Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Emission moléculaire
Les études concernant l’évolution de l’émission de gaz en fonction de la dose, dans les polymères, sont moins nombreuses que celles concernant l’évolution des défauts créés dans la chaîne. Comme en ce qui concerne les doubles liaisons, la diminution de l’émission gazeuse dans les polyoléfines irradiées en atmosphère inerte peut être attribuée à la modification des transferts d’énergie dans les chaînes et entre les chaînes du polymère, par les défauts précédemment créés aux doses plus faibles et agissant comme des pièges. Cette hypothèse est en accord avec l’efficacité considérable de piégeage de l’exciton par des impuretés insérées de manière aléatoire dans la chaîne de polymère [48-51]. Elle est également en accord avec la diminution de observée après addition de molécules radio-résistantes dans les polymères, soit dans le volume du polymère, soit dans la chaîne par copolymérisation [52-56].
L’hypothèse du piégeage d’énergie vers les défauts radio-induits a été retenue dans des études récentes pour expliquer la forte diminution du rendement radiochimique, , observée dans le PE [3], dans un EPDM 1,4-hexadiène (terpolymère d’éthylène, propylène et diène) [57] ou dans un polyuréthane [58], lorsque la dose augmente. Les trans-vinylènes étant, avec les réticulations, les défauts majoritairement créés dans le PE irradié en atmosphère inerte, T. Seguchi [3] a proposé une analyse intéressante mais partielle sur l’effet protecteur de ces insaturations sur l’émission d’hydrogène dans le polyéthylène.
Mécanismes de transferts d’énergie dans les polymères
Les espèces élémentaires (excitations, électrons, ions), créées dans la macromolécule par irradiation, peuvent être capturées par les accepteurs d’énergie et les charges qui agissent ainsi comme des pièges. Les pièges peuvent être des groupements chimiques composant le matériau, des additifs ou des impuretés. En fonction de la nature du piège, la capture de l’énergie ou des charges par le piège peut, soit favoriser, soit réduire les effets des rayonnements. Dans le premier cas, la molécule réceptrice est moins stable que les molécules environnantes, elle devient chimiquement active après absorption d’énergie et réagit avec celles-ci, facilitant ainsi leur dégradation. Dans le deuxième cas, l’accepteur peut agir selon deux schémas : il peut, soit faciliter la dissipation de l’énergie, soit subir une transformation monomoléculaire avec formation de produits stables. Les transferts d’énergie et de charge influencent donc la concentration locale d’espèces actives, la dissipation de l’énergie d’excitation et par conséquent la stabilité sous rayonnements ionisants.
Dans le cadre du présent travail, le terme transferts d’énergie inclut tant les transferts d’espèces (charges, radicaux) que les transferts de l’excitation électronique. Les transferts d’énergie intermoléculaires ont lieu par interaction entre une molécule excitée, agissant comme groupement donneur, et un groupement accepteur. Différents modes de transferts d’énergie sont proposés dans les polymères [59]. Il s’agit 1) des transferts non radiatifs de l’excitation électronique, 2) des transferts d’espèces (charges et radicaux) et 3) des transferts radiatifs qui, dans la majorité des cas, sont marginaux mais doivent être pris en compte en présence de cycles aromatiques.
Les transferts intermoléculaires non radiatifs de l’excitation électronique peuvent se faire, soit par résonance (par échange ou par induction), soit suivant le mécanisme du transfert des excitons moléculaires.
L’échange par résonance requiert un recouvrement d’orbitales. Il a lieu sur une distance de l’ordre de 1 nm et concerne donc préférentiellement des groupements très proches. Par conséquent, seules les excitations créées dans l’environnement proche des pièges seront concernées. L’induction par résonance est un mécanisme de type dipôle-dipôle. Pour que ce type de transfert ait lieu, il est nécessaire qu’il y ait recouvrement entre le spectre d’absorption de l’accepteur et le spectre d’émission du donneur. Ce type de transferts doit donc normalement intervenir entre des molécules dissimilaires, c’est-à-dire qu’ils se feront difficilement entre un groupement excité donné et le même groupement à l’état fondamental.
Le transfert d’excitons ne peut avoir lieu que si le temps de relaxation de l’énergie d’excitation est plus important que le temps de transfert. La propagation de l’exciton est de nature diffusive. La mobilité de l’exciton, de même que la probabilité de capture par les pièges, sont les caractéristiques prépondérantes du mécanisme de transfert d’énergie par exciton. Suite à des travaux tant expérimentaux que théoriques, Partridge [1, 60, 61] a proposé un modèle de migration de l’exciton qui stipule que dans les alcanes linéaires,
– Les excitations se divisent en deux parties, une (1/3) localisée sur les liaisons C-H et l’autre (2/3) qui se transfère rapidement, d’une liaison C-C à l’autre, le long de la chaîne, sur des distance de l’ordre de 1 500 Å ;
– La localisation de l’excitation sur les C-H conduit à la scission desdites liaisons, entraînant la formation de radicaux H° ;
– L’excitation migrant rapidement le long de la chaîne peut être piégée par des défauts ou des additifs si ceux-ci possèdent une forte absorption dans la gamme 7,5-9 eV.
– La migration de l’excitation se fait sur une même macromolécule, tant dans les régions cristallines que dans les zones amorphes. La probabilité de passer d’une chaîne à l’autre étant faible, le transfert d’énergie doit dépendre de la longueur de la chaîne. Les transferts interchaînes sont donc considérés minimes, voire inexistants.
Le quatrième point ci-dessus peut être discuté. En effet, d’après les travaux de M. Ferry [33] sur le comportement sous rayonnements ionisants de copolymères éthylène-styrène et de cibles cryogéniques cyclohexane/benzène, les transferts interchaînes sont aussi efficaces que les transferts intrachaîne.
Les transferts de charges dans les polymères sont de type électronique (transferts d’électrons ou de charges positives isolées) ou ionique (transferts de protons ou d’espèces ayant des masses plus élevées). Les pièges peuvent capturer les électrons secondaires émis lors de l’ionisation des macromolécules. S’ils possèdent des atomes d’hydrogène réactifs, ils peuvent transférer une charge négative avec l’atome d’hydrogène. L’ion formé sur le polymère se transforme d’abord en excitation puis en radical. Inversement, certains pièges dépourvus d’atomes d’hydrogène réactifs peuvent capturer des atomes d’hydrogène de la matrice. L’efficacité de ces réactions dépend alors de l’affinité radicalaire du piège.
Conclusion partielle sur le comportement sous rayonnements ionisants du polyéthylène
L’hypothèse actuellement retenue pour expliquer la stabilisation de la création des insaturations dans les polyoléfines simples irradiées à température ambiante et en atmosphère inerte est le transfert de l’énergie d’excitation électronique vers ces dernières, sans aucune préoccupation de leur devenir. La même hypothèse peut être appliquée pour expliquer le ralentissement de dans le polyéthylène. En revanche, lors des irradiations à température ambiante, les transferts de charge ne peuvent être découplés des transferts d’excitation. Par conséquent, dans la suite de ce document, le terme transferts d’énergie englobera tant les transferts d’excitation que les transferts de charge.
Si l’on se base sur la théorie de l’exciton développée par R. H. Partridge, seuls les 2/3 des excitations créées, c’est-à-dire la fraction migrant le long de la chaîne, devrait être impliquée dans le transfert vers les défauts radio-induits. Le rendement radiochimique d’émission de dihydrogène, , à saturation dans le PE irradié ne devrait donc pas être inférieur au tiers du rendement du même défaut aux très faibles doses, .
Synthèse de PE contenant des C=C trans-vinylènes (PEs)
Le but de ce travail est d’étudier l’influence des insaturations C=C de type trans-vinylène (TV) dans la réduction de , dans le PE, lorsque la dose d’irradiation augmente. Les PEs nécessaires à cette étude doivent présenter certaines caractéristiques essentielles. Lorsque le PE est irradié à très forte dose sous atmosphère inerte avec des ions lourds, la concentration en défauts de type trans-vinylène sature à la valeur de 1 mol.kg-1 [62]. La concentration maximale insérée en C=C de type TV doit donc être au moins égale à 1 mol.kg-1.
Les PEs d’intérêt doivent également avoir une masse molaire moyenne en nombre, ̅ , suffisamment élevée et un indice de polydispersité, , voisin de 1,2 pour minimiser les effets des bouts de chaînes dans les phénomènes de transferts d’énergie. La valeur minimale de ̅ souhaitée est de 50 000 g.mol-1. Pour la même raison, la concentration en ramifications (groupements latéraux) doit également être limitée. Les PEs doivent donc être des polymères linéaires de masses molaires moyennes en nombre élevées.
Pour synthétiser les PEs linéaires portant des doubles liaisons C=C de type trans-vinylène, deux méthodes ont été envisagées. La première méthode concerne la copolymérisation aléatoire d’éthylène et de butadiène, avec variation du taux d’insertion du comonomère butadiène. La seconde méthode concerne la polymérisation trans-stéréospécifique de butadiène, suivie d’une hydrogénation partielle des insaturations présentes dans le polybutadiène (PB) obtenu.
La première section de cette partie rappelle quelques généralités sur la polymérisation des diènes conjugués et la microstructure des polydiènes. Les deuxième et troisième sections sont les synthèses bibliographiques des deux méthodes envisagées pour synthétiser les PEs.
|
Table des matières
Introduction générale
Bibliographie
I. Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
I. Interaction rayonnement-matière : aspects généraux
1. Terminologie de l’irradiation
a) Pouvoir d’arrêt
b) Parcours projeté de la particule dans la cible
c) Fluence et flux
d) Dose et débit de dose
e) Rendement radiochimique
2. Interactions photons-matière
a) L’effet photoélectrique
b) L’effet Compton
c) Création de paires électron-positon
d) Importance relative des différents processus
3. Interactions électrons-matière
a) Collisions inélastiques avec les électrons des atomes de la cible
b) Collisions nucléaires
c) Rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)
d) Rayonnement Cerenkov
4. Interactions ions lourds-matière
a) Pouvoir d’arrêt et vitesse de l’ion incident
i. Domaine des hautes vitesses :
ii. Domaine des vitesses intermédiaires :
iii. Domaine des basses vitesses :
b) Structure spatiale et temporelle du dépôt d’énergie
i. Structure spatiale du dépôt d’énergie
ii. Structure temporelle du dépôt d’énergie
II. Comportement des polymères d’intérêt sous rayonnements ionisants
1. Comportement sous rayonnements ionisants du polyéthylène aux faibles doses
a) Les espèces primaires
b) Les défauts macromoléculaires
i. Scissions de chaînes et réticulations
ii. Insaturations
c) Emission moléculaire
2. Evolution de la concentration en défauts en fonction de la dose déposée
a) Les défauts macromoléculaires
b) Emission moléculaire
3. Mécanismes de transferts d’énergie dans les polymères
4. Conclusion partielle sur le comportement sous rayonnements ionisants du polyéthylène
III. Synthèse de PE contenant des C=C trans-vinylènes (PEs)
1. Quelques généralités sur les polymères et la polymérisation
a) Grandeurs caractéristiques des polymères
b) Types et mécanismes de polymérisation
c) Microstructure des polydiènes
d) Caractère vivant et contrôlé de la polymérisation en chaîne
2. Synthèse des PEs
a) Copolymérisation éthylène-butadiène
b) Polymérisation trans-stéréospécifique du butadiène suivie d’une hydrogénation partielle
i. Polymérisation de l’isoprène et du butadiène
Polybutadiène-1,4-cis
Polybutadiène-1,4-trans
Polyisoprène-1,4-trans
ii. Hydrogénation des polydiènes
Etude cinétique de l’hydrogénation des polydiènes
Hydrogénation quantitative et régiosélective des polydiènes
IV. Conclusion, orientation de l’étude
Bibliographie
II. Chapitre 2 : Dispositifs expérimentaux d’analyse et d’irradiation
I. Techniques et dispositifs expérimentaux
1. Techniques de caractérisation des matériaux
a) La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN)
i. Principe
ii. Conditions d’acquisition des spectres
b) La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF)
i. Principe
ii. Instrumentation
iii. Conditions d’acquisition des spectres
c) La chromatographie d’exclusion stérique (SEC)
d) DSC-ATG
e) La spectrométrie de masse
i. Principe de la spectrométrie de masse
ii. Analyse in situ
iii. Analyse ex situ : MAT 271
2. Dispositifs expérimentaux d’analyse en ligne
a) CESIR
i. Dispositif expérimental
ii. Détermination des concentrations en défauts radio-induits
b) CIGALE
i. Dispositif expérimental
La rampe de mélange :
La cellule d’irradiation :
La chambre d’analyse :
ii. Procédure de traitement des données
II. Mise en forme et caractérisation des échantillons
1. Mise en forme des polymères
a) Pressage à chaud
b) Spin-coating
2. Détermination de l’épaisseur des films de polymères
3. Cas des films déposés sur substrat : polybutadiène 1,4-trans-stéréorégulier
III. Irradiation : caractéristiques des faisceaux et conditions d’irradiation
1. Faibles TEL
a) Dosimétrie CESIR
b) Dosimétrie CIGALE
2. Irradiations aux ions
a) Ligne IRASME
b) Ligne IRABAT
3. Conditions d’irradiation
4. Calculs des rendements radiochimiques
IV. Conclusion
Bibliographie
III. Chapitre 3 : Synthèse des matériaux
I. Synthèse du polybutadiène 1,4-trans-stéréorégulier
1. Polymérisation de l’isoprène
2. Transposition isoprène-butadiène
3. Synthèse du polybutadiène en grande quantité
a) Purification du butadiène
b) Purification du système réacteur avant la polymérisation
c) Réaction de polymérisation
II. Hydrogénation du polybutadiène
III. Caractérisation des polybutadiènes et des polyéthylènes
1. Les polybutadiènes
a) Structure et composition chimique
b) Longueur des chaînes
c) Caractérisation par spectroscopie IRTF
d) Propriétés thermiques
2. Les polyéthylènes modifiés (PEs)
a) Caractérisation des PEs par spectroscopie IRTF
b) Concentrations en C=C dans les PEs
c) Taux de groupes latéraux
d) Caractérisations thermiques
IV. Conclusion
Bibliographie
IV. Chapitre 4 : Polyéthylènes sous rayonnements ionisants : résultats expérimentaux
I. Irradiations avec des rayonnements ionisants de faibles TEL
1. Suivi des insaturations radio-induites
a) Les insaturations de type trans-vinylène : TV
b) Les insaturations de type vinyle : V
2. Emission gazeuse
a) Rendement initial en hydrogène
b) Evolution du rendement en hydrogène en fonction de la dose
c) Influence des C=C de type TV sur GH2
3. Les réticulations
4. Conclusion partielle sur les irradiations à faibles TEL
II. Irradiations avec des rayonnements de forts TEL
1. Suivi des insaturations radio-induites
a) Les insaturations de type trans-vinylène : TV
b) Les insaturations de type vinyle : V
2. Emission gazeuse
a) Rendement initial en hydrogène
b) Evolution du rendement radiochimique d’émission d’hydrogène en fonction de la dose
c) Influence des C=C de type TV sur GH2
3. Les réticulations
4. Conclusion partielle sur les irradiations avec des ions lourds
III. Effet de TEL
1. Effet de TEL sur les insaturations
a) Effet de TEL sur les insaturations trans-vinylènes
b) Effet de TEL sur les insaturations vinyles
2. Effet de TEL sur l’émission gazeuse
a) Rendement radiochimique initial
b) Evolution du rendement radiochimique d’émission de H2 en fonction de la dose
c) Effet de TEL sur la radio-stabilisation par les TV
3. Effet de TEL sur les réticulations
4. Conclusion partielle sur l’effet de TEL
IV. Comportement sous rayonnements ionisants du polybutadiène 1,4-transstéréorégulier
1. Suivi des insaturations radio-induites
a) Les insaturations de type trans-vinylène : TV
b) Les insaturations de type vinyle : V
2. Emission gazeuse
3. Conclusion partielle sur l’irradiation du PB
V. Conclusion
Bibliographie
V. Chapitre 5 : Discussion – modélisation
I. Modèles phénoménologiques
1. Création-destruction
2. Création diminuée
3. Création diminuée et destruction
4. Cas du PE ATO 2,39 mol/kg
5. Conclusion partielle
II. Modèle cinétique
1. Présentation du modèle cinétique
2. Equations différentielles
a) Etat excité
b) Hydrogène
c) Radical alkyle
d) Groupement C2H4
e) Insaturation trans-vinylène
f) Réticulation
3. Valeurs numériques des constantes
4. Validation du modèle
III. Comparaison du modèle phénoménologique « création diminuée destruction » avec le modèle cinétique
IV. Conclusion du chapitre
Bibliographie
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
1. Annexe 1 : Modélisation des signaux de spectrométrie de masse CIGALE
2. Annexe 2 : Description du réacteur de polymérisation
3. Annexe 3 : Calcul de [C=C] à partir du taux de C=C
4. Annexe 4 : Résolution analytique de l’équation différentielle de [TV] dans le cas de la création diminuée
5. Annexe 5 : Démonstration des approximations des états quasi-stationnaires pour l’espèce excitée et pour les radicaux alkyles
6. Annexe 6 : Article accepté le 15 septembre 2013, publié en décembre 2013
Télécharger le rapport complet