienne, il nโy a pas ร notre connaissance dโรฉtudes รฉvaluant la douleur dans la population gรฉnรฉrale et les รฉtudes qui y sont rapportรฉes portent exclusivement sur des populations hospitaliรจres oรน la prรฉvalence des DC est estimรฉe entre 7,1 % a` 49,5 % [12โ17].
La douleur est un symptรดme omniprรฉsent en rhumatologie, oรน il reprรฉsente le maรฎtre symptรดme, devant lโenraidissement et le handicap moteur. Comme indiquรฉ ci-haut, toutes les formes de douleurs sont rencontrรฉes en rhumatologie : celles aiguรซs comme la lombosciatique hyperalgique, lโรฉpaule douloureuse hyperalgique, la crise de goutte ; celles chroniques en particulier les formes chroniques des rhumatismes dรฉgรฉnรฉratifs comme inflammatoires ; les douleurs nociceptives comme la PR et lโarthrose citรฉes ci-haut en exemples, les DN comme les radiculopathies et celles psychogรจnes, en particulier la FM [6โ8].
Historique
Dans ce chapitre nous ne verront pas lโhistorique de la douleur de faรงon global mais nous allons voir juste la genรจse de la douleur articulaire. Lโorigine de la douleur articulaire a longtemps รฉtรฉ un sujet de controverses.
– Il y a plus de 100 ans, Sappey avait notรฉ chez lโanimal quโun fragment de synoviale, reliรฉ ร une articulation, รฉtait insensible ร la traction.
– En 1945, Davies rapportait la premiรจre observation de douleur articulaire expรฉrimentale et notait que la synoviale รฉtait insensible ร la pression.
– En 1950, Kellgren et Samuel รฉtudiaient la douleur produite par lโinsertion dโaiguilles dans le genou de cinq volontaires sains. Chez ces volontaires, ils montraient que la synoviale รฉtait insensible aux stimulations induites par les piqรปres dโaiguille, mais que les ligaments et la capsule รฉtaient largement sensibles.
– Actuellement, les techniques dโimmuno-marquage par des anticorps dirigรฉs contre des neuropeptides et certains composants neuronaux ont permis de mieux prรฉciser les diffรฉrents types dโinnervation articulaire et les rรฉcepteurs impliquรฉs. La capsule, les ligaments, les mรฉnisques, le pรฉrioste et lโos sous -chondral sont richement innervรฉs par un rรฉseau de fibres myรฉliniques et amyรฉliniques. La synoviale est essentiellement innervรฉe par des fibres amyรฉliniques, alors que le cartilage ne possรจde aucune innervation.
Epidรฉmiologie
Prรฉvalence et incidence
La douleur reprรฉsente le premier motif de consultation dans les services de rhumatologie, en pratique 9/10 selon la SFETD (Sociรฉtรฉ Franรงaise dโEtude et Traitement de la Douleur) [9]. Peu ou pas dโรฉtudes sur lโรฉpidรฉmiologiques globale de la douleur dans les services de rhumatologie ont รฉtรฉ rรฉalisรฉs ร notre connaissance sur sa prรฉvalence et son incidence. Nรฉanmoins ils existent des รฉtudes sur la prรฉvalence et lโincidence de la douleur selon le mรฉcanisme (douleur neuropathique, douleur psychogรจne et douleur nociceptive) ou la durรฉe (douleur aiguรซ et douleur chronique) dans les sรฉries dโรฉtudes Les รฉtudes sur la population gรฉnรฉrale, utilisant des instruments de dรฉpistage validรฉs, ont montrรฉ que 30% des adultes souffraient de douleurs chroniques et 7 ร 8 % souffraient de douleurs chroniques ร caractรจre neuropathique. [10;11] Aux รtats-Unis: la prรฉvalence des douleurs chroniques รฉtait de 30,7 % chez les adultes.
En Europe
– En France la prรฉvalence de la douleur chronique ร caractรจre neuropathique dans la population gรฉnรฉrale รฉtait de 31,7% sur une รฉtude de 23000 sujets.
– En Allemagne: 37% des patients dans des centres de soins primaires avaient des douleurs chroniques principalement des douleurs neuropathiques.
-Au Royaume-Uni: 26 % des patients souffraient de douleurs chroniques.
AU Maghreb
– En Tunisie la prรฉvalence des DN est de 13 % รฉtude hospitaliรจre dans un centre de traitement de la douleur.
– Au Maroc, la prรฉvalence des douleurs neuropathiques รฉtait de 10,6%.
En Afrique subsaharienne
Les รฉtudes sur la douleur neuropathique en Afrique subsaharienne concernent de sous-population spรฉcifique et rapportent une frรฉquence de 7,1 % a` 49,5 % [14โ15]. Il nโexiste quasiment pas dโรฉtude en population gรฉnรฉrale ร notre connaissance.
– A Parakou au nord du Bรฉnin en 2012 leur prรฉvalence varie de 2 ร plus de 55 % en population gรฉnรฉrale [16โ17].
– A Ouagadougou les sujets suivies pour lombo-radiculalgie reprรฉsentaient 49,5 % de douleurs chroniques [18]
– Au Sรฉnรฉgal, La prรฉvalence est de 19,57% : รฉtude rรฉalisรฉe dans le centre National dโappareillage Orthopรฉdique de Dakar sur 110 patients [19].
Sexe
Dans pratiquement toutes les รฉtudes le sexe fรฉminin est plus reprรฉsentรฉ: le sexratio est de 1,0 au Bรฉnin [16-17]. Aux รtats-unis , la prรฉvalence de douleur chronique รฉtait plus รฉlevรฉe chez la femme (34,3 %) que chez lโhomme (26,7 %) et augmentait avec lโรขge [10-11] .Au Sรฉnรฉgal on a 85,04% de femme contre 14,96% dโhomme.
Lโรขge
Lโรขge moyen est de 32,3 ans au Bรฉnin 13,1 ans avec des extrรชmes de 17 et 82ans ans ; Au Sรฉnรฉgal l’รขge moyen est de 47,5%.
Les structures supra -spinales de la douleur
Les axones des neurones nociceptifs de la corne postรฉrieure constituent des faisceaux mรฉdullaires ascendants qui dรฉcussent au niveau mรฉdullaire et se projettent dans diffรฉrents niveaux supraspinaux:
– Le site principal, constituรฉ des noyaux du thalamus ventro-latรฉral, engagรฉs dans la composante sensoridiscriminative de la douleur
– Les sites bulbaires et mรฉsencรฉphaliques, qui interviennent dans les rรฉactions dโalerte et des centres cardiorespiratoires, ainsi que dans lโรฉlaboration des rรฉactions motrices ou รฉmotionnelles de la douleur.
– Lโhypothalamus, qui intervient dans le contrรดle des rรฉactions neurovรฉgรฉtatives de la douleur ainsi que dans la libรฉration dโhormones intervenant dans le contrรดle du stress.
– Le complexe amygdalien : structure limbique intervenant dans le contrรดle des rรฉactions affectives et รฉmotionnelles de la douleur.
Les mรฉcanismes de contrรดle de la douleur
La douleur est une sensation dont la perception peut รชtre modulรฉe en fonction de lโenvironnement affectif, socioculturel, gรฉographique, mais aussi en fonction de la situation psychologique de lโindividu. Cette modulation rรฉsulte de la mise en jeu de contrรดles inhibiteurs exercรฉs par des systรจmes de contrรดle de la douleur dont on distingue 4 catรฉgories:
– Les contrรดles segmentaires spinaux ;
-Les contrรดles inhibiteurs descendants ,
– Les contrรดles facilitateurs descendants,
– Les contrรดles inhibiteurs diffus induits par une stimulation nociceptive (CIDN).
Les contrรดles segmentaires spinaux
Ils ont รฉtรฉ modรฉlisรฉs par Melzack et Wall dans la thรฉorie du portillon: ce modรจle repose sur lโรฉquilibre dโune balance entre 2 types dโactivitรฉs exercรฉes sur les neurones nociceptifs des faisceaux ascendants spinothalamiques et spinorรฉticulaires (neurones T ยซ Triggers cells ยป) : – Les unes sont activatrices vรฉhiculรฉes par les fibres A-delta et C, – Les autres inhibitrices vรฉhiculรฉes par les fibres A-alpha et A-bรชta. Ainsi la douleur nโest ressentie que lorsque le neurone T est activรฉ, lorsque la balance penche en faveur des activitรฉs excitatrices, soit par un excรจs dโactivitรฉ des fibres nociceptives, soit par un dรฉficit des contrรดles inhibiteurs.
Le modรจle de la thรฉorie du portillon est ร lโorigine de lโutilisation thรฉrapeutique des techniques de neurostimulation รฉlectrique pรฉriphรฉrique (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation: TENS): la stimulation antalgique est dรฉlivrรฉe par des รฉlectrodes au contact de la peau disposรฉes au niveau segmentaire sur le territoire douloureux. Les effets analgรฉsiques de la TENS sont efficaces principalement dans les douleurs neuropathiques.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I-1-Historique
I-2- Epidรฉmiologie
I-3-Physiologie de la douleur
I.3.1 Nocicepteurs(nocicepteurs pรฉriphรฉriques)
I.3.2.Le relais spinal de la corne postรฉrieure
I.3.3.Les structures supra -spinales de la douleur
I.3.4.Les mรฉcanismes de contrรดle de la douleur
I.3.4.1 Les contrรดles segmentaires spinaux
I.3.4.2. Les contrรดles inhibiteurs descendants issus du tronc cรฉrรฉbral
I.3.4.2. Les contrรดles facilitateurs descendants
I.3.4.3.Les contrรดles inhibiteurs diffus induits par une stimulation nociceptive (CIDN)
I-4-Physiopathologie de douleur
I.4.1.La douleur par excรจs de nociception
I.4.1.1. Les substances secrรฉtรฉes par les cellules lรฉsรฉes
I.4.1.2. Les substances provenant des cellules inflammatoires
I.4.2. Les douleurs nociceptives en rhumatologie
2.1. Mรฉcanismes physiopathologiques de la douleur neuropathique
II. DIAGNOSTIC POSITIF
II-1. Circonstances de dรฉcouverte
II-2. Lโinterrogatoire
II-3- Lโexamen physique
II-4-Les examens paracliniques
II.5. Diagnostic de la fibromyalgie
II.5.1.1 Phase de dรฉbut
II.5.1.2 Phase dโรฉtat
II.5.2 Formes cliniques
II.5.2.1 formes selon le terrain
II.5.3 Diagnostic positif
II.5.4. Diagnostic diffรฉrentiel
III.DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV.DIAGNOSTIC DE RETENTISSEMENT
V. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
V-1/ DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
V-1-1/ INTERROGATOIRE
V-1.2. Examen physique
V-1.3. Paraclinique
V-2/ ETIOLOGIES
V-2-1.Les รฉtiologies des douleurs nociceptives
V.2.2.Les รฉtiologies des douleurs neuropathiques
V.2.3.Les รฉtiologies des douleurs Psychogรจnes
VI- PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DE LA DOULEUR
1. But
2. Moyens thรฉrapeutiques
2.1. Les moyens non pharmacologiques
2.2. Les moyens pharmacologiques
2.2.1. Traitements symptomatiques
2.2.1.1. Les antalgiques
2.2.1.1.1. Les antalgiques non opioรฏdes
2.2.1.1.1.1.Floctafรฉnine (Idarac*)
3- Indications
2.2.1.1.1.2. Nรฉfopam (Acupan*)
2.2.1.1.1.3. Le paracรฉtamol
2.2.1.1.1.4. Les anti-inflammatoires non stรฉroรฏdiens (AINS)
2.2.1.1.2. Opioรฏdes faibles
2.2.1.2. Les Co-analgรฉsiques
2.2.1.2.1.Les glucocorticoรฏdes
2.3. Moyens Physiques
3. Indications
DEUXIEME PARTIE
I-PATIENTS et METHODES
I-1 Le cadre dโรฉtude
I-2-Le type et la pรฉriode de lโรฉtude
I-3-La population dโรฉtude
I-4- Le recueil des donnรฉes
II. Donnรฉes cliniques
1. Circonstances de dรฉcouvertes
2. Examen clinique
2.1. Interrogatoire
2.2. Examen physique
2.3. Examens paracliniques
3. Diagnostique รฉtiologique
1. Dรฉmarche diagnostique ( cf enquรชte รฉtiologique)
1.1. Interrogatoire : cf interrogatoire du diagnostique positif
1.2. Examen physique
1.3. Paraclinique
2. Les รฉtiologies
V. Diagnostique de retentissement
VI. Donnรฉes thรฉrapeutiques
II- RESULTATS
II-1. Donnรฉs รฉpidรฉmiologiques
II.1.1. Frรฉquence
II.1.2. รge
II.1.3. Genre
II.1.4. Origine gรฉographique
II.1.5. Ethnies
II.1.6. Statut matrimonial
II.1.7. Professions
II.1.8. Niveau dโรฉtude
II.1.9. Hรฉrรฉditรฉ
II.1.10. Antรฉcรฉdents
II-2. Donnรฉes diagnostique
II.2.1. Diagnostic positif
II.2.1.1.Lโinterrogatoire
II.2.1.1.1.Le mode de dรฉbut
II.2.1.1.2.Lโanciennetรฉ de la douleur
II.2.1.1.3.Le dรฉlai diagnostique (retard ร la consultation)
II.2.1.1.4.Les Circonstances de dรฉcouverte
II. 2.2. Diagnostic รฉtiologies
II.2.2.1. Les รฉtiologies des douleurs nociceptives
II.2.2.2. Les รฉtiologies des douleurs neuropathique
II.2.3. Diagnostic de retentissement
II-3. Donnรฉes thรฉrapeutiques
II.3.1. Traitements non pharmacologiques
II.3.2. Traitements pharmacologiques
II.3.2.1. Les traitements symptomatiques
II.3.2.1.1. Antalgiques utilisรฉs chez nos malades
II.3.2.1.1.1. Anti-inflammatoires non stรฉroรฏdiens
II.3.2.1.2. Corticoรฏdes
II.3.2.1.4. Voies dโadministration
II.3.2.2. Traitements adjuvants
II.3.2.3. Traitement de fonts associรฉs
II.3.3. Traitements physiques : Ils ont รฉtรฉ prescrits chez 52 patients
3.4. Traitements chirurgicaux : Aucun patient nโa bรฉnรฉficiรฉ de traitement chirurgical
II-4. รvaluation de lโefficacitรฉ du traitement
III-Discussion
1. Au plan รฉpidรฉmiologique
2. Indications
3. Moyens thรฉrapeutiques
4. Efficacitรฉ
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCE BIBLIOGRAPHIE