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Les représentations initiales
Concernant les conceptions des élèves en électricité, les didacticiens ont montré que les élèves perçoivent le courant électrique comme un fluide qui circulerait dans le fil comme dans un tuyau. Ce fluide électrique qu’ils appellent « électricité » ou « courant électrique » serait, selon eux, stocké dans la pile. Il se déplacerait dans les fils et serait consommé par les récepteurs. Plusieurs conceptions apparaissent, (IUFM Grenoble, 2012) :
La conception unifilaire (allumage d’une ampoule à l’aide d’une pile)
Elle est schématiquement la suivante : pour qu’une lampe s’allume, un seul contact entre une zone de la pile (souvent le pôle +) et une zone de la lampe est nécessaire. Cependant, cette 9 conception ne se manifeste pas toujours aussi nettement, cela dépend de la situation proposée. Elle peut concerner la pile et la lampe à la fois, la pile seule ou la lampe seule. Cette représentation est sans doute la conséquence d’une analyse causale linéaire de la situation. Ce raisonnement se fonde sur le fait que les choses ne se produisent que dans un sens, il est caractéristique de la pensée commune qui s’oppose à la pensée scientifique. Ainsi, pour les enfants, la pile donne de l’électricité à la lampe». Elle peut aussi être issue de la vie quotidienne : quand on observe par exemple une lampe allumée posée sur un meuble « un seul fil semble apporter l’électricité » nécessaire à son allumage. L’analyse causale linéaire reste valide. Cette conception tend à évoluer lorsqu’intervient la prise de conscience de la nécessité de fermer le circuit.
La conception des courants antagonistes
Cette conception est fondée sur le fait que l’électricité va de la pile vers la lampe : un courant sort de la borne (+) de la pile et un autre courant, de la borne (-). L’allumage de la lampe résulte de l’interaction entre ces deux courants. On peut remarquer que l’analyse causale linéaire reste valide : la pile donne de l’électricité, mais cette dernière emprunte deux chemins. Ce modèle évolue lorsque intervient la prise de conscience de l’existence d’éléments polarisés, c’est à dire qui ne se comportent pas de la même façon selon le sens de branchement (moteur, vibreur, diode électroluminescente).
Ces deux conceptions sont rarement dépassées en cours élémentaire deuxième année. C’est pourquoi, il est très important de faire des évaluations diagnostiques en début de séquence, afin de connaître les représentations des élèves, pour ensuite les dépasser. Ce travail sert d’ailleurs à préparer les élèves, pour qu’en cours moyen première année, ils puissent distinguer le circuit en série du circuit en dérivation, et ce, en mettant en évidence les propriétés de ces deux types de circuit. Au fur et à mesure de leur progression dans le cycle trois, et ce, en tenant compte de leurs capacités cognitives, les élèves vont, en effet, être capables de modéliser. Les modèles construits sont une simplification de la réalité. Ils n’ont qu’un certain domaine de validité, puisqu’ils sont adaptés à un champ expérimental donné. Les élèves seront ensuite en mesure de prédire une situation physique à partir d’un modèle.
La conception de l’usure du courant
– Le courant sort de la pile et y retourne après avoir parcouru le circuit dans un sens défini. Cette proposition est conforme au modèle que l’on veut enseigner.
– Il s’use partiellement au passage d’un récepteur, ce qui n’est pas conforme au modèle de la physique.
– La pile est un réservoir d’électricité (de courant), ce qui n’est pas conforme au modèle de la physique (la pile étant considérée comme un générateur de tension en physique).
Il apparaît ici que les élèves n’arrivent pas à raisonner sur les deux grandeurs en jeu : les grandeurs de courant et de transfert d’énergie. C’est avec le raisonnement systémique que l’élève réussira à percevoir toutes les grandeurs qui entrent en jeux. Ce changement de raisonnement pour l’élève constitue en fait un changement de paradigme (Kuhn, T., 1970), soit un changement radical et profond qui demande du temps, du travail et de la réflexion. Pour pouvoir raisonner sur ces deux grandeurs, il faut que les élèves sachent que l’utilisation d’une source d’énergie est nécessaire pour chauffer, éclairer, mettre en mouvement. En particulier, « le fonctionnement permanent d’un objet technique requiert une alimentation en énergie (pile, secteur, activité musculaire, combustible). Sans ces connaissances, les élèves ont du mal à surmonter l’idée que le courant électrique est produit sans rien consommer, ce qui donne lieu à des représentations comme l’eau qui se «transforme » en courant électrique dans les centrales hydrauliques ou les prises de courant «qui donnent du courant» dès qu’elles sont installées dans une pièce, sans même être reliées au réseau EDF…L’électricité est alors comprise comme pouvant être stockée, ce qui est exceptionnellement le cas. », (Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche Direction de l’enseignement scolaire, 2002).
De plus, certaines difficultés des élèves proviennent des liens avec le vocabulaire usuel. Le mot « courant » est, en effet, employé dans de nombreux sens : on l’utilise en tant qu’adjectif qualificatif (une situation courante), comme verbe (en courant, je suis tombé), ou encore comme nom (courant d’eau, courant d’air…). Tous ces sens n’aident pas l’élève à se construire une bonne représentation du courant électrique. L’élève doit d’abord concevoir la polysémie du mot « courant » pour ensuite pouvoir relier un sens à un contexte d’utilisation. Le mot « conducteur » peut aussi poser un problème à l’élève, car il peut désigner le conducteur d’un véhicule. Il peut également faire référence au « fil conducteur » d’une histoire. Le concept même de conducteur électrique est difficile à mettre en place quand on pense à la phrase « éteins la lumière », alors qu’en termes de physique, le courant circule lorsque le circuit électrique est fermé. Pour éteindre la lumière il faut, en termes de physique, ouvrir le circuit (Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche Direction de l’enseignement scolaire, 2002). Pour éviter des difficultés supplémentaires, on utilisera le mot « borne » plutôt que le mot « pôle » qui pourrait être confondu avec les pôles géographiques et les pôles d’un aimant. On dit souvent aussi d’une lampe qu’elle « consomme » ce qui peut conforter les enfants dans leur conception unifilaire : le courant électrique serait consommé par la lampe ; ou dans leur conception de l’usure du courant : le courant entrant étant moins élevé que le courant sortant du générateur.
La démarche d’investigation
Le rôle du questionnement porteur de sens
Par ailleurs, à travers nos lectures (voir bibliographie) et les enseignements que nous ont dispensés nos professeurs de l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation, nous avons compris qu’il est important que l’apprentissage soit porteur de sens pour les élèves. Si les élèves n’y voient pas d’intérêt, ils ne seront pas engagés dans l’apprentissage. En effet, comme l’évoque J-J Rousseau : « on n’apprend bien que ce qui répond aux questions que l’on se pose ». Le savoir doit devenir un outil et non plus un obstacle. Les concepts scientifiques sont des réponses à des problèmes, ils sont généralisables. L’école doit servir à les théoriser pour que l’élève puisse les réinvestir dans la vie courante. Les visées des problèmes de la vie courante et des problèmes scientifiques ne sont cependant pas les mêmes. Les premiers sont orientés sur l’efficacité et la réussite tandis que les seconds appellent une explication rationnelle, (Fourneau, J.-C, Hersant, M., Orange-Ravachol, D., 2006).
À l’école, l’élève ne doit pas seulement réussir à effectuer la tâche demandée. Il faut qu’il soit capable d’expliciter cette réussite, en termes de condition ou de fonctionnement (Piaget, J., 1974). Néanmoins, cette explication ne va pas d’elle-même. L’élève doit, en effet, réussir à se détacher de la pensée commune, de l’expérience commune (Bachelard, G., 1938), ce qui revient souvent à se détacher du raisonnement linéaire causal. D’après les conceptions décrites ci-dessus, on comprend que ce détachement est laborieux : c’est la démarche utilisée qui va le rendre possible.
Dans l’enseignement des sciences, la démarche préconisée par la main à la pâte est appelée démarche d’investigation (cf annexe 1). Elle permet aux élèves de décrire et de comprendre le réel.
À travers elle, les élèves s’inscrivent dans la construction d’une méthodologie de recherche scientifique. Cette démarche consiste à ne pas « enseigner uniquement les résultats de la science mais à permettre aux enfants de construire les connaissances souhaitées ». Les enfants sont ainsi
amenés à « exprimer leurs idées », « expliciter leur raisonnement », « tester leurs hypothèses » et
« chercher à être rigoureux », (Saltiel, E., 2005). Elle est fondée sur le questionnement. Ce dernier s’appuie sur une investigation menée par les élèves et guidée par l’enseignant, il vise l’acquisition de compétences. En suivant cette démarche, les élèves vont pouvoir déconstruire leur représentation initiale. Cette émergence des conceptions a deux rôles : l’enseignant s’en sert pour prendre en compte les connaissances et les habiletés des élèves à un temps donné afin d’être capable d’adapter son enseignement à leurs besoins et elle sert de base aux élèves pour qu’ils s’expriment en faisant entendre leur point de vue au cours d’un débat. La déconstruction des représentations passe, en effet, par l’interaction élève-élève, mais aussi par celle maître-élève. Cette démarche est qualifiée de socio-constructiviste puisqu’elle est fondée sur le débat avec d’autres élèves ce qui va permettre de remettre en cause les représentations de l’élève. C’est ce que Vygotsky, Doise, Mugny et Perret-Clermont appellent le conflit socio-cognitif. L’individu apprend par ses actions sur le milieu, mais aussi par les interactions avec les autres. Ainsi, la recherche de solutions par un élève se trouve davantage renforcée quand cet élève se rend compte que ses camarades ne sont pas d’accord avec lui. Certaines limites sont, cependant, présentées par Joshua et Dupin. Par exemple, lorsque les conflits socio-cognitifs sont « brefs » ou lorsque « les stades où les dits conflits [pouvant] être significatifs aux yeux des élèves » ne sont pas atteints. Ils mettent également en évidence le « caractère fragile des changements » (Joshua, S., Dupin, J.J., 1993). La confrontation entre pairs ne suffit donc pas, une « double confrontation, psycho-sociale d’un côté (par le débat entre pairs) et pratique de l’autre (à l’aide d’expériences-test) » est nécessaire. « Ce type de démarche hypothéticodéductive pourrait être une transposition didactique du «débat scientifique» propre aux communautés savantes » (Joshua, S., Dupin, J.J., 1989).
Le rapport au savoir intervient dans la démarche utilisée
Cependant, comme le montre l’article « Pile et Ampoule », au cours préparatoire, les conceptions qu’ont les enseignants du fonctionnement de la science et du savoir scientifique influencent le type d’activités scientifiques qu’ils font pratiquer à leurs élèves, (Fourneau, J.-C, Hersant, M., Orange-Ravachol, D., 2006). Certains enseignants vont penser pratiquer une démarche rigoureusement scientifique, alors qu’il s’agira, en fait, d’une démarche remise en cause par le monde de la science. On distingue deux conceptions : l’une, qualifiée d’empiriste met l’accent sur le « concret » ou sur le « réel », et oriente les élèves dans l’univers du quotidien en négligeant le problème explicatif. Elle valorise les expériences, les manipulations, les observations et tout se passe comme si les théories découlaient naturellement de cette confrontation au « réel », ce qui est faux puisqu’une loi ne se généralise pas à partir d’un fait. Des élèves, qui hésitent déjà dans ce qu’ils doivent apprendre, ne sauront ni expliquer, ni comprendre, ni interpréter un phénomène seulement à partir de l’observation d’une expérience. L’autre, qui est une conception constructiviste, s’appuie davantage sur la pratique de recherche des scientifiques, puisqu’en plus de l’observation et de l’expérimentation, elle laisse la place aux problèmes explicatifs, aux idées explicatives et aux situations de débats. F. Jacob écrit à ce propos que « la démarche scientifique confronte sans relâche ce qui pourrait être et ce qui est. C’est le moyen de construire une représentation du monde toujours plus proche de ce que nous appelons « la réalité » », (Jacob, F., 1992).
Ainsi, il est bon de s’interroger sur les conceptions que nous avons et aussi sur le rapport que nous entretenons avec le savoir. Si l’enseignant se place comme détenteur du savoir, l’enfant sait qu’il obtiendra réponse à tout grâce aux livres ou grâce à son professeur. Néanmoins, dans le monde réel, un problème n’est pas toujours lié à une solution. Dans le cadre de la recherche en médecine notamment, de nombreuses maladies n’ont pas de remède. Le rapport au savoir est la capacité de l’enfant à appréhender le monde extérieur. Il est donc important que le professeur se place en médiateur du savoir et que les élèves en prennent conscience. (Barth, B-M., 2013). La démarche d’investigation permet aux enfants de s’approprier le savoir par eux-mêmes, ce qui est donc un grand pas vers l’autonomie. Nous pouvons aussi remarquer, que le professeur ne se place pas toujours de la même façon par rapport au savoir suivant ses propres compétences vis à vis des différentes disciplines. Généralement, moins un enseignant éprouve de difficulté par rapport à une discipline donnée, moins il a peur de l’imprévu et plus il laisse ses élèves construire le cours. Dans le cas inverse, il va avoir tendance à faire un cours plus transmissif. En sciences, les savoirs sont les solutions des problèmes explicatifs : un enseignant qui en a conscience visera donc à ce que ses élèves comprennent pourquoi ils ont réussi une expérience. Cette compréhension est elle-même liée au développement de l’explication.
Les pratiques langagières et l’importance de l’argumentation orale
La démarche d’investigation de la main à la pâte préconise de partir d’hypothèses, de vérifier leur validité ou non et de confronter les hypothèses entre elles. Cette confrontation a souvent lieu sous forme de débat pendant lequel les élèves vont pouvoir développer leur argumentation. Pendant ce temps, l’enseignant n’exprime pas son point de vue, « il sert le plus souvent d’arbitre ou d’impulseur du débat », (Soudani, M. & Soudani, O., 2005). Le débat doit, en effet, concerner le groupe classe et en aucun cas n’être qu’un rapport bilatéral professeur-élève. Le rôle de l’enseignant est de modérer le débat et non pas de se poser en expert (Weisser, M., Masclet, E., & Rémigy, M.-J., 2003). Il évite les malentendus, et régule le débat pour participer indirectement à la construction du savoir. Cependant, certains élèves peuvent considérer qu’ils ont produit ce que l’on attendait d’eux, ce qui peut rendre la confrontation peu utile et même difficile à gérer pour l’enseignant. Le débat doit donc être interactif afin que les élèves ne soient pas passifs. En outre, ce débat est primordial pour les élèves qui fuient le conflit socio-cognitif. Ces élèves peuvent parfois trouver des explications aberrantes à l’expérimentation s’il y a une tension trop importante avec leur conception initiale.
De plus, les erreurs commises par les élèves servent de point d’appui dans l’évolution du débat. Cependant, pour que les élèves puissent travailler leur argumentation orale, il est souvent constructif qu’ils prennent appui sur l’écrit. Pour intégrer le langage en sciences, il est en effet important d’ « abandonner l’idée qu’écrire, c’est simplement traduire sa pensée pour la communiquer », (Revaz, N., 2003) L’écrit peut, au contraire, permettre de structurer et de construire sa pensée. Il est un « processus d’accès au savoir ». Deux types d’écrits doivent être introduits au cours d’une séance de sciences, les écrits d’investigation qui sont élaborés au moment où le savoir se construit comme des schémas provisoires, des brouillons, etc, ainsi que les écrits d’exposition qui sont rédigés au terme d’un travail et qui répondent à des normes précises tels que les comptes rendus, les résumés, etc. Les écrits d’investigation appelés aussi écrits de travail aident à la problématisation, ils « permettent des échanges critiques entre les élèves » qui les font évoluer (Revaz, N., 2003). Ils sont donc très utiles pour construire une argumentation orale. En prenant en compte ces deux types d’écrit, certes, le temps passé sera plus important, mais le rendement didactique n’en sera que meilleur : les élèves comprendront mieux. Ils seront alors capables d’expliquer en raisonnant et non pas en utilisant des arguments d’autorité, pourquoi telle idée sur un circuit en série ou en dérivation est non pas fausse, mais impossible (Revaz, N., 2003)
L’argumentation intervient cependant à plusieurs moments pendant le cours, et n’a donc pas tout le temps le même statut. Les interactions orales langagières entre pairs doivent intervenir à des moments clés du processus d’apprentissage (Weisser, M., Masclet, E., & Rémigy, M.-J., 2003). Elles peuvent ainsi intervenir d’abord pour clarifier et regrouper les hypothèses à vérifier en ouvrant sur une problématique et ensuite, pour interpréter les informations prélevées par rapport aux hypothèses initiales. Les élèves doivent alors s’accorder sur une solution ce qui ferme momentanément ou définitivement la problématique. Au cours de ces situations d’interactions orales, « les élèves énoncent des idées auxquelles aucun n’avait fait référence au cours des phases précédentes d’écriture ou de manipulation », en ce sens, elles font progresser le savoir commun (Weisser, M., Masclet, E., & Rémigy, M.-J., 2003).
Cette deuxième phase de débat débouche sur une institutionnalisation, qui est une co-construction entre le maître et les élèves, dont le but est aussi d’utiliser un vocabulaire scientifique approprié. Cette institutionnalisation permet également à l’enseignant de voir si les élèves sont 15 capables de répondre à la question productive qui leur a été posée : en ce sens, c’est une sorte d’évaluation formative.
Certains mots comme « circuit » peuvent déjà avoir été vus ultérieurement. Le débat permettra donc aux élèves de réemployer ces termes et de se les approprier « avec plus ou moins d’extensions de sens » (Soudani, M. & Soudani, O., 2005). En effet, le réemploie des mots sert de passage d’un vocabulaire passif à un vocabulaire actif, c’est à dire d’un vocabulaire de réception que l’on comprend, mais qu’on ne sait pas forcément utiliser, à un vocabulaire qu’on est capable de mobiliser en contexte. D’autres mots tels que « en série » ou « en dérivation » « constituent un véritable objet d’apprentissage » (Soudani, M. & Soudani, O., 2005). Pour que les élèves les acquièrent et comprennent le concept qui leur est sous-jacent, il est alors nécessaire de prolonger la séance pour appliquer la nouvelle notion lors des exercices d’entraînement.
Construction d’une séquence pour notre étude
En tenant compte de tout ce qui a été évoqué précédemment, nous avons conçu une séquence en électricité. Les conditions de nos stages nous ont conduites à changer de niveau de classe. Cette séquence, conçue pour une classe de cours élémentaire deuxième année, est donc basée sur les circuits électriques alimentés par des piles et non plus sur la différence entre circuit en série et circuit en dérivation. Nous avons aussi abordé les règles de sécurité et les dangers de l’électricité. Nous pensons, en effet, qu’il est très important de faire de la prévention contre les dangers de l’électricité au sein de cette séquence, afin que les enfants soient conscients que les expériences effectuées dans la classe ne peuvent être reproduites chez eux avec une prise électrique à la place d’une pile, par exemple. Nous avons imaginé une longue séquence, car nous évitons, par ailleurs,
« la didactique en archipel » peut recommandée par le rapport du Conseil Supérieur des Programmes (Inspection générale de l’éducation nationale, 2013). Cette « didactique en archipel » fragmentée et éphémère qui se fonde sur les apprentissages uniquement, doit laisser place à un enseignement continu et efficace basé sur les compétences et qui fonctionne en séquences. Une séquence durable laisse la possibilité aux élèves de déconstruire leurs conceptions pour en reconstruire de nouvelles qui resteront ancrées dans leur esprit pour les années à venir. Ceci ne pourrait avoir lieu dans une séquence de trois séances uniquement, par exemple. Notre séquence comporte donc neuf séances qui s’articulent pour répondre aux compétences des progressions de 2012, (Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2012). La dernière séance est une évaluation sommative qui permet de mesurer l’acquisition partielle ou totale des compétences attendues.
Compétences visées au terme de la séquence
Les compétences travaillées sont les suivantes :
– Avoir des notions sur la sécurité dans l’usage de l’électricité au quotidien et savoir que le passage de l’électricité dans le corps humain présente des dangers qui peuvent être mortels.
– Distinguer l’électricité de la pile et celle délivrée par le secteur.
– Analyser le fonctionnement de différents objets techniques de la vie quotidienne (lampes de poche, jouets à pile…).
– Effectuer une première distinction entre conducteurs et isolants électriques. Le détecteur de courant sera ici une lampe adaptée à une pile usuelle.
– Réaliser des montages ou objets techniques comprenant des composants divers (vibreurs, moteurs, ampoules…).
– Construire une première représentation de la notion de circuit électrique : savoir qu’un circuit est
constitué d’une pile avec entre ses deux bornes une chaîne continue et fermée de composants et de conducteurs. Savoir que si cette chaîne est rompue, les composants ne fonctionnent plus.
– Vocabulaire abordé : circuit électrique, lampe, interrupteur, conducteur, isolant, pile, bornes.
Le vocabulaire à acquérir fait aussi parti des compétences. En sciences, en effet, il convient de conserver trois grands objectifs, à savoir l’acquisition de connaissances, la pratique de la démarche d’investigation, mais aussi la construction de la maîtrise de la langue. Il est important de travailler de pair la maîtrise de la langue et les sciences. Cela permet, tout d’abord, de donner plus de sens à l’apprentissage de listes de mots qui feront l’objet de dictée, par exemple, et ainsi de motiver davantage les élèves. Le fait de lier, de plus, ces deux disciplines permet un éclairage différent sur l’une et l’autre, et renforce les apprentissages : ce qui sera appris en sciences aidera à l’apprentissage du français et inversement.
Des compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture sont également visées au terme de cette séquence :
1) Pratiquer une démarche scientifique ou technologique :
– Pratiquer une démarche d’investigation : savoir observer, questionner.
– Manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester, argumenter, mettre à l’essai
plusieurs pistes de solutions.
2) Faire preuve d’initiative :
– S’impliquer dans un projet individuel ou collectif.
3) Dire :
– Prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier un point de vue.
Démarche générale de construction de la séquence
Nous avons ciblé des objectifs pour chaque séance. Ces séances sont presque toutes construites sur un même canevas, qui respecte la démarche d’investigation. Les séances débutent par une situation d’entrée, qui pousse les élèves à se questionner et à éveiller leur curiosité, et qui débouche sur la formulation, en collectif, d’un problème à résoudre. Lors de chaque séance, les problèmes sont formulés par les élèves avec l’aide de l’enseignant sous forme de questions productives du type : « Comment allumer une lampe qui est loin de la pile ? » (cf annexe trois). Cette question aide les élèves à orienter leurs recherches au cours de la séance.
Les élèves sont alors amenés à y répondre individuellement d’abord pour que tous puissent s’exprimer, ce qui permet l’émergence de leurs conceptions initiales. Il s’agit donc d’évaluations diagnostiques, puisqu’elles permettent à l’enseignant d’évaluer les connaissances et les habiletés des élèves à un temps donné afin d’être capable d’adapter son enseignement à leurs besoins. Nous espérons, en faisant d’abord réfléchir nos élèves séparément, éviter les effets de leaders de groupe, et permettre à chacun de chercher à se faire sa propre idée du problème posé. Pendant ces phases de recherches individuelles, nous fournissons aux élèves des images de pile, et de lampe (nous les laissons dessiner les fils), afin qu’ils ne perdent pas de temps à vouloir faire un dessin de pile (cf annexe neuf) très ressemblant à la réalité, au détriment de la recherche de la réponse à la question productive. La schématisation n’est pas l’objectif poursuivi, car c’est en cours moyen première année que les élèves apprendront à représenter seulement les traits caractéristiques des composants électriques pour faire un schéma (Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, 2012). Nous précisons aussi aux élèves que toutes les images qui leur sont fournies ne sont pas forcément à utiliser. Nous espérons ainsi les habituer à ne pas être induits par les propositions de l’enseignant, et à rester centrés sur la recherche d’une solution au problème posé. Un tel apprentissage n’est pas seulement l’objet d’une séquence, mais bien celui d’une attitude que l’enseignant doit adopter toute l’année. L’élève doit être capable de raisonner et de se fier à sa logique pour savoir si sa réponse est juste, et non à l’intonation dans la voix de l’enseignant qui signifierait que sa réponse est juste ou non. Il est bon de déstabiliser un peu les élèves en leur demandant s’ils sont sûrs d’eux et en les faisant systématiquement justifier leur réponse.
Les élèves sont ensuite répartis par groupes selon leur conception. Nous avons fait le choix de les répartir ainsi afin que la mise en commun qui suit cette étape soit plus riche : les élèves vont avoir un aperçu de l’expression des différentes conceptions. Toutes ne sont pas forcément bonnes, et il est alors intéressant, en comparant les affiches, de comprendre pourquoi tel ou tel circuit ne fonctionne pas, et pourquoi tel autre permet à la lampe de briller. Ainsi, à la question productive de la séance quatre : « Comment allumer ou éteindre la lampe du circuit sans débrancher les fils ? », les groupes d’élèves n’ont pas tous proposés les mêmes dispositifs. (cf annexe dix). Les échanges lors de la mise en commun ont alors permis aux élèves de se rendre compte que plusieurs dispositifs étaient possibles et que certains ne fonctionnaient pas. Au sein des groupes de conception, les élèves sont amenés à présenter oralement chacun leur « circuit-hypothèse » aux autres. Ce temps permet aux élèves d’échanger, d’envisager d’autres solutions et d’imaginer un nouveau circuit-hypothèse capable de répondre à la question productive. En théorie, une discussion préalable permettant de se mettre d’accord sur un même circuit-hypothèse par groupe est préconisée par la démarche d’investigation. En réalité, dans le vif de l’action, nous nous sommes rendu compte que les élèves voulaient tester leur hypothèse personnelle et avaient du mal à entendre que leur circuit pouvait ne pas être testé. C’est pourquoi, nous avons amené les élèves à se mettre d’accord sur un circuit et à le tester en priorité, ils étaient, ensuite, autorisés à tester plusieurs autres circuits-hypothèses. Le groupe doit ensuite faire un dessin collectif sur une affiche pour la présenter à la classe. Ce dessin doit correspondre au circuit validé par le groupe. Nous avons prévu une différenciation au sein des groupes lors de cette phase. Si les élèves ont fini en avance, nous leur demandons de rédiger une réponse à la question productive. Par exemple, à la question productive « Comment allumer une lampe qui est loin de la pile ? », les élèves pourraient essayer de rédiger une réponse du type : « Pour allumer une lampe qui est loin de la pile, il faut relier la lampe à chacune des bornes de la pile par des fils électriques. Le circuit est alors fermé. » Une différence d’étayage peut avoir lieu également. L’enseignant est alors amené à plus guider un groupe en lui posant plus de questions ou en le guidant pour la manipulation.
Les hypothèses testées sont ensuite confrontées et comparées en grand groupe. Les élèves sont alors amenés à observer les différences et les points communs entre les circuits. La principale difficulté réside, en fait, dans la corrélation entre le montage réalisé qui peut être bon, et le circuit dessiné sur l’affiche, qui peut ne pas correspondre au montage réalisé. Nous proposons donc aux groupes dont le circuit dessiné ne correspond pas au montage, et qui ne comprennent pas leurs erreurs, de réaliser leur circuit devant la webcam, afin de déterminer leurs erreurs et que tous les élèves puissent suivre et participer à la résolution du problème.
Ce temps débouche finalement sur une institutionnalisation co-construite avec les élèves en réponse au problème posé. Une phase d’application est ensuite faite en fin de séance pour respecter les phases de l’apprentissage des élèves : elle leur permet d’utiliser le savoir vu dans l’institutionnalisation et de se l’approprier. Ces exercices d’application sont ensuite corrigés collectivement ou pas. Dans le cas où la correction est collective, cela permet aux élèves de travailler leur argumentation : ils sont amenés à justifier leur réponse en faisant toujours le lien avec l’institutionnalisation. De plus, au début d’une nouvelle séance, les élèves sont souvent amenés à s’interroger entre eux sur le savoir institutionnalisé vu lors de la séance précédente, afin de s’approprier ces nouvelles notions. Des phases d’entraînement ont également lieu à la fin de certaines séances.
Nous avons pensé, par ailleurs, à rendre visibles, au cours de cette séquence, les écrits d’investigation et les écrits d’exposition. Les élèves ont un classeur de sciences dans lequel les phases de recherche sont répertoriées. Ce système de classeur a été expliqué aux parents en début d’année, afin qu’ils sachent bien que la partie « Recherche » peut comporter des erreurs, mais que cette même partie a aidé les enfants à construire le savoir institutionnalisé qui, lui, est à connaître.
La mise en projet et les liens entre les disciplines
Notre séquence est également bâtie sur un projet. Ce dernier vise à motiver les élèves, il est collectif, global et complexe, car les élèves, en groupe, doivent utiliser une compétence et non une simple connaissance pour le réussir. Il permet aux élèves d’être mobilisés pour entrer dans la séquence, il lui donne du sens. Il s’agit, pour les élèves, de construire un petit jeu questions-réponses : la lampe s’allume quand l’attache parisienne d’une question est reliée à celle de sa réponse. Nous avons donc choisi de le présenter, en cachant les composants électriques et les branchements aux élèves, pour leur montrer ce qu’ils seront en mesure de faire à la fin de la séquence. Le projet est ensuite réalisé lors de la cinquième séance qui est une séance de réinvestissement. Ce projet est, de plus, interdisciplinaire. Des exemples de thèmes de questions sont, en effet, donnés aux élèves pour qu’ils s’en inspirent et utilisent des compétences travaillées dans d’autres disciplines. Les élèves peuvent construire, par exemple, des jeux en numération en utilisant des décompositions de nombres (cf annexe quatre), ou en grammaire en utilisant les pronoms personnels (cf annexe cinq), ou encore en éducation physique et sportive en faisant appel aux différents rôles rencontrés en hand-ball (cf annexe six). La formation et le repérage de phrases interrogatives sont travaillés en parallèle des sciences, ce qui permet aux élèves de construire des phrases interrogatives correctes (une phrase interrogative générale est utilisée pour chaque jeu). En fin de séquence, les élèves peuvent ainsi tester les jeux questions-réponses des autres groupes en s’entraînant en même temps en mathématiques et en français.
Un autre lien avec les mathématiques est, par ailleurs, fait dans la séance sept. La notion de cercle et de construction de cercle avec le compas a été évoquée à ce moment-là, et les élèves ont dû fabriquer une rosace pour la faire tourner au bout du moteur et se rendre compte, par la même occasion, de l’illusion d’optique que cela créait.
En outre, même si le projet permet de mobiliser les élèves dans la séquence, la formulation des questions productives permet, quant à elle, d’enrôler l’élève dans la séance. Cet enrôlement a une visée à plus court terme. Ainsi, les processus de mobilisation et d’enrôlement ne sont pas identiques, mais se complètent de façon à ce que l’élève soit motivé tout au long de la séquence.
Dispositifs mis en place pour valider ou non l’hypothèse de la conceptualisation du circuit électrique des élèves
Nous avons, tout d’abord, choisi de filmer les dessins de cinq élèves avec leurs explications orales au cours de la première séance. Ils nous expliquent le fonctionnement de la lampe de poche. Cette évaluation diagnostique nous sert de point de départ pour notre analyse. Les cinq élèves ont été choisis d’après leurs dessins sur le fonctionnement de la pile, de façon à ce que plusieurs niveaux de compréhension soient représentés dans la vidéo. Nous avons également filmé le travail personnel de deux élèves au début de la deuxième séance pour avoir une idée de leurs conceptions initiales. Un enregistrement audio a également eu lieu dans la séance cinq pour pouvoir écouter les échanges entre les élèves au sein des différents groupes. Au cours de la séance six, enfin, nous avons à nouveau filmé les mêmes élèves qu’au départ. C’est à travers l’analyse de ces différents films et prises audio que nous allons percevoir l’évolution des conceptions des élèves et l’avancée de leur conceptualisation du circuit électrique.
Analyse et discussion
Analyse des conceptions initiales et finales de différents élèves
Contexte de recueil des représentations initiales
Comme nous l’avons rappelé précédemment, nous avons effectué des premières vidéos lors de la séance une. Nous ne voulions pas influencer les élèves, mais juste qu’ils nous livrent leurs représentations du circuit électrique de la lampe de poche. Pour se faire, nous projetions des photos d’une lampe de poche fermée et ouverte. Deux lampes de poche similaires étaient en circulation dans la classe pour que les élèves puissent les manipuler. La consigne, écrite au tableau, était la suivante : « 1- Fais un dessin pour expliquer ce qui se passe à l’intérieur de la lampe de poche pour que la lampe brille. 2- Légende ce dessin. 3- Fais une phrase pour expliquer ton dessin. » Nous avons voulu que cette consigne soit large, ouverte pour inviter les élèves à s’exprimer. Nous les avons aussi rassurés sur le fait que ce n’était pas grave s’ils écrivaient des bêtises, puisque c’était le moment d’écrire ce qu’ils pensaient.
Cette consigne n’était, cependant, pas évidente pour les élèves : sans certaines explications orales de notre part, les dessins ne faisaient pas forcément apparaître leurs conceptions initiales. De plus, certains ont voulu représenter la lampe de poche le plus fidèlement possible, sans comprendre que l’enjeu n’était pas là.
Il est, en effet, difficile de choisir les bons mots pour une consigne. La passation des consignes n’était pas idéale au cours de cette séance. L’attention des élèves n’était pas toujours maximale lors de ce moment, alors que cette étape est très importante pour permettre à l’élève d’entrer dans la tâche demandée. Les consignes n’étaient pas systématiquement reformulées par les élèves, bien qu’une telle reformulation permette de savoir ce qu’ils ont réellement compris. Je tente, depuis, de travailler sur la passation des consignes, pour que les élèves focalisent davantage leur attention sur l’objectif poursuivi (Djoudi, M.).
C’est donc, dans ce contexte, que nous avons recueillis les premières représentations des élèves. Après avoir constaté leurs difficultés liées à la compréhension de la consigne et à la difficulté de la tâche en séance une, nous avons choisi de les guider davantage lors du deuxième recueil de leurs représentations pendant la sixième séance. Nous leur avons ainsi demandé, en séance six, d’expliquer l’état du circuit de la lampe de poche quand la petite lampe brille (question qui fait référence à l’institutionnalisation des savoirs de la séance deux où la notion de circuit fermé était en jeu). Nous les avons aussi questionné sur le rôle de l’interrupteur dans la lampe de poche (à savoir permettre l’ouverture et la fermeture du circuit), ainsi que sur les matériaux utilisés pour que le courant puisse circuler (cf séance six).
Ces questions les aidaient aussi à prendre conscience que, grâce à tout le travail effectué pendant la séquence, ils étaient en mesure de comprendre le fonctionnement de la lampe de poche. Nous leur avons demandé ensuite d’expliciter, à l’aide d’un dessin, comment faire briller la lampe qui est dans la lampe de poche. Nous avons donc changé quelques mots dans la consigne, par 22
rapport à celle de la séance une, et fait reformuler les élèves pour la clarifier.
Cas de l’élève 1 (cf annexe deux)
Analyse des deux entretiens préalables au déroulement de la séquence
Lors de la première prise de vue, on constate que l’élève 1 a déjà des notions en électricité puisqu’il est capable de nommer certains composants d’un circuit électrique même s’il les place de manière floue sans utiliser le vocabulaire adéquat : « […] les fils ils sont dans la pile, l’ampoule elle est dans la petite boîte. […] La lampe elle marche avec des piles, des fils et une ampoule. » Il désigne la lampe par le terme « ampoule », mais cela vient sûrement du fait qu’il ne faut pas s’embrouiller avec les deux lampes : la « lampe » de poche et la lampe à l’intérieur de la lampe de poche. Ou simplement parce que ce terme est souvent utilisé dans le langage courant. Il parle aussi de « fil rouge » et de « fil vert », peut être qu’il est influencé par ce qu’il a pu voir dans des films télévisés (couper le fil rouge ou le fil vert pour désamorcer une bombe par exemple). Même si l’élève 1 a connaissance de plusieurs composants électriques, il ne semble pas avoir conscience que le courant électrique doit circuler pour que « la lampe marche ».
Analyse de l’entretien après la séquence
Lors de la seconde prise de vue, l’élève 1 est capable de parler en utilisant un vocabulaire plus précis sous l’influence des questions qui lui sont posées. Il évoque ainsi le terme « conducteur », qu’il associe aux matériaux en métal uniquement, ce qui est normal en cours élémentaire deuxième année, car la conductivité des solutions et du corps humain n’a pas été abordée. On analyse, par ailleurs, que l’élève 1 a compris le rôle de l’interrupteur, mais il ne le nomme pas explicitement : « il y a un petit bouton sur le côté. Quand on le baisse ou qu’on le monte. Par exemple si je baisse le bouton, la lumière elle s’éteint parce que … euh … quelque chose ici, et après il touche pas le matériau conducteur et du coup le circuit est ouvert et la lampe ne peut pas briller. » Pour que le fonctionnement de l’interrupteur soit effectif, l’élève 1 précise que l’on doit « refermer » la lampe de poche. Les questions adressées à l’élève 1 en fin d’entretien montrent que la conception unifilaire du courant n’est pas totalement franchie, c’est seulement en insistant que l’élève 1 réalise que le courant circule pour retourner dans la pile, qu’il ne s’arrête pas à la lampe pour la faire briller. Quand on compare les conceptions initiales et finales de l’élève 1, il apparaît que ce dernier est plus à l’aise avec les notions lors de la deuxième vidéo. Il explique davantage le fonctionnement de la lampe de poche qu’il a, globalement, mieux compris. L’élève 1 a donc construit au cours de cette séquence une première représentation du circuit électrique même si sa fausse conception initiale n’est pas totalement abandonnée.
Cas de l’élève 2
Analyse des deux entretiens préalables au déroulement de la séquence
Dans la première vidéo de l’élève 2, la notion de circuit électrique n’apparaît pas, il est conscient des composants : « la pile », « le petit bouton » qu’il nomme ainsi à la place de l’interrupteur, la « petite lampe », mais n’aborde pas la façon dont la pile est reliée à la lampe et à l’interrupteur, il n’explique pas la façon dont les éléments interagissent ensemble. Son raisonnement n’est pas systémique. Sa dernière phrase résume sa pensée « La lampe de poche peut s’activer en appuyant avec des boutons et elle peut marcher avec une pile. Et il faut un bouton pour allumer la lampe. »
Analyse de l’entretien après la séquence
Lors de la seconde vidéo, l’élève 2 a encore du mal à préciser le rôle de la pile, il ne représente pas ses bornes, on voit qu’il n’est pas sûr de la façon dont la pile intervient dans le circuit « Ça c’est l’interrupteur qui est là qui fait briller la lampe. La pile elle n’a pas ses trucs comme ça (parle de ses bornes) parce que, parce que … ces trucs comme ça qui sont un peu penchés ils sont ici je crois (comme si les fils étaient reliés à l’interrupteur et à un autre matériau). Et du coup ça donne à l’interrupteur de marcher, c’est pour ça que la lampe, elle brille.» Lorsqu’on lui propose de lui réexpliquer en situation, il accepte ces explications. L’élève 2 a saisi le rôle de l’interrupteur qui permet l’ouverture ou la fermeture du circuit, mais a du mal à être précis dans ses phrases. Ainsi, quand on lui demande ce que l’interrupteur permet de faire au circuit, il répond : « De fermer la lampe ». Or, c’est incorrect, l’interrupteur permet de fermer le circuit et la lampe ne brille plus. L’élève 2 fait un raccourci dans ses propos qui deviennent confus. De même, à la question : « Comment tu fais si tu veux allumer ou éteindre la lampe ? », il répond qu’on peut fermer ou ouvrir le courant. Ce n’est, cependant, pas le courant, mais bien le circuit qu’on peut ouvrir ou fermer. La définition de matériau conducteur n’est pas très bien maîtrisée non plus, puisqu’il les définit comme « des objets en fer qui marchent ». Il a donc réduit l’ensemble des métaux au fer, ce que l’on retrouve dans d’autres témoignages d’élèves, et utilise le verbe « marcher » pour dire que le courant circule, ceci étant surement dû au langage courant de « la lampe marche ».
En ce qui concerne l’élève 2, on peut dire que la notion du circuit électrique de la lampe de poche est en cours de construction, qu’elle a évoluée, mais que le nouveau vocabulaire n’est pas encore assimilé, car il ne fait peut être pas suffisamment sens pour lui.
Cas de l’élève 3
Analyse des deux entretiens préalables au déroulement de la séquence
Sur le dessin de l’élève 3, on constate qu’il a matérialisé des liens –peut être des fils- entre des composants métalliques et l’interrupteur qu’il qualifie de « bouton », il explique aussi que le circuit « marche avec la batterie », vocabulaire qu’il utilise plutôt que le mot « pile ». Il a donc conscience de la présence de composants électriques, mais ne comprend pas le fonctionnement du circuit.
Analyse de l’entretien après la séquence
Par la suite, l’élève 3 utilise le mot « pile » dans son vocabulaire actif ce qui est déjà un acquis. Il parle plus longtemps, car il a compris plus de choses et a davantage d’explications à apporter. On voit, cependant, qu’il a du mal à réinvestir les leçons vues en classe sur la lampe de poche, notamment en ce qui concerne l’interrupteur, qu’il appelle toujours « bouton », et qui ne ressemble pas à celui utilisé dans les circuits en classe. L’élève 3 réussit, en étant guidé, à « faire le chemin » du circuit électrique avec son doigt, mais il ne le finit pas, malgré le fait qu’il dise qu’il a oublié de matérialiser les fils qui partaient de la pile et que le circuit est fermé quand la lampe est allumée. La conception du circuit électrique de l’élève 3 a changé, ses explications sont plus précises et son vocabulaire est plus adapté. Il semble mieux comprendre le lien entre l’interrupteur, les « matériaux en métal », la pile et la lampe, mais a du mal à représenter le circuit, puisqu’il a choisi
de dessiner la lampe de poche ouverte. Nous avions conseillé aux élèves de dessiner la lampe de poche fermée, mais comme si elle était transparente et que l’on pouvait voir son circuit.
Cas de l’élève 4
Analyse des deux entretiens préalables au déroulement de la séquence
Lors du premier entretien, l’élève 4 a déjà conscience qu’il faut un contact entre l’interrupteur (mais ne le nomme pas, il le désigne simplement) et la pile, pour permettre à la lampe de poche « de marcher », que « ça éclaire » et que « ça donne de l’électricité ». L’élève 4, ayant des difficultés à trouver les mots justes, utilise beaucoup le pronom démonstratif « ça ». Il sait aussi que l’électricité vient de la pile. Il utilise alternativement les termes de « batterie » et de « pile » pour désigner la « pile ».
Analyse de l’entretien après la séquence
Par la suite, l’élève 4 fait évoluer ses explications, le rôle de l’interrupteur est plus précis : « E : Et l’interrupteur, il sert à quoi ici ?
Élève 4 : Il sert à… quand tu baisses euh, en fait, je pouvais pas dessiner, quand tu baisses cette
partie là, c’est coupé là, c’est coupé. […]
Élève 4 : Et le circuit il est ouvert. »
Il explique bien ce que sont les matériaux conducteurs et sait différencier, en justifiant, un circuit fermé d’un circuit ouvert. Son dessin, est, par ailleurs, bien fait, il réussit à s’en servir pour expliquer le circuit de la lampe de poche, alors qu’il avait dû recourir à la lampe de poche elle-même lors de la première vidéo.
On peut donc dire que l’élève 4 a une bonne représentation du circuit électrique. Sa conception de la circulation du courant est juste. Seul bémol, il utilise encore le terme « batterie » pour désigner la pile à la fin du deuxième entretien.
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Table des matières
Remerciements
1. Introduction
2. Le cadre théorique
2.1 Les difficultés des élèves
2.1.1 La notion de conception
2.1.2 Les représentations initiales
2.2 La démarche d’investigation
2.2.1 Le rôle du questionnement porteur de sens
2.2.2 Le rapport au savoir intervient dans la démarche utilisée
2.2.3 Les pratiques langagières et l’importance de l’argumentation orale
3. Construction d’une séquence pour notre étude
3.1 Compétences visées au terme de la séquence
3.2 Démarche générale de construction de la séquence
3.3 La mise en projet et les liens entre les disciplines
3.4 Dispositifs mis en place pour valider ou non l’hypothèse de la conceptualisation du circuit électrique des élèves
4. Analyse et discussion
4.1 Analyse des conceptions initiales et finales de différents élèves
4.1.1 Contexte de recueil des représentations initiales
4.1.2 Cas de l’élève 1 (cf annexe deux)
4.1.3 Cas de l’élève 2
4.1.4 Cas de l’élève 3
4.1.5 Cas de l’élève 4
4.1.6 Cas de l’élève 5
4.1.7 Cas de l’élève 6
4.1.8 Cas de l’élève 7
4.1.9 Cas de l’élève 8
4.1.10 Cas de l’élève 9
4.2 Les facteurs de l’évolution des conceptions
4.2.1 Des facteurs qui limitent cette évolution
4.2.2 Des facteurs qui aident cette évolution
4.3.1 Rôle de la cinquième séance
5. Conclusion
6. Bibliographie
Annexe un : La démarche d’investigation, La main à la pâte
Annexe deux : transcriptions des entretiens
1- Entretien de l’élève 1
2- Entretien de l’élève 2
3- Entretien de l’élève 3
4- Entretien de l’élève 4
5- Entretien de l’élève 5
6- Entretien de l’élève 6
7- Entretien de l’élève 7
8- Entretien de l’élève 8
9- Entretien de l’élève 9
Annexe trois : Séquence réalisée
Annexe quatre, cinq et six : exemples de plateaux de jeu
Annexe sept : attendu de réalisation des élèves
Annexe huit : fiche de préparation remaniée séance cinq
Annexe dix : affiches d’élèves lors de la mise en commun de la séance quatre …..
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