Données pour répondre aux changements de paradigme des politiques de transport

Nous devons changer nos modes de vie pour faire face au réchauffement climatique. Parmi les habitudes à changer, les comportements de mobilité sont un enjeu majeur. Les recherches à mener dans la discipline du transport sont appelées à être renouvelées. L’ancien paradigme de recherche de l’augmentation de l’accessibilité générale au moindre coût, qui conduit à une utilisation prédominante et croissante de l’automobile, qu’on appellera le « tout routier », doit être abandonné pour celui du développement durable. C’est-à-dire une gestion plus contrôlée de l’amélioration de l’accessibilité, qui ne s’appuie plus seulement sur les modes les plus rapides, qui favorisent la croissance des villes en périphérie, mais aussi sur les modes lents (Wiel, 1991).

Le changement de paradigme des politiques de mobilité et ses conséquences sur le besoin de données en matière de mobilité

L’analyse de la contribution des transports aux émissions de GES a fait prendre conscience que les comportements de mobilité se rangeaient sur une échelle de « durabilité » ou d’émissions de CO2. Généralement le comportement reconnu comme le moins « durable » est celui de l’utilisation d’une voiture par un seul individu (autosolisme). L’utilisation des transports en commun, du vélo ou de la marche émet moins de CO2. Selon l’ADEME (ADEME, Comparateur Eco-déplacements ) un trajet domicile-travail sur un an de 10km émet environ 869 kg de CO2 en voiture personnelle, 559kg en bus, 125kg en TER, et 1kg6 en RER et métros. Mais la substitution de l’autosolisme par les modes plus durables ne dépend pas seulement de l’individu mais aussi de la forme urbaine et de sa structure de densité de résidence et d’emploi (Cervero,1997), (Frankhauser et al. 2007), (Frankhauser 2013), (Caruso et al. 2015).

La substitution des modes de transport peut être un objectif de politique de transport, mais une politique de transport vise d’abord à améliorer l’accessibilité des activités et des emplois pour les habitants et la réduction des inégalités. C’est pourquoi ce sous-chapitre commence par une section sur la formation de la demande de mobilité des individus et l’accessibilité générale d’un territoire qui conditionne la réalisation de cette demande (1.1.1). Selon nous c’est cette accessibilité générale qui est l’objet des politiques de transport. L’automobile a été un grand facteur d’amélioration de cette accessibilité générale, au point que bien des territoires en dépendent pour que leurs habitants puissent accéder aux activités dont ils ont besoin.

Mais, depuis la prise en compte des questions environnementales, les politiques de mobilité ont intégré l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et cela représente un changement de paradigme qui remet en cause le besoin de données sur la mobilité . Dans l’ancien paradigme, la réduction des inégalités d’accès aux activités et à l’emploi s’opérait surtout grâce à l’accroissement des vitesses des déplacements permis par l’automobile en périphérie des villes, où plus de ménages pouvaient s’installer à moindre coût  que dans le centre. Or, ce processus doit être freiné car il met en danger les conditions de vie des générations futures. La réduction des inégalités d’accès doit désormais se faire en utilisant autant que possible les ressources des modes moins polluants et en analysant de manière plus fine, les logiques de localisation de la résidence et des activités des ménages qui produisent la demande de mobilité. Cela a conduit à fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre par le transport (politique du facteur 4) et à revoir l’évaluation des politiques et des projets de transport sur la base d’une information plus large.

Genèse de la mobilité

La demande de la mobilité est à la fois issue de processus de choix individuel et est également formée par les opportunités offertes par les infrastructures de transport et les politiques d’urbanisme. Nous commençons par définir les problématiques individuelles d’accès à la mobilité. Puis nous montrons comment les anciennes politiques de transports ont cherché à répondre aux inégalités d’accessibilités.

Mobilité générale et mobilité individuelle

« En 2008, chaque jour de semaine ouvrée, les Français de 6 ans ou plus effectuent en moyenne 177 millions de déplacements locaux » (Armoogum, Hubert, Roux, 2010,p.5). Pris individuellement, un Français effectue entre 3,0 et 3,4 déplacements par jour. « Ce sont 175 millions de décisions instantanées qu’il faut essayer de comprendre, d’analyser pour conduire des changements» (ADEME, Blog Transport du futur ). Cette multitude de décisions de déplacement est habituellement subsumée sous le concept de mobilité générale. La mobilité générale est un phénomène collectif : c’est la somme des mobilités individuelle. Pour la comprendre, il faut connaître la façon dont les mobilités individuelles se combinent dans l’espace géographique et se renforcent. Au niveau individuel, la mobilité est aussi la capacité à se déplacer. Les analyses sociologiques ont démontré très tôt la relation entre la position dans l’échelle sociale et la volonté et capacité à se déplacer (Sorokin, 1927). Il existe une relation entre les revenus, les distances parcourues et le nombre d’activités réalisés (illustration 1).

Cette augmentation des distances parcourues selon les revenus s’explique en partie par des aspirations individuelles croissantes et rendue possible par les moyens de transport rapides et coûteux. Dans un contexte de croissance économique et urbaine, les services se diversifient mais selon des logiques de localisation qui ne sont pas forcément celles des ménages. Les individus souhaitent accéder à ces services en se déplaçant dans l’espace géographique. Cette demande est multiple et prend différents visages selon les catégories socio-économiques.

Pour analyser la mobilité générale, il est nécessaire de connaître les déterminants de la somme des mobilités. Les lieux de résidence des citoyens déterminent, en partie, la façon dont les mobilités s’additionnent. Outre, les attributs intrinsèques du logement qui sont plus ou moins fréquents selon les lieux, le choix du lieu de résidence doit répondre à un besoin de proximité à diverses aménités. Les individus doivent accéder à de multiples services et la localisation résidentielle doit permettre cet accès.

Le choix résidentiel dépend, entre autres, de l’accessibilité du lieu de résidence aux autres services comme les lieux d’emploi et les lieux de consommation de biens courants. La localisation résidentielle offre un certain panel d’opportunités. Et, pouvoir choisir dans ce panel d’opportunités dépend, en autres, de sa capacité à se déplacer. Cette capacité dépend des moyens économiques permettant d’arbitrer entre un logement de qualité et la proximité à un éventail d’aménités urbaines, dans un contexte de concurrence aux ressources foncières amenant à une ségrégation socio-spatiale (illustration 2 et 3). Ainsi, en Île-de-France, les localisations résidentielles des ménages les moins aisés sont plus éloignées des services courants (Vallée al., 2015) .

Les choix résidentiels sont contraints par le gradient des prix fonciers qui est fortement différencié (illustration 3). Sous l’influence des mécanismes de l’offre et de la demande, les lieux offrant une meilleure qualité de vie sont plus chers à occuper, même si la qualité de vie n’explique qu’une faible partie des prix fonciers (Bonin et Hubert, 2015). La demande de logement des ménages ayant le plus de ressources économiques, peut donc conduire à faire augmenter les prix fonciers et empêcher les ménages plus modestes d’accéder au logement même dans les quartiers centraux mais traditionnellement populaires (phénomène de gentrification). Les évolutions sont différentes selon que l’accès au logement se fait par la location ou, ce qui est beaucoup plus récent, par l’accession à la propriété. Celle-ci engage des sommes bien plus importantes, des systèmes de crédit sur de longues périodes et peut donner prise à la spéculation. Par l’évolution des prix du foncier, les moins aisés sont renvoyés dans des localisations moins convoitées ou plus périphériques (moindre accessibilité) et donc moins chères : «la question des stratégies, résidentielles et autres, est directement liée à celle des ressources. Sans ressources, pas de stratégies. C’est par l’intermédiaire des ressources que stratégies individuelles et contraintes structurelles interagissent.» (Bonvalet et Dureau, 1990, p.132). Les politiques de la mobilité doivent donc considérer ces mécanismes qui restreignent les choix de localisation résidentielle.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Des données pour répondre aux changements de paradigme des politiques de transport
1.1 Le changement de paradigme des politiques de mobilité et ses conséquences
sur le besoin de données en matière de mobilité
1.1.1 Genèse de la mobilité
1.1.1.1 Mobilité générale et mobilité individuelle
1.1.1.2 L’urbanisation en zones et la solution automobile au problème de l’accessibilité
1.1.2 Les nouveaux objectifs des politiques de transport : un changement de paradigme
1.1.2.1 Comprendre l’objectif du facteur
1.1.2.2 La réduction de la part modale de la voiture dans l’évaluation des projets de transport
1.1.2.3 L’appel aux données pour connaître et agir
1.2 Les données sur la mobilité dans la perspective des nouveaux besoins des politiques de transport
1.2.1 Les attributs et supports géographiques souhaités pour les données de déplacements dans le cadre du développement durable
1.2.2 Les données de déplacement produites par la statistique publique
1.2.2.1 Les Enquêtes Déplacements standard Certu
1.2.2.2 Les données de mobilité du recensement de la population
1.3 Élargir l’éventail des données pour répondre aux nouvelles questions
1.3.1 Les données de mobilité à l’ère du big data
1.3.2 Le couplage de données
1.3.3 Comment produire des couples origines-destinations domicile-travail synthétiques avec des localisations fines ?
Conclusion du premier chapitre
Chapitre 2 : Les fonctionnalités des supports d’enquêtes
2.1 Les trois fonctions des supports spatiaux des données de mobilité
2.1.1 Les supports d’analyse
2.1.1.1 Un support zonal obtenu par agrégation de zones de la base de données pour la description et la communication
2.1.1.2 Un support linéaire pour l’analyse du trafic : le passage par des données modélisées
2.1.2 Les supports des bases de données de mobilité diffusées par les producteurs
2.1.2.1 La production de données suffisamment représentatives pour être diffusées
Désagrégation spatiale des données de mobilité du recensement de la population appliquée à l’Île-de-France
2.1.2.2 La solution vers laquelle les producteurs se tournent est un support régulier constitué de petites mailles
2.1.3 Les référentiels de localisation
2.2 Les supports avec des données faiblement échantillonnées : le cas des Enquêtes Ménages-Déplacements
2.2.1 L’alignement des supports utilisés sur la géographie des IRIS de l’Insee
2.2.2 L’agrégation des données d’enquêtes à faible taux d’échantillonnage pour l’analyse
2.3 Les supports spatiaux et l’échantillonnage du recensement rénové de la population
2.3.1 Échantillonnage des communes de moins de 10 000 habitants
2.3.2 Échantillonnage des communes de plus de 10 000 habitants
2.3.3 La précision du recensement
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : Clonage et ventilations spatiales sous contraintes d’observations statistiques
3.1 Le clonage des observations du recensement
3.2 La ventilation spatiale sous contraintes
3.2.1 L’inférence écologique – extension aux données bi-localisées
3.2.2 Les données de contrôle pour ventiler les lieux de résidence
3.2.3 Les données de contrôle pour ventiler les lieux de travail
3.2.4 Les descriptions des trajets des déplacements comme variables de contrôle
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 : Le processus de désagrégation spatiale des localisations résidentielles et d’emplois appliqué à la région Île-de-France
4.1 Appariement des fichiers détails Individus-CANTVILLE et MOBPRO
4.1.1 Appariement des observations de ménages actifs occupés des communes de moins de 10 000 habitants
4.1.2 Appariement des observations de ménages actifs occupés des communes de 10 000 habitants et plus
4.1.3 Évaluation de l’appariement avec les données du CASD
4.2 Ventilation des ménages aux lieux de résidence
4.2.1 Ventilation du support IRIS-Communes au carroyage de 200m de l’Insee
4.2.2 Évaluation de la ventilation sous contrainte des lieux de résidence des ménages
4.3 Ventilations des lieux d’emploi
4.3.1 Les secteurs d’activité
4.3.2 Les effectifs de salariés
4.3.3 Les distances en marche à pied
4.3.4 Évaluation de la ventilation des lieux de travail
Conclusion du chapitre 4
Chapitre 5 : Exploitations des données de mobilité désagrégées du recensement sur le support carroyé de 1km
5. 1 Analyse des distances domicile-travail à vol d’oiseau selon le choix du support
5.1.1 Les distances domicile-travail à vol d’oiseau
5.1.2 Les distances infra-communales
5.1.3 Les déplacements entre communes limitrophes
5.2 Cartographie des lieux générant de grands et de petits déplacements
5.3 Cartographie des carreaux d’attraction et d’émission
5.4 Zooms géographiques et discriminations socio-économiques
5.4.1 La zone aéroportuaire d’Orly et de Rungis
5.4.2 La Plaine-Saint-Denis
5.4.3 Vincennes, Saint-Mandé et le quartier du Bas-Montreuil
5.5 Les modes de transport
Conclusion du chapitre 5
Conclusion générale 

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