Discontinuité et variabilité de l’exposition au risque routier

DEFINITION DE L’EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER

     La définition de l’exposition au risque routier est souvent confondue avec la définition de sa mesure usuelle : le nombre de kilomètres parcourus par un usager. Ses définitions sont pourtant abondantes 15-18. Certaines sont vagues « unité de risque dans les taux d’accidents de véhicules motorisés » 19, « mesure de l’utilisation de la route. » 20. La plupart font cependant référence à la notion de « quantité d’opportunités d’accident de la circulation» rencontrées par un conducteur sur le système routier 18 21, c’est-à-dire au « nombre de fois où le conducteur devient vulnérable » 22 23 ou au « nombre de fois où un danger peut survenir. » . L’exposition au risque routier est ainsi assimilée à un cumul de situations de déplacement dangereuses et ces dangers augmentent continuellement avec l’accroissement de l’activité de conduite. Ces définitions se focalisent essentiellement sur les conducteurs de véhicules motorisés et sur les éléments actifs du système routier, c’est-à-dire les usagers se déplaçant. Une définition plus large est cependant nécessaire pour appréhender les situations dangereuses des piétons, des cyclistes ou des usagers susceptibles d’être accidentés mais immobiles sur le réseau. La définition de 17 est à ce titre plus globale : « se trouver dans une situation à risque d’être impliqué dans un accident de la route, risque mesurable … pour les éléments actifs et passifs du système de trafic ». D’autres définitions donnent un sens encore plus large au concept d’exposition au risque routier : 15 16 18
-« Quantité d’événements extérieurs (à l’usager) rencontrés lorsqu’il se déplace et dangerosité relative à chacun de ces événements évaluée en terme d’où, quand et comment une personne conduit ».
– « Fréquence des occurrences de situations à risque et des circonstances associées à ces situations à risque ».
-« Nombre de fois où le conducteur devient vulnérable à une collision. Le nombre de situations de vulnérabilité dépend « d’où, quand et comment » le déplacement s’effectue.
– « Fonction du risque relatif qui caractérise le conducteur/véhicule dans toutes les combinaisons d’environnement, spécialement selon le lieu sur le système routier ».
– « Processus systématique affectant le système routier qui dépend de l’interaction continue entre le comportement du conducteur et l’environnement en continuel changement. On doit aller au-delà de la mesure brute de kilométrage en intégrant les caractéristiques des véhicules et conducteurs, celles du système routier et de l’intensité de son usage et les conditions environnementales ».
– « L’exposition ne peut être dissociée de la responsabilité. La première mesure évoque le nombre de situations qui peuvent conduire à un accident de la route pour un groupe donné en situation de déplacement. La seconde évoque les caractéristiques de l’usager ou du véhicule qui concourent à l’apparition d’une occurrence d’accident. » 25
-« L’exposition au risque d’accident évoque le nombre d’opportunités d’accident. Ce nombre peut varier selon le déplacement effectué et les risques auxquels sont exposés les usagers varient selon le comportement et les circonstances rencontrées lors de ce déplacement. » – « De nombreux paramètres interviennent dans l’exposition au risque d’accident de la route et il serait nécessaire, à l’avenir, d’analyser ce problème dans son ensemble, en considérant le risque relatif du conducteur et l’amplitude de l’exposition. Le premier paramètre tient compte des caractéristiques personnelles de l’individu, du type d’affection et de sa permanence, et du type d’utilisation de la route, tandis que le deuxième peut-être mesuré en kilomètre, heure de conduite, ou selon la consommation de carburant » . L’exposition au risque routier ne peut donc se limiter à un simple décompte quantitatif des opportunités d’accidents de la route. Elle englobe également une dimension qualitative, l’intensité d’exposition, découlant des caractéristiques de l’usager, du mode de déplacement utilisé et de l’environnement de déplacement. L’environnement de déplacement regroupe les facteurs externes à l’usager et à son mode de déplacement susceptibles de l’influencer dans sa façon de se déplacer : caractéristiques de l’infrastructure utilisée, caractéristiques météorologiques, ou plus largement les conditions de circulation, résultant entre autres des politiques de prévention, de répression routières… 9 27 28 La combinaison des caractéristiques « usager-véhicule-environnement » définit donc le niveau de dangerosité de chaque opportunité d’accident . La dangerosité de l’activité de déplacement est conditionnée par les comportements de l’usager et sa capacité à conduire, eux-mêmes conditionnés par l’environnement de déplacement 29. La conceptualisation de l’exposition présentée par Hauer 30 est la plus conforme à ces définitions. Elle permet d’appréhender la dimension quantitative et qualitative (intensité d’exposition) de l’exposition au risque routier. Dans le cadre probabiliste ainsi proposé, chaque opportunité d’accident, c’est-à-dire chaque unité d’exposition, est assimilée à un essai. Le domaine de définition des essais, le « chance set up », est le système routier. Chaque nouvelle unité d’exposition correspond à un nouvel essai. Une probabilité d’accident est associée à chaque unité et est définie par la combinaison de caractéristiques usagervéhicule-environnement présentes dans l’unité considérée. Chacune des unités a alors une probabilité singulière « de réussite », c’est-à-dire de se transformer en accident. Ces probabilités permettent de décrire les « propriétés de sécurité » du système routier examiné. L’exposition au risque routier, « l’exposition », est considérée selon une triple dimension : l’implication ou non des sujets sur le réseau routier (exposition de base), la quantité d’utilisation de ce réseau (exposition quantitative) et la qualité de l’exposition au risque routier définie en fonction des combinaisons de caractéristiques usager-véhicule environnement présentes (intensité de l’exposition). Il existe d’autres définitions de l’exposition au risque routier lorsqu’il s’agit d’étudier l’insécurité routière propre à un site ou une portion du réseau routier. Ces définitions ne sont pas présentées car l’entité d’intérêt dans ce travail est l’usager. Cette remarque est également valable pour la suite, notamment pour le paragraphe sur les unités de mesure de l’exposition.

Discontinuité et variabilité de l’exposition au risque routier

    L’exposition au risque routier est un phénomène très discontinu. Lors d’un trajet, le sujet cumule des unités d’exposition. Au terme de ce déplacement, il quitte la population à risque d’accident. Il appartient de nouveau à cette population lorsqu’il entame un autre déplacement. La figure 2 décrit l’exposition au risque routier d’un usager ayant n trajets au cours de la période d’observation. Ces trajets sont entrecoupés de périodes où il ne cumule pas d’unités d’exposition, puisqu’il ne se déplace plus. Il ne peut avoir d’accident de la circulation. Cette figure illustre également l’extrême variabilité de l’exposition au risque routier. D’une part le nombre d’unités cumulées varie d’un trajet à l’autre, d’autre part, l’intensité d’exposition varie pour chaque unité parcourue selon les combinaisons de caractéristiques usager-véhicule environnement. L’exemple présenté illustre l’exposition au risque routier globale d’une femme de 35 ans. Son premier trajet dans la période d’observation est un déplacement domicile-travail. Il débute à l’aube, sous la pluie, en zone rurale. Elle se déplace en voiture particulière et sous contrainte de temps puisqu’elle doit emmener ses enfants à l’école. Son trajet s’achève à pied, en zone urbaine, après avoir garé son véhicule sur un parking à proximité de son lieu de travail alors que la pluie a cessé de tomber. Elle entamera un deuxième trajet sur la voie publique pendant sa pause déjeuner pour se rendre à un point de restauration, trajet qu’elle parcourra à nouveau, plusieurs minutes après, en sens inverse. A la fin de sa journée, elle quittera son travail soit pour aller récupérer ses enfants sur leur lieu de garde ou pour réaliser d’autres démarches (courses,…). Elle cumule ainsi un ensemble de trajets jusqu’à la date de point. Chaque unité d’exposition se singularise en fonction de sa combinaison de caractéristiques usager véhicule environnement. Une unité d’exposition d’un certain trajet, par exemple lors de son trajet matinal domicile-travail, est différente de l’unité d’exposition parcourue le lendemain au même endroit car certaines caractéristiques de l’usager (son attention, sa prise de risque…) ou de l’environnement (la météo, la luminosité…) se seront modifiées. Les unités d’exposition sont d’autant plus singulières qu’elles sont parcourues par un autre usager. L’exposition au risque routier se caractérise ainsi par une multitude de périodes/fenêtres d’exposition dont la durée va correspondre à une unité d’exposition. Chaque fenêtre a sa propre intensité d’exposition définie en fonction de ses caractéristiques usager-véhicule environnement. En épidémiologie environnementale, l’évaluation de l’exposition au radon, à l’instar de l’exposition au risque routier, nécessite de considérer des fenêtres d’exposition très réduites : la quantité de radon auquel un sujet est soumis varie en fonction de la saison mais également du moment de la journée 108. Les comportements individuels ont également un impact sur l’intensité de l’exposition (aérer les pièces de vie, temps passé hors d’un espace clos). En épidémiologie nutritionnelle, les expositions sont également variables au cours du temps : le régime alimentaire d’un individu se modifie au cours de sa vie tant en quantité qu’en qualité 109. La nature et la composition des produits ingérés varient également au cours du temps. L’exposition au risque routier présente cependant une « volatilité » plus importante puisque l’intensité d’exposition varie d’une unité à l’autre contrairement à ces deux exemples où les fenêtres d’exposition peuvent présenter des intensités d’exposition plus durables.

Effet de la structure hiérarchique

    Comme nous venons de le voir la population d’étude considérée dans l’analyse de responsabilité est composée d’usagers impliqués dans des accidents à un, deux ou plusieurs véhicules. Une partie des sujets sont donc impliqués dans les mêmes accidents. Dans notre étude, les données présentent une structure hiérarchique de type accident-véhicule-usager (ou plutôt accident-usager puisqu’il n’y a qu’un usager considéré par véhicule). Les données ne sont plus « indépendantes et identiquement distribuées » (iid) comme cela est pourtant requis afin d’utiliser les modèles linéaires généralisés et en particulier le modèle logistique. Ignorer la présence de dépendance entre une partie des données peut affecter la validité des odds ratios estimés et celle des intervalles de confiance associés. La structure hiérarchique est « faible » avec moins de 1,4 sujets par accident dans la population d’étude utilisée pour l’approche standard. La structure des données est très proche d’une structure « iid » : 52% des informations sont indépendantes, soit parce que les sujets sont impliqués dans des accidents à un seul véhicule (43% des accidentés étudiés) soit parce que le critère d’exclusion des sujets seuls décédés et non responsables de leur accident a conduit à n’utiliser qu’un seul des sujets impliqués dans un accident à au moins deux véhicules. Enfin, moins de 10% des sujets étudiés sont impliqués dans un accident à plus de deux véhicules. Le modèle hiérarchique à deux niveaux, accident-véhicule, montre que la variance associée aux corrélations du niveau véhicule est très faible et non significative : 0,0003355 (σ =419,6). Les risques et leurs intervalles de confiance estimés avec le modèle logistique hiérarchique et avec le modèle logistique standard sont similaires (tableau 33). La significativité statistique des associations est également identique. La non prise en compte de la structure hiérarchique n’affecte pas la validité des estimations. Même si sur le plan théorique les données ne sont pas « iid », le modèle logistique standard reste pertinent.

Risque d’accident selon le type d’accident

    L’analyse cas-témoins standard fournit une mesure de risque valable pour l’ensemble de la population circulante. Si toutefois les risques nécessitent d’être estimés par type d’accident, l’interaction « type d’accident×facteur de risque d’intérêt » peut être introduite dans l’analyse de responsabilité (tableau 32). La détermination des risques de causer un accident à un véhicule est cependant difficile : le faible nombre de témoins impliqués dans ce type d’accident conduit à estimer des odds ratios peu fiables et difficiles à interpréter. L’approche accident seul est plus appropriée puisqu’en réutilisant les témoins de l’approche clean crash, elle dispose d’un groupe de comparaison plus important. L’approche clean crash est également plus appropriée pour étudier l’étiologie des collisions : l’utilisation du processus d’appariement fournit un meilleur contrôle des facteurs de confusion liés à l’environnement de déplacement qu’ils soient mesurés ou non 181. L’analyse cas-témoins standard ne contrôle que les facteurs de confusion mesurés et introduits dans la régression.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. MATÉRIEL ET MÉTHODE
3. RÉSULTATS
Chapitre 1 État de l’art et conceptualisation épidémiologique de l’exposition au risque routier 
1.1. DEFINITION DE L’EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER
1.2. UTILISATION DE L’EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER
1.3. METRIQUE DE L’EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER
1.4. COLLECTE DE L’EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER
1.4.1. Techniques de collecte
1.4.2. Exemples de recueils
1.4.3. Limites des données recueillies
1.5. EXPOSITION AU RISQUE ROUTIER ET EPIDEMIOLOGIE
1.5.1. Exposition en épidémiologie (Ahrens and Pigeot 2005; Armstrong et al. 2003)
1.5.2. Exposition au risque routier, facteur de risque, population à risque et risque routier
1.5.3. Particularités de l’exposition au risque routier
1.5.4. Particularités de l’insécurité routière
1.6. CONCLUSION
Chapitre 2 Estimation de risques relatifs d’accident de la route lorsque l’exposition aux facteurs de risque d’accidents est connue dans la population à risque
2.1. INTRODUCTION
2.2. APPROCHE DE COHORTE
2.2.1. Matériel et méthode
2.2.2. Résultats
2.3. APPROCHE CAS-TEMOINS
2.3.1. Matériel et méthode
2.3.2. Résultats
2.4. APPROCHE ACCIDENTOLOGIQUE
2.4.1. Matériel et méthode
2.4.2. Résultats
2.5. DISCUSSION
2.5.1. Résumé des résultats
2.5.2. Forces et faiblesses
2.5.3. Comparaison des approches
Chapitre 3 Estimation de risques relatifs d’accident de la route lorsque l’exposition aux facteurs de risque d’accidents est inconnue dans la population à risque
3.1. INTRODUCTION
3.1.1. Contexte
3.1.2. Méthodes de substitution
3.1.3. Problématique et objectifs
3.2. MATERIEL ET METHODES
3.2.1. Matériel
3.2.2. Méthodes
3.2.3. Stratégie d’étude
3.3. RESULTATS
3.3.1. Approches sans détermination de la responsabilité
3.3.2. Approches avec détermination de la responsabilité
3.4. DISCUSSION
3.4.1. Correspondance des méthodes de substitution avec le design d’étude cas témoins
3.4.2. Spécificité des approches sans détermination de la responsabilité
3.4.3. Modèles avec détermination de la responsabilité
3.4.4. Avantages et limites de ces travaux
Chapitre 4 Considérations en sécurité routière primaire au sein d’une approche comparative basée exclusivement sur des données d’accidentés de la route
4.1. INTRODUCTION
4.1.1. Contexte
4.1.2. Objectifs
4.2. MATÉRIEL ET MÉTHODE
4.2.1. Matériel
4.2.2. Méthode
4.3. RÉSULTATS
4.3.1. Analyse descriptive
4.3.2. Collisions
4.3.3. Accidents à un véhicule
4.4. Discussion
4.4.1. Résumé des résultats
4.4.2. Portée des résultats
4.4.3. Spécificités de la population d’étude
4.4.4. Spécificités de la démarche d’analyse
4. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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