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Facteurs de risque de CCR et de CP
Des facteurs de risque familiaux et environnementaux de CCR ont été mis en évidence. Dans 90% des cas il s’agit d’une forme sporadique, et seuls 10% des CCR surviennent dans un contexte familial ou sur un terrain de prédisposition génétique, comme la polypose adénomateuse familiale ou le syndrome de Lynch (HNPCC).
Les principaux facteurs de risque de CCR sont le tabagisme, les maladies inflammatoires de l’intestin (particulièrement la maladie de Crohn), l’absence d’exercice physique, etc. [15]
Ces éléments ne sont pas retrouvés comme facteurs de risque de CP.
Les paramètres suivants sont considérés comme étant des facteurs de risque de CP métachrone d’un CCR :
• la localisation au colon droit de la tumeur [17, 33]
• le stade T de la tumeur selon la classification TNM avec HR = 3,82 pour les T3 et HR = 9,98 avec p < 0,001 [17] (9e classification TNM en annexe)
• un nombre élevé de ganglions métastatiques dans la pièce opératoire colorectale [27, 33, 34] avec HR = 3,76 pour N1 et HR = 7, 41, p < 0,001 pour N2 [17]
• une résection colorectale réalisée en urgence avec HR = 2,11, et p < 0,001 [17]
• une résection incomplète de la tumeur primitive avec pour R2 un HR = 2,75, p < 0,001 [17]
La perforation tumorale per-opératoire apparaît comme péjorative mais une série prospective de plus de 11 000 patients ne retrouve pas de diminution de la survie en cas de perforation tumorale [17].
A l’inverse, un facteur protecteur a été retrouvé : les patients âgés de plus de 70 ans ont un HR de 0,69 avec p=0,003 [17].
Pour les CCR stade II de la classification TNM, Lennon et son équipe [35] ont montré qu’une cytologie péritonéale positive était retrouvée chez 13% des patients, ceci était corrélée à une baisse de la survie. Toutefois l’étude EVOCAPE 2 n’a pas montré de relation entre cytologie péritonéale positive et survie, ni entre cytologie péritonéale positive et développement d’une CP [36].
Sugarbaker retient 10 facteurs définissant une population à haut risque de CP métachrone d’un CCR :
• présence d’une CP synchrone du CCR
• métastases ovariennes d’un adénocarcinome digestif
• ascite avec cytologie tumorale soit avant, soit après résection du cancer
• atteinte d’un organe de voisinage ou fistule tumorale
• cancer occlusif
• cancer perforé
• cancer mucineux classé T3
• cancer classé T4
• masse tumorale rompue au cours de la résection
• résection incomplète [30].
Rationnel de la CHIP
Chimiothérapie intra-péritonéale
Différents protocoles sont utilisés dans le monde, avec des différences en terme de survie mais également de morbidité. L’enquête de l’AFC sur la CP [10], a recensé plus de 500 CHIP pour CP d’origine colorectale avec 2 types de protocole :
• à base de Mitomycine C à la dose de 30 à 50 mg/m2 avec ou sans cisplatine (dose de 50 à 100 mg/m2) pour une durée de CHIP de 60 à 120 min à la température de 41 à 42,5°C
• à base d’oxaliplatine à la dose de 360 à 460 mg/m2 avec ou sans irinotécan (dose de 100 à 200 mg/m2) par voie intraveineuse associé ou non à du 5-fluorouracile et leucovorine pour une durée de CHIP de plus de 30 min à 43°C.
L’utilisation de mitomycine C intra-péritonéale a permis un gain de survie à long-terme par rapport à la chimiothérapie systémique [18, 20, 56]. La mitomycine C serait responsable de toxicité hématologique pour environ 20% des patients [56]. Ce taux peut être réduit par l’administration de facteurs hématopoïétiques comme le G-CSF. La mitomycine C est également responsable d’une toxicité rénale, qui peut être diminuée en conservant une diurèse forcée per-opératoire [57]. La morbidité est également modifiée par le volume de solution utilisé pour la CHIP : ainsi Sugarbaker recommande l’utilisation d’un volume de 1,5l/m2 à 2l/m2 pour une dose de mitomycine C de 12,5mg/m2 de surface corporelle [58] : c’est le « protocole de Sugarbaker ».
L’administration d’oxaliplatine permet également d’augmenter la médiane de survie et la survie à 3 ans par rapport à une chimiothérapie systémique [10]. Toutefois, devant une grande hétérogénéité de protocoles (étude multicentrique avec participation de 25 centres) il n’a pas été possible de comparer les doses, températures et protocoles entre eux.
L’association d’oxaliplatine intra-péritonéale et de 5-FU systémique per-opératoire augmente la médiane de survie [19].
Dans une étude bicentrique publiée en 2011, l’administration d’une CHIP à base d’oxaliplatine seule conduit à une médiane de survie et une survie sans récidive identique à l’administration d’une CHIP à base d’oxaliplatine et irinotécan. De plus l’ajout d’irinotécan fait progresser la morbidité totale de 38 à 52% (p=0,05) principalement par augmentation de la toxicité hématologique qui passe de 2,33% pour l’oxaliplatine seul à 37,86% pour l’association oxaliplatine+irinotécan [34]. Une publication italienne du S.I.T.I.L.O [9] a comparé la survie entre deux protocoles de CHIP : cisplatine+/mitomycine C (no-LOHP – 127 procédures) vs oxaliplatine (LOHP – 11 procédures). Le groupe oxaliplatine possédait une meilleure médiane de survie (figure 2).
Une dose per-opératoire supérieure à 240mg de cisplatine est associée à une hausse de la morbidité [59].
Une étude allemande [60] a comparé, au sein d’une série rétrospective avec CHIP à « ventre fermé », un protocole par Mitomycine C (20 mg/m2) associée à la doxorubicine (15 mg/m2) pendant 60 minutes et un protocole d’Oxaliplatine (300mg/m2) pendant 30 minutes, avec 5-FU et acide folinique en administration systémique) : la morbi-mortalité de ces 2 deux protocoles était identique. La survie n’était pas étudiée.
La toxicité hématologique de ces procédures est présente pour plus de 20% des patients mais ne semble toutefois pas être significativement différente entre les protocoles oxaliplatine ou mitomycine C [61].
Une étude de faisabilité sur l’animal a été conduite avec un bain de chimiothérapie intra-péritonéale par bevacizumab (anticorps monoclonal anti-VEGF, cf paragraphe KRAS). Le bevacizumab n’est pas responsable d’une morbi-mortalité supplémentaire [62].
Dans notre centre le protocole de chimiothérapie des CHIP comprenait de la Mitomycine C à la dose de 10mg/m2 de surface corporelle pour les femmes et 12mg/m2 pour les hommes, associée à un solution de 2l/m2 de surface corporelle.
Quand réaliser la CHIP ?
La CHIP est réalisée après confirmation histologique d’un CCR et mise en évidence d’une CP à l’imagerie ou en per-opératoire. L’absence de localisation tumorale extra-péritonéale est nécessaire.
La réalisation d’une cytoréduction par un centre non-expert, d’un CCR au stade de CP, sans réalisation d’une CHIP, augmente le taux de nouvelle laparotomie, de colostomie définitive, de récidive anastomotique. Ces patients doivent être adressés à un centre expert dès le diagnostic de CP réalisé [72].
Un nouveau concept de CHIP se développe actuellement au travers d’essais prospectifs randomisés : il s’agit des CHIP « prophylactiques » avec l’essai ProphyloCHIP pour les tumeurs colorectales avancées (numéro d’identification : clinical trial NCT01226394) [73]. Reprenant les 10 facteurs de Sugarbaker définissant une population à haut risque de CP métachrone d’un CCR [30], l’étude propose aux patients présentant certains de ces critères de réaliser une CHIP à 6 mois de la résection du CCR (après chimiothérapie néo-adjuvante systémique). Les résultats de cette étude ne seront pas connus avant 3 ans. Elias a déjà apporté la preuve du concept en proposant une CHIP aux patients à haut risque de CP secondaire à un CCR et en montrant l’intérêt de cette CHIP [74].
Un essai similaire a également débuté aux Etats-Unis d’Amérique (NCT01095523) [75].
Les scores
Charge tumorale : le PCI
Dans un but de standardisation, différentes classifications sont utilisées pour évaluer la charge tumorale d’une CP. La littérature retient l’importance de la charge tumorale comme un des principaux facteurs prédictifs de résécabilité et de survie [8, 10, 23, 27, 34].
Les classifications les plus utilisées pour l’évaluation per-opératoire de la charge tumorale dans les CP secondaire à un CCR sont les scores de Gilly (Lyon Staging System) et le PCI (Peritoneal Cancer Index). Nous ne développerons pas les scores de quantification de la CP pour d’autres étiologies comme le Dutch Simplified Peritoneal Cancer Index pour les CP primitive ou bien le Japanese Staging System pour les carcinoses d’origine gastrique.
Le score de Gilly (annexe 2), décrit en 1994, a l’avantage d’être très simple avec prise en compte exclusive de la taille de la tumeur [83]. Ce score a été validé par l’étude prospective multicentrique EVOCAPE pour les CP secondaires à des néoplasies non gynécologiques [84]. Cependant, il ne tient pas compte de la dissémination dans la cavité péritonéale et trouve là sa limite [85].
Les premières descriptions du PCI par Sugarbaker ont été publiées en 1999 pour des patients présentant une CP sarcomateuse et colorectale [86, 87]. Le PCI est maintenant le score le plus utilisé dans la littérature pour la quantification per-opératoire de la charge tumorale, toutes étiologies confondues de CP. Il divise la cavité abdominale en 9 régions puis l’intestin grêle en 4 segments. Ensuite, on évalue pour chaque région la taille des nodules de carcinose de 0 à 3 : 0 signifie absence de tumeur ; 1 pour tumeur inférieure à 0,5cm ; 2 pour tumeur comprise entre 0,5 et 5 cm ; 3 pour tumeur supérieure à 5 cm. Le score total, sur 39, s’obtient en additionnant la taille maximale des nodules pour chaque région (figure 7).
Les scores
Résécabilité : le CCs
La cytoréduction est ensuite évaluée par le CCR-score ou CCs (Completeness of the Cancer Resection). Ce score est compris entre 0 et 3 ; il quantifie la charge tumorale restante : 0 si la résection est complète ; 1 si les résidus tumoraux sont inférieurs à 2,5mm ; 2 si les résidus tumoraux sont compris entre 2,5mm et 2,5cm ; 3 si les résidus tumoraux sont supérieurs à 2,5cm. Un CCs de 0 ou 1 apparaît comme étant un facteur pronostique majeur pour la survie des patients atteints par une CP [8, 9, 26, 94, 96, 97].
La CHIP est théoriquement contre-indiquée si l’opérateur prévoit qu’en fin de cytoréduction le CCs sera supérieur à 1 [48] sauf dans le cas des mésothéliomes péritonéaux où un CCs à 2 améliore quand même la survie [98].
Un nombre croissant de péritonectomies au cours de la cytoréduction est associé à une diminution de la survie [8]. Toutefois, Baratti avec plus de 400 procédures, ne retrouve pas le nombre de péritonectomies comme facteur pronostique [59].
Techniques chirurgicales
La cytoréduction
L’installation est un temps opératoire important, afin d’éviter les risques d’escarre au niveau des zones d’appui et de syndrome des loges.
Le patient est installé en decubitus dorsal, bras en croix, jambes écartées, périnée au bord de la table. Le périnée est inclus dans le champ opératoire en cas de nécessité de réalisation d’une anastomose trans-anale.
Le monitorage du patient est effectué par sondage vésical avec surveillance de la diurèse horaire, un contrôle de température centrale par un capteur intra-oesophagien, un sondage gastrique, une intubation oro-trachéale, l’utilisation d’un scope cardio-tensionnel si besoin complété par des mesures invasives de la pression artérielle. Un accès veineux central est réalisé en pré-opératoire immédiat. Pendant l’ensemble de la procédure, le patient est réchauffé par voie externe, limitant les risques d’hypothermie.
Comme nous l’avons déjà vu, il est recommandé de réaliser la cytoréduction par laparotomie [40]. L’exploration est un temps capital, permettant une bonne évaluation de la charge tumorale et de la résécabilité.
La voie d’abord est une laparotomie xypho-pubienne. Un écarteur autostatique est installé, afin d’améliorer l’exposition de la cavité abdominale. Il s’agit dans notre expérience de l’écarteur de « Thompson » (Thompson Surgical Instruments Inc., Traverse City, MI].
Les adhérences intra-péritonéales sont libérées, afin d’assurer une quantification optimale du PCI, c’est le moment du « staging ». La libération des adhérences permet également une meilleure diffusion de la chimiothérapie dans l’ensemble de la cavité abdominale, y compris dans les zones de « trapping » tumoral.
L’exploration recherche des lésions non-résécables qui contre-indiqueraient la réalisation d’une CHIP : nécessité d’au moins 150 cm de grêle restant si colectomie, sinon 100 à 120 cm en l’absence de colectomie ; absence de résection démesurée qui vont compromettre la qualité de vie du patient.
A ce stade, 20% des patients, présentant des tumeurs jugées non-résécables, sont récusés pour la CHIP [99].
La cytoréduction est définie comme l’exérèse macroscopique d’une tumeur. Au cours de nos procédures, il existe trois techniques de cytoréduction : les péritonectomies, les exérèses viscérales et l’électrovaporation.
Les péritonectomies sont réalisées pour des nodules péritonéaux confluants ou dont le diamètre est supérieur à 1 cm. En cas d’infiltration massive d’organe, une résection viscérale est réalisée.
L’électrovaporation est définie comme la destruction d’une zone macroscopiquement tumorale, par un courant électrique unipolaire de haute intensité. Un refroidissement par sérum physiologique réfrigéré peut-être utilisé en cas d’électrovaporation sur organes creux. Cette technique est réalisée pour les nodules infracentimétriques superficiels.
Une cholécystectomie et une omentectomie sont systématiquement réalisées. Un curage ganglionnaire est réalisé en cas d’adénopathies palpables ou perçues.
Une ou des résections digestives peuvent s’avérer nécessaire. En fonction de la charge tumorale et de sa localisation, les résections sont en général comprises entre 0 et 5 pièces, suivies de la confection des anastomoses immédiatement après le bain de chimiothérapie.
Dans la littérature, le nombre de résection digestive n’est pas un facteur influençant la survie [8, 19, 100] sauf en cas de colectomie totale ou de plus 5 résections [34, 59].
Si besoin, des résections hépatique, pariétale, diaphragmatique, vasculaire et cicatricielle peuvent être réalisées.
Deux publications conseillent de réaliser, au cours de la cytoréduction pour CP secondaire à un CCR, une annexectomie bilatérale. Pour autant il n’y a pas d’amélioration significative de la survie par cette résection, mais 50 à 60% des ovaires macroscopiquement sains présentent des métastases ovariennes synchrones [101, 102].
Techniques chirurgicales
La chimiothérapie intra-péritonéale
Le temps de la chimiothérapie intra-péritonéale succède à celui de la cytoréduction, et peut être réalisé au décours de la chirurgie (CHIP), ou en post-opératoire immédiat (SPIC ou EPIC). La pénétration tissulaire des molécules de chimiothérapie est limitée à quelques couches de cellules [103]. Il est recommandé que la CHIP soit réalisée immédiatement après la chirurgie, avant que les cellules tumorales résiduelles ne soient piégées dans les adhérences postopératoires. En effet, ces adhérences physiologiques se forment très rapidement après la chirurgie (en moins de 30 minutes), et réalisent ensuite un véritable sanctuaire pour ces cellules tumorales résiduelles. Une CHIP retardée (de quelques heures par exemple) n’atteindra plus ces cellules tumorales piégées dans ces adhérences et sera donc inefficace [104].
Deux techniques chirurgicales de CHIP sont actuellement utilisées : la technique dite à « ventre ouvert » et celle appelée à « ventre fermé ». La technique à ventre ouvert, dite « du Colisée » [105], est la procédure effectuée dans notre centre : cette technique nous apparaît préférable car elle permet une meilleure diffusion du produit et une homogénéisation manuelle et thermique du bain. L’équipe médico-chirurgicale ne risquerait pas d’effets secondaires ni d’absorption des produits de chimiothérapie [105]; une vigilance particulière est tout de même respectée.
La solution utilisée pour le bain de chimiothérapie est DIANEAL PD4 GLUCOSE 1,36% (Baxter ®). La technique à ventre ouvert est la plus répandue en France, dans l’indication qui nous concerne, avec 65,2% des procédures selon l’enquête de l’AFC parue en 2008 à propos de 1154 procédures [10]. C’est également la technique décrite et employée par Sugarbaker.
La survie ne semble toutefois pas être modifiée par l’emploi de l’une ou l’autre technique de chimiothérapie intra-péritonéale [9, 10].
La CHIP est actuellement la technique de référence d’administration per-opératoire de chimiothérapie en France [10]. D’autres techniques peuvent être utilisées : il s’agit des techniques de SPIC (Sequential Postoperative Intraperitoneal Chimiotherapy) et d’EPIC (Early Postoperative Intraperitoneal Chimiotherapy). Leur utilisation décroit devant la moins bonne survie des patients et l’augmentation de la morbidité post-opératoire [106]. Elias en 2007 [107] a comparé la survie globale entre un groupe CHIP et un groupe EPIC : la survie globale à 5 ans était meilleure dans le groupe CHIP avec 54% de survivants contre 28% pour le groupe EPIC avec p=0,22 (non significatif) ; le groupe CHIP présentait deux fois moins de récidives de CP que le groupe EPIC avec p=0,003. Elias en 2009 [29] et Cashin en 2012 [94] ont montré une augmentation de la survie en cas de traitement par CHIP par rapport à l’EPIC (p<0,001).
Un modèle expérimental murin semble pourtant contredire la supériorité de la CHIP par rapport à l’EPIC [108].
Plusieurs revues de la littérature [49, 109, 110] ont récemment posé la question de la CHIP par laparoscopie. Dans une première étude [109], un tiers de ces patients ont reçu le traitement combiné dans une situation palliative, hors recommandations : les auteurs reconnaissent que malgré une attractivité de la technique (diminution de la morbi-mortalité), celle-ci était réservée au contrôle des ascites réfractaires néoplasiques. Les autres études ont une méthodologie discutable. Ainsi la laparoscopie semble être d’utilisation courante pour la quantification de la charge tumorale mais ne peut être recommandée en routine pour la cytoréduction et le temps de chimiothérapie [110, 111].
Actuellement la CHIP ne doit être réalisée que si la cytoréduction a été complète ou sub-optimale avec CCs ≤ 1. La survie chute fortement lorsque la CHIP a été réalisée après une cytoréduction incomplète [2, 32, 40, 48, 112].
La répétition de CHIP en cas de récidive péritonéale est également possible : la morbi-mortalité n’augmente pas par rapport à la première procédure et la survie dépend principalement de la qualité de la cytoréduction [113].
Facteurs modifiant la survie
Facteurs cliniques
Yan retrouve aussi les facteurs suivants comme influençant la survie : l’âge, le performance status, une tumeur occlusive, une ascite maligne, la chimiothérapie adjuvante systémique, une multiplication des procédures, et la présence de métastases d’organes solides [23].
En complément de ce qui a déjà été précisé, d’autres facteurs ont été identifiés comme influençant la survie :
• la morbi-mortalité augmente avec l’âge du patient (p=0,02) [10]
• l’envahissement ganglionnaire apparaît comme facteur péjoratif [10, 29, 34]
• « l’effet centre » avec une survie améliorée dans les centres experts [117] : la médiane de survie passe de 23% pour les patients opérés au sein d’un centre pratiquant la CHIP depuis moins de 3 ans, à une médiane de 42% dans les centres proposant la même procédure depuis 11 ans et plus (p<0,001) [10]. Smeenk établit pour les CHIP la fin de la courbe d’apprentissage d’un chirurgien à 130 procédures [118], chiffre également avancé par deux équipes italiennes [119]
• la présence d’une tumeur colorectale occlusive avec p<0,001 [56]
• la résection d’une métastase hépatique [9, 81, 115] : la médiane de survie passe de 21 à 36 mois avec p<0,003 [10]
• en chirurgie colorectale, la transfusion de culots globulaires est un facteur indépendant d’augmentation de la morbi-mortalité, de complications infectieuses post-opératoires et de ré-intervention [120,121].
Facteurs modifiant la survie
Facteurs histologiques et cytogénétiques
Une nouvelle classification histologique des CCR a été proposée par une équipe japonaise selon le nombre de cellules tumorales par champ optique (< ou > à 5 cellules/champ), la présence de cellules glandulaires, etc. En analyses univariée et multivariée cette classification impacte plus la survie (médiane et sans récidive) que la TNM et les marges de résection. L’incidence des récidives et de la diffusion péritonéale était fondée sur le classement des régions mal différenciées [132, 133]. La complexité de cette classification ne permet pas son utilisation en routine.
La présence de cellules en bagues à chatons (cellules indépendantes) est un facteur péjoratif de survie pour les CP d’origine colorectale [122].
La densité en microvaisseaux ou MVD (MicroVascular Density) intra-tumorale a également été étudiée. Une diminution de la MVD est corrélée à une meilleure survie : le cut-off est une MVD<130 (microvaisseaux/mm2) [134]. L’expression du CD34 par des progéniteurs vasculaires endothéliaux permet une évaluation de la MVD [135].
Différents facteurs de croissance ont été étudiés et semblent être des pistes thérapeutiques :
• l’EGF (Epidermal Growth Factor) et son récepteur l’EGF-R sont impliqués dans la tumorigénèse des CCR car ils activent la voie des KRAS [136]. L’EGFR est un membre de la famille HER (ErbB) qui peut promouvoir la prolifération de cellules tumorales dans une variété de tumeurs malignes épithéliales [137]. Une mutation du gène KRAS (Kirsten ras) sur les exons 12 ou 13 se rencontre dans environ 40% des CCR [138, 139, 140] ; cette mutation semble diminuer la médiane de survie et la survie sans récidive [140, 141, 142]. De récentes revues de la littérature et une cohorte prospective semblent ne pas retrouver cette association statistique (par hétérogénéité des mutations) [143, 144, 145]. Une mutation de KRAS empêche l’utilisation d’anticorps monoclonaux, type cetuximab, thérapie responsable d’une augmentation de la survie globale et de la survie sans récidive [146, 147]. Toutes les mutations de KRAS ne semblent pas équivalentes en terme de survie : la mutation p.G13D est de moins bon pronostic que les autres mutations 120, 143]. Le statut KRAS pourrait même être modifié par l’utilisation de chimiothérapie systémique au 5-FU [148].
• le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) est évoqué comme future piste thérapeutique [135, 136, 149]. Une forte expression du VEGF dans la tumeur ou un nodule de carcinose est responsable d’une diminution de la survie sans récidive, de la survie globale et du risque de récidive [149, 150, 151]. Des études ont évalué l’expression du récepteur de VEGF (VEGF-R) et l’ont corrélé au pronostic dans diverses tumeurs solides, suggérant que la surexpression de VEGF-R est en corrélation avec un moins bon pronostic [150].
La protéine p53 est un gardien de la réparation de l’ADN. Son gène, le TP53, est un gène suppresseur de tumeur. Sa mutation est un des évènements majeurs conduisant à la formation tumorale [152]. Une mutation de TP53 entraine une sur-expression de p53 [153] ; cette sur-expression histologique est retrouvée dans 35 à 75% des CCR [154]. Une fréquence significativement plus élevée des mutations a été trouvée dans les tumeurs du côlon distal et du rectum (45%) par rapport à des tumeurs proximales (34%), dans les ganglions tumoraux et les emboles vasculaires [155]. Une mutation de TP53 est plus fréquente dans les métastases d’un CCR que dans le CCR primitif (p<0,01) [156]. Une surexpression de p53 est associée à un diminution de la survie dans le cadre des CCR métastatiques [147, 155, 157, 158, 159]. Toutefois la surexpression de p53 serait prédictive d’une réponse à une chimiothérapie par FOLFOX [160].
Le syndrome HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer), ou syndrome de Lynch, est une forme héréditaire non polyposique de cancers colorectaux. Ce syndrome représente 3 % environ de l’ensemble des CCR. Il est associé à une augmentation significative du risque d’autres types tumoraux et notamment de cancer de l’endomètre. Il s’agit d’une affection à transmission autosomique dominante liée à une mutation constitutionnelle d’un gène impliqué dans un système d’identification et de réparation des mésappariements de l’ADN appelé système MMR (MisMach Repair). Quatre gènes peuvent être en cause : MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2. Les mutations des gènes MLH1 et MSH2 sont responsables d’au moins deux-tiers des cas. Les gènes MSH6 et surtout PMS2 sont plus rarement impliqués. Les cancers survenant dans ce contexte sont caractérisés par une perte de la fidélité de la réplication de l’ADN objectivée par une instabilité des séquences microsatellites (phénotype MSI, MicroSatellite Instability) et un défaut d’expression nucléaire de la protéine normalement codée par le gène muté. L’instabilité microsatellitaire (MSI – MicroSatellite Instability) joue un rôle plus important que ne le fait l’instabilité épigénétique dans le développement de cancers colorectaux synchrones ; l’instabilité des microsatellites pourrait aider à prédire le pronostic des cancers colorectaux synchrones [161]. L’instabilité microsatellitaire est rencontrée dans 10 à 15% des CCR sporadiques (non liés au syndrome HNPCC) [162]. La cause la plus fréquente de MSI sporadiques est acquise par hyperméthylation du promoteur MLH1. Cette hyperméthylation se produit souvent dans un contexte d’hyperméthylation de promoteurs de gènes connus sous le nom CpG island methylator phenotype (CIMP). Lorsque des sites CpG dans les régions promotrices des deux copies de MLH1 sont hyperméthylées, l’expression MLH1 est perdue et l’instabilité génomique sous la forme de MSI s’ensuit. Les MSI sporadiques sont associées à l’épimutation acquise des deux copies de MLH1.
La plupart des études disponibles suggèrent que les CCR stade IV MSI ont un pronostic plus favorable que ceux ne présentant pas d’instabilité des microsatellites (MSS – MicroSatellite Stability) et que la signification pronostique de ce phénotype moléculaire est indépendante de celle des critères histopronostiques classiques (en particulier la profondeur de l’infiltration pariétale) et d’autres paramètres moléculaires [163, 164, 165].
Ces études indiquent par ailleurs que la présence de métastases ganglionnaires conserve une signification pronostique péjorative après exérèse à visée curative d’un cancer colique de phénotype MSI. Le taux de récidive des cancers coliques stade II présentant un MSI est particulièrement faible [166].
Les facteurs rendant compte du pronostic plus favorable des CCR de phénotype MSI restent mal connus. Un moindre potentiel métastatique et l’impact de l’infiltration lymphocytaire dense du stroma tumoral, fréquemment observée dans ces tumeurs, sont potentiellement impliqués.
Seuls 1% des CCR métastatiques MSI présentent une surexpression de p53 [164].
Le groupe des cancers colorectaux MSI n’est pas homogène. Il existe une variabilité relative du spectre des mutations somatiques associées qui pourrait interférer avec le pronostic et l’histoire naturelle. Ainsi, il est possible que les cancers de statut MSI avec mutation du récepteur de type II du TGF-beta aient un meilleur pronostic que les tumeurs ne présentant pas cette mutation [167]. Toutefois, aux stades précoces de la maladie, le statut MSI est associé à une moins bonne survie dans le cadre du cancer colorectal métastatique [168], même si cela est entraîné par son association avec une mutation BRAF [169].
La connaissance du statut MSI est d’autant plus importante qu’elle entrainerait une diminution voire une absence de réponse à une chimiothérapie systémique par 5-FU [160, 163, 167, 170-172]. Une mutation de BRAF est retrouvée dans 12% des CCR [173]. La principale mutation de BRAF est la mutation V600E [139]. Deux études [145, 173] indiquent qu’il existe des différences significatives entre les tumeurs BRAF de type sauvage et mutantes : un âge jeune, le sexe féminin, la localisation proximale de la tumeur et la fréquence de l’instabilité des microsatellites sont liées au statut muté de BRAF. Il n’y aurait pas de différence dans le stade du cancer entre les BRAF mutants et sauvages. Une mutation de BRAF serait associée à une plus grande dissémination lymphatique de la maladie, une augmentation du nombre de ganglions envahis, une composante mucineuse, des engainements péri-nerveux [174] et une extension péritonéale [168].
La mutation du gène BRAF est responsable d’une diminution de la survie globale par rapport à l’absence de mutation [139, 145, 173-175] . De plus, la mutation V600E semble être responsable d’une absence de réponse thérapeutique en cas de traitement par cetuximab avec KRAS sauvage [176].
Une mutation particulière de l’oncogène BRAF se produit dans 40% à 50% des cancers colorectaux avec MSI sporadique et est fortement associée à la méthylation du promoteur de MLH1 [177, 178]. La présence du CIMP est très exprimée pour les CCR dans les groupes métastase, colon droit, peu ou pas différencié, stades avancés, métastase lymphatique ; une méthylation du CIMP, associée à un statut MSI, induit une diminution de la survie par rapport à l’absence de CIMP [142, 175, 179]. L’association d’une mutation de BRAF et d’un statut MSI est très en faveur d’un syndrome HNPCC [180].
D’autres marqueurs tissulaires sont en cours d’évaluation et pourraient constituer des cibles thérapeutiques :
• CD133, CD24 and CD44 sont des marqueurs de différenciation des tumeurs mais leur expression synchrone n’est pas identifiée comme influençant la survie [181]. Cependant, de nombreuses publications font état de l’importance du CD133 dans la chimio-radiorésistance des CCR, y compris les CCR métastatiques, et donc la baisse de survie [182-184]. L’expression intra-tumorale d’ARNm de CD133 est corrélée à une baisse de survie et à l’expression de MSI. [185] De plus, l’association de CD133 et CD44 permettraient l’identification des tumeurs de mauvais pronostic [186]. L’association CD133/Cox2 le permettrait également [187].
• L’antigène Ki-67 fait partie des marqueurs de prolifération cellulaire, particulièrement dans le cas des hémopathies malignes. Dans le cas des CCR, le statut de Ki-67 est souvent recherché dans les publications mais est rarement retenu comme marqueur pronostique : une seule étude semble lier survie et expression de Ki-67 en démontrant une sur-expression de Ki-67 dans les CCR histologiquement non-différentiés et mucineux [25]. Toutefois, une étude [188] démontre qu’il semble exister une expression élevée de Ki67 et une diminution de l’expression de l’EGF-R en cas de réponse complète histologique induite par chimiothérapie (pathological Complete Response ou pCR).
Le système lymphocytaire T régulateur semble être fortement impliqué dans la régulation de la tumorigénèse. Ces lymphocytes T régulateurs expriment CD 4 et CD25 et leur diminution permettrait une meilleure défense immunitaire contre le cancer [189-190]. L’augmentation de densité intra-tumorale en macrophages réduit la mortalité et le risque de métastases hépatiques secondaires à un CCR [191].
Etude de la survie
Analyse univariée
La médiane de survie était de 39,7 mois (2,2 – 148,4). En juillet 2013, 49 patients étaient décédés (54%), 22 patients vivaient avec une récidive (24%), et 20 patients vivaient sans récidive (22%). Les résultats des analyses univariées des paramètres cliniques et per-opératoires sont représentés dans le tableau 4.
La localisation primitive, colique ou rectale, n’avait pas d’impact sur la survie globale et sans récidive, ainsi que le sexe des patients, leur âge, leur score ASA ou leur performance status.
Le nombre d’anastomoses avait un impact statistiquement significatif sur la survie globale (χ2=14,6 et p=0,01). L’indice de masse corporelle (IMC) qualitatif (par catégories) est à la limite de la significativité avec p=0,06 mais en cas d’analyse univariée sur l’IMC quantitatif (numérique), la significativité progresse avec p=0,003. La présence d’une métastase hépatique ne modifie pas la survie globale et sans récidive.
Les résultats des analyses univariées des paramètres cliniques, histologiques et cytogénétiques sont présentés dans le tableau 5.
Un seul facteur histologique prenant en compte la notion d’ « agressivité histologique » de la tumeur était statistiquement associé à une diminution de la survie : la présence de bague à chaton avec p<0,001. La présence d’emboles vasculaires, d’engainements péri-nerveux, d’une composante colloïde ou mucineuse, la nécrose tumorale présentaient tous un p>0,05.
Les courbes de survie des paramètres présentant inclus dans l’analyse multivariée (valeur de p≤0,1) sont présentées dans les figures 8 et 9.
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Table des matières
Sommaire
Liste des abréviations
Résumé.
Préambule
Généralités
Epidémiologie et survie
Histoire naturelle
Formes histologiques
Facteur de risque de carcinose péritonéale
Diagnostic
Rationnel de la CHIP
Chimiothérapie intra-péritonéale
Pharmacocinétique et intérêt de l’hyperthermie
Quand réaliser la CHIP ?
Sélection des patients
Les scores
Charge tumorale : le PCI
Résécabilité : le CCs
Technique chirurgicale
La cytoréduction
La CHIP
Chimiothérapie péri-opératoire
Facteurs influençant la survie
Cliniques
Biologiques.
Histologiques et cytogénétiques
Introduction et objectif
Matériel et méthodes
Critères d’inclusion
Critères de non-inclusion
Procédure chirurgicale
Protocole de CHIP
Recueil de données
Méthodes histologiques
Méthodes cytogénétiques
Analyse statistique
Résultats
Données démographiques et cliniques
Données histologiques et cytogénétiques
Etude de la survie
Analyse univariée
Analyse multivariée
Discussion
Conclusion
Annexes
Références
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