Données démographiques, socio-culturelles et familiales

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Anorexie et premières descriptions chez le garçon

Les premières formulations du diagnostic d’anorexie mentale émergent vers la fin du XIXe siècle en France et en Angleterre. La littérature théologique révèle que des comportements « anorexiques » existaient déjà il y a plusieurs siècles. Du XIIIe au XVIe siècle, on retrouve des descriptions de lutte volontaire contre la faim chez des religieuses, telles les « mortifications » de Sainte Catherine de Sienne, l’un des cas les plus connus (Darmon, 2003).
J. Silverman décrit dans sa revue de la littérature médicale (couvrant les années 1689 à 1790) trois tableaux cliniques de troubles des conduites alimentaires chez le garçon (Silverman, Andersen, 1990). Ces tableaux correspondraient aux critères diagnostiques de Feighner et du DSM III pour l’anorexie mentale.
➢ Richard Morton, médecin londonien et membre du « College of Physicians », a été le premier à décrire un syndrome incluant une perte d’appétit, une aménorrhée et une perte considérable de poids sans aucun autre signe de maladie connue. En 1689, il publie l’ouvrage « Phtisiologica, or a Treatise of Consumption », où il décrit une « consomption nerveuse » causée par «la tristesse et le souci anxieux » (Morton, 1689). Il est considéré comme l’auteur du premier compte-rendu d’anorexie de toute la littérature médicale et le premier à décrire un tableau d’anorexie mentale chez le garçon (Bruch, 1975). Il rapporte ainsi deux cas, celui d’une jeune fille et l’autre d’un jeune garçon de seize ans, fils du Révérend Père Steele, qui « tomba peu à peu dans un état de totale perte d’appétit causé par le fait qu’il étudiait trop, [ …], et puis ce devint une Atrophie Générale, s’installant de plus en plus pendant deux années, sans Toux, sans Fièvre ou autre Symptôme d’un trouble des Poumons, ou d’un autre Dérangement ; et aussi sans Relâchement ou Diabète ou tout autre signe de Colique, ou Évacuation Anormale. Donc j’ai jugé cette Consomption comme étant nerveuse et ayant sa source dans tout l’Habit du Corps, et venant du système des Nerfs qui se trouve dérangé ». Sur le plan thérapeutique, Morton met en évidence pour la première fois la séparation familiale comme méthode thérapeutique, car le jeune homme finit par guérir lorsqu’il répond aux conseils d’abandonner ses études et d’aller voyager quelque temps loin de sa famille. Morton montre aussi pour la première fois les conséquences de la restriction alimentaire, le lien entre la perte d’appétit et une activité intellectuelle trop intense (Bruch, 1975). Il est tout à fait notable que la description princeps des symptômes anorexiques concerne également les deux sexes.
➢ Dans les années 1760, Robert Whytt d’Edimburgh publie une description « d’atrophie nerveuse » et rapporte le cas d’un jeune garçon de quatorze ans : « A partir du mois de juin 1757, […] il commença à perdre l’appétit et à avoir une mauvaise digestion […]. Bien qu’il perde quotidiennement du poids, […] sa langue était propre. Sa peau était plus froide que d’ordinaire, il était alité, et son pouls battait à seulement quarante-trois pulsations par minute. […] Vers la fin du mois d’août, la maladie prit soudain une certaine tournure, il commença à avoir des compulsions alimentaires avec une digestion rapide, il se mit à présenter deux ou trois épisodes par jour. […] Aux environs de novembre il retrouva un appétit modéré et son pouls retrouva un état plus naturel. Depuis, je n’ai pu découvrir la cause ni des premières plaintes du patient, ni du retournement soudain et contraire qui a été pris par la suite. Toutefois, je pense qu’il mérite d’être mentionné comme un bon exemple d’atrophie nerveuse et des effets d’un tel trouble sur le ralentissement du pouls comme il n’est pas possible de l’observer dans les conditions naturelles » (Andersen, 1990). Le retentissement physique de l’anorexie et de l’amaigrissement, notamment la bradycardie et l’hypothermie, sont ainsi très précocement décrits, et de surcroît chez un garçon.
➢ En 1790, Robert Willan, un dermatologue londonien, publie le récit « A Remarkable Case of Abstinence », dans lequel il décrit la mort en 1786, après 78 jours de jeûne, d’un jeune Anglais, dont la description clinique évoque une structure du registre de la psychose. Il décrira chez ce jeune homme « d’une tournure d’esprit studieuse et mélancolique » des symptômes digestifs qui duraient depuis deux ans et qui, associés aux « notions religieuses erronées » l’ont motivé à s’engager dans un jeûne total dans l’espoir de faire disparaître les symptômes désagréables. Il décrit la dégradation progressive de ce jeune homme qui « se coupa brutalement de son travail et de ses amis, pris un logement dans une rue obscure et s’engagea dans son plan qui était de s’abstenir de toute nourriture solide ». Il consommait jusqu’à 500 ml d’eau en moyenne par jour, et Willan note deux épisodes de selles le 2ème et le 40ème jour. « Les cinquante premiers jours il fut capable de poursuivre ses études qui consistaient à copier la Bible en sténographie » mais, à partir du 50ème jour, il remarque une faiblesse physique inquiétante. Willan avait instauré un régime pour son patient, qui consistait en orangeade, thé et bouillon. Vers le 63ème jour, le jeune commence à retrouver l’envie de manger, et consomme en grande quantité du pain et du beurre, qu’ensuite il vomit. Il connaît une courte période d’amélioration, à la suite de laquelle il commence à avoir des troubles mnésiques et son discours devient incohérent. Il mangeait peu, et la veille de sa mort, Willan note qu’il « acceptait toute alimentation qu’on lui offrait » (Andersen, 1990).
Les différents termes utilisés par William Gull (« apepsia hysterica ») ou C. Lasègue (« anorexie hystérique ») renvoient au rattachement de l’anorexie au spectre de l’hystérie (Gull, 1874, Bruch, 1975). Dans « Études sur l’hystérie » (1895), Breuer décrit le cas d’un jeune homme de 12 ans qui aurait présenté un tableau d’anorexie : « il se plaint de dysphagie, c’est-à-dire qu’il n’avale qu’à grand-peine […] les jours suivants, l’état ne s’améliore pas ; le jeune garçon refuse de manger, vomit lorsqu’on veut le forcer à s’alimenter […] décline beaucoup physiquement ». Breuer est « convaincu que son état a une cause psychique » et, avec l’aide de l’hypnose et d’entretiens, il retrouve le facteur déclenchant du trouble. Cette découverte a un effet cathartique sur le symptôme : « en revenant de l’école ce jour-là, il était entré dans une pissotière où un homme lui avait montré son pénis en exigeant de le lui mettre dans la bouche […] c’est alors qu’il était tombé malade ». Pour Breuer en 1895, il faut « le concours de plusieurs facteurs » pour déclencher un symptôme hystérique : « une prédisposition nerveuse, une frayeur, l’irruption du sexuel ».
La connotation féminine du syndrome anorexique se voit renforcée par la triade symptomatique dite des « 3A » (anorexie, amaigrissement, aménorrhée), longtemps utilisée pour le diagnostic de l’anorexie. L’idée d’une pathologie exclusivement féminine est confortée par l’hypothèse endocrinienne, qui voit dans l’aménorrhée un symptôme fondamental du trouble.
La présence d’un syndrome similaire chez l’homme a été récusée par Cobb (1943), Nemiah (1950), Kidd et Wood (1966), en raison de l’importance accordée au critère diagnostique d’aménorrhée, et par Selvini (1965) à cause du tableau psychopathologique atypique chez les hommes (Crisp, 1983).
En 1954, la revue de la littérature d’Alliez (de 1892 à 1954) recense dix cas d’anorexie mentale masculine. Pour deux de ces cas, on retrouve ses propres observations.
➢ Un cas décrit un jeune homme de 16 ans, Gérard, « un élève brillant et discipliné, affectueux et gentil ». Le facteur déclenchant des troubles alimentaires chez ce jeune homme serait les moqueries des camarades sur son poids. Il s’engage alors dans une restriction alimentaire associée à des mesures drastiques de surveillance pondérale et parvient à perdre 10 kilos en trois semaines. Alliez décrit aussi un changement de caractère (il devient « exigeant et agressif »). Il trouve chez ce jeune homme « un élément conflictuel sous-jacent très important dans la genèse des troubles » : la disparition de son père cinq ans auparavant, ce qui amène Gérard à vivre seul avec sa mère et sa grand-mère (Alliez, 1954).
➢ Son deuxième cas décrit un jeune homme de 15 ans, Lucien. Ce jeune a connu aussi un amaigrissement important, mais sur la période d’une année. Alliez le décrit comme « très préoccupé par sa plastique corporelle, il fait du sport, de la natation, de l’athlétisme. Il est en rapport avec un institut de culture physique de Nice qui lui procure des revues illustrées […] Sa chambre est décorée de photos d’athlètes célèbres ». Le discours de Lucien est pauvre, et au niveau familial, on retrouve une mère « constitutionnellement anxieuse » qui « répond aux questions, même celles adressées au père », et un père « se désintéressant totalement de ce qui se passe autour de lui ». Dans les antécédents de Lucien, on note un allaitement jusqu’à l’âge de deux ans et demi avec un sevrage brutal, à la suite d’une chute qui lui a causé une blessure à la lèvre supérieure : « il n’a pas réclamé le sein par la suite, il n’a pas sucé son pouce mais il a été énurétique pendant cinq ans » (Alliez, 1954).
Alliez semble décrire des tableaux sémiologiques similaires à ceux des filles, l’absence d’aménorrhée n’entraînant pas l’exclusion du diagnostic d’anorexie mentale, mais plutôt la recherche d’un trouble endocrinien qui pourrait correspondre à celui qu’on trouve chez les filles.
En 1956, la Revue de Neuropsychiatrie Infantile présente trois articles sur le thème de l’anorexie masculine. L’existence du syndrome chez l’homme est soutenue par plusieurs auteurs, qui relèvent une particularité : la gravité du tableau clinique. Aubert et Peigne décrivent deux cas d’anorexie masculine avec un syndrome endocrinien prédominant et un retard affectif avec « une relation de dépendance étroite avec la mère » (Aubert, Peigne, 1964). Haguenau et Koupernik présentent aussi deux cas masculins, mais avec des tableaux qui ne permettent pas de poser un diagnostic franc d’anorexie. A l’instar d’autres auteurs, ils considèrent toujours l’anorexie mentale comme une affection spécifique de la jeune fille, « conforme en tous points à la classique anorexie hystérique de Lasègue » et voient dans « l’aménorrhée […] un critère constant » (Haguenau, Koupernik, 1964). Decourt rapporte huit cas parmi deux cents observés sur trente ans, en soulignant leur rareté et la présence d’un « état névrotique particulièrement sévère » (Decourt, 1964).
Dans la littérature étrangère, d’autres auteurs affirment l’existence d’un syndrome anorexique typique chez l’homme : Falstein en 1956, Crisp qui présente un cas d’anorexie mentale chez un garçon en 1962 et oriente à la suite ses travaux sur l’anorexie masculine, Tolstrup en 1965 et Ushakov en 1971.
En 1969, Dally rapporte 6 cas de patients anorexiques masculins au sein d’une série de 146 cas et note que « l’anorexie chez l’homme [est] un état plus hétérogène et qu’il [est] difficile de comparer le déroulement et l’issue de la maladie dans les deux sexes » (Dally, 1969).
A partir des années 70, l’approche psychanalytique de l’anorexie commence à se développer, et les psychanalystes se rejoignent sur la question de la défaillance des relations mère-enfant. Hilde Bruch, une des spécialistes des troubles des conduites alimentaires, psychiatre et psychanalyste, publie en 1973 « Les yeux et le ventre », un ouvrage dans lequel elle propose une première interprétation des origines de la maladie. Elle explique l’origine du trouble par les perturbations de l’apprentissage de la fonction alimentaire. L’enfant est ainsi privé d’une partie de son identité et n’est pas réellement séparé de sa mère. La dépendance au regard d’autrui et ce manque d’autonomie l’empêchent de faire face aux transformations contemporaines de l’adolescence. H. Bruch considère que l’anorexie résulte de « la perception délirante du corps (trouble de l’image du corps), [de] la confusion des sensations corporelles et [d’] un sentiment exagéré d’inefficacité » (Bruch, 1975). En 1978, elle écrit un nouvel ouvrage dans lequel elle affine sa première interprétation en considérant que la maladie est « l’expression d’une idée de soi défectueuse, [de] la crainte d’un vide intérieur, [de] la peur d’avoir quelque chose de mauvais en soi, et qu’il faut dissimuler en toute circonstance ». Elle poursuit l’idée que W. Gull puis J.-M. Charcot avaient évoquée sur le rôle de la mère dans le déclenchement de la maladie. Par rapport aux cas de sexe masculin, elle souligne que la littérature anglophone de l’époque « accorde peu d’attention aux anorexiques masculins […] Quand de tels cas sont évoqués, c’est toujours sous forme d’appendices ou de notes ». Elle décrit quelques cas de sexe masculin, dont six qui présenteraient un tableau typique, et deux cas chez qui elle retrouve un trouble de la personnalité du registre névrotique ou psychotique sous-jacent au trouble alimentaire.
Le peu d’attention accordée au syndrome masculin est confirmé aussi par Mara Selvini, auteur de référence sur l’anorexie mentale, qui, en 1970, affirme dans « une note » l’inexistence chez l’homme d’un tableau d’anorexie mentale typique : « les cas de sous-alimentation que j’ai observés chez les hommes étaient des cas de pseudo-anorexie. L’un était celui d’un moine qui avait des hallucinations paranoïdes : il pensait pouvoir en jeûnant obtenir la rédemption des membres de son ordre. Un autre était dominé par des pensées hypocondriaques de type schizophrénique, axées sur le système digestif. Le troisième était plus proche de la véritable anorexie, notamment à cause de la présence de signes atypiques […] » (Selvini, 1970, Bruch, 1975).
En 1972, Beumont retrouve 23 articles sur l’anorexie masculine dans la littérature médicale de 1930 à 1972. Il ajoute aux 25 observations cliniques retrouvées, six cas qu’il avait personnellement diagnostiqués.
En 1984, Vandereycken et Van den Broucke retrouvent 107 cas d’anorexie masculine rapportés dans la littérature médicale entre 1970 et 1980.
A partir des années soixante-dix, l’approche psychologique de l’anorexie mentale est privilégiée. Aujourd’hui, l’anorexie est avant tout une maladie « mentale » même si d’autres facteurs sont considérés comme déterminants dans le déclenchement de maladie. A partir des années 1980, l’existence du syndrome chez l’homme est affirmée par plusieurs auteurs et les classifications actuelles semblent ne pas exclure la possibilité de poser ce diagnostic chez les sujets de sexe masculin.

Premières descriptions de la boulimie

Le tableau clinique de la boulimie ne commence à intéresser le monde médical qu’à partir des années 1960-1970, sans doute parce qu’il est apparu moins spectaculaire que celui de l’anorexie (Godart, 2004). Le syndrome boulimique, rapporté dans des observations cliniques dès le début du siècle, notamment par Janet, n’a été clairement défini qu’en 1979, par Russell (Russell, 1979). Auparavant, la majorité des auteurs le considéraient seulement comme un épiphénomène de l’anorexie mentale. Jusqu’au XVIIIe siècle, la boulimie est considérée comme un dysfonctionnement de l’appareil digestif. Avant le XIXe siècle, elle est très peu mentionnée dans la littérature. Cependant, Stein en 1988 mentionne les plus anciennes références anglaises retrouvées dans le dictionnaire médical de Quincy (1726) et dans le « Physical Dictionary » de Blankaart (1708). Ces deux ouvrages définissent le syndrome par un appétit excessif, voire extraordinaire, qu’ils mettent en lien avec un désordre purement gastrique (Stein, Laasko, 1988). Dans le « dictionnaire médical » de James, en 1743, on retrouve le terme « boulimus ». Il fait une description détaillée des symptômes et propose des diagnostics différentiels, des hypothèses étiologiques et des principes thérapeutiques. En ce qui concerne l’étiologie, il se réfère au médecin grec Galien qui décrivait « une grande faim » caractérisée par des prises d’aliments à intervalles très courts, qu’il mettait en lien avec une pathologie digestive (Stein, Laasko, 1988).
Au XIXe siècle, certains auteurs considèrent la boulimie comme une forme gastrique de désordre nerveux. Dans le « dictionnaire d’Edinburgh » en 1807, la boulimie est définie comme une affection chronique caractérisée par des évanouissements et/ou des vomissements suivant immédiatement l’absorption d’une énorme quantité de nourriture. Le « New Dictionary of Medical Science » donne déjà la définition suivante du terme « boulimie » : « de bœuf et de faim » (faim de bœuf/ appétit féroce). W. Gull et Lasègue mentionnent des épisodes d’appétit vorace chez leurs patientes anorexiques. Lasègue inclut ces « faux appétits exigeants » dans le cadre de l’hystérie. Dès 1895, S. Freud classe les « accès de fringale » parmi les symptômes de la névrose d’angoisse.
En 1903, P. Janet décrit le syndrome anorexie mentale-boulimie-vomissements à partir de plusieurs cas cliniques, dont celui d’un jeune homme de 17 ans. Il l’interprète comme un symptôme névrotique. Le jeune manifestait non seulement des accès boulimiques avec vomissements suivant immédiatement ces accès, mais également un état dépressif majeur selon les critères du DSM III, qualifié par Janet de « neurasthénie » (Guillemot, 1997).
L. Binswanger (1943) met en évidence les liens entre la boulimie et l’anorexie, mais aussi entre la boulimie et la dépression. Dans les années 50, la boulimie est plutôt reconnue comme un symptôme particulier inclus dans certaines formes d’obésité.
En 1979, Russell fait de la boulimie une entité à part entière, distincte de l’obésité et de l’anorexie mentale. Elle a été introduite dans le DSM III en 1980 en tant que nouvelle maladie mentale, avec une précision : les accès de boulimie doivent être répétés, sans fréquence définie.
Devant l’existence de formes associées, on continue aujourd’hui de s’interroger sur la parenté entre boulimie et anorexie. L’une comme l’autre renvoie aux processus associés aux mouvements évolutifs de l’adolescence.

Evolution des critères diagnostiques

Les critères diagnostiques des troubles des conduites alimentaires ont connu des variations au cours du temps.
En ce qui concerne l’anorexie, Russell propose en 1970 trois critères de base : perte de poids, psychopathologie spécifique et trouble endocrinien, qui se manifeste par l’aménorrhée chez les filles et par une perte du désir sexuel et l’impuissance chez l’homme. Il élargit ainsi les critères diagnostiques aux sujets de sexe masculin (Russell, 1970).
En 1972, Feighner et l’école de Saint-Louis rendent définitivement possible le diagnostic de l’anorexie chez l’homme, par leur proposition d’une nouvelle classification de l’ensemble de la nosographie psychiatrique. Leurs critères seront d’ailleurs repris par la DSM-III. Feighner est le premier à détailler de façon précise les critères diagnostiques de l’anorexie mentale. L’aménorrhée fait partie des manifestations secondaires, sans être un critère diagnostic obligatoire (Feighner, 1978).

Données épidémiologiques

Un certain nombre d’éléments rendent difficile l’étude de l’épidémiologie des troubles des conduites alimentaires, ce qui limite en particulier notre compréhension de la prévalence de ces troubles dans le sexe masculin. Les études de prévalence donnent peu d’informations descriptives concernant le profil comportemental et cognitif des troubles des conduites alimentaires.
Un de ces éléments est représenté par les classifications nosographiques, dont le DSM, et la catégorie très peu discriminante des troubles des conduites alimentaires non spécifiés, à laquelle la majorité des cas cliniques pourraient correspondre (Mitchison, 2015). Aux États-Unis, une étude en population générale a montré que 83% des hommes (par rapport à 71% des femmes) pourraient être diagnostiqués avec un trouble des conduites alimentaires non spécifié (Le Grange, 2012). Les changements récents de la classification officielle vont vraisemblablement améliorer, sinon résoudre, ce problème (Allen, 2013, Keel, 2011).
Une autre difficulté pourrait résider dans la faible prévalence des troubles des conduites alimentaires qui répondent aux critères diagnostiques officiels, même chez les femmes. La nécessité de grands échantillons semble impérative. Cependant, les troubles des conduites alimentaires ont souvent été exclus des enquêtes nationales de santé mentale, ou leur prise en compte limitée à l’anorexie mentale et/ou à la boulimie (Bijl, 1998, Isomaa, 2009, Roberts, 2006, 2007). Étant donné que d’autres troubles, y compris l’hyperphagie boulimique, comprennent une majorité de cas masculins (Mond, 2013), leur non-inclusion dans les études effectuées sur de larges échantillons peut rendre problématique l’étude de la prévalence masculine des troubles alimentaires.
Une revue des études sur la prévalence des troubles des conduites alimentaires chez l’homme qui correspondent aux critères de DSM-V a récemment été menée par Raevuori et collègues (Raevuori, 2014). En ce qui concerne les principales catégories diagnostiques, l’hyperphagie boulimique est le trouble le plus répandu chez l’homme adulte, avec des estimations de sa prévalence vie-entière de 0,78% (Taylor, 2007), 1,55% (Alegria, 2007, Nicado, 2007) et 2 % (Hudson, 2007). Les estimations de la prévalence vie-entière pour la boulimie et l’anorexie sont plus faibles et plus variables (entre 0,13 % et 1,34 % pour la boulimie et entre 0,00 % et 0,53 % pour l’anorexie) (Bijl, 1998, 2002, Oakley, 2006, Nicholls, 2009, Mitchison, 2013).
La majorité des études ont montré que la prévalence vie-entière ou la prévalence dans l’année des troubles répondant aux critères diagnostiques officiels pour l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie boulimique chez les adolescentes est faible (Wittchen, 1998, Fichter, 2005, Rojo, 2003, Sancho, 2007). Une étude récente qui a aussi inclus les syndromes partiels a rapporté des taux de prévalence de 0,2 % pour la boulimie et de 0,4 % pour l’hyperphagie boulimique chez les garçons âgés de 11 à 18 ans (Field, 2014). Dans une étude sur un échantillon de 1383 d’adolescents, la prévalence des troubles des conduites alimentaires chez les sujets masculins était de 1,2% à 14 ans, 2,6% à 17 ans et de 2,9% à 20 ans (Allen, 2013). La proportion plus élevée de cas chez les adultes par rapport aux adolescents, peut être révélatrice d’une apparition plus tardive des troubles dans le sexe masculin, comparativement aux femmes où la prévalence atteint un pic avant l’âge de 25 ans (Hoek, 2006).
L’apparition de l’anorexie mentale se situe typiquement entre la moitié et la fin de l’adolescence (14-18 ans), alors que le début de la boulimie semble se situer entre la fin de l’adolescence et la vie adulte (American Psychiatric Association, 2000). En ce qui concerne la différence d’âge du début des troubles selon le sexe, Sharp et collègues ont montré que les hommes tendent à développer des troubles alimentaires environ un an plus tard que les femmes (18,6 ans), mais ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs (Sharp, 1994). Andersen (1999) a retrouvé un âge moyen de début des troubles à 19,3 ans chez les hommes, comme chez les femmes. Olivardia et collègues (1995) ont signalé un âge d’apparition beaucoup plus précoce chez l’homme (14,7 ans). Une étude récente chez des hommes hospitalisés pour anorexie mentale, retrouve un âge d’apparition du trouble plus tardif que chez les femmes (Gueguen, 2012). Cependant, d’autres données épidémiologiques suggèrent qu’il n’y a pas de différence d’âge d’apparition entre les deux sexes (Woodside, 2001), y compris pour les cas de début précoce (< 14 ans) (Madden, 2009, Darcy, 2012).
Diverses études soulignent une nette différence dans l’âge de demande de soins. Carlat et collègues (1997) ont constaté que les hommes souffrant d’anorexie mentale se présentent en consultation beaucoup plus tôt que les femmes, alors que les hommes atteints de boulimie se présentent plus tardivement que les femmes. Globalement, pour le garçon comme pour la fille, l’âge de demande de soins se situe en moyenne entre deux et trois ans après le début de la maladie et la durée du traitement semble être la même pour les deux sexes.
Plus récemment, des études ont suggéré que les hommes représentent 10 à 20% des cas d’anorexie mentale et de boulimie et jusqu’à 40% des cas d’hyperphagie boulimique (Muise, 2003). Les études cliniques (Andersen, 1992) et les études épidémiologiques (Rastam, 1989 retrouvent un sexe-ratio d’environ 1/10. Cependant, ce rapport entre les sexes peut avoir été sous-estimé, car des données récentes montrent un sexe-ratio de 1/3 pour l’anorexie mentale et la boulimie (Hoek 2003, Hudson 2007, Braun, 1999). Ces résultats sont difficiles à valider en raison des biais diagnostiques. Les critères diagnostiques visent globalement les problèmes de poids, les préoccupations corporelles et les méthodes de contrôle du poids retrouvées plutôt chez les femmes (minceur, régime) que chez les hommes (faible masse grasse, musculature, force, exercice).
En outre, des études ne retrouvent des troubles du comportement alimentaire que chez les femmes et les hommes homosexuels (Anderson, 1999), malgré l’existence d’une insatisfaction corporelle généralisée chez les hommes jeunes, indépendamment de l’orientation sexuelle (Morgan et Arcelus, 2009).

Anorexie

Au niveau de l’incidence, le chiffre moyen de 0,20/100 000 habitants est habituellement retenu. La plupart des études sont d’origine anglo-saxonne. En Angleterre, Williams et King rapportent une incidence annuelle de l’anorexie mentale masculine entre 1972 et 1981 de 0,18/100 000 habitants (1,14/100 000 habitants pour l’anorexie mentale féminine pendant la même période). Ils retrouvent un pic d’incidence en 1978, dont 30 premières hospitalisations, mais les cas d’anorexie mentale chez les hommes restent rares et d’après les auteurs, leur incidence n’augmente pas forcément dans le temps (Williams, King, 1987). En réponse à leur étude, au Danemark, l’étude de Nielsen trouve un taux similaire de 0,17/100 000 habitants (1,9/100 000 habitants pour les femmes) entre 1973 et 1987. Cet auteur a retrouvé une incidence maximale dans la tranche d’âge des 10-14 ans et un nombre de 66 réadmissions dans la période de 15 ans étudiée, avec des comorbidités psychiatriques de type psychose (59%), trouble de l’usage de l’alcool (4,5%), trouble psychopathique (21%) (Nielsen, 1990).
Les études de Williams, King et Nielsen n’ont pris en compte que les cas qui ont nécessité une hospitalisation en psychiatrie. Des taux d’incidence dix fois plus élevés ont été retrouvés dans des études qui ont élargi les critères d’inclusion. En Suède, Lindblad trouve un taux de 1,92/100 000 habitants en utilisant le registre national des hospitalisations (en psychiatrie et en médecine) entre 1987 et 1992 (Lindblad, 2006). Dans la ville de Rochester dans le Minnesota, Lucas rapporte une incidence annuelle de 1,8/100 000 habitants (14,6/100 000 habitants pour les femmes) entre 1934 et 1984. Son étude inclut tous les types de prises en charge (ambulatoire et hospitalière). (Lucas, 1991).
Selon la revue de littérature de Hoek, l’incidence varie entre 8 cas pour 100 000 personnes par an dans la population qui consulte en médecine générale, 270 cas pour 100 000 personnes chez les jeunes filles de 15 à 19 ans et 15,7 cas pour 100 000 personnes chez les jeunes garçons de 10 à 24 ans dans une population finlandaise de jumeaux.
Les études concernant la prévalence sont beaucoup moins nombreuses. L’incidence et la prévalence de l’anorexie mentale varient en fonction des critères de définition utilisés et des populations étudiées. En 1989, en Suède, Rastam estime la prévalence de l’anorexie mentale chez le garçon à 0,09 % dans un échantillon de 4290 adolescents scolarisés, âgés de 15 ans (Rastam, 1989). Dans la même période, l’étude américaine de Whitaker ne retrouve aucun cas d’anorexie mentale masculine dans une population de 5596 adolescents scolarisés, âgés de 13 à 18 ans (Whitaker, 1990). En 2001, l’étude sur la population générale adulte de Woodside a retrouvé dans un échantillon représentatif de la population canadienne (N=9 953) un pourcentage de 1 % de la forme complète ou partielle d’anorexie masculine selon le DSM IV (respectivement 0,16 et 0,76) (Woodside, 2001). Kjelsas, en 2004, retrouve une prévalence chez le garçon de 0,2 % dans une population de 1960 adolescents scolarisés âgés de 14 à 15 ans dans la ville de Trondheim en Norvège, en utilisant aussi les critères diagnostiques du DSM IV (Kjelsas, 2004).
Dans la population générale, les études retrouvent un sexe-ratio d’environ 1 garçon pour 4 filles : 1/7 (Ratsam, 1989), 1/4,2 (Woodside, 2001) pour la forme complète d’anorexie mentale et 1/3,5 (Kjelsas, 2004). Chez les patients hospitalisés, les études estiment le sexe-ratio à 1 garçon pour 6 à 10 filles. La majorité des auteurs rapportent une proportion proche de 1/10 (Crisp, 1983, Carlat, 1987, Olivardia, 1995, Striegel-Moore, 1999). Jeammet retrouve dans la population hospitalisée puis suivie au moins quatre ans dans l’unité de psychiatrie de l’HIUP entre 1968 et 1982, un sexe-ratio d’un garçon pour 17 filles (Jeammet, 1991). Albert rapporte parmi 71 adolescents anorexiques traités sur une période de 10 ans, 1 garçon pour 8 filles (Albert, 1984). Strober rapporte en 2006 un sexe-ratio de 1/6 dans la population de 13 à 17 ans hospitalisée dans son service a cette période (Strober, 2006).
Il reste difficile d’établir si l’anorexie mentale est plus fréquente actuellement qu’à d’autres périodes et si son incidence augmente ou non. Des auteurs ont noté que l’incidence de l’anorexie serait en augmentation chez les femmes ces dernières 20-25 années, mais pas forcément chez les sujets masculins, où la prévalence reste toujours faible. Crisp explique cette dernière par la précocité de la puberté chez la fille, ce qui favoriserait la survenue de l’anorexie. Pour Bruch, l’explication serait liée à l’hormone sexuelle masculine, qui protégerait le garçon de l’apparition de l’anorexie ; il serait plus facile pour le sujet masculin de s’affirmer et se détacher de ses objets primaires d’affection à la puberté. Margo soutient l’hypothèse que la différence de prévalence entre les deux sexes pourrait s’expliquer par une moindre vulnérabilité des hommes aussi bien au niveau biologique (génétique, hormonal), qu’au niveau du développement émotionnel et de l’impact des facteurs sociaux.
Bien qu’accepter les soins psychiatriques reste difficile chez les hommes comme chez les femmes atteintes de troubles mentaux, la demande d’aide spécialisée peut être particulièrement problématique chez les hommes à cause de la stigmatisation et d’une méconnaissance de ces troubles et de leur prise en charge.

Boulimie

En ce qui concerne la boulimie, les estimations de la prévalence vie-entière dans le sexe masculin vont de 0,1 % jusqu’à 1,6 % (Allen, 2013, Hudson, 2007, Kjelsas, 2004, Woodside, 2001). Les hommes représenteraient jusqu’à un tiers de tous les cas de boulimie dans la population générale (Hudson, 2007, Hay, 2015). L’une des revues de la littérature les plus complètes sur la boulimie chez les enfants et les adolescents est celle de Steiner et Lock ; elle recense peu de données concernant les garçons, ce qui ne permet pas d’affirmer qu’ils ne soient pas touchés par cette pathologie (Steiner, Lock, 1998). Il semblerait qu’au contraire, les sujets de sexe masculin représentent 10% à 15% de tous les cas de boulimie (Carlat, 1997), et 0,2% des adolescents repondent à tous les critères de boulimie nerveuse (Flament, 1995, Hsu, 1996). De plus, en incluant un syndrome partiel, Woodside a trouvé un sexe-ratio de 2,9 : 1 (Woodside, 2001).

Accès hyperphagiques

En ce qui concerne les accès hyperphagiques sans comportements boulimiques compensatoires, les estimations de la prévalence vie-entière dans le sexe masculin varient de 0,3 % à 2% (Allen, 2013, Hudson, 2007, Kjelsas, 2004, Smink, 2014). Les accès hyperphagiques ne sont pas seulement considérés comme le trouble des conduites alimentaires le plus fréquent, mais aussi celui pour lequel les différences entre les deux sexes sont les plus faibles en termes de prévalence (Hay, 2015, Hudson, 2007). Par exemple, dans une récente enquête auprès de 6000 adultes en Australie du Sud, il a été constaté que ce trouble était 8 fois plus fréquent que la boulimie et 12 fois plus fréquent que l’anorexie. De plus, alors que les hommes représentaient respectivement 17% et 31% des cas d’anorexie et de boulimie, 43% des cas d’accès hyperphagiques leur étaient imputés (Hay, 2015).
Les quelques données de prévalence sur l’hyperphagie boulimique chez les adolescents proviennent de Johnson et al., qui ont examiné les différences de genre en utilisant la version pour adolescents du « Questionnaire d’alimentation et de poids ». Dans un premier temps, dans leur échantillon de 106 adolescents (12-18 ans), aucun sujet n’avait reçu de diagnostic d’« hyperphagie boulimique », mais des formes sous-cliniques avaient été observées chez 46,5 % des garçons et 86,1% des filles. En conséquence, même si le trouble a pu être considéré comme rare dans ce groupe d’âge, des formes sous-cliniques existent certainement (Johnson, 2001).

Trouble de restriction ou d’évitement de l’ingestion d’aliments

Traditionnellement considérée comme un trouble de l’alimentation de la première ou la deuxième enfance, cette catégorie est maintenant incluse avec l’anorexie, la boulimie et les accès hyperphagiques dans les troubles des conduites alimentaires. Ce trouble implique la restriction de l’apport alimentaire pour des raisons autres que la perte de poids. La prévalence semble être plus homogène.
Parmi les enfants et les adolescents qui sont en demande des soins pour un trouble de l’alimentation, environ 14% sont diagnostiqués avec ce trouble et, par rapport aux autres troubles des conduites alimentaires, les garçons représentent un plus grand pourcentage (21-29%) (Fisher, 2014, Nicely, 2014). Cependant, les hommes semblent toujours sous-représentés dans les échantillons étudiés. La littérature reste pauvre en ce qui concerne ce sujet, bien qu’une étude récente ait rapporté que 9,2 % des patients adultes qui se sont présentés en demande d’un traitement pour des troubles des conduites alimentaires répondaient aux critères de cette catégorie diagnostique, et tous ces patients étaient des femmes (Nakai, 2016). La poursuite de ces recherches serait intéressante pour mieux comprendre la prévalence et le sexe-ratio de ce trouble.

PRESENTATION DES CAS CLINIQUES

Depuis 2006, cinq patients de sexe masculin ont été hospitalisés pour des troubles des conduites alimentaires à l’Unité de Crise et d’Hospitalisation pour Adolescents de Caen (UCHA).
Le premier cas retrouvé est celui d’un jeune de 13 ans, hospitalisé en 2009 pour trouble des conduites alimentaires de type anorexie.

Dylan

Cet adolescent est l’aîné d’une fratrie de deux. Il était scolarisé en 5ème. Il vivait avec ses parents et sa sœur de trois ans sa cadette dans un logement de fonction du tribunal où son père travaillait comme agent technique. Sa mère était reconnue comme travailleur handicapé à la suite de plusieurs hernies discales lombaires, et elle était en cours de titularisation dans la région comme contrôleur principal de l’INSEE (après une formation qui l’avait tenue éloignée du domicile pendant la semaine). L’appartement dans lequel ils vivaient semblait être sinistre et en mauvais état, la chambre de sa sœur en particulier paraissait quasi-inhabitable. Les deux enfants dormaient donc dans la même chambre depuis environ 5 ans.
En ce qui concerne les antécédents médico-chirurgicaux, le patient est né à 36 semaines d’aménorrhée, avec un poids à la naissance de 2790 g et une taille de 42 cm. A l’âge de cinq mois, on note une hospitalisation pour cure de hernie inguinale droite et à l’âge d’un an, une hospitalisation pour crise convulsive hyperthermique.
Sur le plan psychiatrique, le patient a bénéficié d’un premier suivi pédopsychiatrique au CMPP lors qu’il était en primaire. A l’âge de 12 ans, il a été hospitalisé dans le service de pédiatrie de CHU de Caen pour douleurs abdominales survenues lors d’un trajet de retour des vacances, deux mois après l’apparition de la restriction et de la sélectivité alimentaire. Le bilan somatique s’est avéré normal. Cependant, devant le tableau associant anxiété majeure, trouble des conduites alimentaires et perte d’élan vital, une prise en charge pédopsychiatrique semblait nécessaire. Un suivi pédiatrique a été alors mis en place à la Maison des Adolescents de Caen.
Dans les antécédents familiaux, on note les cures de hernies discales lombaires avec un traitement par morphine en continuité chez la mère, et deux épisodes de pneumopathie chez la sœur.
Le patient rattachait son comportement alimentaire à un voyage en train effectué en 2006, au cours duquel il avait éprouvé un fort sentiment de dégoût face à l’odeur de la nourriture d’autres passagers. L’odeur aurait été tellement intolérable, qu’elle l’aurait contraint à terminer le trajet dans les toilettes. Il n’y a pas eu de modification de ses habitudes alimentaires jusqu’en 2008 où, lors d’un autre voyage en train, il se serait remémoré l’épisode antérieur. C’est à ce moment que le trouble aurait débuté.
A l’entrée, le patient se présente calme et adapté. Sur le plan somatique, son IMC était à 13,29, pour un poids de 40,7 kg et une taille de 175 cm. Dans l’unité, le jeune exprime rapidement son angoisse et demande à rentrer chez lui en promettant de reprendre une alimentation correcte. L’anamnèse avait révélé un désinvestissement progressif tant sur les plans scolaire et sportif, que sur le plan affectif. Le patient décrivait un appauvrissement de sa vie sociale dans les 6 derniers mois, avec des journées vides, entièrement passées à déambuler dans l’appartement familial. Dans la famille, on percevait une indifférenciation complète avec des espaces d’intimité quasi-inexistants. La présentation du jeune était infantile, et aucune élaboration n’était possible, en dehors des somatisations douloureuses.
Les difficultés alimentaires touchaient à la fois les solides et les liquides, avec une sensation de désagréable plénitude comme source d’angoisse. L’eau était perçue comme intolérable, au même titre que tout autre type d’alimentation. Le patient ne présentait pas de tri alimentaire, n’était pas investi dans la préparation des repas, et ne semblait pas intéressé par son poids. Les difficultés alimentaires se sont aggravées malgré l’instauration d’un traitement à visée anxiolytique. Lors de l’hospitalisation, une perte de poids de 5 kg, associée à une hyponatrémie, ont fait suspecter une complication somatique et un transfert dans le service de pédiatrie a été nécessaire.
L’examen clinique à l’entrée en pédiatrie révèle un IMC à 11,6 et une altération de l’état général avec des signes de déshydratation et un ralentissement psychomoteur. Le jeune se plaignait de douleurs thoraciques rétrosternales décrites comme anciennes et de douleurs abdominales diffuses. Dans un premier temps, le patient a été perfusé pour réhydratation, et une exploration organique a été débutée. Le bilan biologique montrait une normalisation de l’ionogramme et l’examen neurologique et l’IRM étaient normales. Devant les douleurs épigastriques persistantes, une fibroscopie a été effectuée. L’examen a diagnostiqué une œsophagite. Un traitement adapté a été mis en place avec un examen de contrôle prévu.
La réintégration de l’unité a été difficile pour le patient, qui exprimait un mal-être et une angoisse importante dans le service de pédopsychiatrie. Un traitement antidépresseur par Sertraline a été instauré. Le jeune a recommencé à s’alimenter partiellement, mais son état psychique ne s’améliorait pas pour autant. Le trouble des conduites alimentaires a connu peu d’évolution, et au vu d’une nouvelle dégradation de son état somatique, un deuxième transfert dans le service de pédiatrie a été décidé. Les examens complémentaires ont diagnostiqué une infection gastrique à Helicobacter pilori. Le patient a bénéficié d’un traitement médicamenteux adapté et de la pose d’une sonde naso-gastrique. La prise en charge s’est poursuivie dans le service de pédiatrie, avec des entretiens pédopsychiatriques réguliers. Néanmoins, l’investissement de la prise en charge pédopsychiatrique par le jeune a été faible.
En 2010, on retrouve les cas de deux adolescents âgés de 14 ans.
Le premier patient a été hospitalisé pour trouble anxieux et trouble des conduites alimentaires  restrictif de type anorexie.

Lucas

Cet adolescent est l’ainé d’une fratrie de deux, sa sœur a trois ans de moins que lui. Sa mère venait d’une famille nombreuse d’origine éthiopienne, elle s’occupait d’un site internet. Son père est originaire du nord de la France, il était ingénieur. Le jeune était scolarisé en 3ème, demi-pensionnaire, avec de bons résultats scolaires et une bonne intégration au Collège. Il avait arrêté de jouer du piano en début de l’année 2010, en raison d’une trop grande exigence du professeur selon lui, et faisait du solfège et des films d’animations.
En ce qui concerne les antécédents médico-chirurgicaux, le patient est né par césarienne pour souffrance fœtale aiguë en raison d’une circulaire du cordon ombilical. Il pesait 3500g à la naissance. Le développement psychomoteur est sans particularité.
Le jeune avait un suivi psychologique et pédiatrique à la Maison des Adolescents de Caen depuis juin 2009.
Dans les antécédents familiaux, on note une intervention chirurgicale en décembre 2009 chez la mère (hystérectomie). Sur le plan psychiatrique, on ne retrouve pas d’antécédents familiaux particuliers.
Des attaques de panique sont décrites par les parents depuis l’âge de 6-7 ans avec une peur de vomir et des angoisses lors des séparations, surtout la nuit lorsqu’il devait dormir chez des amis. Le trouble semble avoir débuté en juin 2009, après une attaque de panique avec peur de vomir et de devenir malade. Sa sœur avait eu une gastro-entérite quelques jours auparavant. Le trouble se caractérisait par une restriction alimentaire sans sélection, sans dysmorphophobie et sans intention de maigrir. Il réclamait des repas, puis s’arrêtait de manger par peur de vomir. Son poids avait baissé de 35 kg en juin à 32 kg en décembre. Il a pu reprendre environ 2 kg à la suite. Sa perte de poids a entraîné une stagnation de la taille à 155 cm. La présentation était enfantine.
Le patient présentait aussi des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes fréquents, améliorés par un traitement à visée anxiolytique.
Dans l’unité, le jeune se présente calme, respectueux envers l’équipe soignante, et s’adapte facilement au cadre du service. La séparation avec sa famille ne lui pose pas de difficultés majeures. Il semblait interagir surtout avec les adolescents plus jeunes. Sur le plan des conduites alimentaires, les quantités prises étaient variables, mais proches de la normale. Il a perdu 900 g pendant son hospitalisation. Son IMC était à 14.
Il décrivait des angoisses dans des contextes variés : lors des séparations de sa mère, quand l’eau montait dans les toilettes, angoisses et peur de vomir ou d’être malade, angoisses et peur de noir, des insectes. Les nombreux éléments phobiques retrouvés lors des entretiens individuels et familiaux ont orienté le diagnostic vers un trouble anxieux avec des éléments phobiques entraînant une restriction alimentaire. La prise en charge s’est poursuivie en ambulatoire et le traitement n’a pas été modifié.
Dans la même année, un deuxième adolescent a été hospitalisé pour trouble des conduites alimentaires avec idées suicidaires d’apparition récente.

Grégoire

Cet adolescent est enfant unique. Il avait peu de contact avec un demi-frère et une demi-sœur de précédentes unions respectives de son père et de sa mère. Ses parents ont divorcé en 2000. Son père était peu présent à la maison, il avait exercé différentes professions, parmi lesquelles gérant dans un complexe restaurant-boîte de nuit, et a connu plusieurs années d’inactivité. Il est décédé brutalement en 2008 d’un arrêt cardiaque. Le seul témoin a été son fils, âgé de 12 ans à l’époque, qui avait aussi alerté les secours. Sa mère était éducatrice spécialisée. Après le divorce, la mère avait la garde en semaine, et le père les weekends. La relation avec la mère était fusionnelle. Le beau-père avait beaucoup soutenu le jeune lors du décès de son père, car lui-même avait perdu son père d’un accident, à peu près au même âge.
Sur le plan scolaire, le jeune était scolarisé en 4ème. Il avait redoublé son CM1 à la demande de sa mère, qui ne le trouvait pas assez mûr. Il était décrit comme un bon élève, avec un fort investissement scolaire lors de la dernière année. Sur le plan social, il semblait avoir des contacts restreints : peu d’amis à l’école, et en dehors, il passait du temps plutôt avec les filles. Il était investi dans beaucoup d’activités sportives en club (arts martiaux à un niveau élevé) et individuelles (vélo). Les activités sportives sont devenues contre-indiquées lorsqu’il s’est mis à perdre beaucoup de poids.
En ce qui concerne les antécédents médico-chirurgicaux, on retrouve une intolérance transitoire au lait de vache pendant l’enfance et une éruption cutanée sous Céfixime.
Sur le plan psychiatrique, le patient avait présenté des insomnies jusqu’à l’âge de 5 ans et demi et reçu un traitement par Théralène. On retrouve des troubles obsessionnels compulsifs depuis l’âge de 6-7 ans, avec arithmomanie. Le début du trouble des conduites alimentaires de type anorexie datait de 2008, dans les suites du décès de son père. En 2010, il avait consulté plusieurs fois aux urgences pédiatriques pour troubles du comportement hétéro-agressifs. Le suivi pédopsychiatrique avait été débuté en 2009, avec un suivi pédiatrique et par le médecin traitant.
Dans les antécédents familiaux on retrouve une cardiopathie chez le père, décédé d’un arrêt cardiaque en 2008.
Le déséquilibre alimentaire est décrit depuis l’enfance, avec un régime peu diversifié. En 2007, Grégoire a connu une période de surpoids, ce qui a pu générer des moqueries de la part de ses camarades de classe. A la suite du décès du père, s’est installée une restriction alimentaire tant quantitative que qualitative, en lien avec des obsessions à type de comptage des calories. Le jeune été devenu hyper-investi dans le sport, à but de déperdition calorique. On retrouve une dysmorphophobie, des troubles du comportement avec des exigences caractérielles concernant la préparation de ses repas à la maison, et des crises clastiques avec passages à l’acte hétéro-agressifs à l’école. Lors du suivi pédopsychiatrique, les entretiens étaient de plus en plus difficiles à supporter par le patient, qui devait être accompagné constamment par sa mère. Des symptômes d’allure psychotique étaient constatés aussi. Le trouble des conduites alimentaires avait commencé à s’aggraver trois semaines avant l’hospitalisation, avec une perte de poids de 8 kg et l’apparition d’idées suicidaires, lors d’un voyage chez un oncle. Le jeune aurait voulu se rapprocher de son oncle, mais sans réussite.
L’hospitalisation a permis la disparition des idées suicidaires avec, dans un premier temps, une amélioration du trouble des conduites alimentaires. Le temps initial d’observation n’a pas trouvé d’élément psychotique franc. Le contact, au début réticent, s’est amélioré. Le jeune présentait une tristesse de l’humeur, mais sans élément en faveur d’un syndrome dépressif caractérisé. Des difficultés d’endormissement étaient objectivées. Par la suite, le jeune a commencé à manifester davantage de comportement de maitrise, avec intolérance à la frustration et refus des permissions. Ses traits obsessionnels avaient des répercussions sur sa conduite alimentaire. L’adolescent s’est dénutri, jusqu’à présenter dans le service une bradycardie transitoire, sans nécessité de transfert en milieu somatique spécialisé.
Les entretiens lui ont permis de verbaliser autour du sentiment de culpabilité vis-à-vis du décès de son père, et d’apaiser sa souffrance et ses symptômes obsessionnels. Des ateliers d’expression des émotions lui ont été proposés, mais le jeune n’a pas souhaité y participer. Des visites médiatisées ont permis de diminuer les tensions familiales et le jeune a fini par accepter les permissions.
Sur le plan médical, le suivi pédiatrique s’est poursuivi lors de l’hospitalisation, associé à une prise en charge nutritionnelle. Dans le contexte de trouble des conduites alimentaires et de douleurs rétro-œsophagiennes récurrentes, une fibroscopie œsophagienne a été effectuée. Elle a pu diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien secondaire à la dénutrition, sans qu’il en soit la cause. Un traitement par IPP a été débuté.
Le traitement d’entrée a été arrêté en raison d’une cytolyse hépatique, d’une amélioration du sommeil, et d’un virage hypomaniaque à l’augmentation du traitement antidépresseur.
L’évolution favorable a permis une sortie au domicile avec proposition d’un hôpital de jour et la poursuite de la prise en charge pédopsychiatrique ambulatoire.
En 2011, un autre jeune de 14 ans a été hospitalisé dans l’unité, pour « trouble anxieux avec somatisations atypiques ».

Keit

Ce jeune vivait à la campagne avec ses parents et son frère de deux ans son aîné, dans un logement minuscule. Son frère venait de partir en internat préparer un Bac Pro. Sa mère était infirmière de nuit et son père aide-soignant. Il était scolarisé en 4ème dans son collège de secteur avec des résultats moyens. Il jouait de la clarinette. Les grands-parents maternels et la grand-mère paternelle étaient décédés. Son père a été placé en foyer à l’âge de 17 ans du fait de l’alcoolisme de sa mère et n’a jamais connu son père.
En ce qui concerne les antécédents médico-chirurgicaux, on retrouve : une fausse route à quelques jours de vie ; une cure chirurgicale de hernie inguinale à un mois, reprise à 7 ans ; un reflux gastro-œsophagien ; une constipation à l’âge de 4-5 ans ; des polypes des cordes vocales. Sur le plan psychiatrique, un suivi pédopsychiatrique a été mis en place à l’âge de 3 ans devant un retard de parole. A l’occasion d’une hospitalisation en mars 2010 pour agitation, un suivi pédopsychiatrique a été repris avec une prise en charge psychologique individuelle associée, par la psychologue qui suivait son père.
Dans les antécédents familiaux on note des vertiges de Ménière avec un suivi psychologique chez le père, et un traitement pour hypertension artérielle chez la mère.
Le patient situait le début des troubles en septembre 2009, soit à sa rentrée en 5ème, avec un tableau initialement « somatique ». Il vomissait et refusait de s’alimenter. Les troubles étaient initialement épisodiques, à raison d’un accès toutes les trois semaines environ ; peu à peu, les intervalles se sont réduits jusqu’à arriver à une rythmicité très régulière d’un jour sur deux à partir d’octobre 2010. Les bilans somatiques concernant les vomissements n’ont pas retrouvé d’anomalie organique. Une fatigue chronique s’est associée au trouble, et un jour sur deux l’adolescent présentait un refus alimentaire total. Les jours « avec », le jeune pouvait s’exprimer normalement, manger « trop » d’après lui, et même se relever la nuit pour manger, en prévision du jeûne de lendemain. Les jours « sans », il décrivait des troubles du sommeil avec réveil précoce, des céphalées et des nausées.
Dans le service, il est d’abord très proche des soignants, les sollicitant constamment et attirant beaucoup leur attention. La séparation avec ses parents a été très difficile, malgré les visites, les appels téléphoniques et les permissions rapidement accordées. L’alternance de jours « sans » et « avec » et observée dans le service, avec des moments de mutisme ou de prostration, contrastant avec des temps d’hyperactivité fébrile et d’hyperphagie. Keith a rapidement montré une familiarité excessive avec l’adulte et un manque d’empathie envers les autres adolescents, encore plus marquée dans le cadre de la classe organisée dans le service, espace qu’il a très peu investi, refusant de travailler.
Les jours « sans », le jeune n’arrivait pas à parler ni à avaler sa salive, qu’il gardait dans la bouche. Le discours restait lisse, dénué d’affects, très opératoire. Le jeune semblait avoir peu d’accès à ses affects ou à ceux des autres. Les entretiens individuels et familiaux ont mis en avance son besoin de contrôle et de maîtrise, et le peu d’intérêt pour la relation aux pairs ou les relations amoureuses. Il pouvait aborder en entretien sa peur de la solitude, sa « peur de grandir ». Un manque de projection dans l’avenir était évident. Il ne s’imaginait pas de quitter plus tard la maison. Il envisageait avec angoisse un voyage « initiatique » en moto, de France en Israël, en compagnie de son père qui voulait revoir les lieux qu’il avait visités jeune. La confrontation avec l’autorité des soignants était difficile et il pouvait être souvent dans la plainte et la demande de voir ses parents. Le travail s’est centré sur l’imaginaire du jeune et ses capacités à comprendre ses propres émotions et celles des autres.
Devant l’absence d’amélioration de la symptomatologie après un mois d’hospitalisation, une séparation complète de la famille a été décidée. Après quelques jours d’isolement familial, les prises alimentaires et le sommeil se sont rétablis. A ce moment, Keith pouvait se montrer difficile, parfois même méprisant ou insultant envers les soignants et les autres adolescents. L’amélioration s’est maintenue à l’ouverture du cadre, et le jeune a pu réintégrer le collège sans difficulté particulière. Sur le plan somatique, il avait repris 6 kg lors de son hospitalisation. La sortie a pu être organisée avec une reprise du suivi pédopsychiatrique et la poursuite de la thérapie familiale mise en place lors de l’hospitalisation.
En 2014, le patient a été brièvement réhospitalisé dans l’unité, pour un nouvel accès d’aphagie-mutisme-vomissements. Lors cette hospitalisation, il était scolarisé en seconde et était à l’internat en semaine. Il rentrait les weekends chez ses parents. Depuis la rentrée de janvier 2014, les absences étaient plus fréquentes et l’adaptation à l’internat semblait difficile. Le patient était toujours pris en charge en hôpital de jour dans le service, en thérapie familiale et individuelle. A l’entrée dans l’Unité, il se montrait très démonstratif, avec des crachats et des haut-le-cœur. Il refusait de retourner à l’internat. L’hospitalisation n’a duré qu’une nuit, dans le but d’une réintégration du lycée dès le lendemain.
Un des derniers cas retrouvés est celui d’un jeune garçon de 13 ans, hospitalisé pour une hypersélectivité alimentaire ancienne et persistante, prise en charge dans laquelle j’ai eu l’occasion de m’impliquer lors de mon stage à l’Unité de Crise et d’Hospitalisation pour Adolescents de Caen.

Arnaud

Cet adolescent est le cadet d’une fratrie de deux. Il était scolarisé en 5ème et il faisait du basket de haut niveau en club, à une fréquence de 6 h/semaine. Il était décrit par ses parents comme un jeune sportif et actif, un « bon élève » à l’école, sans notion d’absentéisme. Les résultats scolaires se sont avérés moyens, et ses difficultés alimentaires lui posaient de plus en plus de problèmes dans ses activités sportives et quotidiennes. Sa sœur aînée était en Bac Pro ASSP. Leur mère était aide à domicile ; d’origine algérienne, elle est la dernière d’une fratrie de huit. Leur père se décrivait comme un « autodidacte » et un « survivant ». Il était à l’époque en reclassement professionnel ; il avait travaillé comme chauffeur, mais envisageait une formation en Bac Pro Communications Multimédia. Il avait toujours été impliqué dans plusieurs associations et activités politiques. Son parcours de vie semble avoir été très difficile, il avait été placé tout petit en famille d’accueil en raison de maltraitances graves (dont il gardait des séquelles physiques) et par la suite adopté après être devenu pupille de l’Etat.
Dans les antécédents du père, on retrouve des troubles cardiovasculaires dont deux infarctus du myocarde, et dans les antécédents de la mère la notion d’une dépression et d’un trouble de l’usage de l’alcool, résolu depuis quelques années. Les grands-parents d’Arnaud sont décédés.
Le jeune a eu un premier suivi psychologique en 2007, à l’âge de 5 ans. Le suivi a été arrêté faute d’amélioration, mais a été repris deux ans plus tard pour une période de deux ans (2009-2011), et de nouveau en 2015. Depuis 2015, il rencontrait toutes les semaines un psychologue. Le suivi pédopsychiatrique était plus récent, il n’avait rencontré que trois fois la pédopsychiatre, qui l’avait rapidement adressé en hospitalisation.
Dans les antécédents médico-chirurgicaux, on retrouve la notion d’une frénectomie en 2005, à l’âge de 3 ans, dans un contexte de malformation congénitale du frein de la langue.
En ce qui concerne le début des troubles, les parents décrivaient des difficultés alimentaires depuis la petite enfance. Aucun élément particulier n’a été retrouvé par rapport à la grossesse et l’accouchement. Arnaud avait été nourri au biberon, qu’il prenait bien, mais les difficultés alimentaires ont commencé vers l’âge de 4-5 mois, lorsque sa mère a essayé d’épaissir les biberons : il avait des haut-le-cœur, vomissait parfois. Le passage à la cuiller vers 5 mois a été difficile parce que l’enfant repoussait la cuiller ou détournait la tête, et les morceaux ont été introduits tardivement vers 4-5 ans, en raison de la difficulté à les faire accepter. Le jeune garçon a été nourri pendant longtemps au seul lait chocolaté, auquel se sont ajoutés des biscuits fourrés au chocolat, qu’il avait goûtés avec une amie de sa mère lorsqu’il avait 5 ans. Il en mangeait plusieurs par jour, avec du lait chocolaté à chaque repas. Il avait récemment commencé à manger du sel, qu’il subtilisait et cachait à côté de son lit. Il semblait prendre du plaisir à aider son père à préparer les repas (« il épluchait les oignons » à 4 ans), mais ne goûtait jamais les plats.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. REVUE DE LA LITTERATURE
I.1 Données historiques
I.1.a Anorexie et premières descriptions chez le garçon
I.1.b Premières descriptions de la boulimie
I.2 Evolution des critères diagnostiques
I.3 Données épidémiologiques
I.3.a Anorexie
I.3.b Boulimie
I.3.c Accès hyperphagiques
I.3.d Trouble de restriction ou d’évitement de l’ingestion d’aliments
II. PRESENTATION DES CAS CLINIQUES
I.1 Dylan
I.2 Lucas
I.3 Grégoire
I.4 Keith
I.5 Arnaud
I.6 Samuel
I.7 Thomas
I.8 Gauthier
III. DISCUSSION
III.1 Recherche des données en lien avec les résultats dans la littérature
III.1.a Données démographiques, socio-culturelles et familiales
III.1.b Facteurs pré-morbides et facteurs de risque
III.1.c Antécédents familiaux
III.1.d Début des troubles
III.1.e Caractéristiques cliniques
III.1.f Complications somatiques
III.1.g Comorbidités psychiatriques
III.1.h Pronostic
III.1.i Boulimie chez le garçon
III.2 Particularités des patients de notre échantillon
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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