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Une espèce morphologique
C’est un groupe d’organismes qui ont une forme distinctive. La notion de l’espèce morphologique reste le concept le plus largement répandu et le plus simple dans la vie quotidienne. Longtemps, on a considéré les espèces comme des entités fixes définies par des critères morphologiques. Cette conception typologique a trouvé son apogée avec les travaux de Linné et l’établissement de collections d’individus « typiques » de l’espèce. Traditionnellement, les chercheurs se sont appuyés sur les différences anatomiques pour caractériser des espèces.
Une espèce biologique
Elle est généralement définie comme une population dont les membres peuvent se croiser sans difficultés dans les conditions naturelles. La notion d’isolement identifie une espèce comme ensemble des populations qui réellement ou potentiellement se croisent. Mais elle est sans significations pour les organisations qui ne se reproduisent pas sexuellement. Elle distingue la possibilité théorique de croisement de la probabilité réelle de l’échange de gène entre les populations. La clef pour définir une espèce biologique est qu’il n’y a aucun flux significatif de matériel génétique entre les deux populations.
Une espèce phylogénétique
Elle doit être définie dans un contexte historique. Elle est un élément de l’arbre phylogénétique situé entre deux spéciations. Autrement dit, l’espèce est un pool génétique délimité historiquement par deux ruptures: celle qui lui a donné naissance et celle qui la subdivisera à son tour. C’est le plus petit ensemble d’organismes ayant une relation de parenté et formant un clade distinct d’autres clades. C’est un groupe monophylétique. L’analyse des variations génétiques permet d’identifier ce clade et de suivre le fait historique via la reconstruction de l’arbre phylogénétique dont la résolution dépend du degré de variation des caractères analysés.
Importance des variations
Le terme variation traduit le fait que tous les individus d’une même espèce ne sont pas identiques. La génétique des populations étudie les variabilités d’origine génétique des populations. Cette variabilité est appelée « polymorphisme ». Le polymorphisme génétique a été défini comme l’existence, dans une même population, de deux ou plus de deux formes discontinues, dont la plus rare ne peut être maintenue simplement par une mutation répétitive. Le développement des techniques d’analyse moléculaire a permis de relier cette diversité au polymorphisme biochimique dans un premier temps, puis au polymorphisme de l’ADN, c’est-à-dire aux différences existant à un même locus entre les individus d’une même espèce. Il est possible d’identifier des polymorphismes de l’ADN à différentes échelles, allant du niveau chromosomique au niveau nucléotidique, certaines caractéristiques du génome comme les séquences répétées favorisant l’apparition d’un polymorphisme.
La variation héréditaire intraspécifique est importance pour l’évolution puisqu’elle constitue le fond génétique. La variation peut être individuelle ou géographique :
– La variation individuelle désigne l’existence de différences entre les individus d’une même population.
– La variation géographique ou la variation de groupe concerne les différences entre les populations dans l’aire d’extension de l’espèce.
La diversification entre différentes populations se retrouve aux niveaux morphologique, chromosomique et moléculaire.
-Le polymorphisme morphologique est étudié par les données morphologiques (par exemple : la mesure, le poids et la couleur).
– Le polymorphisme chromosomique est défini par le nombre et la forme de chromosomes produits par translocations, par délétions, par fusions et par inversions. Bien qu’en théorie tous les individus d’une même espèce présentent le même caryotype les études cytogénétiques et systématiques ont révélé l’existence de remaniements chromosomiques dans les populations étudiées. Ces remaniements peuvent avoir un effet pathologique et réduire la viabilité et la fertilité des porteurs lorsqu’ils sont déséquilibrés. C’est le cas, lorsqu’il existe, du matériel chromosomique en plus (insertion, duplication) ou en moins (délétion) (Pospescu, 1989). Dans certaines populations naturelles, des remaniements chromosomiques équilibrés se maintiennent à des fréquences élevées, et par conséquent peuvent être considérés comme des polymorphismes. C’est le cas des fusions centriques chez les gazelles, les Lepilemur septentrionalis, les Hapalemur griseus de Ranomafana, des inversions paracentriques chez les drosophiles et les pigeons. Chez les animaux d’élevage, comme le mouton ou le porc, certaines translocations Robertsoniennes peuvent être considérées comme un polymorphisme chromosomique. Les délétions ou insertions, qui sont généralement la cause d’anomalies phénotypiques, peuvent cependant être des polymorphismes lorsqu’elles concernent uniquement de l’ADN hautement répété qui ne porte pas de gènes codants, comme dans le cas de la variation de taille du chromosome Y chez l’Homme, les bovins ou le cheval.
Choix de l’ADN mitochondrial
L’ADNmit possède la particularité de ne pas être complexé avec les histones et de ne pas posséder d’introns, au contraire de l’ADN nucléaire, il est donc très compact. L’ADNmit est un ADN double brin circulaire fermé par une liaison covalente (Figure 1).
C’est un ADN de petite taille. Il mesure 5mm de long, est constitué de 16569 paires de bases (bp), code pour 13 protéines, 22 ARN de transfert et 02 ARN ribosomaux. Il provient d’héritabilité maternelle, ce qui facilite l’étude d’une lignée matrilinéaire. Il contient une région non codante montrant des fonctions de régulation (Displacement–loop ou D-loop). Il n’a pas de recombinaison méiotique et ses variations ne sont donc dues qu’à des mutations cumulées (pas de métissage). Sa variation est donc lente et se prête par ailleurs très bien au calcul de distance génétique sur des périodes relativement brèves.
D’une façon générale, la fixation d’une mutation dans le génome mitochondrial se fait relativement plus vite que dans le génome nucléaire, ce qui fait que ce génome mitochondrial a été largement employé dans des études génétiques de différenciations des populations. Le génome mitochondrial présente un taux d’évolution accéléré dans les lignées conduisant à l’Homme.
Choix du gène du cytochrome b
Le cytochrome b est une protéine transmembranaire fixée au niveau de la membrane interne des mitochondries. Il est l’une des sous-unités du complexe du cytochrome. Il est considéré comme un marqueur génétique valable et disponible à différents niveaux d’analyse phylogénétique. Il est formé d’une mosaïque de zones maintenues et de zones à plasticité variable. Comme pour d’autres protéines, il montre une relation entre la localisation, le type fonctionnel de la protéine et le degré de conservation des acides animés.
Choix de la méthode d’analyse de l’ADN mitochondrial
Différentes techniques, telles que l’hybridation ADN-ADN ou l’utilisation d’enzymes de restriction, ont été utilisées en génétique des populations. Cependant, l’arrivée de la technique de PCR (Polymerase Chain Reaction) appuyée sur l’utilisation d’une enzyme thermorésistante, la Taq ADN polymérase et du séquençage, offre une détermination très élevée permettant de séparer des caractères discrets tel que le nucléotide.
L’analyse de certaines régions de cette molécule permet une étude de la variabilité intraspécifique ou interspécifique. Par exemple, la région D-loop, incluse dans l’initialisation de la transcription de l’ADNmit, est considérée comme très variable (Parson et al., 1997). De nombreuses études intraspécifiques ont porté sur cette région : chez l’Homme (Piercy et al., 1993) et les lémuriens (Wyner et al., 1999).
Rapport entre phylogénie et étude de la génétique moléculaire des populations
La génétique des populations traite des fluctuations des fréquences des différentes versions d’un gène au cours du temps dans les populations des êtres vivants, sous l’influence de la sélection naturelle, de la dérive génétique, des mutations et des migrations, et cherche à expliquer l’adaptation et la spéciation.
L’application de recherche en matière d’évolution met l’accent sur:
– la variation du taux de transitions/transversions.
– l’analyse du taux de substitutions entre les quatre bases nucléotidiques.
– la composition des séquences en quatre bases d’ADN qui sont souvent biaisées et doivent être corrigées pour établir la phylogénie (Huelsenbenck, 1995).
Avahi occidentalis
Les A. occidentalis ont une taille plus petite que l’espèce A. laniger. Le poids de cette espèce oscille entre 700 à 900g (Razanahoera-Rakotomalala, 1981 ; Garbutt, 1999). La longueur du corps mesure entre 25 à 28,5cm (Garbutt, 1999). La coloration est grise roussâtre. La queue présente en général une couleur grise ou bien quelquefois roussâtre. La face est plus claire formant un masque caractéristique. La fourrure de la joue et de la gorge est également plus claire. Le ventre est gris. Les noms vernaculaires de cette espèce sont également Fotsifé, Tsarafangitra (Tattersall, 1982). L’aire de répartition de A. occidentalis est une zone restreinte juste au nord et à l’est de la rivière Betsiboka, dans le Parc National d’Ankarafantsika (PNA) et dans l’aire de Narinda (Petter et al., 1977; Tattersall, 1977, 1982). Il a également été trouvée au nord de Manogarivo (Raxworthy et Rakotondraparany, 1988).
A. occidentalis du Parc National d’Ankarafantsika a la fourrure de la face blanche, crème ou gris blanc. Elle forme un masque légèrement différent de la fourrure du reste de la tête. Le masque présente chez la plupart des individus une petite pointe frontale plus foncée au-dessus du nez. De forme triangulaire sur le front, elle se dirige vers le bas, ou plus précisément vers le nez. Les yeux sont bruns jaunes encerclés par un anneau de peau noire et chauve. Le nez est chauve et également noir. La fourrure autour du museau est blanchâtre. Le corps a une coloration gris brun ou ocre. La queue est grise, gris beige ou crème beige pâle, mais peut également avoir une teinte rougeâtre particulièrement près de la base. Au moins dans un spécimen, la queue a un bout blanc. La surface dorsale intérieure des membres inférieurs est blanche. La fourrure du ventre et de la surface intérieure des membres supérieurs est beige, crème ou abricot. L’aire de répartition de A. occidentalis est limitée au sud-ouest de la rivière de Betsiboka, et au nord soit par la Mahajamba, la Sofia, ou même la rivière de Maevarano.
Avahi unicolor
Il a la face légèrement plus pâle que la partie supérieure de la tête. L’impression d’un masque est provoquée principalement par la différence de longueur des poils. Les poils faciaux sont courts et raides, contrairement au pelage environnant. La zone faciale présente une expansion de fourrure frontale en direction du nez. La fourrure faciale diffère fortement du reste de la fourrure et la frontière entre les deux zones peut être marquée par une ligne apparaissant plus sombre. Les yeux sont rouge foncé et ont les paupières noires et glabres. Le museau est également noir et chauve. La fourrure entourant les coins de la bouche est blanchâtre. Le corps a une couleur brun gris. La queue peut être brune grise plus foncée ou plus brun rougeâtre, la base de la queue est brun gris ou crème pâle. La fourrure du ventre et de la surface intérieure des membres supérieurs est plus fine et gris très clair.
La distribution géographique de A. unicolor est probablement restreinte à la région du Sambirano (Péninsule d’Ampasindava incluse). La limite méridionale est peu claire, probablement la rivière d’Andranomalaza ou de Maevarano. La limite nord-est, également peu claire, serait la rivière du Sambirano. On trouve aussi cette espèce sur la pente ouest du Manongarivo (Raxworthy et Rakotondraparany, 1988), mais elle n’a pas été détectée sur la pente nord-est de ce massif (Goodmann et Schütz, en cours d’impression). La limite orientale est inconnue, probablement la pente occidentale vers le massif de Tsaratanana (Figure 3).
Avahi cleesei
Cette espèce a la face légèrement plus pâle que la partie supérieure de la tête. La ligne faciale au-dessus du nez se prolonge vers le haut vers le front. Cette prolongation ascendante diffère du triangle frontal des A. occidentalis et A. unicolor. La fourrure du front encadrant la zone faciale est noirâtre. Les yeux sont rouge foncé. Les paupières sont noires et glabres. Le museau est également noir et glabre. La fourrure entourant les coins de la bouche est toujours blanchâtre. Le corps est d’une coloration brun gris. La queue est rougeâtre beige ou brun gris. La fourrure du ventre et de la surface intérieure des membres supérieurs est relativement mince, duveteuse et gris claire.
Cette espèce décrite à Bemaraha a une limite méridionale probablement constituée par la rivière de Manambolo, un spécimen de avahi ayant été vu près de Morondava en 1868, tandis que la limite nord est inconnue. Il n’existe aucune preuve de l’existence de Avahi dans le RNI de Namoroka (entre les fleuves et le Sambao et le Mahavavy : Hawkins et al., 1998; Thalmann et al., 1990; Curtis, 1997) (Figure 3).
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Table des matières
S pécialité : PRIMATOLOGIE
A – Généralités sur l’histoire des lémuriens
B – La systématique, préalable à la conservation
C- Situation actuelle vis-à-vis de la conservation de Avahi laniger et de Propithecus
d iadema
D – Stratégie de la recherche
I I- RAPPELS
A – Les diverses définitions de l’espèce
a ) Une espèce morphologique
b ) Une espèce biologique
c ) Une espèce phylogénétique
B – Importance des variations
C – Importance des études cytogénétiques en systématique
D – Importance des études de l’ADN comme marqueur en génétique des populations
1 – Choix de l’ADN mitochondrial
2 – Choix du gène du cytochrome b
3 – Choix de la méthode d’analyse de l’ADN mitochondrial
4 – Rapport entre phylogénie et étude de la génétique moléculaire des populations
a ) Définition de quelques notions
b ) Etude intrapopulationnelle
c ) Etude interpopulationnelle
c .1) Etude des caractères établis
c .2) Test de distance
c .3) Test de la monophylie
* Méthode basée sur la matrice des distances
* Principe de la méthode de Neighbor-Joining
* Le bootstrap
A – MATERIELS BIOLOGIQUES
A .1 Position taxonomique
1 – Historique de la taxonomie des lémuriens malgaches
2 – La systématique des Indriidae
a ) Indri
b ) Avahi
c ) Propithecus
A .2 Description et distribution géographique des Indriidae
1 . Description et distribution géographique des différentes espèces du genre Avahi
a ) Avahi laniger
b ) Avahi occidentalis
c ) Avahi unicolor
d ) Avahi cleesei
2 . Description et distribution géographique des différentes espèces du genre Propithecus
a ) Propithèque à diadème
a .1. Propithecus diadema
a .2. Propithecus edwardsi
a .3. Propithecus perrieri
a .4. Propithecus candidus
b ) Propithèques de Verreaux
b .1. Propithecus verreauxi
b .2. Propithecus deckeni
b .3 Propithecus coronatus
b .4 Propithecus coquereli
c ) Propithèque de Tattersall
3 – Description et distribution géographique du genre Indri
A .3 Nombre et site des animaux étudiés
1 – Avahi
2 . Propithecus
B – METHODOLOGIE
1 – Choix des techniques
2 – Travaux de terrain
a ) Méthode de captures
b ) Méthode de mensuration
c ) Méthode de prélèvements
c .1) Le sang
c .2) Le tissu
3 – Travaux de laboratoire
3 .1- Technique cytogénétique
3 .1.1- Détermination du caryotype
3 .1.1.1- Le sang
a – Mise en culture
b – Synchronisation (après 72h de culture)
c – Rinçage des cultures
d – Blocage de la division cellulaire avec la colcémide
e – Choc hypotonique
f – Fixation
g – Etalement sur les lames
h – Coloration des lames
3 .1.1.2- Culture de fibroblastes
a – Mise en culture
b – Préparation chromosomique
3 .1.2- Dénaturation du caryotype
3 .2- Technique de biologie moléculaire
3 .2.1- Extraction des acides désoxyribonucléiques (ADN)
3 .2.2- Réactions d’amplification
a – Les amorces
b – L’amplification
c – Amplification du cytochrome b
d – Amplification de la D-loop
3 .2.3- Le séquençage
3 .3- Analyse des données
3 .3.1- Alignement des séquences
3 .3.2- Traitement des données
3 .3.3 – Morphométrie
I V.1 Résultats morphologiques
a – Les avahis
b – Les propithèques
I V.2 Résultats caryotypiques
I V.3 Résultats moléculaires
A – Haplotypes
A vahi
P ropithecus
B . Caractéristique des séquences et diversité génétique
a – Avahi
b – Propithecus
C . Distances génétiques calculées à partir du cytochrome b et de la D-loop
C .1. Distances intra- et interspécifiques
A vahi
P ropithecus
C .2. Arbres phylogénétiques
A vahi
P ropithecus
V- DISCUSSION
A – Rapport entre la conservation et l’étude systématique
B – Marqueurs utilisables pour la systématique
1 – Données morphologiques
2 – Donnés cytogénétiques
3 – Données moléculaires
4 – Utilisation conjointe des trois caractéristiques
C – Variations observées chez les Indriidae et conséquences taxonomiques
1 – Variations phénotypiques
1 .a) Avahi
1 .b) Propithecus
2- Variations caryotypiques
2 .a) Avahi
2 .b) Propihecus
3 – Variation moléculaire
3 .a) Variabilité intraspécifique et interspécifique
3 .b) Arbres phylogénétiques
4 – Rapport des différents résultats entre eux
5- Rôle des fleuves Mangoro et Onive comme barrière géographique dans la différenciation
d es propithèques et des avahis de l’est
VI- CONCLUSIONS
BIBLIOGRAPHIE
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