Digestion gastrique et pancréatique des protéines alimentaires
La digestion des protéines débute dans l’estomac sous l’action conjuguée de l’acide chlorhydrique et des pepsines. L’acide chlorhydrique sécrété par les cellules pariétales permet la dénaturation des protéines sous l’effet du pH, ce qui facilite l’accès des protéases à leurs liaisons peptidiques. Il permet également d’activer le précurseur de la pepsine, le pepsinogène, donc l’activation se poursuit par autocatalyse. La pepsine est une endoprotéase qui hydrolyse les liaisons impliquant des acides aminés aromatiques ou ramifiés, et transforme ainsi les protéines en peptides [47] . La digestion gastrique des protéines n’est que partielle (10 à 15% des protéines ingérées [48]) car le pouvoir tampon du bol alimentaire maintient le pH intragastrique à des valeurs supérieures à 5 alors que l’activité de la pepsine est optimale entre pH 2 et pH 4 et inhibée au-delà de pH 5 [49] . Ainsi, l’estomac permet essentiellement l’homogénéisation mécanique du bol alimentaire et la régulation de la libération du chyme dans le duodénum. La vitesse de la vidange gastrique n’a pas d’impact sur l’absorption globale des protéines et leur digestibilité [50–52] mais affecterait la cinétique d’absorption des acides aminés dans l’intestin grêle et leur devenir métabolique [53] .
La lumière duodéno-jéjunale accueille l’étape déterminante de la digestion enzymatique des protéines [46]. Le suc pancréatique excrété par le sphincter hépatopancréatique neutralise l’acidité du chyme en sortie gastrique par la libération de bicarbonate. Il fait également intervenir des peptidases, qui se subdivisent en deux catégories selon leur site de coupure. Les endopeptidases (trypsine, chymotrypsine, élastase) ciblent les liaisons internes de la chaîne peptidique. Les exopeptidases complètent leur action par l’hydrolyse des extrémités, libérant l’acide aminé en position N-terminale (aminopeptidase) et en position C-terminale (carboxypeptidase). La majorité des peptidases clivent la chaîne en une position précise, selon la nature du site adjacent de liaison du substrat (Tableau 1). La trypsine est issue de l’activation du trypsinogène par une entérokinase de la bordure en brosse des entérocytes et active ensuite les autres enzymes. L’activité des peptidases est optimale entre pH 8 et pH 9 et mène à la libération d’oligopeptides de 2 à 8 acides aminés (70%) et d’acides aminés libres (30%) [48] . Ces oligopeptides sont pris en charge par les aminopeptidases de la bordure en brosse et hydrolysés en acides aminés, di- et tripeptides prêts à être absorbés [54] .
Absorption des peptides et des acides aminés par les entérocytes
Les produits de la digestion pénètrent dans les entérocytes par transport actif secondaire. Les acides aminés sont majoritairement absorbés par cotransport avec le Na+ [48], les transporteurs pouvant être stéréospécifiques ou prendre en charge plusieurs groupes d’acides aminés. Les di- et tripeptides sont absorbés par l’intermédiaire de PEPT1 [61] , un transporteur H +- dépendant à large spécificité de substrat [62], et constituent la forme majoritaire de l’azote absorbé (> 50%) [63] . Ils sont transportés indépendamment des acides aminés libres et plus rapidement (rythme 70-80% supérieur) [54,64], suite à l’efficacité élevée de PEPT1 [65] et sa large expression dans l’intestin grêle [62] . Les peptides absorbés sont hydrolysés par les peptidases intracellulaires des entérocytes, libérant des acides aminés qui passent la membrane basale des cellules intestinales et rejoignent la circulation portale par des capillaires sanguins (Figure 4). Le rythme de digestion varie selon la source et la nature des protéines alimentaires, ainsi que leur environnement dans le repas, ce qui aboutit à des ratios entre peptides et acides aminés libres différents [66] . Ces variations entraînent des différences dans la mobilisation des transporteurs entérocytaires et s’étendent ainsi au rythme d’absorption des peptides et des acides aminés [67] .
Environ 10% des acides aminés absorbés sont utilisés par les cellules intestinales pour leur propre métabolisme. Les entérocytes utilisent la glutamine, le glutamate et l’aspartate comme combustibles [68,69] pour répondre à leur besoin énergétique élevé induit par l’absorption des nutriments et le renouvellement cellulaire rapide de la couche épithéliale [70] . Les entérocytes occupent trois fonctions vis-à-vis des nutriments protidiques : 1) la digestion des oligopeptides au pôle apical par les enzymes de la bordure en brosse ; 2) le transfert des acides aminés, di- et tripeptides de la lumière intestinale vers le milieu intérieur ; 3) la transamination des acides aminés, restituant l’azote à l’organisme sous une forme d’échange (alanine, proline, citrulline). Des données suggèrent que l’utilisation intestinale de la glutamine est responsable d’une part importante de la production globale d’ammoniac dans l’organisme .
Métabolisme des protéines dans le côlon
Environ 12 à 18 g de protéines entrent dans le gros intestin chaque jour, soit 2 à 3 g d’azote présent sous forme d’urée, d’ammoniac, nitrate et acides aminés (10-15%), de protéines (48-51%) et de peptides (34-42%) [72] . L’azote colique est en majorité d’origine endogène et bactérienne [73,74] mais les niveaux d’azote alimentaire entrant dans le gros intestin restent significatifs et peuvent augmenter considérablement lors de l’ingestion de protéines peu digestibles [73,75] . En moyenne, 10% de l’azote alimentaire n’est pas absorbé et atteint le côlon, où il est intégré à l’activité protéolytique du microbiote. Après hydrolyse par les protéases extracellulaires, les acides aminés libérés sont intégrés dans les protéines bactériennes ou catabolisés par transamination, désamination et décarboxylation. Ces réactions mènent à la production de métabolites bactériens dont des acides gras courte chaîne (acétate, propionate, butyrate), des acides organiques (formate, lactate, succinate), de l’éthanol et des gaz (H2, CO2) [36] . Les acides aminés alimentaires sont absorbés en majeure partie dans le duodénum et le jéjunum supérieur proximal [76], et leur absorption ne se poursuivrait pas dans la muqueuse colique [73,77,78]. Cependant, des études chez le porc suggèrent une potentielle capacité du côlon à absorber les acides aminés de manière limitée [77,79] mais un tel mécanisme n’a pas encore été mis en évidence chez l’Homme adulte .
Seulement 5% à 10% de l’azote alimentaire se retrouve excrété par les fèces et l’azote fécal n’est qu’un reflet inexact des protéines non digérées [80] . Les pertes fécales d’azote représentent 10 à 15 % des pertes totales (métaboliques + digestives) et diffèrent selon les acides aminés. Elles sont plus élevées pour la thréonine et la cystéine (30 à 40 % des pertes totales) du fait de leur teneur élevée dans les protéines des mucines digestives .
Par ailleurs, une partie de l’azote colique provient d’un recyclage de l’urée d’origine hépatique, estimé à 15 g par jour chez l’adulte [82]. Il est estimé que 25% de l’urée produite est utilisée par le côlon [83] et que ce mécanisme serait soumis à régulation. La proportion du flux de recyclage entéro-hépatique de l’azote augmente dans le cas de faibles apports en protéines [82,84,85] et possiblement lorsque la qualité des protéines alimentaires est moindre, afin de limiter les fuites d’azote sous forme d’urée .
Flux d’azote endogène et exogène dans l’intestin
Le flux d’azote intestinal se décompose entre intestin grêle (29 g N/jour) et côlon (20 g N/jour) [86]. Les échanges avec la circulation systémique sont différents selon le segment considéré. Les pertes azotées s’évaluent à environ 3 g N/jour en sortie d’iléon terminal et à 2 g N/jour dans les fèces (Figure 5). La digestion des protéines alimentaires est généralement incomplète, mais l’alimentation n’est pas le contributeur majoritaire des pertes azotées digestives. Dans la lumière intestinale, les protéines alimentaires (80-100 g/jour) sont mêlées aux protéines endogènes(20 50 g/jour) [81] . L’azote endogène provient des enzymes salivaires, gastriques, biliaires et pancréatiques sécrétées au cours du processus de digestion (20-33 g), des cellules épithéliales intestinales desquamées (5-6 g), des pertes plasmatiques (albumine et immunoglobuline, 3-6g) et des protéines du mucus [36]. Environ la moitié se trouve sous forme protéique, le reste étant constitué de peptides et d’acides aminés libres .
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Table des matières
Sommaire
Remerciements
Résumé
Abstract
Sommaire
Liste des figures
Liste des tableaux
Abréviations
Contexte de réalisation de la thèse
Valorisation scientifique
Introduction générale
Chapitre 1 Introduction bibliographique
1. Métabolisme protéique
1.1. Digestion gastrique et pancréatique des protéines alimentaires
1.2. Absorption des peptides et des acides aminés par les entérocytes
1.3. Métabolisme des protéines dans le côlon
1.4. Flux d’azote endogène et exogène dans l’intestin
1.5. Métabolisation postprandiale des acides aminés
2. Besoin et apport protéique
2.1. Evaluation du besoin en protéines
2.2. Evaluation du besoin en acides aminés
2.3. Apports protéiques des populations européenne et française
3. Qualité nutritionnelle des protéines
3.1. Critères de qualité nutritionnelle
3.2. Effet de la source : protéines animales et végétales
3.3. Focus sur la protéine de pois
3.4. Facteurs limitants et enjeux méthodologiques de l’évaluation de la qualité des protéines
4. Méthodes de mesure de la digestibilité in vivo
4.1. Mesure de la digestibilité au niveau fécal
4.2. Mesure de la digestibilité iléale des acides aminés en modèle animal
4.3. Estimation des pertes endogènes
4.4. Mesure de la digestibilité iléale des acides aminés chez l’Homme
Chapitre 2 Travaux de thèse
1. Objectifs généraux
2. Méthodes utilisées
2.1. Production des protéines doublement marquées
2.2. Mesure de la digestibilité des protéines chez le rat et chez l’Homme
2.3. Méthodes analytiques
3. Articles
3.1. Article 1 : Évaluation multicritères de la qualité de la protéine de pois chez le rat : comparaison
avec la caséine, le gluten et la protéine de pois seule ou supplémentée en méthionine
3.2. Article 2 : Utilisation de la digestibilité cæcale comme approximation de la digestibilité iléale
des protéines chez le rat
3.3. Article 3 : Digestibilité iléale réelle des acides aminés de la protéine de pois en comparaison
à la caséine chez l’Homme sain
3.4. Article 4 : Comparaison de la méthode double traceur à la méthode directe dans l’évaluation
de la digestibilité iléale des acides aminés de la protéine de pois et de la caséine chez l’Homme
Chapitre 3 Discussion
1. Qualité nutritionnelle de la protéine de pois et comparaison à d’autres sources
2. Méthodologie d’évaluation de la digestibilité iléale des protéines chez le rat
3. Développement de la méthode double traceur chez l’Homme
Conclusion
Références
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