La réussite du plus grand nombre d’élèves: enjeu de l’éducation au Québec
Aujourd ‘ hui au centre des préoccupations concernant le monde scola ire, la réu ssite, l’échec et le décrochage sco laires sont l’obj et d’un intérêt qui s’ est accru au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Retraçant l’émergence des concepts d’échec et de réussite scolaires en France, Isambert-Jam ati ( 1992) soutient qu’il s sont apparus après la promul gat ion de la fréq uentation sco laire obligatoi re, soit dans la première moitié du xxe siècle. C’est toutefois dans les années 1960, alors que la modern isation de l’ économie ex igea it une plus grande qualification des travailleurs issus des mili eux populai res, que la préoccupation pour une réelle démocrati sation de l’ éd ucati on naquit et que l’échec scolaire fut considéré comm e vérita bl e problème soc ial (Isambert-Jamati, 1992, p. 40) : Non seul ement le retard, mais « l’ échec» dev ient un « probl ème social », pui sq ue le ni veau d·études en quest ion [so it au-delà de l’ordre d’ enseignement pri ma ire] est devenu nécessa ire pour parti ciper normalement à la vie sociale, en particul ier professionnell e. Touj ours au XXe sièc le, le même phénomène s’est prod uit aux États-Unis alors que le monde du trava il y était en mutation.
Ces changements soc iaux ont condui t à une plus grande va lori sation des études secondaires qui visa ient l’ acq uis ition de compétences et la prat ique de métiers exigeant un e formation spéc ifi que. Dans ce contexte, le décrochage sco laire dev int pro bl ématique (Dorn, 1996). Au Québec, l’ intérêt pour l’échec sco laire s’est accru sensibl ement dans les mêmes conditi ons. Cest ce qu ‘ expliq ue le Conse il supérieur de l’éd ucation (CSE, 1999, p. 7) : « Ce n’est que lorsq ue le discours publ ic a porté sur le rôle pri mord ia l de la sco larisati on et de la fo rm ation dans le déve loppement tech nolog ique et économiq ue qu ‘est apparu le concept d’échec sco laire. ». Ainsi, la prise en charge de l’éd ucation par l’État, au moment de la créati on du mini stère de l’Éd ucation du Québec en 1964 (MELS, 2007a), constitue un moment clé pour le concept d’échec sco laire auquel sont souvent intrin sèq uement assoc iés les concepts de décrochage et de réuss ite sco laires. Peu de temps après, vers le milieu des années 1970, on se mi t à ca lcu ler les ré ussites et les échecs sco laires par le taux d’abandon de l’éco le secondaire (Berthelot, 1992).
Depu is, les recherches portant sur l’échec et le décrochage sco laires sont nombreuses (A udas et Willm s, 200 1; CSE, 1999; Janosz, 2000; Saint- Laurent, 2000) et la réussite est devenue l’enj eu maj eur, la fin alité de l’éducati on au Québec: « La réussite de l’élève, de 1″ étud iante et de l’ étud iant consti tue la pierre angu laire de l’action go uvernementale en éducati on. » (MELS, 2005, p. 3). Le MELS, responsable de la sco lari sati on et de la réussite de to us les enfa nts sans égard à leur origine soc iale ou leurs di ffic ultés, fi xe l’object if de dipl omati on suivant: « Ainsi, 85 % des élèves d’ un e génération dev raient obten ir un di plôme du secondaire avant l’âge de 20 ans» (MELS, 2006b, p. 10) . À long term e cependant, on énonce l’ obj ecti f que voici: « le Québec s’est donné l’obj ectif ambiti eux de tout mettre en oeuvre pour diplômer 10 0 p. 100 de ses jeunes en fo nction des choix et du potentiel de chacun » CM ELS, 2007b, p. 1). L’enj eu devi ent donc la réussite pour tous. Ma is où en est le Québec par rapport à cet objecti f? Le portrait succi nct de la situation de l’échec et du décrochage sco laires dans le contexte sco laire québéco is que nous traçons ciaprès vise à répondre à cette question.
L’échec elle décrochage scolaires: portrait de la situation au Québec
Les chercheurs en sciences de l’éducation s’ intéressent aux phénomènes de l’échec et du décrochage sco laire en s’efforçant de les démystifi er et d’en réduire la préva lence (A udas et Willms, 2001; Baby, 2005; CSE, 1999; Fortin et Picard, 1999; Fortin, Royer, Potv in et Marcotte, 2001; Gélinas et co ll., 2000; Janosz, 2000; Potvin, Fortin et Lessard, 2006; Saint-Laurent, 2000). Ces deux ph énomènes sont traités ensemble, car ils sont intimement li és. Pour Saint-Laurent (2000, p. 8), « L’échec sco laire consiste dans , »obtention répétée de résultats inférieurs à la note de passage aux examens. », et l’ auteure ajoute qu ‘ « Il se traduira par le redoub lement, le retard sco laire, la référence pour des services en adaptation scolaire et souvent par l’ abandon prématuré des études. ». D’après Esp inosa (2003, p. 39 citée par Rousseau, 2005, p. 157), l’échec sco laire peut aussi s’ observer par les éléments suivants: « la non-acq uisiti on de connaissances et compétences, la difficulté à suivre le déroulement du cours, une orientation sco laire par défaut aux vues des résultats obtenu s ou encore des comportements de rejet, de découragem ent, de retrait, de chahut, d’agression ». De même, la présence de plusieurs facteurs de ri sq ue d’ ordre individuel , env ironnemental ou institultion nel, c’est-à-dire relevant de l’école elle-même, peuvent placer des élèves à risque d’échouer à l’école (Sa int- Laurent, 2000). Pour plus de précisions sur ces facteurs, consultez l’annexe A (vo ir p. 168). Quant au décrochage sco laire, il renvo ie à la situation où un élève cesse de fréquenter l’éco le avant d’avoir obtenu un diplôme. Pour le quantifier, le MELS (2006b) a recours au taux de décrochage scolaire..
• Au Québec, bien que ce taux ait diminué de moitié depuis 1979, c’est lu i qui sonne l’a larm e: « En 2004, 19,3 % des personnes de 19 ans n’avaient pas de diplôme du secondaire ni ne fréq uentaient l’éco le. Cette proportion était de 40,6 % en 1979.» (MELS, 2006b, p. 62). Plus précisément, en 2004-2005 , 70,2 % des moins de 20 ans ont obten u un premier diplôme de la formation généra le aux secteurs des jeunes et des ad ultes (MELS, 2006b). Ces données indiqu ent que bien que le taux de décrochage sco laire ait diminué de moitié depuis 1979, l’objectif de 85 % de diplomation pour les élèves de moins de 20 ans n’est pas atteint et place le Québec encore loin de sa cible ultim e: la dipl omation de tou s les élèves de l’éco le secondai re. Déjà, la recherche a introduit plusieurs indi ces qui conduisent à identifier les élèves à risque de décrochage scolaire. Des facte urs de risque d’ ordre indi viduel, environnemental ou institultionnel sont aussi mi s en cause (Janosz, Fallu et Deniger, 2000; Potvin et coll., 2006) (vo ir annexe A, p. 168). Parmi ces facteurs, il faut mentionner l’échec sco laire. De fait, le décrochage sco laire représentera it, dans bi en des cas, la suite log ique à plusieurs échecs sco laires (Finn, 1989 cité par Potvin et co ll., 2006, p. 73; Rumberger, 1995). À cet effet, les résultats d’ une étude menée par Battin-Pearsons et se co ll aborateurs (2000 cités par Potvin et coll., 2006, p. 75 ) révèlent que la fa ible performance scola ire prédit avec force le décrochage scolaire;
La situation des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d ‘apprentissage
L’objectif de la réussite pour tou s s’applique aux EHDAA . Dans les éco les québécoises, so it ces élèves sont intégrés en classe réguli ère avec l’ajout de servi ces éducati fs adaptés à leurs beso ins, so it il s fréquentent une classe d’adaptation sco laire dan s une éco le régulière ou spéciali sée. Leur présence en classe d’adaptation scolaire est plus fréquente à l’éco le secondaire qu ‘a u primaire (MEQ, 1999). Plus particulièrement, le défi à relever quant à la réussite des EHDA A est le suivant (MEQ, 1999, p. 17) : Aider l’é lève handi capé ou en difficulté d’ adaptation ou d’apprenti ssage à réussir sur les plans de l »instructi on, de la socialisation et de la qualification. À cette fin , accepter que cette réu ss ite éducative pui sse se traduire différemment selon les capacités et les besoins des élèves, se donner les moyens qui favor isent cette réuss ite et en assurer la reconnaissance. La politique de I »adaptation sco laire établit que la réuss ite de ces élèves s’arti cule sur trois plans: l’ in struction, la qualification, mais auss i la soc iali sation. De plus, leur réussite doit être jugée et reconnue différemment en raison des difficultés particuli ères qu’ils rencontrent: diffi cultés d »apprentissage, troubles du comportement, déficience motr ice ou organique, déficience langagière, déficience intellectuelle, troubles du développement, déficience phys ique (MEQ, 2000b).
Bien qu ‘elles varient de degré et que leurs manifestations soient différentes d’un élève à l’autre, ces difficultés conduisent toujours à des besoins spécifiques sur le plan scolaire et elles nécessitent des services éd ucat ifs adaptés (MEQ, 1999). Dans le document Une école adaptée à tous ses élèves: politique de l’adaptation scolaire, le MEQ (1999) rapporte les caractéristiques suivantes sur les EHDAA: il s sont majoritairement des garçons, ils vivent des échecs scolaires, ils sont en situation de retard par rapport aux élèves du même âge et ils sont plus nombreux que les élèves fréq uentant le cheminement régulier à quitter l’ éco le secondaire sans diplôme. D’ailleurs, au Québec, les plus bas taux de diplomation se retrouvent chez les EHDAA. Plus précisément, les élèves identifiés en difficultés graves d’apprenti ssage ont un taux de diplomation de 12, 7 % et il s sont suivi s de près par les élèves identifiés en troubles du comportement avec un taux de diplomation de 14,9 % (MEQ, 1999t À propos de ces derniers, le MEQ (1999, p. 9) mentionne que : « La situation des élèves ayant un trouble du comportement semble préoccupante [ … ]: faible taux de réussite; décrochage scolaire en bas âge; difficuItés d’intégration professionnelle et d’ in serti on sociale. » .
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Table des matières
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LA RÉUSSITE ET LES ADOLESCENTS IDENTIFIÉS EN TROUBLES DU COMPORTEMENT : UN RAPPORT PROBLÉMATIQUE
1.1 La réussite du plus grand nombre d’élèves: enjeu de l’éducation a u Québec
1.1.1 L ‘échec el le décrochage scolaires: portrait de la situation au Québec
1.1.2 La situation des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d ‘apprentissage
1.2 Les élèves identifiés en troubles du comportement
1.2.1 Définitions el comportements adoptés
1.2.1.1 Classification des troubles du comportement
1.2.1 .2 Définitions du MELS
1.2.1 .3 Problèmes associés aux troubles du comportement
1.2.2 Données sur la prévalence
1.2.3 Les troubles du comportement et l ‘adolescence
1.2.4 Parcours seo/aire et perspectives d ‘avenir des adolescents identifiés en troubles du comportement
1.3 Comprendre le rapport à la réussite des adolescents en troubles du comportement
1.3. 1 Les représentations et la posture épistémologique socio constructiviste
1. 3.2 La théorie des représenta/ions sociales et la construction du sens
1.4 Question et objectifs de recherche
CHAPITRE 2 LA RÉUSSITE ET LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES: UN CADRE THÉORIQUE
2.1 La réussite
2.1.1 La réussite : un concept pluridimensionnel
2. 1. 1. 1 Un concept en transition : de la réussite scolaire vers la réussite éducative
2. 1. 1.2 La réussite professionnelle
2. 1. 1.3 La réussite personnelle
2. 1.2 Les représenta/ions sociales et la réussite
2.2 Éléments théoriques autour de la théorie des représentations sociales
2.2.1 Définition et caractéristiques des représentations sociales
2.2.2 La double nature des représentation ‘ sociales: produit et processus
2.2.3 Fonctions des représentations sociales
2.2.-1 Divers courants de la théorie des représentations sociales
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE
3.1 Le type de recherche
3.2 Les participants
3.2.1 Caractéristiques des participants
3.2.2 Procédure suivie pour le choix des participants
3.3 Déroulement du projet de recherche
3. 3. J Première étape de la recherche .’ diagnostic préalable
3.3. 1.1 Échantillon
3.3. 1.2 Collecte des données : technique du groupe nominal
3.3. 1.3 Traitement et analyse des données: analyse de contenu thélnatique
3. 3. 2 Deuxième étape de la recherche.’ construction des représentations sociales
3.3.2. 1 Échantillon
3.3.2.2 Collecte des données: entretiens semi-dirigés
3.3.2.3 Traitement et analyse des données: analyse de contenu par catégories conceptualisantes
3.4 Critères méthodologiques de rigueur
CHAPITRE 4 ARTICULATION DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA RÉUSSITE : RÉSULTATS
4.1 Portraits des participants
4.2 Articulation des éléments des représentations sociales de la réussite
4.2.1 La réussite professionnelle
4.2. 1.1 Être travailIeur
4.2. 1.2 Gagner un salaire
4.2. 1.3 Avenir professionnel
-1.2.2 La réussite scolaire
4.2.2. 1 Obtenir un DES: avantageux et incertain
4.2 .2.2 Emprunter une voie rapide vers le travail
4.2.2.3 Mettre fin à l’expérience contraignante de la classe de troubles du comportement
4.2 .2.4 Faire le minimum
4.2.2.5 S’accrocher à ses succès
4.2.3 La réussite personnelle
4.2 .3.1 Être autonome
4.2.3.2 Avoir, posséder
4.2.3 .3 Entretenir une bonne image, une bonne réputation
4.2.3.4 Être entouré
4.2.3 .5 Avo ir des attitudes, des comportements et des qualités favorisant la réussite
CHAPITRE 5 LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA RÉUSSITE : DISCUSSION
5.1 Relations entre les dimensions professionnelle et scolaire de la réussite : en route vers le marché du travail
5.1 .1 Le respect de la norme de diplomation.
5.1.2 Décalage entre l ‘idéal de diplomation et l ‘expérience scolaire vécue par les participants
5. 1.3 Être acteur de sa réussite scolaire et professionnelle
5.2 Les dimensions professionnelle et personnelle de la réussite : en route vers l’âge adulte
5.2.1 Devenir un adulte autonome
5.3 Une représentation de la réussite personnelle à l’image d’une expérience relationnelle difficile
5.4 Des représentations sociales de la réussite utiles socialement
CONCLUSION
LISTE DES RÉFÉRENCES
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
ANNEXE D
ANNEXE E
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