Présentation du montage
Description des différents éléments
Le dispositif expérimental, schématisé ci-dessus, est constitué d’une plaque de verre (longueur : 150 cm, largeur : 37 cm, épaisseur : 5.8 mm) montée sur un bâti en Norcan permettant de modifier l’angle d’inclinaison β. Sur les bords, la plaque est encastrée dans les rainures du Norcan ; des cales permettent d’éviter que le liquide ne s’écoule au sein de ces rainures. Le bac d’entrée a pour dimensions 15 cm (longueur) × 15 cm (hauteur) × 37 cm (largeur) et alimente le plan incliné en liquide par débordement. L’arrivée de liquide dans ce bac d’entrée se fait en plusieurs points comme représenté sur le schéma (le nombre d’arrivées est de 7). Afin d’homogénéiser l’écoulement selon la largeur, nous avons disposé plusieurs éléments au fond du bac : billes de verre de diamètre 6 mm et 10 mm, grille alvéolée (taille des alvéoles : 2 mm) et grille à motif carré de 15 mm de côté. En bout de plan, le liquide est collecté dans un bac de récupération. Il est ensuite réinjecté dans le bac d’entrée par l’intermédiaire de tuyaux souples (diamètre : 16 mm) et d’une pompe à engrenages Almo (modèle MTA 71K2, vitesse : 2730 tr/min). Le volume total de liquide dans le circuit est d’environ 35 L. Enfin, un dispositif ad-hoc permet de réaliser un forçage harmonique des ondes en entrée (figure 1.2b). Celui-ci utilise deux haut-parleurs Monacor (modèle SP-60/4). Nous avons collé sur leurs membranes deux plots en Plexiglas de longueur 3 cm de manière à transmettre les vibrations à une plaque en Aluminium de dimensions 7 cm (longueur) × 36 cm (largeur) solidaire de ces plots. Un système de guidage permet d’assurer la cohérence mécanique du dispositif. Les oscillations de la plaque engendrent des variations de pression à la surface du liquide ce qui suffit à former des ondes à la fréquence imposée. Nous soulignons ici que la plaque n’est pas en contact avec la surface libre du liquide dans le bac d’entrée.
Méthodes de mesure par ombroscopie
L’ombroscopie nous a permis d’obtenir des visualisations des ondes avec une caméra matricielle .
Visualisation des ondes
L’ombroscopie consiste à éclairer la surface du film liquide en lumière rasante à l’aide d’une source de lumière blanche. La source utilisée, de la marque Nachet (modèle n ◦154, puissance : 150 W), est dotée de deux fibres optiques semi-rigides qui peuvent être orientées de manière à optimiser l’éclairage. En disposant une plaque de couleur claire et mate sous la plaque de verre, nous observons des zones claires et sombres. Celles-ci correspondent aux creux et aux bosses des ondes car la technique est sensible à la dérivée seconde de l’indice de réfraction et donc à la courbure de l’interface. La visualisation s’- effectue par le dessus grâce à une caméra fixée sur un bâti en Norcan. Certains essais ont été réalisés avec la caméra CCD Sony XCD-X710 (dynamique : 8-bit, résolution : 1024 × 768 pxls, cadence : 30 Hz). Cependant, il n’est pas possible de régler manuellement le temps d’exposition sur cette dernière. Nous nous sommes donc tournés vers les modèles de caméra CMOS pco.1200hs (10 bit, 1280 × 1024 pxls, 636 Hz) et sCMOS pco.edge (16 bit, 2560 × 2160 pxls, 100 Hz). Les objectifs photographiques utilisés ont été selon les cas un Nikon 50 mm f1.8 ou un 105 mm f2.0. La figure 1.4 représente un exemple d’image obtenue avec cette technique. Grâce au forçage en entrée, nous observons le développement d’ondes à plusieurs bosses séparées entre elles par des portions de film où la pente varie peu (faible courbure). L’apparition d’une instabilité secondaire tridimensionnelle est également visible .
Mesures de vitesse de phase
L’ombroscopie avec une caméra matricielle permet de déterminer des grandeurs quantitatives comme la longueur d’onde dans la direction de l’écoulement ou la vitesse de phase. Cependant, il nous est apparu plus facile d’utiliser une caméra linéaire afin d’automatiser le traitement. L’acquisition se fait selon une ligne de pixels orientée selon l’axe central du canal dans le sens de l’écoulement et les images brutes sont directement des diagrammes spatio-temporels. Nous avons utilisé une caméra linéaire Basler spL4096- 39km (12-bit, 4096 pxls, 38600 Hz) munie d’un objectif Sigma 28 mm f1.8. La figure 1.5a représente un exemple de diagramme spatio-temporel ainsi obtenu. Ces diagrammes ont le temps en ordonnée, de haut en bas, et la position le long du plan en abscisse, de droite à gauche (l’origine est donc le coin en haut à droite). L’espacement vertical entre les lignes est la période temporelle T du train d’ondes, l’espacement horizontal est la longueur d’onde spatiale λx et la pente des lignes est directement reliée à la vitesse de phase c. Nous distinguons également sur ces diagrammes la série d’ondes capillaires qui accompagne l’onde principale . Le programme de traitement que nous avons développé sous Matlab permet de calculer T, λx et c sur une image (soit une dizaine d’ondes) de manière à extraire des quantités moyennes représentatives. L’algorithme optimise d’abord le contraste de l’image (fonction imadjust) puis effectue une détection de contraste (fonction edge). La détection de lignes proprement dite utilise la méthode de la transformée de Hough, très utilisée en traitement d’images (routines Matlab hough, houghpeaks et houghlines). Le nombre de lignes obtenu dans un premier temps est de l’ordre de 1000 : ces lignes sont rangées dans un tableau et caractérisées par leur représentation polaire (r, θ). Afin de calculer des valeurs moyennes pertinentes, il faut se ramener à une seule ligne par onde : cette opération est réalisée en supprimant les « doublons » dans le tableau (conditions ad hoc de type |r1 − r2| < ∆r, |θ1 − θ2| < ∆θ avec ∆r et ∆θ bien choisis). La figure 1.5b représente un exemple d’image traitée : les points blancs sont les résultats de la détection de contraste, les lignes obtenues après application de la transformée de Hough et suppression des doublons sont tracées en vert. Les incertitudes sur les valeurs de c ne sont pas reportées mais celles-ci dépassent rarement ± 2 %
Méthodes de mesure d’épaisseur
Nous allons maintenant présenter les méthodes de mesure d’épaisseur utilisées. Nous commencons par établir un bref état de l’art des techniques existantes dans la littérature afin de mieux comprendre les raisons qui ont motivé notre choix .
Etat de l’art
La méthode de mesure d’épaisseur la plus simple est celle qui consiste à approcher une aiguille montée sur une platine micrométrique de la surface du film liquide. L’aspect délicat de cette technique est la détection précise du contact entre l’aiguille et la surface. Nosoko et al. (1996) ont utilisé un faisceau laser qui passe par le point de contact supposé, traverse le film puis est projeté sur un écran. Lorsqu’il y a contact, l’image du faisceau s’élargit en raison de la déformation du film induite par l’aiguille. Dans le cas de liquides conducteurs, Koskie et al. (1989) ont équipé la paroi opposée d’une électrode de sorte que le contact entraîne la fermeture du circuit électrique. Cette méthode de contact d’une aiguille est adaptée pour des films d’épaisseur constante ou pour mesurer l’amplitude des ondes. Il est difficile, cependant, de réaliser plusieurs mesures consécutives en raison du ménisque qui peut se former au niveau du point de contact (phénomène d’hysteresis).
Il existe de nombreuses techniques de mesure temporelle d’épaisseur en un point. Une première consiste à mesurer le temps de parcours aller-retour d’une onde ultrasonore émise par une sonde placée sous la paroi. L’intervalle de temps entre les deux signaux reçus, provenant de l’interface liquide/paroi et liquide/air, permet de remonter facilement à l’épaisseur du film. Cette technique non-intrusive a une très bonne cadence d’acquisition (10 kHz) mais une précision relativement faible (demi longueur d’onde ultrasonore soit 75 µm dans l’étude de Kamei et Serizawa (1998) par exemple). Il existe par ailleurs une erreur supplémentaire lorsque l’interface n’est pas plane.
Une deuxième technique consiste à mesurer la conductance électrique du film dans le cas d’un liquide conducteur. La conductance (inverse de la résistance) est proportionnelle à l’épaisseur lorsque cette dernière est petite devant la distance entre les deux sondes composant l’électrode. Cette méthode est intrusive car l’une des deux sondes est en contact avec le liquide. D’après Karapantsios et al. (1989) et Chu et Dukler (1974), elle possède une bonne précision (20-25 µm) et une haute cadence d’acquisition (250-500 Hz). Il est possible d’utiliser plusieurs sondes afin de mesurer des vitesses de phase par exemple mais il faut faire attention à l’interaction entre les champs électriques des différentes sondes. Une troisième technique, similaire à la précédente, constitue la mesure par sonde capacitive (Roy et Jain (1989), Tihon et al. (2006)). Les deux électrodes sont disposées de part et d’autre du film liquide (l’une au sein de la paroi et l’autre dans l’air). La grandeur mesurée est la capacité électrique du film et de la couche d’air surjacente. La contribution du liquide est négligeable en raison de la différence entre les constantes diélectriques : c’est donc l’épaisseur de la couche d’air qui est mesurée. Cette méthode est très populaire en raison de son caractère non-intrusif et du fait qu’elle ne nécessite pas de fluide conducteur. Elle possède une bonne précision (10 µm) et cadence d’acquisition (500 Hz). La calibration des sondes, toutefois, peut s’avérer complexe. Une quatrième technique, également très populaire, utilise les propriétés d’absorption des rayons lumineux par un milieu transparent. Mouza et al. (2000) mesurent l’atténuation d’un faisceau laser traversant un film liquide coloré grâce à une solution de bleu de méthylène. D’après la loi de Beer-Lambert, l’intensité transmise IT s’écrit en fonction de l’intensité incidente I0, du coefficient d’absorption du milieu α et de l’épaisseur h : IT = I0 e−αh . Il est donc très facile de remonter à h après une calibration préalable permettant de déterminer la valeur de α. Cette technique possède une très bonne cadence (1-10 kHz) et précision (10 µm). Zaitsev et al. (2003) utilisent une technique similaire mais en réflexion cette fois ce qui pose le problème de la non-planéité de l’interface.
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Table des matières
Introduction
1 Dispositif expérimental : film liquide tombant
1.1 Présentation du montage
1.1.1 Description des différents éléments
1.1.2 Paramètres expérimentaux
1.2 Méthodes de mesure par ombroscopie
1.2.1 Visualisation des ondes
1.2.2 Mesures de vitesse de phase
1.3 Méthodes de mesure d’épaisseur
1.3.1 Etat de l’art
1.3.2 Méthode Schlieren
1.3.3 Méthode CCI
1.4 Conclusion
Annexe A – Propriétés de l’eau, des mélanges eau-glycérine/butanol
Annexe B – Méthode Schlieren : temps d’exposition
Annexe C – Méthode Schlieren : fenêtre d’interrogation
2 Dynamique 2D d’un film liquide tombant
2.1 Présentation des outils numériques
2.1.1 Notations et paramètres adimensionnels
2.1.2 Equations de base et hypothèses de modélisation
2.1.3 Modèles à une équation
2.1.4 Modèles à deux équations
2.1.5 Calcul des solutions stationnaires
2.1.6 Simulations spatio-temporelles
2.2 Ondes forcées
2.2.1 Deux principales familles d’ondes
2.2.2 Familles hybrides, stabilité et sélection
2.2.3 Corrélations de vitesse
2.3 Ondes naturelles
2.3.1 Etat de l’art
2.3.2 Ondes optimales courtes
2.3.3 Ondes optimales longues
2.4 Conclusion – Perspectives
Annexe A – Corrélation empirique pour la vitesse
Annexe B – Données brutes et comparaison expérience/modèle
Annexe C – Courbes supplémentaires pour les ondes optimales
3 Instabilités 3D d’un film liquide tombant
3.1 Modes d’instabilités 3D des ondes solitaires
3.1.1 Mode capillaire et mode inertiel : article à paraître dans J. Fluid Mech
3.1.2 Troisième mode d’instabilité
3.1.3 Evolution non linéaire du mode inertiel
3.2 Deux points supplémentaires
3.2.1 Mode d’instabilité synchrone des ondes γ1
3.2.2 Simulations numériques directes
3.3 Conclusion – Perspectives
4 Film liquide cisaillé par un contre-écoulement d’air
4.1 Etat de l’art
4.2 Dispositif expérimental
4.2.1 Description du montage
4.2.2 Contrôle des conditions d’entrée et de sortie
4.2.3 Caractérisation de l’écoulement de gaz
4.3 Influence du contre-écoulement sur les ondes 2D
4.3.1 Forme des profils d’ondes stationnaires
4.3.2 Vitesse, amplitude et épaisseur moyenne des ondes
4.3.3 Forçage et instabilité secondaire 2D
4.4 Influence du contre-écoulement sur les ondes 3D
4.4.1 Mode capillaire
4.4.2 Mode inertiel
4.5 Transition à l’engorgement
4.5.1 Ripples
4.5.2 Slugs
4.5.3 Effet de bord : évacuation du liquide
4.6 Conclusion – Perspectives
Conclusion
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