La lecture en professionnel
Puisque le chercheur fait un travail, il est obligé de lire en professionnel. Contrairement à la lecture en amateur, la lecture en professionnel est orientée et sélective et elle se fait selon des techniques spécifiques : la lecture de l’économie technique et de l’économie matérielle du livre.
-La lecture de l’économie technique : lorsque le chercheur fait la lecture de l’économie technique d’un livre il prend connaissance des éléments qui se trouvent sur la première de couverture (prénom et nom de l’auteur, titre de l’ouvrage) et qui sont repris à la page de titre. Au verso de celle-ci sont mentionnés le numéro de tirage, le copyright, l’éditeur, l’ISSN, l’ISBN. Le chercheur établit la fiche bibliographique à partir de la page de titre. C’est après qu’il consulte la quatrième de couverture pour avoir un aperçu général de l’ouvrage et de la biographie de l’auteur qui continue, en général, sur la troisième de couverture. Une fois ces éléments saisis, le chercheur passe à la lecture de l’économie matérielle du livre.
-La lecture matérielle : la faire, c’est lire le sommaire, la table des matières (résumé des questions principales et secondaires abordées et traitées dans un ouvrage), les index (ils sont définis plus haut) qui peuvent être de plusieurs sortes : index nominum (des noms), index locorum (des lieux) et index rerum (des choses). Il faut aussi lire la bibliographie qui, rappelons-le, donne une idée de l’orientation d’un ouvrage. La lecture matérielle d’un livre ne peut se terminer sans une lecture attentive de l’introduction et de la conclusion. C’est à partir de celle-ci que le chercheur se décide à lire un ouvrage.
Le moment de la préparation
Avant de passer à la rédaction du manuscrit, il faut avoir fini de rassembler et de traiter les informations recueillies. Dans sa préparation à la rédaction, le chercheur vérifie que toutes les fiches sont bien « renseignées » et il les classe selon l’ordre du plan de rédaction. S’il se rend compte qu’une fiche peut servir à plusieurs endroits, il établit des fiches « fantômes » et les met à ces endroits. Il est à noter, par ailleurs, que, dans cette phase de préparation à la rédaction, le chercheur est invité à utiliser autant de chemises cartonnées de couleur différente qu’il y a de chapitres à rédiger. Ce n’est qu’après qu’il rangera le tout dans son classeur « rédaction » selon l’ordre du plan. A partir de ce moment il peut passer à la rédaction proprement dite.
La soutenance
Ultimus sed non minimus. Autrement dit, c’est la dernière étape du long travail de recherche mais ce n’est pas la moins importante. Elle nécessite donc, tout comme les autres parties du travail, une bonne préparation intellectuelle et morale. La préparation intellectuelle consiste, après avoir pris du repos, à relire soigneusement ce qu’on a écrit avant le jour de la soutenance afin d’en saisir les grandes lignes et d’être en mesure de les présenter le jour de la soutenance en une quinzaine de minutes. La préparation morale, quant à elle, consiste à ce que le chercheur s’attende à des questions difficiles auxquelles il devra répondre d’une manière effective, sereine, lucide et convaincante. Le travail de recherche est une entreprise de longue haleine qui demande de la patience et de la rigueur. Toute personne qui s’y lance est obligée de mettre en place une stratégie afin de le mener jusqu’au bout.
La critique traditionnelle
Bien que la critique ait existé depuis longtemps, c’est au XIX° siècle qu’elle s’est développée à cause de deux faits : celui d’être une discipline enseignée à l’université et celui d’avoir donné naissance à des revues. Elle repose sur deux postulats :
– L’œuvre est le reflet du milieu et de la personnalité de l’auteur.
– Cette personnalité, il est possible de la retrouver par les méthodes de l’enquête historique. Il résulte de ces postulats que l’auteur est tout puissant et que c’est lui qui fabrique le sens. Origine des contenus de l’œuvre, l’auteur est aussi garant de son sens (sic) La critique traditionnelle a eu d’éminents représentants.
Charles Augustin Sainte-Beuve (1804-1869) : Principale figure de la critique biographique, il propose de connaître l’homme pour comprendre l’œuvre. En effet, l’auteur, personne réelle, a vécu en un temps et un lieu donnés. Il a été le témoin, ou l’acteur, d’événements présents dans l’œuvre. Connaître sa vie permet de comprendre son œuvre. Sainte-Beuve préconise donc une connaissance approfondie de l’auteur. Cependant, il adopte une méthode descriptive et ne juge pas
Abel François Villemain (1790-1870) : Homme politique passionné de littérature, il fut nommé professeur à la Sorbonne en 1816. Là, il donna une série de cours de littérature. Il ne s’est pas limité à la biographie pour pénétrer une œuvre. Il est allé plus loin et s’est efforcé d’éclairer les grandes œuvres de la littérature française par la comparaison de leur atmosphère (pays, civilisation, mœurs, idées).
Saint Marc Girardin (1801-1873) se distingue par son opposition au romantisme. Pour lui, l’œuvre doit proposer des modèles sains à la jeunesse. Lire une œuvre donc, c’est rechercher des valeurs morales car la littérature est une pédagogie. C’est pourquoi, dans Essais de littérature (1845), il réagit contre la dégradation des mœurs.
Hyppolite Taine (1828-1893) : Pour Hyppolite Taine, l’œuvre est produite par l’interaction de trois facteurs : la race, le milieu et le moment. Pour cette raison, l’étude de l’auteur est surtout une étude de l’époque dont il est le représentant. Il a essayé de développer Claude Bernard. Ainsi, tout comme Sainte-Beuve, il ne fait que constater et se garde de juger : La méthode moderne que je tâche de suivre consiste à considérer les œuvres humaines en particulier comme des faits et produits dont il faut marquer les caractères et chercher les causes […]. Ainsi comprise, la science ne proscrit ni ne juge. Elle constate et explique.
Ferdinand de Brunetière (1849-1906) et Emile Hennequin (1858-1888) : tous deux sont des disciples de Hyppolite Taine, mais se démarquent de celui-ci et chacun suit sa propre voie. Ferdinand de Brunetière, au contraire de son maître, décide de juger, de classer et d’expliquer les œuvres. Pour lui, les mauvaises œuvres sont celles qui ne parlent que de l’auteur ou qui représentent servilement la nature. Une bonne œuvre donc, est celle qui donne des leçons. Quant à Emile Hennequin, adepte de la critique scientifique, il s’est démarqué de son maître en revenant à l’œuvre. Il envisage celle-ci sous l’angle esthétique, psychologique et sociologique. L’œuvre est comme un signe dont les diverses significations déterminent les provinces de la critique qui sera esthétique (production d’une émotion esthétique), psychologique (elle renvoie à l’auteur) et sociologique (elle témoigne de la mentalité d’un groupe social plus ou moins étendu).
Gustave Lanson (1857-1934) : figure importante de la critique littéraire, il récuse les idées de Taine et s’intéresse aux influences sociales. Son affirmation de principe est que l’œuvre relève du miracle qui ne s’explique pas. Alors, il faut étudier, non pas l’œuvre, mais ce qui prépare l’acte créateur. Pour cela, il prône une étude des sources littéraires, historiques et psychologiques. Il propose de faire donc une histoire des idées, c’est-à-dire, qu’on établisse les rapports de la littérature à la vie. En nous résumant, nous pouvons dire que la critique traditionnelle s’est beaucoup plus préoccupée de chercher des influences, de dresser des biographies, de faire des enquêtes historiques que d’étudier l’œuvre elle-même. Cette démarche est remise en cause par la nouvelle critique qui accorde la priorité au texte et non au hors-texte.
Effets de sens de l’intertextualité
En dehors du plagiat, l’intertextualité peut produire plusieurs effets de sens parmi lesquels :
– la modestie intellectuelle
– le désir de filiation
– un jeu avec le lecteur
– un désir de parodie ou une volonté de subversion
La critique intertextuelle, pour conclure, cherche à découvrir dans un texte littéraire une pluralité de textes qui le peuplent d’une pluralité de sens. Ainsi, l’intertextualité a attiré l’attention sur le lecteur. Les théoriciens de la réception auront une démarche similaire.
La théorie de la réception
Les critiques de l’école de Constance, et plus particulièrement Hans Robert Jauss et Wolfang Iser, sont les partisans de cette théorie. Ils sont partis du constat que l’analyse littéraire s’est toujours limitée à l’œuvre et à l’auteur et a négligé le lecteur. Pour eux, l’œuvre est un processus dynamique, un rapport d’interaction entre le lecteur (pôle esthétique) et le texte (pôle artistique). Donc, sans lecteur, le texte n’existe pas car c’est lui qui fait que l’œuvre littéraire s’insère dans un processus historique de lecture, d’accueil, de refus ou de mise en valeur et de constructions de valeurs esthétiques.
Conclusion
Le XIX et le XX siècle ont été marqués, dans le domaine de la littérature, par la critique. En effet, l’explication du fait littéraire a fait naître beaucoup de méthodes critiques à travers le temps. Dans un premier temps, nous avons étudié différents auteurs, chacun étant le chef de file d’une méthode critique. Leur explication du fait littéraire, bien que différente, se base sur des faits extérieurs à l’œuvre : l’auteur et son milieu de vie. Dans un second temps, nous avons passé en revue la critique moderne. Reprochant à la traditionnelle de donner plus d’importance à l’auteur, elle a entrepris de s’intéresser à l’œuvre elle-même. Elle a recouru soit aux nouvelles sciences humaines (sociologie, marxisme, psychanalyse), soit au structuralisme pour expliquer le fait littéraire. Ainsi, la critique traditionnelle et la nouvelle critique se complètent mais négligent le troisième pôle de l’activité critique : le lecteur, pris en charge par la théorie de la réception.
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Table des matières
– Remerciements et dédicaces
– Préface
Première partie : Les séminaires
– Résumé du séminaire sur la méthodologie de la recherche
– Bibliographie
– Résumé du séminaire sur les théories, méthodes et pratiques du texte
– Bibliographie
– Résumé du séminaire sur la narratologie et analyse littéraire
– Bibliographie
Deuxième partie : L’exposé d’application
– L’espace et ses fonctions dans L’Horizon de Patrik Modiano
– Bibliographie
Troisième partie : Le projet de thèse
– La question raciale sous la révolution cubaine dans Cuando la sangre se parece al fuego de Manuel Cofiño López
– Bibliographie
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