Glissement et effondrement
Le glissement représente environ 6% des ruptures observées sur les ouvrages hydrauliques. Cette défaillance est bien appréhendée par les ingénieurs, ce qui explique probablement la faible proportion de rupture d’ouvrages hydrauliques par glissement en masse. L’équilibre d’un talus dépend de sa géométrie, des caractéristiques mécaniques des matériaux, et de la présence d’eau dans le sol. Par exemple lorsqu’on augmente la pente d’un remblai, il peut arriver un stade où les forces motrices dues au poids des terres l’emportent sur les forces résistantes dues au frottement le long de la surface de rupture, provoquant un glissement aval de l’ouvrage. Ce cas de glissement se produit souvent lorsque l’ouvrage hydraulique est en charge. Il est donc particulièrement dangereux par rapport à la quantité d’eau qu’il peut laisser pénétrer dans la zone protégée s’il provoque la rupture d’une partie de l’ouvrage. Le glissement du parement amont peut également se produire, en particulier dans le cas d’une vidange d’un ouvrage ou d’une décrue. En effet lorsque l’ouvrage est en charge, l’eau sature le sol et apporte une poussée stabilisatrice. Pour le cas des sols sans cohésion, la tenue du parement amont dépend bien souvent de cette poussée stabilisatrice de l’eau.
Erosion interne
L’érosion interne est « l’entraînement vers l’aval des particules constitutives du remblai sous l’action d’un écoulement provenant de la retenue ou de la nappe » [6]. Elle provoque la destruction progressive de l’étanchéité du remblai par l’action mécanique de l’eau, et se développe sous l’action conjointe de l’arrachement et du transport des particules. L’érosion interne peut se développer à partir de tout défaut initial d’étanchéité, à la suite d’un accident ou en raison du vieillissement de l’ouvrage, par les mécanismes suivants :
▪ Erosion de conduit : Un défaut pré-existant de type fissure ou conduit, traverse une partie du remblai. L’eau qui circule dans ce conduit développe un entraînement suffisant pour arracher et transporter les particules des parois. Ce type d’érosion concerne les sols cohésifs.
▪ Erosion régressive : L’écoulement à travers l’ouvrage entraîne des particules vers aval. Cela crée un conduit ou une perte de matière qui progresse vers l’amont. Si ce conduit est tenu par une partie supérieure cohésive ou si la perte de matière atteint la retenue amont, une brèche peut s’initier.
▪ Erosion de contact : L’écoulement qui traverse un sol grossier entraîne les particules d’un sol fin au contact des grains grossiers.
▪ Suffusion : L’écoulement traversant un matériau à granulométrie discontinue ou étalée entraîne les particules de la fraction fine libres de se mouvoir à travers les vides des particules grossières (ou squelette).
Etat de mer
Au large, il est possible de disposer de données par le biais de modèles numériques de prédiction de la houle basée sur les données de vent ou de modèles de houle. Les données au large peuvent alors être exploitées en conjonction avec un modèle de transformation de la houle pour fournir les conditions de mer sur le site côtier considéré. Généralement les vagues générées au large ont une période comprise entre 1 et 20s. Leur amplitude, période et direction dépendent de la vitesse du vent, de la durée durant laquelle il s’applique, de sa direction, et du « fetch », qui est la distance par rapport à la surface de l’eau sur laquelle le vent agit.Lorsque le vent agit suffisamment longtemps avec un fetch assez grand, les vagues générées en pleine mer peuvent parcourir des distances importantes jusqu’à atteindre les côtes. La prise en compte de ces vagues formées non-localement constitue une difficulté dans la prédiction des conditions de mer : elles peuvent en effet se produire alors que les conditions locales sont clémentes. Le déferlement des vagues est un phénomène physique difficile à décrire analytiquement mais qui influence le comportement des vagues, le transport de sédiments, la sollicitation des ouvrages côtiers et les conséquences d’une surverse. Souvent, un terme de dissipation d’énergie est introduit dans les modèles lorsque les vagues atteignent une zone de profondeur limitée en comparaison de leur amplitude, afin de considérer même partiellement le déferlement. Le déferlement en eaux peu profondes affecte la hauteur de houle significative ??0 ainsi que la distribution de l’amplitude des vagues. Les courants, notamment les courants forts, ont une influence sur la propagation des vagues ainsi que sur leur cambrure.
Fonctions des digues maritimes
Tout comme les digues fluviales, les digues maritimes ont pour fonction de protéger certaines zones des inondations. En effet, le littoral est une zone dynamique exposée aux phénomènes naturels d’érosion et de submersion marine, en plus de concentrer un certain nombre d’activités humaines. Les aménagements côtiers ont pour rôle de préserver à long terme la zone littorale, tout en offrant la possibilité pour les hommes de maintenir et développer leurs activités sur les côtes. Le parc d’ouvrages est néanmoins vieillissant et fait face à de nouvelles problématiques tel que le changement climatique générant une montée du niveau de la mer et impactant certaines zones côtières de façon importante. Les ouvrages sont dimensionnés en fonction d’une houle de projet, qui est définie en fonction des houles du site étudié, et qui prend en compte la durée de vie de l’ouvrage ainsi que le risque admissible. La protection contre la surverse est une fonction essentielle d’une digue maritime : cette surverse peut avoir lieu de trois façons différentes, selon le niveau de « run-up » des vagues sur la structure. Le run-up correspond à la hauteur atteinte par une vague lorsque celle-ci se brise ou déferle sur l’ouvrage en place. En cas de runup suffisant, la vague surverse par paquets : une lame d’eau peut s’établir de façon cyclique sur la crête de l’ouvrage. Lors d’un run-up moindre, l’éclaboussure provoquée par le déferlement de la vague représente un volume d’eau susceptible de franchir l’ouvrage. Enfin, l’eau peut être projetée sous forme de « spray » sous l’action du vent sur la crête des vagues. Cependant ce dernier mode de surverse ne contribue pas significativement aux volumes de surverse, c’est pourquoi il n’est pas modélisé. Bien qu’il n’influence que de façon infime le volume de franchissement, il peut réduire la visibilité en cas de vent violent. Lors de la conception d’une digue maritime, la hauteur de la crête ne prend pas seulement en compte la hauteur de run-up et de surverse par les vagues ou paquets de vague, mais également d’autres paramètres. En Hollande jusqu’en 2016 [8], les éléments suivants étaient inclus dans la conception des digues et de la définition de la hauteur de la crête :
▪ Le niveau de référence de la mer, en considérant la probabilité qu’il soit dépassé, défini par une référence standard telle qu’une période de retour donnée,
▪ La montée du niveau d’eau prévue pendant la période de fonctionnement de l’ouvrage,
▪ L’affaissement du sol sur la même période,
▪ La diminution de la hauteur en crête sous l’effet du tassement du corps de digue et de sa fondation,
▪ Une hauteur supplémentaire selon les conditions de vent possibles,
▪ Les hauteurs de run-up et de surverse par les vagues.
Caractérisation du franchissement
La caractérisation du franchissement présentée dans cette partie reprend les principales méthodes de modélisations numériques détaillées dans l’EurOtop [8]. De nos jours, la prédiction des phénomènes de submersion maritime passe par des simulations numériques et des modélisations physiques en bassins d’essais. Néanmoins, ces techniques ont des limites : elles ne prennent pas en compte tous les paramètres qui permettent une bonne représentativité du système à l’échelle réelle et peuvent donc engendrer des modélisations biaisées. En particulier, les ondes longues et la courantologie ne sont que partiellement voire pas représentées en bassin d’essais. Actuellement, les canaux et bassins d’essais permettent de modéliser la houle dans une gamme de période située entre 4 et 20s, ce qui ne permet pas de modéliser certains états de mer. Par exemple, les tsunamis locaux non tectoniques ont une période de l’ordre de 10 minutes, et ceux d’origine tectonique ont une longueur d’onde proche de 60 minutes. La représentation des courants reste sommaire, sachant que les bassins d’essais de génie côtier sont très souvent seulement équipés d’un point d’injection et d’une prise, ne permettant pas de représenter un courant tel qu’il est rencontré en mer.
Surverse acceptable
Au cours d’une tempête, les volumes de franchissement acceptables sont spécifiques au site considéré car le volume d’eau qui peut être toléré dépend de la taille et de l’usage de la zone impactée, de l’efficacité des tranchées de drainage vis-à-vis des dommages évalués selon le niveau d’inondation et de la période de retour. La surverse acceptable est le plus souvent exprimée via les paramètres de débit de franchissement moyen q, et par le débit individuel maximal Vmax. On peut également avoir recours à des grandeurs physiques moins directes pour évaluer les effets de la surverse :
▪ Vitesses horizontales et verticales de franchissement sur la crête ou la promenade,
▪ Epaisseur de la lame d’eau, mesurée ou calculée en crête,
▪ Distance à la laquelle s’abat le volume surversé,
▪ Vitesses et hauteur d’eau post-surverse au bas du parement côté terre,
▪ Pression et forces exercées par les vagues sur la structure sous des conditions impulsives ou nonimpulsives. Les périodes de retour selon lesquelles sont estimés les dangers du franchissement et sont dimensionnés les ouvrages sont fixées par des réglementations nationales. Différents niveaux d’aléa peuvent être acceptables et évoluent à l’inverse de la période de retour considérée. On estime en général le franchissement acceptable pour des enjeux spécifiques, comme la limite pour la circulation des piétons et des véhicules, des immeubles et pour des dommages en crête d’ouvrage et sur le parement côté terre. Les limites de franchissement acceptables s’appuient sur le débit de franchissement moyen et la hauteur des vagues qui causent la surverse. La Recherche s’est focalisée sur la description des distributions de volumes surversés et le volume maximal Vmax peut désormais être estimé correctement pour des structures simples ; c’est un paramètre pertinent pour décrire la sévérité d’une surverse. Le débit de franchissement moyen q (exprimé en m3/s par m ou en L/s par m) est le paramètre principal de la description des mécanismes du franchissement et la plupart des autres paramètres lui sont liés. Il est aisé à mesurer en bassin d’essais, contrairement aux volumes individuels et de nombreux essais sur modèles physiques ont été réalisés dans le monde sur des structures idéalisées ou sur des applications réelles et des conceptions d’ouvrages. Ainsi, la base de données EurOtop-CLASH comporte plus de 13000 tests pour tous les types de structures, utilisés pour améliorer les formules empiriques mais souvent applicables à des structures typiques seulement.
Modèles Navier-Stokes
Les équations de Navier-Stokes offrent la description la plus complète des écoulements en calculant les 3 composantes de la vitesse et la turbulence, grâce à l’utilisation d’un modèle turbulent. Il est nécessaire de distinguer l’approche eulérienne, qui considère le fluide comme un milieu continu et discrétise le domaine de calcul en volumes de contrôle, de l’approche lagrangienne, qui calcule l’évolution temporelle de l’écoulement via l’interaction et la vitesse de particules fluides qui sont alors l’unité de discrétisation. L’approche eulérienne nécessite un traitement spécifique de la surface libre faisant appel à des méthodes « Volume of Fluid » (VoF) et « level-set ». Ces méthodes ont été étendues au génie côtier en posant des conditions aux limites réalistes pour la génération et l’absorption des vagues, en ajoutant des termes dans les équations de Navier-Stokes pour refléter la résistance à l’écoulement des parties poreuses des ouvrages ou en introduisant une certaine compressibilité de l’écoulement pour modéliser des conditions d’interaction houle-structure impulsives. Les modèles Navier-Stokes sont applicables à un large éventail de structures perméables ou non et de géométrie complexe et fournissent des informations détaillées sur les champs de vitesse et de pression. La non-linéarité de la houle est prise en compte dans les équations et l’hydraulique complexe du franchissement est bien traitée par les méthodes VoF. Ils sont plus performants que les modèles non linéaires en eaux peu profondes (NLSW) et Boussinesq sur la dispersion de la houle et le déferlement, la caractérisation de l’écoulement selon la verticale, le champ de pression non-hydrostatique et les écoulements en milieux poreux. Plus récents, les modèles VARANS (Volume Averaged Reynolds Averages Navier Stokes) ont démontré des performances accrues dans les calculs sur milieux poreux (Jensen et al., 2014). Mener des calculs sur le franchissement est réalisable en deux dimensions (typiquement moins de 24 h pour simuler 100 vagues), mais les simulations d’essais tridimensionnels en bassin demeurent inaccessibles dans des conditions de conception standards. Dans tous les cas, la validation de ces modèles, basée sur la comparaison avec des essais physiques, a été un sujet très actif ces dernières années et continue de l’être. Des avancées récentes ont été réalisées sur l’approche lagrangienne grâce aux modèles Smooth Particle Hydrodynamics (SPH), qui ne nécessitent pas de maillage complexe ou de traitement spécifique de la surface libre mais sont très coûteux numériquement et ne peuvent actuellement être appliqués à de grands domaines de calcul ou simuler les trains de vagues de longue durée nécessaires à l’étude des interactions houlestructure (Altomare et al., 2016 ; Dalrymple et al., 2001).
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Table des matières
Notice analytique
Remerciements
Liste des illustrations
Introduction
1. Etat de l’art en France
1.1 Digues fluviales
1.1.1 Eléments de contexte
1.1.2 Fonctions des digues fluviales
1.1.3 Caractéristiques des digues fluviales
1.1.4 Principales défaillances
1.1.5 Evénements marquants
1.1.6 Caractérisation de la surverse
1.2 Ouvrages de protection maritimes
1.2.1 Eléments de contexte
1.2.2 Niveaux et conditions de mer
1.2.3 Fonctions des digues maritimes
1.2.4 Différents ouvrages de protection contre les submersions
1.2.5 Principales défaillances
1.2.6 Evénements marquants
1.2.7 Caractérisation du franchissement
2. Essais de surverse
2.1 Contexte
2.2 Description du dispositif expérimental
2.2.1 Matériel de mesure
2.2.2 Protocole expérimental
2.3 Observations lors des essais
2.4 Critiques du dispositif
2.5 Bilan des expérimentations
3. Modélisation numérique
3.1 Description du code de calcul
3.1.1 Modèle mathématique
3.1.2 Modèle numérique
3.2 Modélisation de la surverse
3.2.1 Maillage
3.2.2 Initialisation du calcul
3.2.3 Visualisation des résultats des simulations
3.2.4 Etude des profils de vitesse
3.2.5 Etude des profils de la fraction en eau
3.2.6 Comparaison entre hauteur d’eau et hauteur d’écoulement
3.2.7 Comparaison des hauteurs d’écoulement numériques et expérimentales
3.2.8 Profils de vitesse moyenne le long de l’abscisse curviligne
3.2.9 Comparaison aux données expérimentales
3.2.10 Modélisation avec une fosse d’érosion
3.3 Modélisation du franchissement d’une vague solitaire
3.3.1 Géométrie du problème
3.3.2 Initialisation du calcul
3.3.3 Visualisation des résultats des simulations du cas 1
3.3.4 Analyse des résultats du cas 1
3.3.5 Visualisation et analyse des résultats du cas 2
3.4 Critiques
3.4.1 Concernant la modélisation de la surverse
3.4.2 Concernant la modélisation du franchissement
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
Annexe A : Fonctions de post-traitement des essais de surverse
Annexe B : Fonctions de post-traitement d’une vague solitaire franchissant un mur
Annexe C : Déroulement d’un calcul sur 1 domaine
Annexe D : Déroulement d’un calcul sur n domaines
Annexe E : Communication écrite soumise au colloque Digues2019
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