Discordances dans la communication entre le médecin et les parents

Enjeux de la naissance à la limite de la viabilité

En Amérique du Nord, 8,1 à 11,8% des enfants naissent avant terme, soit à moins de 37 semaines de gestation (10) dont 0,2 %, à moins de 26 semaines, soit à la limite de la viabilité (11- 13). Même s’ il s’agit d’environ 500 enfants annuellement au Canada (12), une naissance aussi hâtive représente un risque significatif autant pour la survie, les complications intrahospitalières à court terme et les séquelles que l’ enfant pourrait conserver à long terme. Les chances de survie pour ces enfants se situent entre 20 – 40% pour les enfants nés à 23 semaines, et 75 – 90 % pour les enfants nés à 26 semaines de gestation . La survie de ces enfants dépend d’un arsenal thérapeutique sophistiqué nécessaire pour une période allant de plusieurs semaines à quelques mois.

Le meilleur intérêt de l’enfant (Critère central) 

La décision du niveau de soins est d’abord basée sur le critère central du «meilleur intérêt» de l’enfant (37;38). Du point de vue de la Société Canadienne de Pédiatrie (SCP), les données médicales probantes les plus récentes sur le taux de survie et les risques de séquelles à long terme sont des guides importants pour déterminer le meilleur intérêt de l’enfant (11;14). L’interprétation de ces données probantes navigue le plus souvent entre les principes de la protection du « caractère sacré de la vie » et de la protection de la« qualité de vie » du nouveauné. La préservation et la récupération des fonctions physiologiques vitales, la qualité de vie, le maintien de la jouissance de la vie, le soulagement de la souffrance et la possibilité de maintenir ou de récupérer les capacités d’autodétermination sont des facteurs qui peuvent être également retenus pour définir le meilleur intérêt de l’enfant (37;39). La qualité de vie, concept plus difficile à définir encore, dépend de plusieurs facteurs, dont les capacités individuelles, la contribution de la famille face aux difficultés et également les contributions de la société (30;40). Compte tenu de tous ces éléments, une définition claire du meilleur intérêt de l ‘enfant reste difficile à préciser dans la pratique clinique, car la hiérarchie des valeurs associées à chacun des facteurs varie pour chacun des acteurs impliqués dans le processus de décision.

Déterminer une « bonne » décision

Bien que le critère central, le meilleur intérêt de l’ enfant, sur lequel la décision se prend soit le même pour les parents et le néonatalogiste, la recherche empirique démontre bien comment la détermination d’une « bonne » décision est différente pour chacun des acteurs impliqués.

D’abord, pour le néonatalogiste, une «bonne » décision est appuyée sur l’assurance que les parents ont bien compris l’information qu’il partage avec eux. Les données médicales probantes que décrivent les statistiques de survie et de séquelles à long terme sont la base des recommandations de la SCP en ce qui concerne le type de soins à offrir à un enfant naissant à la limite de la viabilité (11;14) et influencent grandement la perspective du néonatalogiste sur la définition du meilleur intérêt pour 1′ enfant. Le néonatalogiste est rassuré et satisfait si les parents reconnaissent et comprennent ces données médicales probantes qu’il croit essentielles à la prise de décision (1).

Pour les parents, une bonne décision est celle qui tient compte de leur perspective et qui est soutenue par une équipe médicale scientifiquement compétente ayant également des qualités humaines ( 1 ). D’abord, l ‘information sur la prédiction de survie et de séquelles à long terme pour leur enfant n’est pas toujours centrale à la décision des parents bien qu’elle puisse être importante (8;41;42). Cette information considérée sombre et décourageante a tendance à être reformulée en termes plus positifs par les parents (1;2). Les parents apprécient l’information sur les risques liés à la prématurité selon Y ee et coll. (8), mais désirent aussi recevoir de l’ information sur leur rôle de parents en relation avec l’enfant lorsque celui-ci sera né et hospitalisé.

En plus de l’information, la décision des parents est aussi guidée par l’espoir que tout irait bien, par leur expérience passée ou encore par des valeurs spirituelles ou religieuses, comme celle qu’un miracle peut toujours arriver (2;7). Par ailleurs, Payot et coll.(l) réalisaient que pour guider les parents vers une «bonne» décision, la consultation anténatale devait pouvoir permettre de jeter les bases pour la création d’un espace relationnel humain autour d’un projet négocié à partir des perspectives de chacun et qui sera partagé entre les acteurs impliqués dans le processus de prise de décision. Le soutien offert aux parents par le néonatalogiste était primordial. Celui-ci en particulier devait focaliser son attention sur la perspective des parents (leur compréhension de la situation, leurs inquiétudes et attentes face à la grossesse, etc.) et non seulement sur la perspective médicale de la naissance prématurée de l’ enfant.

La participation des parents dans la prise de décision 

La participation des parents dans le processus de décision entourant la naissance d’un enfant à la limite de la viabilité est un enjeu majeur. Dans ce contexte, le cadre juridique indique le critère sur lequel les décisions se prennent, soit le meilleur intérêt de l’enfant, et également qui doit prendre les décisions pour l’enfant, soit ceux qui ont l’autorité parentale- classiquement les parents (34). Par contre, ce cadre reste imprécis sur les normes à suivre pour véritablement protéger la participation des parents et les guider dans la définition du meilleur intérêt pour leur enfant. Les repères éthiques répondent en partie à ces besoins, mais essentiellement à partir d’un point de vue basé sur des valeurs professionnelles. La bioéthique d’abord, décrit des principes qui d’une part protègent l’autonomie de la personne à prendre les décisions (autonomie) et d ‘autre part, décrit les normes sur lesquelles les décisions devraient être prise (bienfaisance, nonmalfaisance et justice)( 43 ). Toutefois, celle-ci n’est pas assez précise pour protéger la participation des parents dans le processus de décision. L’ éthique de la discussion, pour sa part, souligne les règles de communication qui pourraient permettre de protéger la véritable opportunité des acteurs, dont les parents, de participer au processus de décision. Malgré les repères juridiques et éthiques, les repères cliniques liés à la pratique et les valeurs véhiculées en néonatalogie font en sorte que l’autorité parentale est souvent mise à l’épreuve et limitée par les médecins même si les parents souhaitent être impliqués (3).

Discordance dans la communication entre le médecin et les parents

En plus des souhaits exprimés par les parents relativement à l ‘interaction entre le médecin et eux-mêmes, plusieurs études tendent à démontrer qu’il existe des discordances dans la communication entre le médecin et les parents lors de la consultation anténatale. Celles-ci peuvent être de natures différentes, allant du souvenir de ce qui a été discuté ( 6), du niveau souhaité de participation au processus de décision (6) à, comment les participants s’engagent ou encore comment une «bonne » décision est définie (section 1.2.2. – Déterminer une «bonne» décision) ( 1 ). Les différences entre les souvenirs remémorés par les parents et les médecins ont été démontrées par Zupancic et coll. (6) qui observent que dans la moitié des cas, le médecin était incapable d’identifier correctement le niveau de participation réel souhaité par le parent. De plus, Payot et coll. (1) mettent en lumière que les parents et le médecin ont un point de vue de départ différent lorsqu’ils s’engagent dans la consultation anténatale. L’attention du médecin sera orientée vers le plan de traitement qui sera offert à l’enfant à risque de naître alors que les parents sont face à la possibilité d’un échec de la parentalité. Si les recommandations sont en accord avec l’expérience des parents et leurs besoins alors ces derniers se sentiront inclus dans le processus de décision et l’intègreront favorablement comme étant leur décision.

Dans le cas contraire, ils se sentiront abandonnés. Il est possible que ces discordances puissent expliquer que plusieurs parents (environ 30 %) ne semblent pas avoir été satisfaits par la rencontre anténatale (7;8). Devant le constat de ces discordances, il devient nécessaire d’identifier des moyens pour faciliter le processus de décision partagée.

CONCLUSION 

La consultation anténatale est le contexte principal où les décisions qui devront être prises pour un enfant à risque de naître à la limite de la viabilité sont discutées entre le médecin néonatalogiste, la mère et le père. Cette naissance très prématurée comporte des enjeux ayant des conséquences significatives pour l’ enfant et la famille qui rendent le processus de décision complexe et difficile. Cette décision se situera entre deux pôles, d’un côté des soins de traitements intensifs sans garantie de succès et de l’autre des soins palliatifs.

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Table des matières

CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1. Enjeux de la naissance à la limite de la viabilité
1.2. Contexte, acteurs et critères de la décision
1.2.1. Le contexte
1.2.2. Les acteurs
1.2.3. Les critères
1.3. La participation des parents dans la prise de décision
1.3.1. Repères juridiques
1.3.2. Repères éthiques
1.3.3. Repères cliniques
1.3.4. La perspective des parents sur leur participation
1.4. Communication lors de la consultation anténatale
1.4.1. Comment les parents souhaitent-ils que les médecins interagissent avec eux?
1.4.2. Discordances dans la communication entre le médecin et les parents
1.4.3. Facilitateurs du processus de décision partagée
1.4.4. Cadre théorique interactionnel
1.4.5. Modèle de consultation anténatale
1. 5. La satisfaction des parents
1.6. Questions de recherche
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE 
2.1. Stratégie de recherche -recherche qualitative de nature ethnométhodologique
2.2. Description de la population cible
2.2.1. Critères d’inclusion
2.2.2. Critères d’exclusion
2.3. Déroulement de la recherche et de la consultation anténatale
2.3.1. Recrutement et consentement
2.3.2. Collecte des données
2.4. Analyse des données
2.4 .1. Analyse de la consultation anténatale (T 1)
2.4.2. Analyse des entrevues post-consultation (T2)
2.4.3. Intégration des analyses des données Tl et T2
2. 5. Considérations éthiques
CHAPITRE III ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
3.1. Caractéristiques des participants des systèmes- enfant à risque
3.2. Comment se déroule la communication menant à la participation des parents lors de la consultation anténatale?
3 .2.1. Description des interactions parents – néonatalogiste
3.2.2. Descriptions des niveaux de satisfaction des parents
3.2.3 Caractéristiques du déroulement des communications liées à la satisfaction des parents de leur participation à la prise de décision
3.2.4. Thèmes discutés lors de la consultation anténatale par le néonatalogiste
3.3. Comment les parents décrivent les éléments qui expliquent leur niveau de satisfaction relativement à leur participation au processus de décision?
3.3.1. Exemple de récit de parents satisfaits de leur participation à la prise de décision (système – enfant à risque #2)
3.3.2. Exemple de récit de parents insatisfaits de leur participation à la prise de décision (système- enfant à risque #5)
3.3.3. Thèmes et catégories qui décrivent les éléments de la satisfaction des parents
CHAPITRE IV DISCUSSION
4.1. Modèle de participation satisfaisante pour les parents
4.1.1. Accès à une information « pondérée »
4. 1.2. La possibilité de choisir
4.1.3. A voir du temps pour réfléchir
4.1.4. L’établissement de la relation de confiance parents – médecin
4.1. 5. Communication : alternance des rôles d’experts et interruptions
4.1.6. L’opportunité de participer
4.2. Satisfaction des parents
4.3. Du modèle de décision partagée à l’opportunité de participer
4.4. L’influence de l’âge gestationnel de l’enfant à risque de naître à la limite de la viabilité sur la satisfaction des parents de leur participation à la prise de décision
4.5. Forces et limites de l’étude
4.6. Implications cliniques
4.6.1. Éléments de communication
4.6.2. Éléments de la participation
4. 7. Directions pour future recherches
CHAPITRE V CONCLUSION

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