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GENERALITES SUR LES PESTICIDES
A l’issue de la seconde guerre mondiale, l’essor de l’industrie pétrochimique, et notamment l’apparition de nouvelles techniques de synthèse, a permis le développement d’un grand nombre de molécules chimiques. A ce jour, environ un millier de matières actives pesticides, appartenant à une centaine de familles chimiques différentes, ont été homologuées à travers le monde, et commercialisées dans près de 10 000 produits différents. Ces produits sont pour l’essentiel utilisés dans le secteur agricole afin d’augmenter les rendements de production mais également dans le but de protéger les plantes tout au long de leur développement.
Les agriculteurs doivent produire des légumes, fruits et céréales d’une très grande qualité afin de répondre aux exigences du marché de consommation. Pour atteindre les standards exigés et des niveaux de production économiquement viables, ceux-ci doivent utiliser de nombreux produits antiparasitaires pour lutter contre les mauvaises herbes, les insectes nuisibles ou les maladies fongiques. Si l’utilisation de ces produits est souvent nécessaire pour que les producteurs atteignent leurs objectifs de production, il demeure important de rappeler que les pesticides sont des produits toxiques et qu’ils doivent être utilisés de façon rationnelle et sécuritaire (Onil et al., 2001 ; Meyer et al., 2003).
Les pesticides, encore appelés produits phytosanitaires, sont des substances chimiques.
Le mot « pesticide » dérivé des termes latins « caedere » (tuer) et « pestis » (fléau), est un terme générique qui désigne les substances ou les préparations utilisées pour la prévention, le contrôle ou l’élimination d’organismes jugés indésirables (plantes, animaux, champignons, bactéries …), et ce quel que soit son usage (agricole, domestique, urbain, de voirie …) (Aligon et al., 2010).
A l’échelle mondiale, les grands utilisateurs de pesticides sont : les Etats-Unis, le Brésil, le Japon, la Chine et la France (Rousseau et al., 2000 ; Onil et al., 2001).
Les données disponibles pour appréhender l’utilisation des pesticides sont généralement basées sur les chiffres de vente des principales sociétés phytopharmaceutiques.
Le marché mondial des pesticides a atteint près de 30 milliards de dollars en 2000 et est globalement stable depuis cette date. Certains évènements climatiques (sécheresse en Europe, en Afrique, pluie en Océanie…) peuvent influencer plus ou moins fortement ces chiffres.
En 2007, les herbicides représentaient près de 50% du marché mondial (Aligon et al., 2010).
En Europe et en Amérique du Nord, ces pesticides constituent généralement 70 à 80% du marché (notamment à cause de la forte augmentation des cultures de maïs) tandis que sous les tropiques, 50% des produits appliqués sont des insecticides. La diversification des cultures et l’amélioration du niveau de vie dans certains pays, modifie cette répartition. Ainsi la Chine a supprimé des rizières pour les transformer en cultures maraîchères sur des surfaces équivalentes à l’Angleterre entraînant une diversification des pesticides utilisés. Les usages non agricoles représentent environ 12% du marché mondial (ORP, 2008). En Amérique du Nord, les pesticides sont présents dans 82 à 90% des ménages, avec en moyenne au moins 3 à 4 produits différents, dont 75% sont des insecticides utilisés dans la maison et 22% des produits de jardins (ORP, 2008).
Ces chiffres ne représentent pas les consommations réelles du fait des stockages ou déstockages effectués par les utilisateurs ainsi que des exportations ou importations vers d’autres pays. Ils traduisent par contre une diversité des utilisations, certes agricoles pour la plupart, mais également domestiques (Aubertot et al., 2005).
Si les pesticides ont permis d’énormes progrès dans la maitrise des ressources alimentaires et dans la lutte anti-vectorielle, ces produits peuvent également représenter un danger pour l’environnement, et la santé humaine (Aubertot et al., 2005).
Les atteintes du système nerveux constituent, avec les cancers et les troubles de la reproduction, des axes de recherche majeurs concernant les effets sanitaires retardés des pesticides. L’hypothèse d’effets de ces substances sur le système nerveux, central ou périphérique, s’appuie à la fois sur des données toxicologiques, des observations cliniques et des constats épidémiologiques (Aubertot et al., 2005).
Les troubles neurologiques centraux suspectés être associés à une exposition chronique aux pesticides sont les maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer et sclérose latérale amyotrophique), les troubles neuro-comportementaux et certains troubles psychiatriques (troubles de l’humeur, anxiété, suicide) (Quandt et al., 2010 ; Carol et al., 2015). Les risques modérés liés à une mauvaise application ou manipulation incluent des maux de tête, des éruptions cutanées ou encore des troubles de vision (Rekha et al., 2006). Par ailleurs, il a été montré que chez les agriculteurs, les cancers de la prostate et de l’estomac étaient plus fréquents. Ce comportement a été confirmé par l’équipe Quintanilla-Vega qui a identifié certains pesticides et leurs produits de dégradation comme des agents susceptibles de nuire à la fertilité masculine en particulier via une toxicité testiculaire (Lauwerys et al., 1985 ; Quintanilla-Vega et al., 2004). Il a été également souligné la présence de ces molécules dans le lait maternel et le développement anormal du foetus et des malformations congénitales (Levario-Carrillo et al., 2004).
Parmi ces produits chimiques, les composés de la famille des organophosphorés ont fait l’objet de différents travaux de recherche. Une étude anthropologique a été observée sur deux groupes semblables d’enfants mexicains âgés de quatre à cinq ans. Ceux qui ont été exposés (cadre de vie : milieu agricole) à une dose importante de pesticides incluant des organophosphorés ont montré une diminution de la mémoire à court terme, une mauvaise coordination des yeux et des mains ainsi qu’une diminution de leur capacité à dessiner. En revanche, les enfants non exposés (cadre de vie : sans contamination) ont montré un développement normal (Garcia et al., 1999). De plus, il a été confirmé l’existence d’un lien entre l’exposition d’enfants américains à un pesticide organophosphorés, le méthyl parathion. Des problèmes persistants de mémoire à court terme et d’attention ont été également observés (Kaye et al., 2004). En outre, d’autres études épidémiologiques menées sur le développement gestationnel de nourrissons nés de mères agricultrices ayant été exposées (exposition professionnelle) à un autre pesticide organophosphoré, le chlorpyriphos, à la naissance les nourrissons ont montré une diminution significative de la circonférence de la tête, de leur poids et d’un ralentissement des principaux réflexes. Les périodes d’observation ont été de la 14è à la 26è semaine de gestation et les 7 jours après accouchement (Peresa et al., 2004 ; Young et al., 2005).
A travers ces différentes études, il semble clair que les pesticides constituent un danger sanitaire réel et peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine.
En effet les pesticides peuvent être absorbés par les voies cutanée, respiratoire et orale. Le degré d’exposition dépend de plusieurs facteurs : le type de formulation, les techniques de préparations et d’application des mélanges, ou encore le milieu d’utilisation.
L’exposition cutanée est la principale voie d’exposition à ces substances toxiques et est responsable de la plupart des intoxications en milieu du travail (Lauwerys, 1999 ; Rousseau et al., 2000 ; Aligon et al., 2010). Pour la population générale, un contact prolongé ou répété avec un OP, ou un sol contaminé, peut entrainer des dermatoses irritatives.
L’épandage est une technique (pratique) agricole consistant à répandre des produits phytosanitaires sur des zones cultivées. C’est un mode d’intoxication fréquent car les particules aéroportées étant retrouvées à plus de 1 à 2 km de la zone traitée. En revanche, le risque de contamination alimentaire est faible, au vu de la faible rémanence dans les sols des pesticides organophosphorés (Aligon et al., 2010).
Toutefois, l’ingestion et l’inhalation provoquent des effets plus importants chez l’Homme. L’exemple du dichlorvos (retenu car c’est le seul cancérogène) illustre ceci : après ingestion chez l’adulte, une inhibition des cholinestérases (d’environ 50%) apparait dès 2 mg/kg, des troubles digestifs (nausées, vomissements, hypersalivation, crampes abdominales, diarrhées) sont les premiers signes d’intoxication muscarinique à apparaître dans les 15 minutes à deux heures (Quandt et al., 2010 ; Kwong, 2002).
Quelle que soit la voie de pénétration, l’intoxication induit des symptômes de type cholinergique apparaissant entre quelques minutes voir 12 H après exposition.
Néanmoins, tous les individus ne répondront pas de la même façon à une dose toxique de pesticides, certaines personnes peuvent être effectivement plus sensibles que d’autres. Ces facteurs individuels peuvent être (Onil et al., 2001) :
Des facteurs génétiques : qui peuvent influencer la capacité des individus à transformer les produits toxiques.
Des facteurs liés au stade de développement de l’individu (âge) : le foetus, les enfants et les personnes âgées sont habituellement plus sensibles.
Des facteurs liés au sexe de l’individu : les hommes et les femmes peuvent absorber et métaboliser les produits différemment.
L’état nutritionnel : cet état peut influencer la toxicité.
Les femmes enceintes : subissent une modification de leur activité métabolique.
Des facteurs liés à l’état de santé de l’individu : les individus ayant des problèmes de santé peuvent être moins résistants.
A ces facteurs individuels, il faudrait ajouter les facteurs environnementaux concernant le milieu d’exposition et aussi des propriétés physico chimiques du produit toxique définis ci-dessous :
− Les facteurs environnementaux (Onil et al., 2001) :
Certains agents physiques, comme la lumière et la température, peuvent modifier les effets toxiques d’un produit chimique.
L’exposition à plusieurs produits peut modifier les effets toxiques (potentialisation, synergie, neutralisation).
Certains pesticides sont décomposés en produits encore plus toxiques dans l’environnement.
− Les propriétés physico chimiques du toxique (Onil et al., 2001) :
La taille des particules (grosseur),
La volatilité,
La solubilité, peuvent influencer la réponse toxique.
L’intérêt public, concernant les résidus de pesticides dans les produits de consommation n’a cessé d’augmenter ces vingt-cinq dernières années (Hercegovà et al., 2007) et a conduit les autorités législatives à mettre en place des réglementations strictes ainsi que des suivis de la qualité des produits de consommation. Ces actions sont menées dans le but d’éviter les risques pour le consommateur mais aussi pour réguler le marché international (Galceran et al., 2005 ; Hercegovà et al., 2007).
Le marché industriel des produits phytosanitaires étant en constante évolution dans le domaine du développement de nouvelles molécules; la commercialisation, l’utilisation et le contrôle des produits phytopharmaceutiques est maintenant encadrée par une réglementation. Mise en application en 1993, la directive 91/414/CEE est venue renforcer les critères d’évaluation toxicologiques en vue de l’homologation des nouvelles molécules, et programmer la réévaluation des anciennes. Les pesticides ne sont pas concernés par le règlement européen REACH, entré en vigueur en 2007, qui régit l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation de la plupart des substances chimiques. Parallèlement aux programmes spécifiques aux pesticides, la quatrième conférence interministérielle de Budapest de juillet 2004 organisée par l’OMS constitue un cadre d’action international pour les pays signataires, axé sur la santé des enfants et l’environnement.
Lors de cette conférence, l’OMS a adopté pour l’Europe le programme CEHAPE1 (Children’s Environmental Health Action Plan for Europe). Il définit 4 objectifs prioritaires dont celui de réduire les risques de maladies et d’incapacité résultant d’expositions aux substances chimiques dangereuses dont certains pesticides. Ce programme confirme « la préoccupation de la toxicité à long terme de nombreuses substances chimiques dangereuses notamment de leurs effets cancérigène, neurotoxique, immunotoxique, génotoxique, allergique et perturbateur endocrinien surtout les Polluants Organiques Persistants (POP)… ». Il souligne également de manière plus large les lacunes des connaissances quant à la nature et aux effets sanitaires des agents environnementaux sur les organismes en développement, de la période prénatale à l’adolescence. Il préconise d’intensifier les travaux de recherche sur les liens de causalité, la nature et l’ampleur des effets et recommande en parallèle, de prendre des mesures reposant sur le principe de précaution (OMS, 2005).
Inhibiteurs cholinestérasiques
Les pesticides les plus utilisés sont les inhibiteurs cholinestérasiques parmi lesquels on trouve ceux de la famille des organophosphorés et les carbamates.
Au niveau mondial, quoiqu’on leur connaisse de multiples usages : insecticides, rodenticides, nématocides, herbicides, traitement direct sur l’humain (cas des glaucomes), additifs dans certains produits de plastique et de pétrole, les pesticides anticholinestérasiques sont principalement utilisés aujourd’hui en agriculture, horticulture et entretien paysager, autant dans le milieu industriel que dans le milieu domestique.
Les organophosphorés (OPs) sont des dérivés de l’acide phosphorique, très lipophiles avec des composés volatils non ioniques et pour la plupart assez instables. Les OPs ont une toxicité aiguë élevée mais de faible rémanence. Ils franchissent la barrière hématoencéphalique et présentent une toxicité neurologique, d’inhibition irréversible de l’acétylcholinestérase (Kwong, 2002 ; Thabet et al., 2009).
Ils peuvent être absorbés par voie cutanée, respiratoire et orale. En milieu professionnel, les voies cutanée et respiratoire présentent une contamination prédominante (Testud et al., 2007).
Parmi les organophosphorés, nous avons : acéphate, dichlorvos, diméthoate, formothion, malathion, mévinphos, trichlorfon, chlorfenvinphos, parathion, chlorpyriphos, phosmet, diazinon, vamidothion, triazophos, ométhoate.
Les carbamates sont dérivés de l’acide carbamique, inhibiteurs réversibles des cholinestérases (l’enzyme qui régule l’acétylcholine). Ils présentent une neuro-toxicité (Cherin et al, 2012).
Nous avons : méthomyl, propoxur, bendiocarbe, dioxacarbe, aldicarbe, benfuracarbée, méthiocarbe, oxamyl, thiofanoxe.
La toxicité des anticholinestérasiques est très variable, du parathion-éthyl, extrêmement dangereux (DL50 orales de 3,6 à 13 mg/kg selon la formulation et l’espèce animale), au malathion, très utilisé dans la lutte contre les vecteurs de parasitoses et très peu toxique (DL50 orales de 480 à 1150 mg/kg) (Casarett and Doull’s, 1996).
Les pesticides OPCs inhibent l’activité acétylcholinestérase uniquement à des doses relativement fortes et observées suite à des expositions aigues ou accidentelles. Une étude a pu montrer qu’à faibles doses, certains pesticides organophosphorés sont capables de se lier d’une façon spécifique à des protéines au niveau du cerveau et du thymus. Ces propriétés pourraient être à l’origine de leurs effets neurotoxiques et immunotoxiques à long terme (Quandt et al., 2010 ; Aligon et al., 2010).
Des troubles du comportement peuvent survenir après une intoxication chronique ou aiguë, même mineure. Ils sont associés à une baisse importante des cholinestérases plasmatiques et globulaires. Ils se traduisent par une baisse des performances intellectuelles, avec des modifications de l’électroencéphalogramme considérées par certains comme spécifiques (Cotton et al., 2015).
Les OPCs sont des toxiques létaux, à action systémique prédominante, dont le mécanisme d’action principal est de bloquer la dégradation de l’acétylcholine au niveau des synapses cholinergiques par inhibition réversible ou irréversible des cholinestérases.
La cholinestérase est une enzyme catalysant l’hydrolyse de l’acétylcholine en acétate et choline. Son rôle physiologique est la réduction de l’activité associée à l’acétylcholine et à ses dérivés. On distingue chez l’Homme, deux types de cholinestérase (Lauwerys R., 1999 ; J. Carol et al., 2015) :
• Cholinestérase cellulaire avec une forte activité enzymatique spécifique de l’acétylcholine et de l’acétylbétaméthylcholine. On retrouve cette dernière préférentiellement au niveau des érythrocytes et des cellules nerveuses ;
• Cholinestérase sérique avec une faible activité enzymatique (appelée aussi pseudocholinestérase).
La baisse de l’activité cholinestérasique peut être liée à (Lauwerys, 1999 ; Biotox, 2005) :
− Une intoxication aux organophosphorés, où l’on observe d’abord une diminution de l’activité sérique puis une baisse de l’activité globulaire.
− Une atteinte hépatique (hépatite virale, cirrhose, carcinome hépatocellulaire, insuffisance hépatique sévère) ;
− Une anémie, une malnutrition, une atteinte neuromusculaire (syndrome neuromusculaire et dermatomyosites).
Le dosage acétylcholinestérasique est indiqué face à toute suspicion d’intoxication aux organophosphorés et carbamates à action anticholinestérasique. C’est un bon indicateur d’exposition professionnelle aux organophosphorés et aux carbamates (Lauwerys, 1999 ; Biotox, 2005).
Les tests de l’activité cholinestérasique du Plasma (Cholinestérase sérique ou pseudocholinestérase) et de Globules Rouges (RBC ou cholinestérase cellulaire ou globulaire ou cholinestérase vraie) sont les seuls moyens pratiques disponibles pour mesurer les effets de l’exposition aux pesticides anticholinestérasiques.
Il est important de se rappeler que l’effet des pesticides organophosphorés et carbamates, est l’inactivation de la cholinestérase dans le système nerveux.
TRAVAIL EXPERIMENTAL
CADRE D’ETUDE
La Société Africaine Industrielle et Agricole de Sébikotane (SAFINA) a servi de cadre d’étude et le Laboratoire de Toxicologie et d’Hydrologie (LTH de la faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar) pour recenser les données.
Le groupe SAFINA-AGROCAP est le premier exportateur sénégalais de haricots et de tomates à destination du marché européen ou la CDA, il est fournisseur également des épiceries et grandes surfaces du pays en produits carnés, en laitages.
MATERIEL ET METHODE
Matériel
Nous avons utilisé le registre d’enregistrement des activités cholinestérasiques du Laboratoire de Toxicologie et d’Hydrologie (LTH) et une fiche d’enquête pour la collecte des données.
Méthode
Echantillonnage :
Les tests cholinestérasiques globulaires des travailleurs de SAFINA qui sont effectués annuellement par le LTH. Les données vont de 2012 à 2015.
Critère d’inclusion :
Tous les travailleurs ayant fait le test cholinestérasique de 2012 à 2015.
Tous les travailleurs qui n’ont pas 3 tests cholinestérasiques ont été exclus.
Dosage de l’activité cholinestérasique :
Notre étude porte sur des données d’activité cholinestérasique obtenue par utilisation de la méthode d’ELLMAN (méthode du dosage cholinestérasique globulaire avec lecture au spectrophotomètre UV).
DISCUSSION
Ce travail a eu pour objectif d’évaluer l’exposition aux pesticides anticholinestérasiques des travailleurs de SAFINA, en analysant leurs données cholinestérasiques effectuées par le LTH de 2012-2015. Nos résultats montrent une baisse significative de l’activité cholinestérasique des travailleurs enquêtés de 2012 à 2014, suivie d’une progression cholinestérasique positive de 2014 à 2015. Une baisse de l’activité cholinestérasique a été décelée de 2012-2013 chez 14 travailleurs soit 93% de l’effectif enquêté.
Les travailleurs manipulent une gamme diversifiée de pesticides (fongicides, insecticides, herbicides) et des mouillants. Les tableaux II à V illustrent l’ensemble des pesticides utilisés. Ce parmi, les insecticides et les fongicides que nous retrouvons la famille des organophosphorés et des carbamates. La présence de ces pesticides organophosphorés et carbamates qui sont des inhibiteurs de l’activité cholinestérasique, nous permet aisément l’interprétation de l’analyse de nos résultats obtenus.
L’âge de notre population d’étude varie de 26 à 65 ans avec une moyenne de 49,85 ans. La tranche d’âge la plus représentée est celle de 51 ans et plus soit 55% (11) de la population, suivie de la tranche de 36 à 50 ans avec 35% (7) et seulement 10% (2) comprennent la tranche de 26 à 35 ans. Par ailleurs, l’étude de (Mamadou et al., 2008) ayant travaillé sur plusieurs populations, ont trouvé 52,4% pour la tranche d’âge de 36 à 50 ans et 28,1% pour la tranche de 51 ans et plus. La différence de nos résultats s’explique par la composition de la population d’étude. Néanmoins, pour les deux études la tranche d’âge de 26 à 35 ans était la moins représentée.
Par contre, la figure 1 révèle plus d’exposition au niveau de la tranche de 26 à 35 ans. Cette exposition s’explique par la composition de cette tranche avec un effectif de 2 travailleurs et sont tous des applicateurs phytosanitaires. La répartition cholinestérasique selon le poste occupé démontre plus d’exposition chez les applicateurs phytosanitaires. Mais vu le petit effectif de la tranche des 26 à 35 ans, nous nous pourrions qu’indexer l’aptitude à travailler physiquement plus liée à leur jeunesse. Les deux autres tranches ont presque un même niveau d’exposition.
En effet, l’utilisation de ces pesticides inhibiteurs cholinestérasiques est démontrée dans nos résultats de l’activité cholinestérasique des travailleurs. En considérant la moyenne cholinestérasique de notre étude qui est de 1,69 U/ml, nous remarquerons que l’activité cholinestérasique de nos enquêtés est d’une baisse significative. Mais cette chute vertigineuse pourrait s’expliquer par le manque de données cholinestérasiques de ces travailleurs enquêtés avant exposition aux pesticides inhibiteurs cholinestérasiques. Les valeurs cholinestérasiques de notre étude sont des valeurs post-exposition c’est-à-dire que les travailleurs ont été déjà exposés. Cela ne nous a pas permis d’avoir une ligne de base individuelle de référence pour tous les travailleurs enquêtés mais n’entrave pas à l’étude de leur activité cholinestérasique.
Le tableau VIII illustre l’évolution cholinestérasique selon les années et nous remarquons une baisse très significative de 2012 à 2013 avec une moyenne de 1,69 U/ml et un écart type de 0,62. Durant cette période, nous avons aussi des chutes cholinestérasiques allant à 80% indiquant une baisse d’activité cholinestérasique sévère qui nécessite l’inventaire global des mesures de la société sans compter la réexamination biologique et de l’isolement jusqu’à obtention de valeur satisfaisante du ou des concernés. En considérant la baisse cholinestérasique d’alerte qui est de 20% de la valeur antérieure, 14 travailleurs soit 93% de nos enquêtés de 2012 à 2013 ont été en alerte d’exposition et 56% des travailleurs de 2013 à 2014. Ces résultats sont alarmants du plan de vue surveillance médicale des employés par la société. De tel taux d’exposition de 93% des travailleurs, ne s’explique que par une mauvaise protection de ces derniers. Le fait aussi que tous les travailleurs enquêtés attestent de la présence de tenue de protection et exigée par l’employeur durant la période de travail, nous ramène à indexer la mauvaise utilisation des équipements de protection individuels (EPI) soit par négligence due aux travailleurs ou par manque de formation des travailleurs et/ou de l’employeur. Sur l’ensemble de la période d’étude, une baisse cholinestérasique qui démontre une exposition aux inhibiteurs cholinestérasiques a été observée sur la grande majorité de nos enquêtés.
Dans la figure 3, les spots par année de l’activité cholinestérasique montrent clairement une forte exposition des travailleurs durant l’année 2012 avec une stabilité d’exposition de 2013 à 2014 suivie en 2015 d’une évolution positive et significative de l’activité cholinestérasique des travailleurs. La stabilité d’exposition de 2013 à 2014 et la baisse considérable d’exposition de 2015, nous laisse croire d’une bonne intervention dans la politique sécurité sanitaire de la société durant la période 2013 à 2015. L’analyse de nos résultats pouvait bien situer l’année exacte de l’intervention si l’étude avait couvert une longue période.
La figure 4, qui compare l’activité cholinestérasique de deux années, révèle aussi une forte exposition des travailleurs de 2012 à 2013 avec 93% de l’ensemble des travailleurs enquêtés. La similitude d’exposition des deux figures confirme l’ampleur de l’exposition durant l’année 2012.
Ces résultats sont semblables à ceux de l’étude de (Thundiyil et al., 2008) qui dénonce la forte exposition des travailleurs agricoles par faute de mesure sécuritaire d’équipement, de mauvaise sensibilisation et de manque de structure adéquate pour la bonne suivie médicale des travailleurs. La figure 2, nous donne une répartition de l’activité cholinestérasique selon le poste occupé des enquêtés. La figure révèle que les applicateurs phytosanitaires ont les plus bas niveaux d’activité cholinestérasique suivi du gestionnaire de stock et des mixeurs phytosanitaires. Ce constat bien qu’intéressant aurait pu nous permettre une comparaison statistiquement démontrable l’exposition au poste occupé, si le nombre de travailleur enquêté était grand. Par simple approche de la chute cholinestérasique et observation de nos spots, nous pouvons déduire l’hypothèse de l’exposition comparativement au poste de travail. Les applicateurs phytosanitaires qui ont pour rôle d’épandre les pesticides sur des hectares de cultures durant des heures, si par négligence de port de EPI ou en cas de chaleur réduisent la protection en ôtant les gants de protection ou le masque à gaz ou encore la tenue, s’expose par voie cutanée ou respiratoire aux vapeurs des pesticides. Un changement de direction du vent (courant d’air) peut facilement amplifier l’exposition du travailleur. Quant au gestionnaire de stock, les produits bien emballés emmagasinés accompagnés d’un manque de sensibilisation sur la toxicité des produits stockés, peuvent le rassurer de façon à négliger également le port approprié d’EPI durant la période de travail. La négligence du port des EPI surtout soupçonner dans ce contexte, explique cette baisse cholinestérasique. Car la moindre négligence dans le respect strict des EPI, expose le travail. Le gestionnaire de stock joue aussi parfois le rôle de mixeur phytosanitaire, si n’ayant reçu de formation adéquate dans la préparation des pesticides, s’expose facilement aux risques de la toxicité des produits parce qu’il adapte un travail dans lequel il ne maitrise pas les mesures sécuritaires. Une sensibilisation et de formation du personnel travaillant s’impose à l’employeur pour bannir ces expositions et pouvoir préserver la bonne santé des employés pour gagner économiquement et en rendement surtout que ce dernier est le souci de tout employeur. Notre hypothèse corrobore avec la pertinence du respect des EPI dans le milieu du travail (Mamadou et al., 2008 ; DOSH 2010 ; OEHHA 2013).
Les équipements de protection individuels doivent être entretenus avec précaution. Ils doivent être lavés ou changés après chaque utilisation et le travailleur doit se laver soigneusement tout le corps après le travail. Les EPI doivent être de bonne qualité et adaptés aux pesticides utilisés. Le non-respect de ces mesures expose les employés à la toxicité des pesticides. Ceci rentre dans le cadre des bonnes pratiques d’hygiène et de protection des employés par l’employeur (DOSH 2010 ; OEHHA 2013).
Dans notre étude, nous avons eu des limites comme l’absence de ligne de base et de fiche médicale individuelle pour chaque travailleur. Ces limites n’entravent pas nos résultats mais au contraire peuvent plus nous édifier sur l’état de santé des travailleurs à savoir : quelle était l’activité cholinestérasique du travailleur avant le début de son activité au sein de la société agricole ? Quels sont ces antécédents médicaux avant et après exposition aux pesticides anticholinestérasiques ? Tant d’informations qui pourront nous élucider dans l’interprétation des résultats.
Mais comme l’entreprise a pris connaissance de l’importance de la surveillance médicale des employés car notre étude sur les données de l’activité cholinestérasique d’employés de cette entreprise l’illustre et que tous les employés n’ont pas présenté de symptôme d’intoxication aux inhibiteurs cholinestérasiques, il est préférable de sensibiliser l’employeur en lui fournissant les informations concernant les mesures à prendre aux niveaux d’inhibition cholinestérasique d’un employé :
Les tests de la saison de travail (test de suivi périodique) commencent quand le travailleur gère les toxiques de catégories I et II inhibiteurs cholinestérasiques pour plus de six jours civils (calendaires) dans un délai de 30 jours consécutifs commençant le premier jour de la manipulation (DOSH 2010 ; OEHHA 2013). Le dosage de la cholinestérase érythrocytaire a été proposé plus spécifiquement dans le suivi de l’intoxication chronique aux OPs et aux carbamates (Long, 1975 ; Zavon, 1976 ; Lotti, 1995 ; Wilson, 1999 ; Long et al., 2003 ; Karanth et Pope, 2003 ; Mohammad et al., 2007).
Si l’un des niveaux d’activité cholinestérasique tombe en dessous de 80% à 15% de sa ligne de base (valeur référence) (DOSH 2010 ; OEHHA 2013), les actions (mesures) suivantes sont déclenchées:
15% à 20% de la ligne de base (valeur de référence) de la cholinestérase plasmatique et 20% de la cholinestérase sérique : le résultat est considéré comme une alerte.
20 à 30% de la ligne de base (valeur de référence) de la cholinestérase globulaire :
Indique que la personne est exposée à un inhibiteur cholinestérasique (OMS, 1986 ; Lotti, 1995), en l’absence des signes cliniques.
50% de la ligne de base (valeur de référence) de la cholinestérase globulaire :
Il y a un risque de manifestation toxique [Wilson et Henderson, 1992; Lotti, 1995; Wilson, 1999; Aygun et al., 2002; EQM, 2003).
≤ 60% de la ligne de base (valeur de référence) de la cholinestérase globulaire :
L’employeur doit retirer de l’exposition aux pesticides inhibiteurs cholinestérasiques, un employé dont le niveau de la cholinestérase globulaire tombe en dessous de ce niveau. L’employé ne sera pas autorisé à revenir à travailler avec ces pesticides jusqu’à ce que chacun de son niveau d’activité de la cholinestérase plasmatique et RBC cholinestérasique revient à 80% ou plus de la ligne de base. L’employeur doit tenir un registre de la date de l’enlèvement et de la date à laquelle l’employé est retourné à l’exposition (travailler avec les pesticides).
≤ 70% de la ligne de base (valeur) de la cholinestérase globulaire :
L’employeur doit retirer de l’exposition aux pesticides anticholinestérasiques un employé dont l’activité des RBC cholinestérasiques chute à un niveau en-dessous de ce niveau. L’employé ne sera pas autorisé à revenir travailler avec les pesticides jusqu’à ce que chacun de son niveau d’activité cholinestérase plasmatique et RBC cholinestérasique revient à 80% ou plus de la ligne de base. L’employeur doit tenir un registre de la date de l’enlèvement et de la date à laquelle l’employé est retourné à l’exposition (travailler avec les pesticides).
< 80% de la ligne de base (valeurs) de la cholinestérase globulaire ou plasmatique :
L’employeur doit retirer de l’exposition aux pesticides anticholinestérasiques et enquêter sur les pratiques de travail de l’employé, y compris l’assainissement des employés, les procédures de manipulation des pesticides et l’utilisation du matériel et procéder également à un examen de l’équipement de sécurité et de son état. L’employeur doit conserver une trace écrite de ces conclusions, les changements dans l’équipement ou des procédures et toutes les recommandations faites à l’employé. Une dépression à ce niveau est une indication à l’inviter à un nouveau test.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES PESTICIDES
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL EXPERIMENTAL
I. CADRE D’ETUDE
II. MATERIEL ET METHODE
II. 1. Matériel
II. 2. Méthode
II.2.1. Echantillonnage
II.2.2. Critère d’inclusion
II.2.3. Dosage de l’activité cholinestérasique
II.2.4. Calcul de l’activité cholinestérasique
II.2.5. Calcul du taux d’inhibition cholinestérasique
III. RESULTATS
IV. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
WEBOGRAPHIE
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