Données récentes sur l’initiation et l’élongation de la traduction
Les étapes nécessaires pour la mise en place efficace de la synthèse sont fondamentalement les mêmes entre les cellules procaryotes et eucaryotes. Cependant les mécanismes moléculaires divergent fortement, pour cette raison nous n’aborderons dans ce chapitre que les mécanismes mis en jeu dans les cellules eucaryotes.
Pour être exprimée une séquence nucléotidique doit comporter plusieurs signaux de reconnaissance. Les signaux transcriptionnels permettent, à partir de l’ADN, d’obtenir une molécule d’ARN. Chez les eucaryotes cette molécule d’ARN subit de nombreuses modifications post-transcriptionnelles. Ces modifications touchent les régions dites non codantes de l’ARN, afin notamment de le rendre apte à être reconnu par les ribosomes. D’autres signaux sont ensuite nécessaires pour permettre le démarrage et l’arrêt de la synthèse protéique. Ces signaux bornent ce que l’on appelle la phase ouverte de lecture (ORF).
L’initiation de la traduction eucaryote
Les résultats les plus novateurs obtenus dans ce domaine ces dernières années, ont été la mise en évidence des interactions entre la protéine Pabp, se fixant sur la queue poly A, et le facteur d’initiation eIF4G (De Gregorio et al., 1999; Fraser et al., 1999; Khaleghpour et al., 2001; Otero et al., 1999; Wakiyama et al., 2000). Ces interactions impliquent une circularisation des molécules d’ARNm, favorisant sans doute le recyclage des différents composants du ribosome en vu d’un nouveau cycle de traduction.
Facteurs cis et trans
Les ARNm eucaryotes possèdent à leur extrémité 5′ une structure essentielle que l’on appelle la coiffe (m GpppN). Contrairement aux gènes procaryotes il n’existe pas de séquence de type Shine Delgarno permettant le recrutement des ribosomes, ce rôle est assuré par la coiffe. Chez les eucaryotes, trois étapes successives sont nécessaires pour obtenir la coiffe. Chez S. cerevisiae ces trois étapes sont catalysées successivement par la protéine Cet1p (une ARN triphosphatase), la protéine Ceg1p (une ARN guanylyltransférase) et par la protéine Abd1p (une ARN 7 guanidine méthyltransférase) (Mao et al., 1995; Shibagaki et al., 1992; Tsukamoto et al., 1997). La coiffe possède plusieurs rôles distincts, mais nous n’aborderons ici que son rôle dans le recrutement des facteurs d’initiation de la traduction nécessaires à la fixation de la sous-unité 40S du ribosome.
Les protéines impliquées dans l’initiation
Le complexe d’initiation eIF4F
Chez Saccharomyces cerevisiae environ une vingtaine de protéines interviennent dans le complexe d’initiation. Nous n’aborderons en détail que le rôle des facteurs principaux, afin d’avoir une vue d’ensemble des mécanismes complexes mis en jeu. Nous verrons par ailleurs que la plupart des facteurs d’initiation n’ont pas une seule fonction, mais interviennent dans plusieurs étapes jusqu’à la formation du ribosome. Le facteur eIF4E est celui qui reconnaît la structure de la coiffe et s’y fixe (Altmann et al., 1985), les mécanismes moléculaires mis en jeu lors de cette reconnaissance n’ont été élucidés que très récemment (Quiocho et al., 2000). Le facteur eIF4E interagit avec un deuxième partenaire, le facteur eIF4G, ce dernier va avoir pour fonction essentielle de recruter d’autres facteurs tels que les ARN hélicases eIF4A et eIF4B (Dominguez et al., 1999; Matsuo et al., 1997), nécessaires pour résoudre les structures secondaires de l’ARNm. L’activité ARN hélicase semble être portée uniquement par eIF4B, et eIF4A aurait pour fonction principale de stimuler l’activité de eIF4B (Rogers et al., 1999). L’interaction entre les facteurs eIF4E et eIF4G est nécessaire afin de stabiliser le complexe eIF4E-coiffe (von Der Haar et al., 2000). Une fois le complexe eIF4F (eIF4G+eIF4E+eIF4A+eIF4B) formé, la sous-unité 40S du ribosome est recrutée grâce notamment aux facteurs eIF1 et eIF1A (Marcotrigiano et al., 2001). Ce dernier catalyse aussi le transfert du complexe ternaire ARNt(Met)i-eIF2•GTP au sein de la sous-unité 40S (Chaudhuri et al., 1999).
Les autres facteurs protéiques
Il a été décrit de nombreuses protéines interagissant avec les facteurs d’initiation, cependant dans la plupart des cas leur rôle dans l’initiation traductionnelle demeure mal compris. C’est le cas pour Sis1p homologue à la protéine Dnaj de Escherichia coli (Zhong and Arndt, 1993), ainsi que Ssl1p et Ssl2p qui sont respectivement un composant du facteur de transcription TFIIH, et une protéine impliquée dans la réparation de l’ADN (Gulyas and Donahue, 1992; Yoon et al., 1992). En revanche le rôle de la protéine Pab1p (Poly A Binding protéine) est mieux compris. Cette protéine est codée par le gène PAB1, elle se fixe sur la queue polyA des ARNm eucaryotes et régule ainsi la stabilité des ARNm (Bernstein and Ross, 1989; Wang et al., 1999; Wang and Kiledjian, 2000). Il a été montré que cette protéine joue un rôle prépondérant dans l’efficacité de formation du complexe d’initiation eIF4F. Effectivement la protéine Pab1p se lie au facteur eIF4G, cette interaction augmente alors l’affinité du facteur eIF4E pour la coiffe (von Der Haar et al., 2000) et permet aussi une circularisation de l’ARNm (Wells et al., 1998). Il semble aussi que la protéine Pab1p augmente l’activité hélicase du complexe eIF4A / eIF4B (Bi and Goss, 2000). Ces deux protéines vont entre autre permettre le déplacement du complexe d’initiation vers l’extrémité 3′ de l’ARNm, à la recherche d’un codon initiateur.
Mécanismes d’initiation
A la recherche du codon initiateur
Une fois le complexe 43S formé à l’extrémité 5′ de l’ARNm, il va balayer la région 5′ non traduite de l’ARNm jusqu’à trouver le codon initiateur AUG. Il faut noter que chez S. cerevisiae la taille des régions 5′ non codantes est en moyenne de 25 à 32 nucléotides, que la taille minimum permettant une initiation efficace est de 15 nt, et qu’enfin le premier codon AUG présent sur le transcrit est le codon initiateur, sauf dans le cas spécifique des gènes possédant des uORF dont nous ne parlerons pas ici. Plusieurs des facteurs déjà décris interviennent lors du balayage du complexe 43S, ainsi que dans la reconnaissance du site d’initiation. Les facteurs eIF4A et eIF4B ont un rôle important dans ces étapes puisqu’ils permettent la dissociation des structures secondaires. Il a été montré qu’in vitro, en absence des facteurs eIF1A et eIF1, le complexe 43S se formait mais était incapable de se déplacer (Pestova et al., 1998). eIF1 joue aussi un autre rôle essentiel en permettant le recrutement du facteur eIF3 par interaction avec la sous-unité p110 de ce dernier (Fletcher et al., 1999). Le facteur eIF3, va permettre de stabiliser le complexe eIF1A-eIF2-ARNt(Met)i-40S, qui sinon se dissocie à l’arrivée de la sous-unité 50S (Chaudhuri et al., 1999). Des résultats obtenus in vitro avec des extraits de germes de blé indiquent que la protéine PABP (l’équivalent de la protéine Pab1p de levure) augmente l’activité hélicase du complexe eIF4A / eIF4B permettant un déplacement plus rapide du complexe 43S (Bi and Goss, 2000). Lorsque le complexe rencontre le codon initiateur, l’appariement codon anti-codon entre le codon AUG et l’ARNt(Met)i provoque une pause (Cigan et al., 1988). Cette pause permet l’action du facteur eIF5 qui, en interagissant avec eIF3 (Phan et al., 1998), provoque l’hydrolyse du GTP porté par le facteur eIF2 (Asano et al., 2000). Cette hydrolyse entraîne la dissociation de tous les facteurs eIF, la sous-unité 50S peut alors se fixer au complexe 40S ARNt(Met)i. L’association des deux sous-unités fait intervenir les ARNr. Peu de données sont disponibles sur le rôle exact des ARNr dans cette association, cependant il a été démontré que des mutations dans la boucle 790 de l’ARNr 16S bactérien, inhibent l’association des deux sous-unités (voir figure 7, (Lee et al., 1997)). Le ribosome une fois formé est prêt à allonger la chaîne polypeptidique.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. DONNEES RECENTES SUR L’INITIATION ET L’ELONGATION DE LA TRADUCTION
1.1. L’INITIATION DE LA TRADUCTION EUCARYOTE
1.1.1. Facteurs cis et trans
1.1.2. Les protéines impliquées dans l’initiation
1.1.2.1. Le complexe d’initiation eIF4F
1.1.2.2. Les autres facteurs protéiques
1.1.3. Mécanismes d’initiation
1.1.3.1. A la recherche du codon initiateur
1.1.3.2. Reconnaissance du codon AUG
1.2. L’ELONGATION DE LA TRADUCTION
1.2.1. Les mécanismes de l’élongation
1.2.1.1. Les facteurs d’élongation
1.2.1.2. Rôle et importance des ARNt
1.2.2. Composition du ribosome
1.2.2.1. Transcription et organisation des ARNr
1.2.2.2. Modification des ARNr, rôle des snoRNA
1.2.3. Données structurales, rôle des ARNr
1.2.4. Rôle et fonction des ARNr
1.2.4.1. Expériences de protection ou de mutagenèse
1.2.4.2. Les ARNr et les antibiotiques
2. LA TERMINAISON DE LA TRADUCTION ET LE RECYCLAGE DES RIBOSOMES
2.1. UTILISATION DES CODONS STOP ET INFLUENCE DU CONTEXTE NUCLEOTIDIQUE DANS L’EFFICACITE DE TERMINAISON DE LA TRADUCTION
2.1.1. Biais d’utilisation des codons stop
2.1.2. Influence du contexte nucléotidique sur l’efficacité de terminaison de la traduction
2.1.2.1. Le contexte situé en 5′ du codon stop
2.1.2.2. Le contexte situé en 3′ du codon stop
2.2. LES FACTEURS DE TERMINAISON
2.2.1. Fonction et structure du facteur eRF1.
2.2.2. Le facteur eRF3 et la terminaison de la traduction
2.3. MECANISMES DE RECONNAISSANCE DU CODON STOP
2.4. IMPLICATION DES PROTEINES « ACCESSOIRES » DANS LA TERMINAISON DE LA TRADUCTION
2.4.1. Les protéines interagissant avec les facteurs de terminaison
2.4.1.1. Liaison entre deux sous-unités de PP2A et le facteur eRF1
2.4.1.2. Facteurs interagissant avec eRF3 par crible double hybride
2.4.1.3. Pabp1 et le facteur eRF3
2.4.1.4. Interactions entre les ARN hélicases et les facteurs de terminaison
2.4.2. Les protéines dont les altérations ne sont révélées qu’en contexte de faible efficacité de terminaison de la traduction
3. LES ERREURS « SPONTANEES » OU « PROGRAMMEES »
3.1. LES ERREURS « SPONTANEES » DE LA TRADUCTION, MECANISMES DE SURVEILLANCE.
3.2. LES ERREURS PROGRAMMEES : LE RECODAGE
3.2.1. Le « hopping » ou saut de ribosome
3.2.2. Le « frameshifting » ou décalage du cadre de lecture
3.2.2.1. Le « frameshift » en +1
3.2.2.2. Le « frameshift » –1
3.2.3. La translecture d’un codon stop
3.2.3.1. Redéfinition du codon stop en sélénocystéine
3.2.3.2. Les autres cas de translecture
3.3. LES FACTEURS INFLUENÇANT L’EFFICACITE DE RECODAGE
4. CONCLUSION
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