Les roues étudiées
Afin d’évaluer la robustesse des méthodes qui sont développées au cours de cette thèse, diférentes roues sont étudiées. Par souci de confidentialité, elles sont notées A, B, C D, et E. Leurs spécificités de conception et d’utilisation sont décrites ci-dessous.
La roue A La roue A est une roue de wagon conçue pour une charge à l’essieu de 22.5 tonnes. Cette roue est de conception nouvelle. La toile de la roue est très fortement ondulée dans le but de réduire les contraintes générées par les freinages par semelle. Le maillage 2D de la roue est présenté sur la figure 1.6 a de la page 11.
La roue B La roue B est une roue de wagon de conception ancienne conçue pour une charge à l’essieu de 22.5 tonnes. La toile de la roue est ondulée comme le montre le maillage 2D de la figure 1.6b de la page 11. Cette roue équipe une grande partie des trains de fret européens.
La roue C La roue C est une roue utilisée notamment pour le transport des voyageurs, dans les trains grande ligne. Conçue pour une charge à l’essieu de 19.5 tonnes, elle est toutefois utilisée dans les voitures de type corail (utilisée pour un tonnage inférieur à 15.6 tonnes à l’essieu).La toile de cette roue est ondulée, avec une forme très proche de celle de la roue B. Le maillage 2D de la roue est présenté sur la figure 1.6c de la page 11.
La roue D La roue D est utilisée sur les autorails. Elle a la particularité de posséder sur sa toile 18 trous qui servent au positionnement de 2 disques de frein sur la roue. Les deux disques de frein sont situés de part et d’autre de la roue. C’est une conception récente car, sur la plupart des trains, le freinage est réalisé soit sur la table de roulement avec une semelle de frein, soit sur des disques de frein directement liés à l’essieu. Depuis sa mise en circulation, au milieu des années 2000, de nouveaux matériels régionaux comme le Francilien et le Régiolis sont équipés de roues de même type avec les mêmes systèmes de frein. On peut voir une modélisation en CAO sur la figure 1.5 de la page 11. La présence de trous sur la toile doit être analysée avec précaution. En effet, lors d’incident, l’amorçage de fissures par fatigue se situe généralement sur la toile dans le cas d’une roue axisymétrique. Sur notre roue, il y a présence de trous, ce qui va perturber le champ de contrainte et venir accroitre le risque de fissuration près des trous. De plus, comme cette roue n’est pas axisymétrique elle ne rentre pas dirrectement dans le cadre de la norme en vigueur pour le dimensionement des roues axisymétriques vis-à-vis des chargements de fatigue et ses critères. Ainsi, l’U.I.C. (Union Internationale des Chemins de fer) [55] renvoie aux travaux du comité d’experts B169 [11] qui recommande l’utilisation d’un critère de fatigue multiaxial et la réalisation d’essais de fatigue en vue de leur validation. Cette roue a été validée selon cette procédure, ce qui permet d’assurer la sécurité. C’est à la suite de l’introduction de cette roue dans le parc que la présente étude a été initiée, afin de parvenir à affiner les méthodes de conception et de validation des roues non axisymétriques.
La roue E La roue E est une roue conçue spécialement pour la grande vitesse avec une charge maximale à l’essieu de 18.9 tonnes. La toile de la roue est ondulée. Le maillage 2D de la roue est présenté sur la figure 1.6d de la page 11. Cette roue de conception relativement récente a été une des premières à avoir été conçue selon la norme actuellement en vigueur du point de vue de la fatigue [1] et qui sera décrite dans la section 1.4.1.
Essais sous chargement ferroviaire
Benabes [7] a aussi appliqué sur éprouvette (sur une machine de traction-torsion au LFM et une de flexion-torsion au LAMEFIP) un trajet de contrainte proche de celui observé sur un point critique (issu d’un essai sur banc d’étalonnage d’une roue à l’échelle 1 dans ce cas). Ce trajet est pris comme base et est recréé traction et torsion combinées sur une éprouvette (cf. figure 1.9, page 17). Il est amplifié avec un facteur d’amplification kσ afin de le rendre sévère et ainsi faire fissurer l’éprouvette.
Les chargements
Les chargements sur les roues sont de plusieurs natures : statiques, cycliques et dynamiques. Cette partie permet de clarifier ces chargements.
Chargements statiques : On peut identifier un chargement statique principal qui résulte du frettage, qui est le montage de la roue sur l’essieu. La roue est montée serrée à froid (en force) sur l’essieu. L’interférence radiale qui peut aller jusqu’à plusieurs dixièmes de millimètres est spécifiée à la cotation de la roue et de l’essieu. Il résulte de cette opération un champ de contrainte constant dans toute la roue. D’autres chargements peuvent être répertoriés dans certains cas. Par exemple, sur la roue D, le montage des disques de frein va induire des contraintes proches des trous de la toile. Dans notre étude on ne considèrera pas ce chargement. En effet, ce chargement est un chargement qui induit des contraintes de compression favorables à la tenue en fatigue. De plus, la roue doit être en mesure de rouler sans les disques (sur les essieux moteurs notamment).
Chargements cycliques : On peut identifier deux types de chargements cycliques. Le premier, est celui qui résulte des efforts d’interaction entre la roue et le rail. Chaque rotation de la roue va induire un cycle de chargement en tout point de la roue. On l’appellera dans la suite le chargement de fatigue. Le second est une famille de chargement qui ont des temps caractéristiques plus longs : ce sont les chargements mécaniques et thermiques induits par le freinage sur la table de roulement (freinage semelle) ou sur les disques montés sur la roue (exemple de la roue D). On les nommera pour la suite les chargements de fatigue thermique.
Chargements de fatigue : Le chargement cyclique résultant de l’interaction entre la roue et le rail est généralement représenté par des chargements globaux variables. Suivant le(s) point(s) de contact entre la roue et le rail, les résultats d’effort ont des directions et des amplitudes variables. On peut décomposer ce chargement en un chargement vertical Q et latéral Y. Il existe trois cas de chargements principaux. On définit les cas de cette manière : en alignement le chargement latéral est nul , il est positif en courbe et négatif en passage dans les appareils de voie. Le(s) point(s) d’application des efforts peut varier. La courbe peut générer aussi sur certaines roues du bogie un chargement latéral négatif. De manière générale, en alignement, les chargements latéraux oscillent autour de zéro. Les valeurs des efforts dépendent de plusieurs facteurs :
_ la charge du train ;
_ la vitesse du train ;
_ les caractéristiques de la voie en général et plus particulièrement la courbure. De manière générale, les chargements sont variables et seuls des essais en ligne, consistant à mesurer ces essais en condition réelle, sont à même de nous informer sur les valeurs et la variabilité de ces efforts. On considère que ces chargements sont toutefois assez constants lors d’une rotation de roue ce qui permet de faire l’hypothèse suivante : une rotation de la roue avec des efforts constants entre la roue et le rail induit un cycle de fatigue.
Chargements de fatigue thermique : Dans cette étude, les chargement thermiques ne sont pas considérés car, même si la température de la roue peut évoluer dans les cycles de freinage, c’est la table de roulement qui subit principalement les contraintes thermiques dans le cas du freinage semelle (roue A , B et C) ou ce sont les disques dans le cas des roues D et E (les disques sont montés sur l’axe dans le cas de la roue E). On note toutefois que des dispositions particulières sont mises en œuvre pour vérifier la criticité de ces chargements (cf. partie 1.3.2, page 21).
Chargements dynamiques : Les chargements considérés jusque là sont des chargements quasi-statiques. Il faut toutefois noter que dans certaines situations les chocs sur un joint de rail ou un aiguillage mal ajusté peuvent engendrer des amplitudes de contrainte importantes. Il est toutefois difficile de modéliser ces phénomènes. Leur nombre, souvent considéré comme faible, est difficile à déterminer. Dans notre étude, on considère que les occurrences de ces phénomènes sont faibles face aux cycles de fatigues classiques. Toutefois il serait intéressant de faire une étude dédiée.
Contraintes résiduelles
La toile de roue peut présenter de fortes contraintes résiduelles de traction et de compression qui sont issues :
_ du traitement thermique de la jante de la roue (où on recherche un niveau de contraintes résiduelles de compression pour satisfaire la norme NF EN 13262 [2] (cf. figure 1.11, page 21)). On estime les niveaux de contrainte dans la toile et dans la jante de l’ordre de plusieurs centaines de MPa.
_ de l’usinage de la toile.
On sait que la durée de vie en fatigue va être fortement influencée par ces contraintes. Le résultat des opérations de fabrication et de frettage de la roue sur l’axe (chargement statique introduit précédemment) constitue un champ de contrainte statique à considérer pour calculer finement la durée de vie. Des analyses DRX effectuées par Benabes [7] ont montré la présence de contraintes résiduelles de compression de l’ordre de 100 MPa sur des éprouvettes issues de roue. Selon lui, une partie des contraintes résiduelles se relaxent de façon significative après cyclage. Toutefois, une étude expérimentale menée par SNCF [19] a montré que pour une roue ayant subit 262600 kilomètres, les contraintes résiduelles dans la roue restent importantes et que la relaxation est par conséquant négligeable. Les valeurs des contraintes dans la toile de la roue (objet de notre étude) peuvent atteindre plusieurs centaines de MPa. Bernasconi et al [8] ont montré sur l’Acier R7T (proche de l’ER7) que le matériau est sensible à de fortes contraintes moyennes de compression (cf. figure 4.28, page 144).
Choix du cycle normatif
Le choix du cycle normatif, issu de l’expérience, est très conservatif. En effet, ce cycle est la succession de trois cycles extrêmes issus des 3 configurations de référence. Ce cycle surestime la criticité pour deux raisons principales :
1. La succession des 3 cycles fait notamment apparaître l’enchainement d’une courbe avec le passage en appareil de voie (Passage cas 2 à cas 3). Cet enchainement est très sévère car il consiste à faire une inversion de l’effort latéral qui génére par conséquent une amplitude de contrainte très importante. Or, cet enchainement n’est que très peu observé dans la vie réelle d’une roue.
2. Les valeurs des efforts latéraux (Fyi) et verticaux (Fzi) sont issues de l’expérience d’usage des roues et sont basées sur le tonnage maximal autorisé à l’essieu du matériel qui est bien souvent supérieur au tonnage réel. Le tonnage est plus faible sur une roue utilisée pour le transport de voyageurs que sur une roue de wagon de fret car l’utilisation est différente. Les valeurs des efforts latéraux sont de l’ordre des valeurs maximales des efforts pour la courbe (Fy2). Pour le cas de passage dans les appareils de voie (Fy3), cette valeur est même largement supérieure à celle observée sur les essais en ligne. Les valeurs des chargements Fzi sont basées sur le tonnage du train avec un coefficient multiplicateur pour prendre en compte les effets dynamiques.
La méthode de l’équivalence fatigue uni-entrée
On présente ici l’état de l’art de la méthode de « l’équivalent fatigue » dans le cas de champs de contraintes uniaxiaux. Les travaux réalisés pour l’industrie automobile par PSA [54], ainsi que la thèse de Genet [22], ont développé et utilisé la méthode. Nous présentons ici la méthode telle que décrite par Thomas et présentée dans [45]. « L’équivalent fatigue » est une méthode de traitement des signaux aléatoires pour la fatigue des structures. L’objectif de la méthode, est de traduire une sollicitation temporelle d’effort donné en une sollicitation cyclique, définie par un scalaire, équivalente du point de vue de la fatigue. Pour mettre en œuvre la méthode, il faut avoir un enregistrement de la sollicitation temporelle subie par la pièce à dimensionner durant toute sa vie ou, du moins, un enregistrement représentatif de ce que subit la pièce durant cette dernière. Nous allons faire un bref résumé de la méthode afin de présenter son intérêt et les différents aspects de la démarche. Pour appliquer la méthode, il faut se placer dans le cadre suivant :
_ Fatigue à grand nombre de cycles (contrainte dans le domaine élastique du matériau),
_ Matériau de type métallique,
_ État de contrainte uniaxial,
_ Problème uni-entrée (une seule sollicitation à point d’application fixe),
_ Contrainte quasi-statique.
La méthode est basée sur le fait que, dans le cas d’un état de contrainte uniaxial, la contrainte est directement proportionnelle (en élasticité) à la sollicitation. Ainsi, tout ce qui est valable pour la contrainte s’appliquera à la sollicitation. La méthode permet de trouver le niveau de sollicitation F0, correspondant à Ne cycles, qui induit le même dommage que le signal temporel. La méthode comporte 5 étapes, les quatre premières étant celles de la méthode de prédiction de la durée de vie en fatigue uniaxiale basée sur la courbe de Basquin :
1. Une méthode de comptage des cycles qui extrait du signal temporel de la sollicitation les cycles endommageants (Fmax, Fmin) ou (Fa, Fm).
2. Une courbe de Basquin (Fa, N) qui, à un Fa, associe un nombre de cycles avant rupture.
3. Une prise en compte de la valeur moyenne qui transforme les cycles (Fa, Fm) en cycles (F ′a, Fm =0) induisant le même dommage.
4. Une méthode de cumul de dommage.
5. La recherche de la valeur de la sollicitation équivalente du point de vue du dommage.
Nous allons aborder chacun des aspects de cette méthode l’un après l’autre.
Comptage de cycles : Pour une analyse en fatigue, il est nécessaire de décomposer la séquence de chargement en cycles élémentaires caractérisés par leurs valeurs moyennes et leurs amplitudes. Pour cela, on utilise une méthode de comptage des cycles. Il existe de nombreuses méthodes pour extraire les cycles d’un signal temporel à une seule variable (ici, la sollicitation). Les travaux de Banvillet [5] font l’état de l’art de ces méthodes. Il existe six grandes familles de techniques de comptage :
_ le comptage des temps de maintien,
_ le comptage des extrema,
_ le comptage des dépassements de niveaux,
_ le comptage des étendues,
_ le comptage des étendues appariées,
_ le comptage de cycles Rainflow.
Essais d’endurance de Gough et al. [21]
Ces essais ont été réalisés sur un acier SAE1045 avec une résistance mécanique à la rupture Rm = 624 MPa. Les limites de fatigue suivantes sont utilisées pour identifier les critères :
_ Limite d’endurance en flexion alternée : f−1 = 584 MPa
_ Limite d’endurance en torsion alternée : t−1 = 624 MPa
Ce sont des essais de flexion et torsion combinée phasées pour un rapport de charge de flexion et de torsion variable. L’ensemble des données d’essai est synthétisé par Benabes [7]. On observe les coefficients de danger correspondant à ces essais sur la figure 3.13 de la page 100. Le critère de Dang Van et de Papadopoulos présente des résultats plus conservatifs et légèrement meilleurs que ceux de Crossland et Deperrois modifié. Toutefois dans ces conditions de chargement proportionnelles tous les critères donnent des prévisions acceptables.
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Table des matières
1 La roue ferroviaire : caractéristiques et dimensionnement en fatigue
1.1 Les roues ferroviaires
1.2 Matériau de la roue : Acier ER7
1.3 Analyse mécanique : chargements et contraintes
1.4 Méthode de dimensionnement normative
1.5 Limite de l’approche normative
2 Durée de vie en fatigue et équivalence du dommage : étude bibliographique
2.1 Chargement à amplitude constante
2.2 Chargement déterministe d’amplitude variable
2.3 Chargement aléatoire statistique
2.4 Méthode d’équivalence uni-axiale
2.5 Méthode d’équivalence de Genet
3 Proposition d’une méthode d’équivalence en fatigue pour la roue ferroviaire
3.1 Démarche de travail retenue pour l’obtention des efforts équivalents
3.2 Nouvelle campagne d’essais
3.3 Comparaison et choix des critères pertinents pour l’étude
4 Contribution au dimensionnement en fatigue des roues ferroviaires : estimation des chargements de conception et de la fiabilité
4.1 Méthode de recherche de chargements équivalents
4.2 Étude des chargements réels
4.3 Estimation des chargements de conception sur 5 roues 120 2/163 Dimensionnement en fatigue sous sollicitations multi-paramètres variables Clément Roux
4.4 Estimation de la fiabilité d’une roue ferroviaire : Exemple de la roue D
4.5 Calcul de la criticité vis-à-vis des chargements réels et des contraintes résiduelles sur la roue E
A Annexe 149
A.1 Géométrie et plans d’extraction des éprouvettes de fatigue 149
A.2 Construction des matrices d’usages virtuels 157
A.3 Contraintes statiques : comparaisons des différents modèles 158
Bibliographie
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