Discussion sur l’usage de la périodicité en automatique
Modélisation des phénomènes physiques périodiques L’alternance du jour et de la nuit, le déplacement de la Terre autour du soleil, le mouvement d’un pendule soumis à l’attraction gravitationnelle, la vibration d’une corde sous tension, tous ces phénomènes naturels partagent une caractéristique commune : la périodicité de leur évolution temporelle.Un tel comportement peut être décrit mathématiquement par une fonction x1(t) solution de l’équation différentielle non-linéaire suivante x˙ 1 = f(x1).
dont les coefficients sont invariants dans le temps. L’association d’une équation de ce type avec des conditions initiales x1(0) conduit à une grande variété de solutions x1(t), également appelées trajectoires. Parmi elles, il peut exister une solution constante, pour laquelle x1(t) = x1(0) quel que soit t. Il s’agit en quelque sorte d’une trajectoire dégénérée se réduisant à un point. Il est également possible qu’il existe une valeur positive T telle que x1(T) = x1(0) : la trajectoire revient à son point de départ après un temps T. Sous l’hypothèse de l’unicité des solutions de (1), ce cycle se reproduit alors indéfiniment. Les phénomènes périodiques naturels décrits précédemment correspondent à ce type de solutions. Il existe aussi des solutions telles que la norme de x1(t) tende vers l’infini. Il s’agit de trajectoires instables, par opposition aux deux cas précédents qualifiés de solutions stables.
En dehors de ces trois types de solutions, les autres trajectoires x1(t) sont classées en fonction de leur comportement asymptotique, également nommé régime permanent et que l’on note ici x](t). Par définition, x](t) correspond à la limite de x1(t) lorsque t tend vers +∞. Si l’on exclut les trajectoires qui tendent vers l’infini, il est souligné dans [Wiggins, 2003] que l’on ne peut prétendre comprendre complètement (sur tout l’axe des temps) que les solutions x1(t) pour lesquelles x](t) est un point ou une trajectoire périodique. Les autres solutions correspondent à des phénomènes chaotiques présentant un caractère aléatoire, malgré le déterminisme de l’équation (1) dont elles sont issues [Khalil, 2002]. En d’autres termes, les seules solutions x1(t) stables et prévisibles sont (ou convergent vers) des points ou des trajectoires périodiques. C’est la raison pour laquelle la majorité des ouvrages traitant des systèmes dynamiques régis par des équations différentielles nonlinéaires dédient une section aux trajectoires périodiques et soulignent par là même leur importance [Haddad and Chellaboina, 2011, Khalil, 2002, Wiggins, 2003].
Comment et pourquoi imposer un régime permanent périodique ?
Un des objectifs classiques de l’automatique consiste à imposer au système considéré qu’il converge vers un régime permanent particulier pour des conditions initiales données. Pour ce faire, il est nécessaire d’adjoindre au système physique des actionneurs permettant d’agir sur sa dynamique. Mathématiquement, on traduit cette nouvelle influence en ajoutant une variable u1, correspondant à la variable de commande, à la fonction f, devenant fcl. On suppose que u1 est fonction de x1, ce qui conduit à la relation
x˙ 1 = fcl(x1, u1(x1)) = fcl(x1) (2)
Le problème consiste alors à trouver l’expression de u1(x1), appelée loi de commande, de façon à ce que x1(t) tende vers le régime permanent x](t) désiré quel que soit l’état initial x1(0) appartenant à un ensemble donné. Parmi les choix possibles, il semble naturel de s’orienter vers un régime permanent x](t) à la fois stable et prévisible. La discussion précédente indique que x](t) doit alors être un point ou une trajectoire périodique. La simplicité du premier cas de figure explique sa popularité. Pourtant, les applications pionnières [Bailey, 1974, Horn and Lin, 1967] dans le domaine de la biologie ont montré que choisir x](t) périodique pouvait conduire à une solution x1(t) du système asservi en meilleur adéquation avec les spécifications. Cette conclusion est pourtant connue depuis les temps anciens : la pratique de la jachère, consistant à s’abstenir cycliquement d’exploiter une terre agricole, en est un exemple probant. De façon encore plus évidente, le recours à x](t) périodique est motivé par l’existence d’une classe de systèmes n’admettant que des trajectoires (et non des points) d’équilibre stable. Cette situation est fréquente lorsque le nombre d’entrées de contrôle est limité par rapport aux nombres de degrés de liberté . A titre d’exemple, on peut citer la régulation de l’énergie de balancement d’un pendule [Chung and Hauser, 1995] ou encore l’asservissement angulaire d’un bras avec une liaison active et une autre passive [Freidovich et al., 2008].
Imposer un régime permanent périodique peut améliorer la performance de l’asservissement et même stabiliser certains systèmes n’admettant pas de points d’équilibre stables.
Jusqu’à présent, la périodicité est un qualificatif qui a été attribué aux solutions du système dynamique et non au système lui-même. L’origine des modèles dont les coefficients varient périodiquement dans le temps est maintenant discutée et leur intérêt est justifié.
Loi de commande périodique
Le fait que la loi u1 dépende du temps de façon périodique est la première cause de périodicité du modèle asservi (2) lui-même. Si l’on note T, la valeur de cette période, alors (2) adopte la formulation suivante :
x˙ 1 = fcl(x1, u1(t, x1)) = fcl(t, x1) (3)
et devient elle-même périodique puisque fcl(t + T, x1) = fcl(t, x1), quels que soient t et x1. Dans quelles situations, un contrôle périodique est-il nécessaire ? La réponse à cette question dépend à la fois du système et du régime permanent recherché. La discussion précédente a montré qu’une équation différentielle invariante dans le temps pouvait admettre une trajectoire périodique comme solution. Choisir un régime permanent x](t) périodique n’implique donc pas nécessairement que la loi u1 soit elle-même périodique. Néanmoins, les travaux précédemment cités [Chung and Hauser, 1995, Freidovich et al., 2008] montrent que dans certaines situations, imposer un régime permanent périodique est largement facilité par l’usage du contrôle périodique.
D’autre part, il existe des systèmes pour lesquels aucun asservissement invariant dans le temps ne peut imposer de points d’équilibre stables alors que cette obstruction disparaît dès lors que la loi de commande peut être considérée comme périodique. Ce cas de figure est rencontré dans [Morin et al., 1995] : l’asservissement de l’orientation d’un satellite autour de son centre de gravité avec uniquement deux axes commandables est impossible via une fonction u1 invariante dans le temps alors qu’une loi périodique apporte une solution à ce problème. Il a également été démontré que certains systèmes incertains ne peuvent être stabilisés de façon robuste (c’est-à-dire quelles que soient les incertitudes) qu’en ayant recours à la commande périodique [Khargonekar et al., 1985].
Une loi de commande périodique peut imposer certains régimes permanents stables (y compris des points d’équilibre) à des systèmes particuliers, alors qu’aucune loi de commande (statique ou dynamique) invariante dans le temps n’en est capable.
Intégration partielle de la dynamique
Les modèles à coefficients périodiques peuvent également être vus comme un moyen de modéliser les systèmes complexes mettant en jeu des phénomènes périodiques. On suppose que x2(t) décrit les caractéristiques physiologiques d’une plante : sa taille, sa teneur en eau, etc. Dans un environnement naturel, la dynamique de x2(t) dépend des conditions météorologiques journalières moyennes. Ces grandeurs dépendent elles-mêmes du mécanisme des saisons qui est une conséquence de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre et de sa rotation autour du soleil. Si x1(t) caractérise la position de la Terre sur son orbite, la dynamique de la plante est décrite par (1) et l’équation suivante
x˙ 2 = g(x1, x2) (4)
Le modèle alors obtenu est de grandes dimensions, ce qui constitue un frein à son analyse. Or, la trajectoire de la Terre autour du soleil est relativement prévisible. Par conséquent, il est possible d’obtenir la solution x1(t) de (1) afin de reformuler la dynamique de x2 comme suit :
x˙ 2 = g(x1(t), x2) = g(t, x2)
Cette relation ne dépend plus de x1 mais uniquement de t. De plus, puisque x1(t) est périodique, g hérite alors de cette qualité.
Utilisation de la périodicité pour le contrôle de satellite
La discussion précédente sur le concept de périodicité pour l’automatique est maintenant illustrée sur le problème d’asservissement du mouvement d’un satellite autour de la Terre, dont un des aspects est central pour cette thèse.
Le mouvement orbital périodique est le seul régime permanent stabilisable Un satellite est essentiellement une plate-forme capable d’orienter un objet (la charge utile) dans une direction donnée à partir d’une position éloignée de la Terre. Pour relever ce défi technique, la première difficulté consiste à maintenir la distance qui sépare le satellite de la Terre dans une certaine plage. On précise immédiatement que l’utilisation de rétrofusées s’opposant à l’attraction terrestre n’est pas une solution admissible du point de vue pratique en raison de la dépense énergétique très importante qu’elle requiert. Si l’on fait abstraction des forces gravitationnelles générées par les autres astres, le satellite ne peut donc être maintenu à une position fixe dans un référentiel inertiel centré sur la Terre. En d’autres termes, il s’agit d’un problème pour lequel la limitation des actionneurs ne permet pas de créer de points équilibres stables. La solution bien connue à ce problème consiste à créer un mouvement périodique particulier du satellite autour de la Terre. L’unique (et faible) effort de commande requis consiste alors à rejeter les perturbations déviant le satellite d’une trajectoire naturellement stable. Cette discussion fournit un nouvel exemple de problèmes pour lequel le seul régime permanent stable du modèle asservi est une trajectoire périodique, correspondant ici à l’orbite du satellite.
Principe et motivation du contrôle d’attitude La seconde difficulté technique associée à la commande de satellite consiste à commander la direction dans laquelle la charge utile est orientée. On considère que ce problème se résume à asservir l’orientation (également appelée attitude) du satellite lui-même par rapport à un référentiel externe. Cette thèse se focalise principalement sur la dynamique d’attitude, correspondant au mouvement du satellite autour de son centre de gravité. Le système de contrôle d’attitude s’appuie sur des capteurs déterminant l’orientation du satellite et modifie son orientation via des actionneurs créateurs de couples. Ce problème d’automatique a été intensivement étudié depuis l’avènement de l’ère spatiale [Hugues, 1986, Sidi, 1997, Wertz, 1978]. Il existe des solutions permettant d’asservir globalement la dynamique d’attitude du satellite [Wen and Kreutz-Delgado, 1991, Fjellstad and Fossen, 1994]. Toutefois, ces deux derniers travaux font abstraction de l’influence qu’exerce l’environnement du satellite sur la dynamique d’attitude. Si des efforts ont été entrepris en ce sens [Lovera, 2001, Wiśniewski and Stoustrup, 2004], obtenir une loi de commande prenant pleinement en considération cet environnement est une question largement ouverte à laquelle cette thèse cherche à donner des éléments de réponse.
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Table des matières
Introduction
Objectifs et contributions
1 Stabilité robuste des modèles linéaires périodiques : analyse et synthèse
1.1 Introduction
1.2 Résultats préliminaires d’analyse et de synthèse robuste
1.2.1 Définition des problèmes
1.2.2 Analyse de stabilité des modèles périodiques linéaires
1.2.3 Synthèse par retour d’état périodique
1.2.4 Robustesse face aux incertitudes polytopiques
1.2.5 Conclusions
1.3 Conditions LMI étendues pour le modèle nominal
1.3.1 Analyse de stabilité utilisant une condition LMI étendue
1.3.2 Condition duale d’analyse de stabilité
1.3.3 Réduction du nombre de variables de la condition LMI étendue
1.3.4 Synthèse de correcteurs périodiques par retour d’état
1.3.5 Conclusions
1.4 Interprétation des variables de relaxation
1.4.1 Condition nécessaire pour que la LMI étendue soit satisfaite
1.4.2 Exploitation de la condition nécessaire de la LMI étendue
1.4.3 Résumé et interprétation ensembliste
1.5 Extension des conditions étendues au cas robuste
1.5.1 Réduction du conservatisme grâce aux variables de relaxation
1.5.2 Conditions alternatives d’analyse robuste
1.5.3 Hiérarchie de conditions d’analyse par multiplication de la période
1.5.4 Synthèse robuste
1.5.5 Résultats numériques
1.5.6 Conclusions
2 Analyse et synthèse pour les lois de commande périodiques à mémoire
2.1 Introduction
2.2 Généralisation des lois de commande périodique à mémoire
2.2.1 Formulation retenue
2.2.2 Discussion sur le statut particulier des lois de commande de type PFMC
2.3 Enoncé des problèmes d’analyse et de synthèse
2.3.1 Modèle en boucle fermée avec les canaux de performances
2.3.2 Normes du modèle en boucle fermée
2.4 Reformulations invariante dans le temps des modèles polynomiaux périodiques d’ordre variant
2.4.1 Représentation liftée monodromique
2.4.2 Représentation liftée descripteur
2.4.3 Relations entre les deux modèles
2.5 Dualité des modèles polynomiaux périodiques d’ordre variant
2.5.1 Modèle dual du lifting descripteur
2.5.2 Dual des modèles périodiques polynomiaux
2.5.3 Modèle dual du lifting monodromique
2.5.4 Correspondances entre les représentations liftées
2.6 Analyse robuste des modèles polynomiaux périodiques à ordre variant
2.6.1 Stratégie conduisant à des conditions LMI
2.6.2 Analyse par le modèle monodromique
2.6.3 Analyse par le modèle descripteur
2.6.4 Conditions d’analyse robuste sous forme LMI
2.7 Synthèse de lois de commande périodiques à mémoire
2.7.1 Cas général correspondant aux PFMC structurés
2.7.2 Cas des PFMC non structurés
2.8 Résultats numériques
2.8.1 Diminution du conservatisme grâce au correcteurs à mémoire
2.8.2 Influence du choix de τ
2.9 Conclusions
3 Modélisation du mouvement d’attitude de satellites équipés de roues à réaction et de magnéto-coupleurs
3.1 Introduction
3.2 Le contrôle d’attitude
3.2.1 Problématique
3.2.2 Exigences du pointage
3.2.3 Principes du système de contrôle d’attitude
3.2.4 Cadre de cette étude
3.3 Aspects de périodicité dans le contrôle d’attitude
3.3.1 Actionneurs dépendant de l’environnement : exemple des magnéto-coupleurs
3.3.2 Perturbations environnementales
3.4 Modèle non-linéaire
3.4.1 Préliminaires
3.4.2 Equations de la dynamique du satellite
3.4.3 Equations décrivant la cinématique du satellite
3.4.4 Modélisation du champ magnétique
3.4.5 Représentation sous forme de modèle d’état
3.5 Approximation du modèle au voisinage d’une trajectoire prédéfinie
3.5.1 Trajectoire de l’approximation
3.5.2 Linéarisation du modèle d’état
3.5.3 Condition de validité de l’approximation du modèle
3.5.4 Approximation de B~ dans le référerentiel de référence
3.6 Cas d’études
3.6.1 Description et justification du choix
3.6.2 Particularisation des équations du modèle d’état
3.6.3 Approximation du champ magnétique
3.7 Conclusion
Conclusion