Donnees epidemiologiques des internements a travers le monde

Toute personne vivant dans un monde libre ne doit pas être cataloguée par un statut ou un état lui privant de ses droits et privilèges. On n’est pas « fou », ni « malade mental » pas plus que « dépressif ». On est avant tout un citoyen avec des droits et des devoirs. Les droits humains s’appliquent à tous les individus et les troubles psychiques ne les aliènent pas. Peut-être est-il temps de différencier totalement le soin psychiatrique de l’enfermement, la psychiatrie de la justice (1) ? Pendant longtemps, le « fou » était banni, exilé ou exterminé. Quand il commettait des délits, il n’était pas jugé, du moins en apparence. Car le bannissement, l’exil, signifiaient la mort et la déshérence. C’est au nom de l’humanisme que Philippe Pinel, aliéniste à Bicêtre, fortement influencé par Jean-Baptiste Pussin (ancien malade devenu surveillant), a ôté leurs chaînes aux insensés et a tenté de soigner les passions humaines qui menaient à la folie. Il a initié un mouvement d’humanisation des soins destinés aux aliénés. Il les a installés dans des lieux protégés, loin des villes. Globalement, un tiers mourrait, un tiers y passait leur vie et un tiers guérissait ou était repris par leur famille. Ainsi s’est conçu le traitement moral à l’abri des asiles. La société semblait nuisible pour l’aliéné(1).

C’est au nom de l’humanisme que les « fous criminels » et les « fous à soigner » sont enfermés dans les mêmes lieux. Dès lors les futurs hôpitaux psychiatriques constituaient en principe des prisons. C’est en 1838, avec le nouveau code, que la loi est organisée en mettant en place le « placement d’office » et le « placement volontaire » des aliénés. C’est pour sauver de la guillotine ceux qui avaient déjà perdu la tête que l’asile fut créé et que la confusion entre soin et peine, hôpital et prison fut dissipée dans l’esprit des gens.

DEFINITIONS ET CONCEPTS

L’étymologie du mot psychiatrie provient du mot grec psyche, signifiant « âme ou esprit », et iatros qui signifie médecin (littéralement médecine de l’âme). Pratiquée ordinairement par un psychiatre ou neuropsychiatre, la discipline regroupe des spécialités telles que la pédopsychiatrie, qui concerne les enfants, la psychiatrie d’adultes et la psychogériatrie destinée aux personnes âgées(4). Donc la psychiatrie est la spécialité médicale qui traite de la maladie mentale. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA), le trouble mental ou maladie mentale se définit comme étant « un syndrome caractérisé par des perturbations cliniquement significatives dans la cognition, la régulation des émotions, ou le comportement d’une personne qui reflètent un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou développementaux sous-jacents au fonctionnement mental »(5). Du fait des troubles du comportement inhérents à la maladie, le patient peut être amené à être hospitalisé ou interné. L’internement se définit comme l’obligation à résider dans une certaine localité ou un établissement, sans permission d’en sortir. Ses modalités sont le plus souvent régies par la loi. On peut parler d’hospitalisation sous contrainte. Le terme anciennement utilisé était « enfermement dans un asile d’aliénés »(6). Cette décision d’enfermement constitue une grave atteinte à la liberté individuelle. A cet effet, il doit être basé sur un acte. Ce dernier est juridiquement défini comme toute opération ayant pour objet de produire un effet de droit(6). Mais aussi, l’acte peut être défini comme toute action humaine adaptée à une fin, de caractère volontaire ou involontaire, et considérée comme un fait objectif(6). Cette décision prise par une autorité judiciaire ou administrative fait le plus souvent suite à un passage àl’acte qui pouvait dénoter du caractère dangereux pour soi ou pour les autres d’un malade mental.

En psychologie, le passage à l’acte prend sens dans la réalisation d’un acte impulsif, violent, agressif, sans référence, à une quelconque verbalisation(6). Il met en exergue la dangerosité du sujet ou un état dangereux. La dangerosité est un état caractérisant une personne qui menace ou compromet la sûreté, l’existence d’un tiers ou d’une chose(6). L’état dangereux quant à lui, selon Grispini (7), se rapporte plus à un « état créant pour le sujet la possibilité de devenir l’auteur d’un méfait ». Pour Benezech (7), l’état dangereux est un « état, une situation ou une action dans lesquels une personne ou groupe de personnes font courir à autrui, ou aux biens, un risque important de violence, de dommage ou de destruction ». On peut ainsi distinguer l’état dangereux permanent (lié à un trait de personnalité comme dans la psychopathie) et l’état dangereux imminent (en rapport avec une situation que l’individu juge dangereuse et par rapport à laquelle il réagit)(8). L’évaluation de cet état dangereux au-delà des compétences en psychiatrie peut nécessiter des connaissances en médecine légale. Elle a très souvent un caractère médico-légal. Et sa réalisation nécessite souvent une expertise ordonnée pour une autorité.

DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES DES INTERNEMENTS A TRAVERS LE MONDE 

En Afrique 

Le Service des Urgences Médicales (SUM) et la Clinique de Psychiatrie et de Psychologie Médicale (CPPM) du Centre Hospitalier Universitaire de Lomé ont enregistré durant l’année 2013 pas moins de 226 patients pour des soins sans consentement dont 49 ayant nécessité une hospitalisation sous contrainte(15).

En Europe

Les travaux ont montré une nette croissance de la population prise en charge pour des soins psychiatriques. Ce chiffre est passé de 1,3 million à 1,7 million entre 2008 et 2015(9). Certains de ces patients, dans le déni de leurs troubles sont opposés aux soins. Leur prise en charge se fait dans le cadre d’un régime juridique spécifique. Il s’agit pour la plupart de soins sans consentement. En 2015, ils étaient plus de 92000 patients. En outre, ils représentent environ un quart des hospitalisations complètes. Ils étaient plus de 77 000 patients en 2012. Parmi ces derniers, plus de 80% des cas sont hospitalisés sur la demande d’un tiers. Le reste constitue les hospitalisations sur la demande d’un représentant de l’état ou dans le cas d’un péril imminent(3). Et selon l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH), en 2018, plus de 82 000 patients hospitalisés sans consentement ont été enregistrés sur l’étendue du territoire français(3,9,10). Selon la Commission européenne (Institut Central de Santé Mentale)(11) il y a une grande variabilité du recours aux soins sous contrainte selon les pays. Si au Portugal il représentait 3,2 % des hospitalisations psychiatriques, en Finlande, leur fréquence a augmenté pour atteindre 21,6 % des cas. Alors qu’en Suède le taux d’hospitalisation sans consentement a atteint 30 % des hospitalisations psychiatriques(11).

En Amérique

Au Canada, il est rapporté une croissance du recours aux admissions sous contrainte. Elles sont passées de 25% à la fin des années 1970 à 70.7% en 2009 et enfin à 77.1% en 2013(12,13). Des fréquences similaires sont rapportées par Craw et al.(13) en 2006 aux Etats-Unis.

Au Moyen orient 

Une étude rétrospective menée en Israël entre 1983 et 1988 a montré une moyenne annuelle d’hospitalisations en milieu psychiatrique de 11 800 dont les 17% sont faites sans consentement. Selon Bauer et al. entre 1991 et 2000, 11 156 patients ont été hospitalisés sans leur consentement sur un total de 34 799 admissions, soit une fréquence de 32,1%(13,14).

ASPECTS HISTORIQUES

Conceptions de la maladie mentale et évolution des pratiques en Afrique 

Conceptions traditionnelles de la maladie mentale

Toute culture est confrontée à la réalité angoissante et à la violence de la folie. Cependant, en Afrique, la maladie mentale ne posait presque pas de problème du moins dans les sociétés traditionnelles où elle était socialisée. Selon Collomb(25), en Afrique, le malade mental ne souffrait pas de rejet : « Le fou n’est pas aliéné ; il faisait partie du groupe qui non seulement le tolérait, mais parfois le vénérait parce que porteur de transcendance ». L’aliéné était plus ou moins bien intégré dans un groupe familial et dans la communauté. Il n’était pas réduit au simple statut de malade. Quelques fois, Il jouissait d’un statut privilégié de par les pouvoirs qu’on lui conférait. Il était perçu comme quelqu’un qui avait la capacité de communier avec les forces supérieures de l’univers et ainsi d’être l’intermédiaire entre le monde des vivants et le monde invisible(26). Dans cet espace traditionnel, la maladie mentale se concevait à travers plusieurs théories explicatives ou étiologiques(26). D’une façon générale la maladie mentale est le signe d’une agression extérieure dirigée contre l’individu, sa famille ou son groupe ethnique. Au mieux cette approche permettait de cautionner les privations faites au malade dans le but de sanctionner l’être maléfique qui commande son comportement anormal.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
1. DEFINITIONS ET CONCEPTS
2. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES DES INTERNEMENTS A TRAVERS LE MONDE
2.1. En Afrique
2.2. En Europe
2.3. En Amérique
2.4. Au Moyen orient
3. ASPECTS HISTORIQUES
3.1. Conceptions de la maladie mentale et évolution des pratiques en Afrique
3.1.1. Conceptions traditionnelles de la maladie mentale
3.1.2. Moyens traditionnels de prise en charge
3.2. Conceptions de la maladie mentale et évolution des pratiques en occident
3.2.1. L’antiquité
3.2.1.1. Les grecs
3.2.1.2. Les romains
3.2.1.3. Les hébreux
3.2.2. Le moyen âge et la renaissance
3.2.2.1. La charité
3.2.2.2. L’attitude répressive
3.2.3. Le grand renfermement
3.2.4. La révolution française
4. ASPECTS MEDICO-LEGAUX
4.1. Aspects psychopathologiques
4.2. Aspects cliniques de la dangerosité selon les troubles
4.2.1. Dans les psychoses aigues
4.2.1.1. La bouffée délirante aigue
4.2.1.2. La confusion mentale
4.2.2. Dans les psychoses chroniques
4.2.2.1. La schizophrénie
4.2.2.2. La psychose hallucinatoire chronique
4.2.2.3. Les psychoses paranoïaques
4.2.3. L’accès de manie furieuse et de mélancolie
4.2.4. Dans les troubles liés à la consommation de substances psychoactives
4.2.5. Dans les troubles de la personnalité
4.2.6. Dans les névroses
4.2.7. Dans les affections neuropsychiatriques
4.2.7.1. L’épilepsie
4.2.7.2. La démence
4.2.7.3. Le retard mental ou débilité mentale
5. ASPECTS JURIDIQUES LIES A LA MALADIE MENTALE
5.1. Statut juridique du malade mental et évolution du cadre législatif
5.1.1. Consentement
5.1.2. Au Sénégal
5.1.2.1. Pendant la colonisation
5.1.2.2. Après la colonisation
5.1.3. En France
5.2. L’expertise psychiatrique
5.2.1. L’expertise psychiatrique au pénal
5.2.2. L’expertise médico-psychologique
5.3. Mesures de protection
5.3.1. La sauvegarde de justice
5.3.2. La tutelle
5.3.3. La curatelle
CONCLUSION

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *