Discussion sur les croyances, perceptions et attitudes sur la vaccination

Discussion sur les croyances, perceptions et attitudes sur la vaccination

Hรฉsitation vaccinale

Depuis que le Groupe stratรฉgique consultatif dโ€™experts sur la vaccination (SAGE) de lโ€™OMS a รฉtรฉ formรฉ en 1999, diffรฉrentes rรฉgions du monde lui ont rapportรฉ quโ€™elles observaient de la mรฉfiance et une diminution de lโ€™acceptation de la vaccination (Schuster et al., 2015). Les inquiรฉtudes par rapport ร  la sรฉcuritรฉ et lโ€™efficacitรฉ des vaccins seraient dโ€™ailleurs une des raisons les plus frรฉquentes pour lesquelles les parents retardent ou refusent la vaccination de leurs enfants (Smith, Humiston, Parnell, Vannice et Salmon, 2010). Bien quโ€™auparavant, les parents รฉtaient souvent catรฉgorisรฉs comme รฉtant simplement ยซ pour ยป ou ยซ contre ยป la vaccination, il apparaรฎt depuis plusieurs annรฉes que la rรฉalitรฉ est plus complexe (Gust et al., 2005).
Afin de caractรฉriser la position des parents au sujet de la vaccination, plusieurs classifications utilisant 4 ou 5 catรฉgories ont รฉtรฉ proposรฉes (Benin, Wisler-Scher, Colson, Shapiro et Holmboe, 2006; Gust et al., 2005; Keane et al., 2005; Leask et al., 2012). Dans chacune de ces classifications, diffรฉrents facteurs pouvaient avoir รฉtรฉ utilisรฉs pour distinguer ces catรฉgories, tels que les attitudes, croyances et perceptions au sujet des vaccins; la faรงon dโ€™obtenir ou de rechercher des informations sur la vaccination; la confiance accordรฉe aux professionnels de la santรฉ et les comportements vaccinaux. Par exemple, Leask et al. (2012) suggรจrent 5 catรฉgories : les ยซ unquestioning acceptors (accepteurs inconditionnels) ยป, qui font vacciner leurs enfants sans avoir de questionnement; les ยซ cautious acceptors (accepteurs prudents) ยป, qui tiennent compte du fait que les vaccins peuvent avoir des effets secondaires sรฉvรจres, mais rares, et qui vaccinent en espรฉrant que tout ira pour le mieux; les ยซ hesitants (hรฉsitants) ยป, qui font vacciner leurs enfants, mais qui ont des prรฉoccupations importantes sur les risques de la vaccination; les ยซ late or selective vaccinators (vaccinateurs sรฉlectifs ou en retard) ยป, pour lesquels leurs prรฉoccupations les amรจnent ร  retarder lโ€™administration de certains vaccins ou ร  en refuser certains; et, finalement, les ยซ refusers (refuseurs) ยป qui refusent tous les vaccins pour des raisons philosophiques, religieuses ou suite ร  des expรฉriences nรฉgatives avec le systรจme mรฉdical.
Bien que chacune des classifications ait ses particularitรฉs, il en ressort que la position dโ€™une personne au sujet de la vaccination peut se placer sur un continuum allant dโ€™une demande active de tous les vaccins ร  un refus convaincu de tous les vaccins (Dubรฉ et al., 2013). Le concept dโ€™hรฉsitation vaccinale ferait rรฉfรฉrence au continuum se trouvant entre ces deux extrรชmes (Dubรฉ et al., 2013).
Dโ€™abord, MacDonald et le groupe de travail sur lโ€™hรฉsitation vaccinale du SAGE ont proposรฉ de dรฉfinir lโ€™hรฉsitation vaccinale principalement comme un comportement plutรดt que comme une attitude. Selon ces auteurs (MacDonald et SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy, 2015), ยซ lโ€™hรฉsitation vaccinale ยป rรฉfรจre ร  un dรฉlai dans lโ€™acceptation ou un refus de la vaccination malgrรฉ la disponibilitรฉ des services. Ils prรฉcisent que ยซ lโ€™hรฉsitation vaccinale ยป est complexe, quโ€™elle se prรฉsente selon des contextes spรฉcifiques et quโ€™elle peut donc varier dans le temps, selon les lieux et selon le type de vaccin.3
Pour leur part, Peretti-Watel, Larson, Ward, Schulz et Verger (2015) ont plutรดt dรฉfini lโ€™hรฉsitation vaccinale comme un processus dรฉcisionnel aboutissant ร  diffรฉrents comportements selon, dโ€™une part, le niveau dโ€™engagement (ou dโ€™indiffรฉrence) dans cette prise de dรฉcision qui a pour but de contrรดler les risques ร  la santรฉ et, dโ€™autre part, selon le niveau de confiance envers les autoritรฉs de santรฉ. Ce cadrage permet ร  ces auteurs de distinguer, entre autres, les personnes hรฉsitantes ร  la vaccination qui sont trรจs engagรฉes sur le sujet et qui procรจdent ร  une recherche dโ€™information ainsi quโ€™ร  un processus dรฉcisionnel long et rรฉflรฉchi, de celles qui sont plus passives, moins informรฉes et qui peuvent prendre une dรฉcision en se basant sur des rumeurs, des rรฉactions รฉmotives et sur un manque de confiance envers les autoritรฉs (Peretti-Watel et al., 2015).
Les dรฉfinitions prรฉcรฉdentes nโ€™ont cependant pas รฉtรฉ retenues pour ce projet de mรฉmoire. Dโ€™une part, il semblait prรฉfรฉrable de considรฉrer lโ€™hรฉsitation vaccinale comme รฉtant dโ€™abord et avant tout une attitude et non un comportement comme dans la premiรจre dรฉfinition prรฉsentรฉe (MacDonald et SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy, 2015). En effet, considรฉrant que lโ€™attitude prรฉcรจde le comportement dans plusieurs thรฉories de prรฉdictions du comportement (Godin, 2012), une attitude hรฉsitante peut รชtre prรฉsente alors quโ€™un individu nโ€™a pas encore refusรฉ de vaccin. Il serait donc important de ne pas nรฉgliger dโ€™inclure dans les รฉtudes ces personnes qui peuvent avoir une attitude hรฉsitante avant de refuser ou retarder lโ€™administration de vaccins. De plus, afin que le concept dโ€™hรฉsitation vaccinale demeure relativement simple ร  opรฉrationnaliser, la deuxiรจme dรฉfinition nโ€™a pas รฉtรฉ retenue non plus (Peretti-Watel et al., 2015).
La dรฉfinition qui semblait la plus appropriรฉe dans le cadre de ce projet de mรฉmoire est plutรดt celle qui a รฉmergรฉ dโ€™un consensus dโ€™experts en vaccination et de professionnels de la santรฉ au Canada : ยซ Lโ€™hรฉsitation vaccinale fait rรฉfรฉrence ร  la rรฉticence ร  recevoir les vaccins recommandรฉs en raison de prรฉoccupations et de doutes au sujet des vaccins qui peut ou non mener ร  des retards vaccinaux ou au refus dโ€™un, de plusieurs ou de lโ€™ensemble des vaccins. ยป4 (Dubรฉ, Gagnon, Ouakki, Bettinger, et al., 2016, p. 6)
Il est difficile dโ€™รฉvaluer la prรฉvalence de lโ€™hรฉsitation vaccinale avec prรฉcision. En effet, lโ€™hรฉsitation vaccinale peut รชtre prรฉsente pour certains vaccins seulement, mais pas pour dโ€™autres (Dubรฉ, Vivion, et al., 2016; MacDonald et SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy, 2015). De plus, comme lโ€™hรฉsitation n’aboutit pas nรฉcessairement ร  un retard ou un refus vaccinal (Dubรฉ, Gagnon, Ouakki, Bettinger, et al., 2016; Dubรฉ et al., 2013; Salmon et al., 2015), et comme les retards vaccinaux peuvent survenir pour plusieurs autres raisons telles quโ€™une contre-indication temporaire ou un rendez-vous manquรฉ (Peretti-Watel et al., 2015; Smith et al., 2010), les couvertures vaccinales ne peuvent pas รชtre utilisรฉes pour รฉvaluer la prรฉvalence de lโ€™hรฉsitation vaccinale.
Afin dโ€™identifier les parents prรฉsentant de lโ€™hรฉsitation vaccinale, lโ€™รฉquipe dโ€™Opel a dรฉveloppรฉ le questionnaire Parent Attitudes about Childhood Vaccines (PACV) (Opel, Mangione-Smith, et al., 2011). Lorsque ce questionnaire a รฉtรฉ validรฉ auprรจs dโ€™un รฉchantillon alรฉatoire de parents de bรฉbรฉs inscrits ร  une grande coopรฉrative de santรฉ de lโ€™ร‰tat de Washington, il a rรฉvรฉlรฉ que 25 % des parents prรฉsenteraient de lโ€™hรฉsitation vaccinale (Opel, Taylor, et al., 2011). Ce rรฉsultat est cohรฉrent avec des donnรฉes sur la prรฉvalence des prรฉoccupations de parents amรฉricains au sujet des vaccins. Ainsi, dans un รฉchantillon pondรฉrรฉ pour รชtre reprรฉsentatif de la population des ร‰tats-Unis, 30 % des parents amรฉricains craignaient que les vaccins puissent causer lโ€™autisme et 26 % croyaient que les ingrรฉdients contenus dans les vaccins ne sont pas sรฉcuritaires (Kennedy, Lavail, Nowak, Basket et Landry, 2011). De mรชme, au Quรฉbec, 35 % des parents dโ€™enfants de un an et deux ans auraient dรฉjร  hรฉsitรฉ ร  faire vacciner leur enfant (Dubรฉ, Gagnon, Ouakki et Direction des risques biologiques et de la santรฉ au travail – Institut national de santรฉ publique du Quรฉbec, 2016). Ces enfants รฉtaient dโ€™ailleurs proportionnellement plus nombreux ร  ne pas avoir une couverture vaccinale complรจte et ร  avoir cumulรฉ des jours de retard par rapport au calendrier vaccinal recommandรฉ lorsquโ€™ils รฉtaient comparรฉs aux enfants dont les parents nโ€™avaient pas hรฉsitรฉ ร  les faire vacciner (Dubรฉ, Gagnon, Ouakki et Direction des risques biologiques et de la santรฉ au travail – Institut national de santรฉ publique du Quรฉbec, 2016).
ร€ la lumiรจre de la prรฉvalence รฉlevรฉe de lโ€™hรฉsitation vaccinale et dans lโ€™optique dโ€™amรฉliorer lโ€™acceptation des vaccins afin de maintenir des taux de couverture vaccinale รฉlevรฉs, il semble donc plus profitable que les interventions de santรฉ publique ciblent les parents prรฉsentant de lโ€™hรฉsitation vaccinale plutรดt que les 3 ร  7 % des parents qui sont inflexibles sur leur dรฉcision de ne pas faire vacciner leurs enfants (Leask, 2011).
Toutefois, lโ€™hรฉsitation vaccinale est un phรฉnomรจne complexe, dont les dรฉterminants varient selon le contexte et le vaccin en cause (Schuster et al., 2015). Les raisons pour lesquelles des parents sont hรฉsitants face ร  la vaccination et peuvent refuser ou retarder lโ€™administration de vaccins sont nombreuses et reposent entre autres sur diverses croyances (Williams, 2014). Par exemple, ces parents peuvent avoir des craintes sur la sรฉcuritรฉ des vaccins, croire que la vaccination de leur enfant entraรฎnera des effets secondaires importants ou des effets nรฉfastes sur le systรจme immunitaire, penser que les enfants reรงoivent trop de vaccins, ou encore douter de la nรฉcessitรฉ des vaccins ou de leur efficacitรฉ (Sadaf et al., 2013; Williams, 2014). Le vaccin contre la rougeole suscite particuliรจrement des craintes au niveau de sa sรฉcuritรฉ. Les effets nรฉgatifs de la mรฉdiatisation dโ€™un article de 1998 associant ce vaccin ร  lโ€™autisme se font encore sentir aujourdโ€™hui, bien que lโ€™article ait รฉtรฉ rรฉtractรฉ de la revue lโ€™ayant publiรฉ (The Editors of The Lancet, 2010) et que lโ€™absence de lien causal ait รฉtรฉ dรฉmontrรฉe par plusieurs รฉtudes par la suite (Maglione et al., 2014; Taylor, Swerdfeger et Eslick, 2014). La crainte que ce vaccin cause lโ€™autisme reste toujours associรฉe au refus vaccinal des parents (McHale, Keenan et Ghebrehewet, 2016).
La communication avec les individus hรฉsitants ร  la vaccination constitue un sujet prioritaire pour le SAGE de lโ€™OMS (World Health Organization, 2011). Cependant, il nโ€™y a pas de consensus sur les messages ร  utiliser afin de diminuer cette hรฉsitation vaccinale chez les parents ainsi que les refus vaccinaux qui y sont associรฉs (Dubรฉ, Gagnon, MacDonald, et al., 2015; Sadaf et al., 2013). Ainsi, peu dโ€™รฉtudes ont testรฉ des interventions destinรฉes spรฉcifiquement aux parents hรฉsitants ร  la vaccination (Dubรฉ, Gagnon, MacDonald, et al., 2015; Jarrett, Wilson, Oโ€™leary, Eckersberger et Larson, 2015). Dans une revue de revues de littรฉrature rรฉcente, les รฉvidences รฉtudiรฉes nโ€™ont pas permis dโ€™รฉtablir quโ€™un type dโ€™intervention en particulier pouvait รชtre recommandรฉ (Dubรฉ, Gagnon, MacDonald, et al., 2015). Les interventions fournissant un contenu informatif ou รฉducatif seraient les plus รฉtudiรฉes, mais les rรฉsultats des รฉtudes รฉvaluant leur efficacitรฉ sont partagรฉs : certaines ont trouvรฉ un effet positif de ces interventions, mais plusieurs autres nโ€™ont trouvรฉ aucun effet (Dubรฉ, Gagnon, MacDonald, et al., 2015; Fu et al., 2014; Kaufman et al., 2013; Sadaf et al., 2013). De plus, les conclusions des revues systรฉmatiques รฉvaluant ce genre de communication sont limitรฉes par le fait que de nombreuses รฉtudes sont de faible qualitรฉ (Dubรฉ, Gagnon, MacDonald, et al., 2015; Fu et al., 2014; Kaufman et al., 2013; Sadaf et al., 2013). Il est possible aussi que lโ€™exposition ร  une intervention en un seul moment plutรดt que de faรงon prolongรฉe ne soit pas suffisante pour avoir un effet sur les comportements vaccinaux (Fu et al., 2014). Enfin, il se peut que lโ€™approche รฉducative ne soit tout simplement pas bien adaptรฉe pour diminuer lโ€™hรฉsitation vaccinale, car cette approche ne tient pas compte du fait que de nombreux facteurs autres que cognitifs influencent la dรฉcision vaccinale, tels que des facteurs รฉmotionnels, socioculturels, spirituels et politiques (Dubรฉ et al., 2013).En rรฉsumรฉ, une proportion non nรฉgligeable de parents prรฉsente de lโ€™hรฉsitation vaccinale pour diffรฉrentes raisons, mais la littรฉrature ne permet pas actuellement de dรฉterminer quel type dโ€™intervention et de message seraient les meilleurs afin de rรฉduire cette hรฉsitation et maintenir des couvertures vaccinales รฉlevรฉes.

Messages narratifs

Une stratรฉgie de communication qui se distingue de lโ€™approche รฉducative largement utilisรฉe jusquโ€™ร  maintenant susciterait de plus en plus dโ€™intรฉrรชt dans le domaine de la santรฉ : soit la communication sous la forme dโ€™une histoire, quโ€™on peut appeler aussi les messages narratifs (appelรฉs ยซ narratives ยป dans les articles anglophones) (Hinyard et Kreuter, 2007). En fait, simplement en considรฉrant que, dans la vie quotidienne, les รชtres humains interagissent souvent en utilisant un mode de communication narratif en se racontant diffรฉrents รฉvรฉnements (Hinyard et Kreuter, 2007), il semble pertinent de sโ€™y intรฉresser.
Dans une revue de littรฉrature dรฉcrivant des thรฉories ainsi que des donnรฉes empiriques soutenant lโ€™utilisation des messages narratifs en santรฉ, il est proposรฉ de dรฉfinir une communication narrative comme รฉtant une ยซ histoire cohรฉrente avec un dรฉbut, un milieu et une fin identifiables qui donne de lโ€™information au sujet de scรจnes, de personnages et de conflits; qui soulรจve des questions sans rรฉponses ou des conflits non rรฉsolus; et qui fournit une rรฉsolution. ยป5 (Hinyard et Kreuter, 2007, p. 778). Dans la littรฉrature, il nโ€™existe toutefois pas de dรฉfinition universelle des messages narratifs adoptรฉe par lโ€™ensemble des chercheurs (Hinyard et Kreuter, 2007). Bien que chacune des dรฉfinitions ait ses particularitรฉs, les trois concepts suivants en constitueraient gรฉnรฉralement les fondements (Dahlstrom, 2014) : la causalitรฉ entre les รฉvรฉnements rapportรฉs, cโ€™est-ร -dire que les รฉvรฉnements rapportรฉs sont liรฉs entre eux de maniรจre sรฉquentielle par des liens causaux, quโ€™il sโ€™agisse de causes menant ร  lโ€™รฉvรฉnement de maniรจre inรฉluctable (par exemple, en suivant les lois de la physique) ou de raisons pour lesquelles une personne a une rรฉaction (Graaf et al., 2016); la temporalitรฉ, cโ€™est-ร -dire le fait que les รฉvรฉnements surviennent durant une pรฉriode de temps dรฉfinie; ainsi que les personnages, cโ€™est-ร -dire quโ€™il y a un ou des personnages qui vivent les รฉvรฉnements rapportรฉs (Dahlstrom, 2014).
Pour les fins de ce mรฉmoire, une dรฉfinition qui indique plus clairement que cette communication est rรฉalisรฉe dans le but de transmettre un message au sujet de la santรฉ, et non seulement dans le but de divertir, a รฉtรฉ retenue. Un message narratif constitue donc ยซ une reprรฉsentation dโ€™รฉvรฉnements et de personnages liรฉs, qui a une structure identifiable, est limitรฉe dans le temps et lโ€™espace, et qui contient des messages implicites ou explicites sur le sujet abordรฉ ยป6 (Kreuter et al., 2007, p. 222). Cette communication sous la forme dโ€™une histoire peut se faire via diffรฉrentes formes, par exemple un tรฉlรฉroman, un article de journal ou encore un tรฉmoignage (Kreuter et al., 2007).
Ce type de communication diffรจre donc des messages de santรฉ transmis de maniรจre non narrative et plutรดt didactique, ces derniers ne faisant quโ€™exposer des affirmations soutenues par des รฉvidences scientifiques ou des raisons logiques (Kreuter et al., 2007). Diffรฉrents mรฉcanismes psychologiques ont รฉtรฉ suggรฉrรฉs pour expliquer pourquoi les messages narratifs peuvent รชtre plus efficaces que les messages didactiques pour influencer les attitudes et les comportements. Quelques รฉlรฉments saillants au sujet de ces mรฉcanismes et des thรฉories les expliquant sont mentionnรฉs dans les prochaines lignes.
Dโ€™abord, Dahlstrom (2014) a relevรฉ quelques รฉtudes empiriques suggรฉrant que les messages narratifs seraient plus faciles ร  comprendre, plus rapides ร  lire et mieux encodรฉs dans la mรฉmoire que les communications logiques et scientifiques. Ensuite, plusieurs thรฉories ont comme รฉlรฉment commun le fait que lโ€™exposition ร  une communication narrative diminuerait la rรฉsistance ร  ce message comparativement ร  lโ€™exposition ร  un message persuasif traditionnel (Green et Brock, 2000; Moyerโ€Gusรฉ, 2008; Slater et Rouner, 2002). Ainsi, comme le rapporte Moyerโ€Gusรฉ (2008), une des formes de rรฉsistance les plus importantes serait la rรฉactance psychologique, soit une rรฉsistance qui sโ€™รฉveille chez un individu quand il a la perception que sa libertรฉ de choisir ses attitudes et ses comportements est menacรฉe (Brehm, 1966; Brehm et Brehm, 1981, citรฉs dans Moyer-Gusรฉ, 2008). De ce fait, lorsquโ€™un individu remarque quโ€™un message essaie de le convaincre, ce message peut รชtre perรงu comme une menace ร  son indรฉpendance et รชtre rejetรฉ dโ€™emblรฉe, mรชme si les recommandations quโ€™il comporte visent le bien de lโ€™individu (Moyerโ€Gusรฉ, 2008). Mais si le destinataire ne perรงoit pas quโ€™il est exposรฉ ร  une communication persuasive, il nโ€™aura pas tendance ร  mobiliser ce genre de dรฉfenses (Moyerโ€Gusรฉ, 2008). Le fait dโ€™รชtre absorbรฉ ou transportรฉ par lโ€™histoire pourrait faire en sorte que lโ€™aspect persuasif du message serait moins perรงu et pourrait prรฉvenir la formulation de contre-arguments ร  ce message (Green, 2006; Slater et Rouner, 2002). En effet, lorsquโ€™une personne est transportรฉe par une histoire, ses processus mentaux sont concentrรฉs sur celle-ci et la personne porterait alors moins attention aux faits issus du monde rรฉel, dont ses connaissances et ses croyances antรฉrieures qui peuvent รชtre en contradiction avec le message (Green et Brock, 2000). Elle serait donc plus rรฉceptive au message. ร‰galement, une communication sous la forme dโ€™une histoire est plus prรจs des rรฉalitรฉs des individus, peut amener le destinataire ร  se crรฉer des images mentales et lui faire ยซ vivre ยป ce qui est racontรฉ comme si cela lui รฉtait arrivรฉ personnellement (Green, 2006). Une certaine connexion avec un personnage peut aussi faciliter le phรฉnomรจne de transportation en plus de faire en sorte que les propos et les actions du personnage en question puissent avoir un plus grand impact chez le destinataire (Green, 2006). Lโ€™identification avec un personnage qui vit un รฉvรฉnement nรฉgatif pourrait aussi changer la perception dโ€™invulnรฉrabilitรฉ que certains individus peuvent avoir (Moyerโ€Gusรฉ, 2008). Finalement, une thรฉorie avance aussi que les personnages peuvent amener une rรฉponse รฉmotive ร  un message narratif qui pourrait influencer lโ€™adoption dโ€™un comportement (Green, 2006).
Plusieurs rรฉsultats empiriques soutiennent diffรฉrents รฉlรฉments des thรฉories mentionnรฉes. Par exemple, Green et Brock (2000) ont testรฉ lโ€™effet la transportation : leurs rรฉsultats expรฉrimentaux ont montrรฉ que les personnes plus transportรฉes par une histoire seraient ensuite plus nombreuses ร  rapporter des croyances en accord avec le message vรฉhiculรฉ par lโ€™histoire. Une รฉtude ayant รฉvaluรฉ lโ€™effet dโ€™une vidรฉo narrative portant sur les virus du papillome humain (VPH) a รฉgalement montrรฉ que lโ€™identification avec un personnage dans une histoire serait associรฉe ร  lโ€™acquisition dโ€™attitudes congruentes avec celles du personnage (Murphy, Frank, Chatterjee et Baezconde-Garbanati, 2013).
En somme, les fondements thรฉoriques sur lโ€™efficacitรฉ des messages narratifs suggรจrent quโ€™il sโ€™agit dโ€™un type de communication intรฉressant pour convaincre les parents des bienfaits et de lโ€™importance de la vaccination.

Donnรฉes probantes sur lโ€™impact des messages narratifs en comparaison avec lโ€™impact des messages didactiques

Plusieurs รฉtudes ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes dans le domaine de la santรฉ afin dโ€™รฉvaluer lโ€™efficacitรฉ des messages narratifs7. Dโ€™abord, quelques mรฉta-analyses et revues systรฉmatiques rรฉcentes portant sur la comparaison des messages narratifs avec des messages plus didactiques ou des statistiques ont pu รชtre relevรฉes (Bekker et al., 2013; Perrier et Martin Ginis, 2017; Shen et al., 2015; Winterbottom et al., 2008; Zebregs et al., 2015). Cependant, ces derniรจres รฉtaient souvent limitรฉes par un petit nombre dโ€™รฉtudes incluses ou de lโ€™hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ, ce qui pouvait empรชcher les auteurs de conclure dรฉfinitivement quโ€™un type de message serait supรฉrieur ร  lโ€™autre. En effet, les messages narratifs testรฉs ne constituaient pas nรฉcessairement des interventions comparables. Entre autres, les communications รฉtudiรฉes portaient sur des sujets trรจs variables (par exemple, la prรฉvention de lโ€™infection au VPH, le dรฉpistage du cancer du sein ou la consommation dโ€™alcool), le type dโ€™informations fournies pouvait diffรฉrer (par exemple, des informations seulement sur les facteurs de risque et sur les comportements prรฉventifs, ou seulement sur les consรฉquences dโ€™un comportement nocif), les messages รฉtaient sur des supports diffรฉrents (par exemple, imprimรฉ ou vidรฉo) et leur longueur pouvait varier (Winterbottom et al., 2008; Zebregs et al., 2015). Malgrรฉ tout, il y a des donnรฉes probantes en faveur dโ€™une plus grande efficacitรฉ des messages narratifs par rapport aux messages didactiques ou statistiques dans certaines de ces mรฉta-analyses et revues systรฉmatiques (Bekker et al., 2013; Shen et al., 2015; Zebregs et al., 2015).
Ainsi, deux mรฉta-analyses ont trouvรฉ que les messages narratifs peuvent รชtre plus convaincants que des statistiques ou des messages non narratifs pour amรฉliorer lโ€™intention dโ€™adopter un comportement (Shen et al., 2015; Zebregs et al., 2015), lโ€™attitude envers le comportement ou le comportement lui-mรชme (Shen et al., 2015), bien que les tailles dโ€™effet trouvรฉes รฉtaient petites. Par contre, dans la revue systรฉmatique de Perrier et Martin Ginis (2017) qui ont รฉtudiรฉ lโ€™effet des messages narratifs pour promouvoir le dรฉpistage de diffรฉrentes maladies, les auteurs ont conclu que les donnรฉes probantes รฉtaient partagรฉes en ce qui a trait ร  la supรฉrioritรฉ des messages narratifs par rapport aux messages statistiques. Ces rรฉsultats sont cependant en opposition avec ceux de la mรฉta-analyse de Shen et al. (2015). Dans cette derniรจre รฉtude, il sโ€™est avรฉrรฉ que les messages narratifs รฉtaient plus efficaces que les messages non narratifs pour la promotion de comportements de dรฉpistage et de prรฉvention. Par ailleurs, il est intรฉressant de noter que Perrier et Martin Ginis (2017) ont quand mรชme conclu que, dans toutes les รฉtudes incluses ayant รฉvaluรฉ lโ€™effet des messages narratifs sur lโ€™intention ou le comportement, mais sans les comparer avec dโ€™autres types de messages persuasifs, lโ€™intention de subir un dรฉpistage ou le nombre de personnes ayant rรฉalisรฉ le dรฉpistage augmentait.
Ensuite, les revues systรฉmatiques de Winterbottom et al. (2008) et de Bekker et al. (2013) ont รฉtudiรฉ les messages narratifs dans la perspective de les intรฉgrer ร  des outils dโ€™aide ร  la dรฉcision, soit des outils prรฉsentant des informations balancรฉes sur les avantages et dรฉsavantages de maniรจre plutรดt didactique et encourageant les individus ร  รฉvaluer ces informations selon leurs croyances et leurs valeurs (Winterbottom et al., 2008). Dans la revue systรฉmatique de Winterbottom et al. (2008), les auteurs ont conclu que les รฉvidences รฉtaient limitรฉes en ce qui a trait ร  lโ€™efficacitรฉ persuasive des messages narratifs en comparaison avec soit des informations statistiques, soit aucune information additionnelle fournie (Winterbottom et al., 2008). Cependant, les auteurs ont remarquรฉ que les interventions testรฉes prรฉsentaient de grandes variations, par exemple en ce qui a trait ร  la longueur du message ou au type dโ€™informations prรฉsentรฉes, ce qui limite les conclusions possibles au sujet de lโ€™efficacitรฉ de ces messages. Finalement, dans la revue de Bekker et al. (2013), des outils dโ€™aide ร  la dรฉcision incluant un message narratif ont รฉtรฉ comparรฉs ร  des outils dโ€™aide ร  la dรฉcision nโ€™en comprenant pas. Il nโ€™a pas รฉtรฉ possible pour ces auteurs de dรฉterminer si lโ€™ajout dโ€™une histoire personnelle ร  un outil dโ€™aide ร  la dรฉcision pourrait amener les patients ร  prendre une dรฉcision plus รฉclairรฉe que sans histoire personnelle. Malgrรฉ tout, certains rรฉsultats relevรฉs dans leur revue systรฉmatique, tout comme ceux de la mรฉta-analyse de Shen et al. (2015), suggรฉraient quโ€™il รฉtait possible que les messages narratifs puissent รชtre bรฉnรฉfiques pour les individus avec un niveau de littรฉratie infรฉrieur (Bekker et al., 2013; Shen et al., 2015).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthรจse et d’รฉvaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le tรฉlรฉchargement des modรจles gratuits de projet de fin d’รฉtude, rapport de stage, mรฉmoire, pfe, thรจse, pour connaรฎtre la mรฉthodologie ?avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’รฉtude.

Table des matiรจres

Introduction
Chapitre 1- Problรฉmatique et revue de littรฉrature
1.1 La rougeole
1.2 Hรฉsitation vaccinale
1.3 Messages narratifs
1.3.1 Donnรฉes probantes sur lโ€™impact des messages narratifs en comparaison avec lโ€™impact des messages didactiques
1.3.2 Caractรฉristiques modulant lโ€™effet des messages narratifs
1.4 Conclusion de la problรฉmatique
1.5 Objectifs de recherche
1.5.1 Objectif gรฉnรฉral
1.5.2 Objectifs spรฉcifiques
Chapitre 2- Cadre thรฉorique
Chapitre 3- Dรฉmarche mรฉthodologique
3.1 Type dโ€™รฉtude et justification
3.2 Contexte de lโ€™รฉtude
3.3 Sรฉlection des participants
3.3.1 Population ร  lโ€™รฉtude et รฉchantillonnage
3.3.2 Critรจres dโ€™inclusion et dโ€™exclusion
3.3.4 Recrutement
3.4 Collecte des donnรฉes
3.4.1 Groupes de discussion
3.4.2 Questionnaires
3.5 Analyse des donnรฉes
3.5.1 Analyse des donnรฉes qualitatives
3.5.2 Analyse des donnรฉes quantitatives (questionnaire PACV)
3.5.3 Analyse mixte (donnรฉes qualitatives et quantitatives) : classification de lโ€™attitude gรฉnรฉrale des participants sur la vaccination
3.6 Critรจres de rigueur
3.7 Considรฉrations รฉthiques
Chapitre 4- Rรฉsultats
4.1 Portrait sociodรฉmographique des participants
4.2 Croyances, perceptions et attitudes des participants sur la vaccination
4.2.1 Attitude gรฉnรฉrale
4.2.2 Perceptions et croyances des participants selon les construits du modรจle des croyances relatives ร  la santรฉ
4.2.3 Confiance envers les diffรฉrentes instances impliquรฉes dans la vaccination des enfants
4.2.4 Norme subjective
4.3 Perception des messages de promotion de la vaccination contre la rougeole 51
4.3.1 Histoire A : message narratif et รฉmotif dans lequel une mรจre tรฉmoigne
4.3.2 Histoire B : message narratif et รฉmotif dans lequel un mรฉdecin tรฉmoigne
4.3.3 Histoire C : message exposant des faits dans lequel une mรจre tรฉmoigne
4.3.4 Histoire D : message exposant des faits dans lequel un mรฉdecin tรฉmoigne
4.3.5 Comparaison de lโ€™influence des histoires sur les construits au coeur du modรจle des croyances relatives ร  la santรฉ
4.3.6 Autres comparaisons
Chapitre 5- Interprรฉtation et discussion
5.1 Discussion sur les croyances, perceptions et attitudes sur la vaccination
5.1.1 Considรฉrations sur la catรฉgorisation de lโ€™attitude sur les vaccins en gรฉnรฉral
5.1.2 Dualitรฉ entre lโ€™empowerment et la confiance
5.1.3 Utilitรฉ des concepts au coeur du modรจle des croyances relatives ร  la santรฉ
5.1.4 Norme subjective
5.2 Discussion sur la perception des messages de promotion de la vaccination contre la rougeole
5.2.1 Efficacitรฉ des messages narratifs et รฉmotifs
5.2.2 Efficacitรฉ des messages factuels
5.2.3 Comparaison des deux messages les plus efficaces : un message narratif dans lequel une mรจre tรฉmoigne vs un message factuel dans lequel un mรฉdecin tรฉmoigne
5.3 Limites et forces
5.3.1 Limites
5.3.2 Forces
5.4 Implication des rรฉsultats pour la santรฉ publique et pour la recherche
Conclusion
Bibliographie

Rapport PFE, mรฉmoire et thรจse PDFTรฉlรฉcharger le rapport complet

Tรฉlรฉcharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiรฉe. Les champs obligatoires sont indiquรฉs avec *