En termes de diversité mondiale, les oiseaux limicoles regroupent 237 petits et moyens échassiers des milieux vaseux et côtiers, appartenant à l’Ordre des Charadriiformes, c’est le groupe le plus attractif et populaire du monde (Hayman et al., 1986). A Madagascar, 32 parmi les 282 espèces d’oiseaux actuellement connues, réparties dans les familles de Jacanidae, Rostratulidae, Recurvirostridae, Dromadidae, Glareolidae, Charadriidae et de Scolopacidae représentent ce groupe. Les 70 % des oiseaux limicoles malgaches sont des espèces migratrices (Lavauden, 1929 ; Langrand, 1995 ; Goodman & Hawkins, 2008 ; Safford & Hawkins, 2013). Chaque année, au début du mois d’octobre, les zones littorales et côtières malgaches accueillent un effectif important d’espèces migratrices venant des régions paléarctiques ; mais moins nombreux que celui qui migre en Afrique (Goodman & Hawkins, 2008). Ces espèces viennent enrichir les populations d’oiseaux limicoles résidentes de l’île vivant dans les zones marécageuses, les mangroves, les vasières, les baies et les estuaires. Ces oiseaux contribuent considérablement au fonctionnement des écosystèmes et jouent un rôle d’indicateur de l’état de santé de l’environnement. En plus de cette contribution, ils sont considérés comme éléments clés pour faciliter l’éducation et la sensibilisation du grand public (Furness & Greenwood, 1993).
Les oiseaux peuplant les zones humides s’avèrent très étudiés. Si la première information sur les oiseaux limicoles malgaches remonte à 1929 (Lavauden, 1929), peu d’étude sur l’écologie et la biologie de ces espèces sont disponibles pour connaître la dynamique de leurs populations et pour tirer des conclusions pertinentes sur leurs états de conservation. Les études menées concernent surtout quelques espèces résidentes. Pour l’ensemble du genre Charadrius, elles se rapportent sur les comportements des membres (Zefania & Székely, 2004), l’estimation de la taille des populations (Long et al., 2008) et le dimorphisme sexuel basé sur la taille (Zefania et al., 2010). Et pour celle des espèces, il y a la distribution et l’écologie de reproduction de C. thoracicus (Zefania et al., 2008) et celles de C. marginatus (Zefania et al., 2012) ainsi que le comportement d’incubation des trois espèces : C. marginatus, C. pecuarius et C. thoracicus (Andrianandrianina, 2015). A part ces études ponctuelles, ils constituent avec les autres oiseaux d’eau des éléments de suivi biannuel pour mesurer la tendance des populations et l’intégrité des zones protégées aquatiques (Dubois & Duquet, 2009) comme dans le Complexe des Zones Humides Mahavavy-Kinkony (CMK) (Rabarisoa et al., 2010, 2011 ; Raherilalao & Rabarisoa, 2015, Raherilalao et al., 2016).
GENERALITES
Sur le plan écologique, les oiseaux aquatiques constituent l’une des composantes de la faune les plus remarquables des zones humides. C’est un groupe d’espèces faciles à évaluer, en raison de son caractère souvent grégaire (Bibby et al., 1998). Les oiseaux limicoles, qui sont pour la plupart des espèces migratrices font partie de ces oiseaux aquatiques. En 2006, une évaluation des populations d’oiseaux limicoles mondiales stipule que les 54 % des populations sont en déclin ou déjà éteintes et seulement 9 % sont en croissance (Delany & Scott, 2006). Pour le cas des oiseaux migrateurs de la voie Afro-eurasienne, incluant les oiseaux limicoles hivernant à Madagascar, le taux de déclin des oiseaux est de 40 % (Wetlands International, 2008) et 10 % sont classées comme globalement menacées ou presque menacées et plusieurs autres oiseaux continuent de disparaître (BirdLife, 2008 ; IUCN, 2016). La vulnérabilité de ces oiseaux parcourant une distance assez longue sera favorisée par les changements environnementaux qui sont les principales causes de ce déclin (Cyr, 2013). Plus la destruction des réseaux de sites d’accueil se multiplie, plus la viabilité de ces oiseaux diminue (Boere & Dodman, 2010). Face à ces chiffres alarmants et le statut de ces oiseaux, la convention de Bonn (1979) a été établie pour atténuer les pressions et les menaces sur les espèces migratrices. Six accords ont été développés dont le plus important est l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) (Cyr, 2013). La ratification de ce dernier a été effectuée en 2006 pour Madagascar.
Présentation du milieu d’étude
Situation géographique
Située dans la partie nord-ouest de la Grande Ile, la Nouvelle Aire Protégée (NAP) du Complexe Mahavavy–Kinkony (CMK) se trouve dans la Région de Boeny (ex Province de Mahajanga), du District de Mitsinjo, dans la Commune rurale de Mitsinjo et celle de Namakia, entre 15°46’ à 16°12’S – 45°28’ à 45°56’E à une altitude variant de 0 à 104 m. Elle s’étend sur une superficie de 302 400 ha. Pour une représentation spatiale, le Complexe est limité au sud par le lac Kinkony, au nord par le Delta Mahavavy, à l’ouest par la Baie de Marambitsy et l’espace maritime, et au cœur de la NAP se trouve la forêt de Tsiombikibo (ZICOMA, 1999) .
Climat
Le parc appartient au bioclimat des plaines occidentales, la précipitation dans la région ne se produit que pendant la mousson d’été où la saison est très longue et bien marquée (Legris & Blasco, 1965). Les mois de janvier et de février sont les plus humides, alors que la saison sèche est plus longue variant de 6 à 7 mois, du mois d’avril au mois d’octobre (Koechlin et al., 1974). En moyenne chaque année, la température est de 26° C et la précipitation est de 1560 mm (Donque, 1995).
Sols
Etant inclus dans la partie occidentale malgache, les reliefs sont peu marqués, cette structure favorise l’installation d’une couche sédimentaire importante issue d’accumulation de sédiments continentaux et marins au cours des temps géologiques. Dans cet environnement, le substrat est surtout formé de dépôt d’alluvion (58 %), des sols marécageux et des sables non consolidés (Besairie, 1972) ; sol favorable pour le développement des forêts de mangroves. A marée basse, la zone côtière est prolongée par une étendue vasière où diverses espèces animales viennent se regrouper, en particulier les oiseaux aquatiques.
Hydrographie
Le système hydrologique de la NAP est très large, le caractérisant en tant que zone humide. A part le Canal de Mozambique qui délimite la partie Ouest du Complexe, elle est traversée par de nombreux cours d’eaux dont le fleuve Mahavavy. Ce dernier se jette dans le Canal de Mozambique par un delta très étendu où sont implantés les champs de canne à sucre de Namakia (Chaperon et al., 1993). Dans les estuaires ou les deltas de ces cours d’eaux s’installent des zones de mangroves dont la taille varie en fonction de l’importance de ces cours d’eau et de la sédimentation.
Observation et comptage directs des oiseaux
La méthode utilisée pour collecter les données est l’observation directe le long d’un itinéraire préétabli où tous les individus d’espèces rencontrées sont enregistrés (Bibby et al., 1992). De part la petite taille des oiseaux limicoles, leurs effectifs élevés, leur similarité morphologique et la distance à respecter au cours du comptage pour ne pas les déranger ; l’utilisation d’une paire de jumelles à haute résolution ou d’un télescope est pertinente. Elle permet d’identifier les espèces et leurs comportements spécifiques facilitant leurs reconnaissances même de loin. Pendant les collectes des données, les populations de petite taille ont été dénombrées directement alors qu’une estimation a été faite pour les grandes colonies.
Les visites de localités commencent dans la zone de mangroves de la Baie de Boeny ensuite dans le Delta Mahavavy et enfin dans la Baie de Marambitsy . Ce circuit s’étend sur une zone côtière très large, environ 80 km. Les localités à visiter ont été préétablies à partir des précédents suivis, ce sont des sites où une concentration importante d’oiseaux d’eau a été observée. Etant donné l’accès difficile de certaines localités, l’étendue de la zone à explorer, les mouvements de la mer et la variation de la force des vagues, le déplacement a été réalisé par une vedette.
En plus des espèces et leurs effectifs, l’heure d’observation, les coordonnées géographiques, le mouvement de la marée et les éventuelles pressions ont été notés, ainsi qu’une brève description de l’habitat. Huit jours (31 août au 7 septembre 2016) ont été consacrés aux collectes des données sur les oiseaux limicoles dans l’ensemble des localités des sites d’étude. L’observation a été effectuée pendant la migration postnuptiale, avant la fin de la saison sèche, quelques mois avant la saison d’hivernage. En août, c’est le départ de plusieurs espèces d’oiseaux limicoles des régions paléarctiques, zone de reproduction, vers leurs zones d’hivernage avec un grand nombre d’individus (Dubois & Duquet, 2009).
L’heure d’observation journalière a beaucoup varié car l’heure de visite est conditionnée par le mouvement des marées qui est en liaison avec le cycle lunaire. Il faut noter que le temps le plus adéquat pour observer les oiseaux limicoles est pendant la marée montante après le temps d’alimentation sur les vasières ou durant le temps de repos sur les plages côtières. Pour la réalisation de l’étude, cinq personnes ont collaboré lors des collectes des données afin d’avoir le maximum d’informations possibles pendant une courte durée, en moyenne deux heures par localité, sans compter le déplacement.
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES
I. METHODOLOGIE
I.1- Présentation du milieu d’étude
I.1.1- Situation géographique
I.1.2- Climat
I.1.3- Sols
I.1.4- Hydrographie
I.2- Choix des sites d’étude et des localités
I.2.1- Baie de Boeny
I.2.2- Delta Mahavavy
I.2.3- Baie de Marambitsy
I.3- Méthodes de collecte des données
I.3.1- Observation et comptage directs des oiseaux
I.3.2- Comptage sur point fixe
I.2.3- Représentation spatiale des zones de concentration des populations
I.2.4- Identification des pressions et des menaces
I.4- Traitement et analyse des données
I.4.1- Richesse spécifique
I.4.2- Abondances
I .4.3- Analyse de la diversité des oiseaux limicoles
I.4.4- Préférence en habitat des espèces
II- RESULTATS ET INTERPRETATIONS
II.1- Composition et richesse spécifiques
II.1.1- Statuts d’endémisme et de conservation
II.1.2- Similitude des oiseaux limicoles entre les milieux d’étude
II.2- Abondances
II.2.1- Abondance en individus
II.2.2- Abondance relative
II.3- Diversité biologique des populations d’oiseaux limicoles
II.3.1- Au sein des sites d’étude
II.3.2- Au sein des habitats des sites d’étude
II.4- Préférence en site et en habitat
II.4.1- Au sein des sites d’étude
II.4.2- Au sein des habitats des sites d’étude
II.5- Zones de concentration des oiseaux limicoles
II.5.1- Baie de Boeny
II.5.2- Delta Mahavavy
II.5.3- Baie de Marambitsy
II.6- Pressions et menaces sur les oiseaux limicoles et sur les mangroves
II.6.1- Sédimentation et ensablement
II.6.2- Production de sel
II.6.3- Exploitation sélective des palétuviers
II.6.4- Conversion des tannes en zones de culture et de pâturage
III. DISCUSSIONS
III.1- Composition et richesse spécifiques
III.2- Abondances et diversité biologique
III.3- Préférence en habitat des espèces
III.4- Zones de concentration
III.5- Pressions et menaces
Recommandations
CONCLUSION
Bibliographies
Webographies