Disharmonie de la surveillance
LBVM
Le gérant indépendant est soumis à la LBVM1, loi fondamentale depuis 1995 et comparable, pour le gérant, à la LB pour les banques. Pour y être soumis, le gérant doit exercer le rôle de négociant en valeurs mobilières. Est défini comme tel, selon l’art 2d. LBVM, « toute personne physique ou morale ou société de personnes qui, pour son compte, en vue d’une revente à court terme, ou pour le compte de tiers, achète et vend à titre professionnel des valeurs mobilières sur le marché secondaire, qui les offre au public sur le marché primaire ou qui crée elle-même et offre au public des dérivés. ». Une exigence commune à toutes les catégories de négociants est que l’activité spécifique doit se faire à titre professionnel2. À titre professionnel implique que le commerce des valeurs mobilières soit une activité économique indépendante qui vise à réaliser des revenus réguliers3. Avant l’arrivée de la LBVM, le gestionnaire pouvait placer tous ses avoirs sur un seul compte dans des rubriques séparées. Il devenait donc propriétaire fiduciaire de ces avoirs et les géraient en son nom pour le compte de ses clients. Désormais, et depuis l’entrée en vigueur de la LBVM, un négociant pour le compte de clients agit aussi à titre professionnel lorsqu’il tient des comptes ou conserve des valeurs mobilières, directement ou indirectement, pour plus de 20 clients4. Il reste possible pour le gérant indépendant de ne pas être soumis à la LBVM. Pour cela, il doit se limiter à la gestion de la fortune de ses clients, sans être négociant en valeur mobilière1.
MIFID 2
Après les normes suisses et les normes internationales, l’Union européenne a elle aussi ses réglementations à faire valoir. Récemment, et ce depuis le 3 janvier 2018, la directive européenne MIFID 2 est entrée en vigueur. Elle suit une révision de la directive MIFID. L’ensemble des acteurs financiers domiciliés dans l’Union européenne, avec un champ géographique agrandi concernant aussi les établissements financiers suisses, est impacté par cette loi, dont les GFI. Des nouvelles règles sont introduites. MIFID 2 donne lieu à des évolutions significatives dans la protection de l’investisseur, majoritairement en renforçant le système en matière de rémunération, de best execution, et de suitability. Elle vise également à encadrer les activités de trading algorithmique2 et à haute fréquence3, recentrer la négociation sur des marchés réglementés et organisés, étendre les règles de transparence, promouvoir une concurrence équitable entre les lieux d’exécution par une mise à niveau de leurs exigences organisationnelles ou encore faciliter l’accès à la compensation. Elle règle aussi la question des rétrocessions, abordée dans les sous-chapitres suivants.
En ce qui concerne l’aspect client de cette directive et conformément aux recommandations de l’ESMA1, la clientèle des acteurs financiers doit considérer aux moins les cinq critères suivants pour entrer en relation d’affaires avec un nouveau client : la nature du client, ses connaissances et son expérience, la capacité du client à supporter les pertes, leurs objectifs d’investissements ainsi que leur propension au risque. Les principaux impacts de cette directive pour les protagonistes du secteur financier, dont font partie les gérants externes, sont les mises à jour des systèmes informatiques, la formation des employés, les changements de produits et de documentations ainsi que la mesure du degré de connaissances des clients et de leurs besoins. Aussi, les gérants indépendants suisses avec une clientèle étrangère doivent faire un choix.
Ce choix consiste à n’appliquer cette loi que sur les clients domiciliés dans l’Union européenne et continuer à travailler avec le cadre légal suisse pour les clients suisses, ou d’appliquer MIFID 2 à toute leur clientèle, peu importe le lieu de domiciliation. Travailler sur deux niveaux législatifs différents peut s’avérer compliqué. Cependant, les charges et les coûts liés à l’implémentation de la législation MIFID 2 à l’ensemble de la clientèle risquent d’être trop lourds pour certains gérants indépendants. Chaque gérant doit évaluer et appliquer la meilleure option en fonction de son modèle d’affaires. Ces nouvelles règles laissent entrevoir un manque de confiance des instances européennes à l’égard du secteur financier aussi bien que de sa résolution à border au maximum les processus de création, sélection et promotion de produits financiers des banques et gestionnaires de fortune par rapport à leurs clients.
Synthèse et gestion indépendante dans ce cadre
Le cadre réglementaire suisse, pour les acteurs financiers, est déjà bien garni. Loi sur le blanchiment, loi sur le commerce de valeurs mobilières, règles associatives, circulaire FINMA, normes internationales et enfin MIFID 2, sont tous les textes auxquels doivent se référer les GFI afin de pratiquer l’activité de gestion de fortune aux normes dictées par l’État fédéral et par les législateurs internationaux. Comment se porte la gestion indépendante dans ce système lourd en réglementations ? M.Spillman, fondateur de Bruellan, société qui gère 1.5 milliards de francs, affirme en 2015 dans « Bilan : Quel avenir pour les tiers gérants ? » : « Depuis deux ans, près de 500 gérants de fortune indépendants ont mis la clé sous la porte en Suisse. Beaucoup sont partis à la retraite. D’autres ont fusionné. Certains ont simplement cessé leur activité, notamment ceux qui détenaient en majorité une clientèle française non déclarée. Aujourd’hui, le métier de tiers gérant se transforme. » Le métier de gérant externe à jusqu’aujourd’hui beaucoup évolué.
Dans cet environnement, certains gérants de fortune indépendants l’ont compris et s’adaptent alors que d’autres jouent encore la montre, bien que les contrôles et les exigences sont toujours plus rigides. Aussi, l’époque où le gérant pouvait se contenter de prendre le café avec ses clients, puis lire les résultats de quelques analystes est révolue. Les investisseurs deviennent plus exigeants, le gérant doit s’adapter. Toujours selon Bilan, « Quel avenir pour les tiers gérants ? », la société Chronos Finance constate : « Les tendances et l’environnement actuels nous ont amenés à repenser complètement nos modèles d’affaires, nos procédures et la gouvernance qui la chapeaute. » La société a fait le choix de se soumettre à la surveillance de la FINMA. M. Monnier, directeur chez Chronos Finance, souligne : « En anticipation des audits prudentiels incontournables à moyen terme, je conseille aux gérants indépendants de faire de même (à savoir s’assujettir à une surveillance prudentielle). Si la loi ne les y contraint pas, le marché l’imposera ». Des optimistes quant à la situation actuelle de la gestion de fortune indépendante existent, comme Patrick Dorner, directeur de l’ASG, qui affirme, encore dans Bilan, « Quel avenir pour les tiers gérants ? », que les consolidations et les faillites restent marginales. Selon lui, la diminution de 5 % du nombre de gérants en 2015 est essentiellement due à des gérants partis à la retraite. « Paradoxalement, la branche se porte plutôt bien. Des gérants continuent à se lancer. La masse sous gestion augmente », se réjouit M. Dorner.
LSFin : dispositions générales
La LSFin a pour objectif d’ajuster le droit suisse au droit européen et international et d’augmenter la protection des clients. D’après le rapport explicatif du projet LSFin émis par la confédération suisse, la LSFin prévoit des règles de conduite et des mesures organisationnelles pour les prestataires de services financiers, ainsi que des exigences minimales en matière de formation des conseillers à la clientèle (règles de conduite et compétences techniques). Elle règle les questions liées à la documentation des produits financiers proposées au client ainsi que les exigences en matière de prospectus et d’autorisation des instruments financiers. Une amélioration des dispositifs de médiation est prévue, ainsi qu’une facilitation de l’application du droit à travers des mesures de procédure civile. Enfin, le projet de loi cible les opérations transfrontalières des prestataires étrangers de services financiers en Suisse. Toutes ces mesures sont liées entre elles. Les prestataires de services financiers doivent informer les clients et s’aviser de leurs réels besoins afin d’accroître la transparence des produits. Les règles de conduite induisent elles aussi une bonne pratique du prestataire de services financiers afin d’améliorer la protection des clients. La cohérence dans la transparence, les règles de conduite, l’application du droit ainsi que la surveillance sont indispensables à un aboutissement réussi du projet de loi.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des abréviations
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Préambule
1.2 Passé : la gestion de fortune en Suisse
1.2.1 Lois en vigueur
1.2.2 Gestion indépendante
1.3 Définition : le gérant indépendant
1.4 Les gérants indépendants en Suisse et à Genève
1.5 Relations d’affaires du gérant
1.5.1 Relation gérant client
1.5.2 Relation gérant banque dépositaire
2. Cadre législatif actuel
2.1 LB
2.2 LBVM
2.2.1 Dispositions générales
2.2.2 OBVM
2.3 LBA
2.4 Règles associatives
2.5 Circulaire FINMA 2009/1
2.6 EAR et FATCA
2.7 MIFID 2
2.7.1 Rétrocessions
2.7.2 Rétrocessions pour les gérants indépendants suisses
2.8 Synthèse et gestion indépendante dans ce cadre
3. LSFin
3.1 Contexte
3.1.1 Protection des clients
3.1.2 Disharmonie de la surveillance
3.1.3 Contexte international
3.2 LSFin : dispositions générales
3.2.1 Champ d’application
3.2.2 Classification des clients
3.2.3 Opting-in et opting-out
3.3 Impacts de la LSFin
3.3.1 Impacts sur les règles de conduite
3.3.1.1 Étendue des règles
3.3.1.2 Obligation d’informer
3.3.1.3 Indépendance
3.3.1.4 Adéquation et caractère approprié des services
3.3.1.5 Documentation et rendus de comptes
3.3.1.6 Traitement des ordres client
3.3.2 Impacts sur la surveillance et l’autorisation d’exercer
3.3.3 Impacts sur la documentation des produits
3.3.4 Registre des conseillers
3.3.5 Impacts sur les gérants étrangers
3.3.6 Impacts juridiques
3.3.6.1 Organe de médiation
3.3.6.2 Fardeau de la preuve
3.3.6.3 Frais de procès
3.3.6.4 Actions collectives
3.3.7 Impacts en termes de coûts
3.4 Récolte de données : Journée Solution GFI
3.5 Synthèse des réponses au questionnaire des gérants indépendants
4. Analyse, synthèse et recommandations
4.1 Synthèse des impacts de la LSFin
4.2 Solutions et recommandations
4.3 Synthèse globale
5. Conclusion
Annexe 1 : État d’avancement projet LSFin
Annexe 2 : Actifs sous-gestion des gérants membre ASG
Annexe 3 : Nombre de relations avec des banques dépositaire par gérant membre ASG
Annexe 4 : Nombre collaborateurs par gérant membre ASG
Annexe 5 : Nombre de clients par gérant membre ASG
Annexe 6 : Conséquence de l’intégration d’une fonction compliance indépendante
Annexe 7 : Réponse questionnaire – Probus Compagnie S.A
Annexe 8 : Réponse questionnaire – Alias Partner SA
Annexe 9 : Réponse questionnaire – Plus One SA
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